Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1010 - 1343 - La Saintonge du Moyen-Age révélée par les cartulaires des abbayes

vendredi 6 mars 2009, par Pierre, 3549 visites.

Un tableau précis de la Saintonge médiévale : c’est le résultat de la lecture qu’a fait pour nous Théodore Grasilier des cartulaires des abbayes, en 1871. Archéologie, géographie, ethnographie, sociologie, droit, économie et fiscalité : les cartulaires nous révèlent les us et coutumes de la Saintonge médiévale, ses modes de vie et l’organisation de la société.

Source : Cartulaires inédits de la Saintonge par l’abbé Théodore Grasilier - Niort - 1871
- T. 1 : Cartulaire de l’Abbaye de Saint-Etienne de Vaux, de l’Ordre de Saint-Benoit, suivi des chartes du prieuré conventuel de Notre-Dame de la Garde en Arvert, de l’Ordre de Granmont
- T. 2 : Cartulaire de l’abbaye royale de Notre-Dame de Saintes, de l’Ordre de Saint-Benoit.

Les initiales C. S. renvoient au Cartulaire de l’abbaye de Saintes ; C. B., à celui de Baigne ; C. V., a celui de Vaux ; et C. G., aux chartes de N.-D. de La Garde.

 Archéologie monumentale

Nos chartes font souvent mention de chemins publics, tels que celui de Saint-Pallais qui longeait le cimetière du lieu, via Sancti Palladii juxta cimiterium, la voie pavée, communis strata, de Pont-l’Abbé, la voie de Thérac aux Arènes de Valay, et bien d’autres. Il y a là des éclaircissements utiles pour la recherche des voies romaines de la Saintonge.

Quelques places publiques sont également désignées. Un acte daté de Royan, a été passé sur une place à l’entrée d’un bois, in platea juxta nemus. Saintes avait comme aujourd’hui ses halles sur une place dite de Saint-Pierre ; platea Sancti Petri ad scanna.

En fait d’édifices publics, nous retrouvons plusieurs fois l’arc de triomphe du pont, arcus ou fuerna pontis.

L’entrée de la ville, du côté de ce pont, est défendue par une tour à laquelle sont contigus les ateliers monétaires de l’abbaye. Ces ateliers se trouvant dans l’enceinte des remparts, cette tour ne saurait être celle de Maltrible, construite au milieu du pont, et dont la construction fut probablement postérieure au traité de 1259, qui établissait la Charente comme limite entre les possessions de la France et celle de l’Angleterre.

La ville de Saintes avait une autre entrée mentionnée dans une charte sous un nom que l’on ne peut écrire qu’en latin (Porta rnerderia). Une note marginale avertit qu’on a remplacé ce nom par celui de porte Aiguière, Porta aquaria.

Le faubourg Saint-Pallais avait également son enceinte, dont le canal de dérivation de la Charente, creusé par les premières abbesses, formait le fossé appelé la Douhe dans les notes marginales du Cartulaire de Saintes [1] et dans le dénombrement de Jeanne de Villars. Les eaux de ce canal venaient de Saint-Sornin du Coudret, et mettaient en mouvement les moulins construits par Harsende, sur le pont Amillon. Le nom de ce pont est resté à la rue qui y conduisait.

Mais la principale fortification de la ville était son antique capitole tenu en fief et gouverné par les châtelains de Saintes. Cette citadelle élevée dans une position des mieux choisies devait avoir conservé sa forme primitive. Sa vaste enceinte renfermait, à l’époque romaine, des temples magnifiques. On avait construit depuis dans ses dépendances l’église de Saint-Frion et le monastère de Notre-Dame du château.

Ces deux églises ont disparu comme le château lui-même, comme les cloîtres de Saitit-Macout et de Saint-Pierre dont parlent les cartulaires. Bien d’autres édifices également mentionnés ont eu le même sort. A peine retrouverait-on aujourd’hui quelques pierres de l’église Saint-Martin de Senzillac, de Saint-Macout de Nancras, de Saint-Michel de la Nuelle, près Pont-l’Abbé. Avant peu les derniers vestiges de l’église de Broue auront disparu. Broue, aujourd’hui un hameau, fut jadis une ville fièrement assise sur un beau promontoire à plus de vingt mètres au-dessus du niveau de la mer qui baignait ses remparts. Comme au temps de saint Léonce [2] et de saint Macout [3], on y voyait encore deux églises à l’époque de la fondation de l’abbaye de Saintes. Ces deux églises, dédiées l’une à saint Pierre, l’autre à saint Eutrope, ont fini par être réunies en une seule, desservie par un curé jusqu’en 1793. Il ne reste plus de Broue que quelques maisons et les ruines imposantes d’un ancien donjon d’une prodigieuse élévation, à l’extrémité du promontoire. Sa construction en petit appareil, le style de la cheminée dont on voit les restes, le caractère général du monument nous portent à le croire de beaucoup plus ancien que le donjon de l’Ileau que l’on dit contemporain.

Ce dernier, comme nous l’avons dit plus haut, nous paraît dater de l’époque de Henri II, roi d’Angleterre. Les murs et la toiture en plate-forme sont en belles pierres de moyen appareil.

Tels sont les principaux points d’archéologie monumentale indiqués dans nos Cartulaires. On y trouvera également la date de la fondation ou au moins de la consécration de quelques-unes de nos églises.

 Ethnographie

- 1. — Etat des personnes

Population. — Quelques chartes contiennent des listes des chefs de familles de certaines localités. On peut, à l’aide de ces listes, constater que la population n’y était pas inférieure en nombre au XIIe siècle à ce qu’elle est aujourd’hui.

Instruction. — Sous le rapport de l’instruction, au contraire, nous aimons à constater la supériorité de la population actuelle. L’Église, cependant, offrait à tous sans distinction les moyens de s’instruire. Des écoles publiques étaient attachées aux cathédrales et dirigées par un dignitaire du chapitre, le grand écolàtre ou maître ès-écoles, magister scholarum. Les monastères, même ceux de femmes, étaient des écoles de science en même temps que de vertu. Plusieurs chartes ont été écrites par des religieuses. Nous voyons un moine de Vaux, prieur de Saint-Augustin, donnant au fils du seigneur du lieu et à celui d’une pauvre veuve des leçons de latin dans l’antiphonaire et l’hymnaire du lutrin. Le fils de la veuve poursuivit même ses études chez son curé jusqu’au diaconat.

La langue latine était alors familière à tous. Ce n’est que vers le milieu du XIIIe siècle que l’on commença à rédiger les actes publics en français. Toutes nos chartes sont en latin. Si ce latin est incorrect et dépourvu d’élégance, les auteurs s’en excusent, non sur leur inhabileté, mais sur la nécessité de se rendre intelligible à tous : Cartulam dictavit simpliciter et inurbane, ut ab omnibus intelligeretur. (C. S., 65.) Cela ne les empêche pas néanmoins de viser parfois à l’effet et de tomber dans l’affectation et le style ampoulé. Malgré tant de gravité, la plume a laissé quelquefois échapper des traits satiriques. Ce n’est pas sans une intention un peu maligne, par exemple, que les religieuses de Saintes, dans une charte de transaction avec la dame de l’Epineuil qui leur contestait un droit, nous décrivent la tournure majestueuse de cette dame, et la représentent comme étant de toutes les bourgeoises de Saintes la plus considérable en embonpoint, concivium suarum omnium pinguissima. Enfin, des citations d’auteurs anciens, sacrés et profanes, dénotent une certaine érudition. Disons-le, néanmoins, le clergé était alors la seule classe qui prît soin de s’instruire, au point que laïque voulait dire tout le Contraire de lettré, et que l’on trouve cette distinction établie en ces termes : Discreti viri, tam laici quam litterati.

Langue et dialectes » — Les chartes étant exclusivement latines contiennent peu de vestiges du français de l’époque. Certaines formes comme Lodoicus, Lodovicus, ont paru à des auteurs appartenir à la langue d’Oc dont la Charente aurait formé chez nous la limite, comme elle est encore la limite des aspirations gutturales caractéristiques de la Saintonge méridionale. Dans des chartes écrites par des habitants du Périgord ou autres contrées limitrophes au sud de la nôtre, on retrouve les finales en i pour in : Segui pour Seguin, Deupi pour Dupin, ainsi que l’article féminin pluriel las pour les. L’article masculin lo pour le est usité chez nous comme chez nos voisins. Les terminaisons en ada ne sont pas moins fréquentes que celles en ata : cavaugada et cabalcata, corbada et corvata (chevauchée, corvée). Nous remarquerons aussi comme appartenant à la langue méridionale, le nom de civade donné à l’avoine en Saintonge où ce terme est inconnu de nos jours. Les mots en al ont été en au : la chanau pour le canal ; les noms en eau étaient en el ou en eu : Funel, Funeu pour Funeau, Bordel pour Bordeau. Ceux en ol sont parfois en ou : on trouve également Costou et Costol, Ricou et Ricol Le nom de Belosa donné à un particulier comme surnom doit peut-être s’écrire en deux mots dont le second prendrait un accent circonflexe sur l’â, pour prononcer comme nos campagnards, Bel osâ. (Bel oiseau). On dit encore en Saintonge un charré pour un charroi, comme au XIIe siècle où on l’écrivait charrei. Enfin, les mots en ier sont en eir quand on ne latinise pas leur finale en erius, et l’on écrit Cavaleir, Paleir, pour Chevalier, Palier. Nous trouvons dès le XIe siècle les noms vulgaires que portent encore chez nous certains végétaux ; on a latinisé dans les chartes les mots peseau (pois), geisce (vesce), pible (tremble), seuil (sureau), charve (chanvre) et autres. Nous ne prolongerons pas cette énumération des caractères que nous avons pu noter de notre dialecte au XIIe siècle, nous ajouterons seulement la remarque que les noms patronymiques commencent à être en usage, bien qu’il arrive encore fort souvent que le fils n’ait pas le même nom que son père ; que ces noms sont presque toujours des surnoms indiquant pour la plupart une profession ; enfin, que plusieurs ont un féminin pour l’épouse ou pour la fille aînée : Muloth, Mulota ; Meschinus, Meschina ; Bordet, Bordeta ; Godefreth, Godefrea.

Classe de citoyens, professions. — L’époque de nos Cartulaires est marquée par le progrès des institutions monastiques. L’Eglise l’a toujours favorisé, et a même fait en sorte d’amener le clergé séculier à se rapprocher le plus possible des formes de la vie conventuelle par l’établissement des chapitres. Nous voyons que celui de Saintes en observait certains usages.

Le clergé paroissial se recrutait surtout dans les monastères. On ne trouvait guère que là le personnel et les ressources nécessaires pour la restauration et le gouvernement des églises. Les seigneurs, de qui dépendait le temporel des paroisses, le confiaient de préférence aux abbayes : et ces dons étaient parfois de véritables charges, telles qu’une église en ruine ou une terre en friche. Car les religieux, tout en mettant en première ligne le bien spirituel, ne négligeaient aucun moyen de procurer le bien-être matériel du pays. Ils prouvaient en même temps, alors comme aujourd’hui, que l’accomplissement de nombreuses pratiques de religion n’est pas incompatible avec les exigences de l’agriculture et de la plus rigoureuse économie. Ils révélaient aussi aux populations toutes les ressources que peut offrir le pays le moins fertile, moyennant une vie laborieuse jointe à la pureté des mœurs. La société qui profitait de tant de services, se montra reconnaissante. Chaque donation, chaque legs pieux est un témoignage de religieuse gratitude. Non contents de donner leurs biens, plusieurs confient leurs enfants, consacrent même leurs personnes aux monastères, les uns en qualité de religieux, d’autres comme laïques ou donnés (donati). De grands seigneurs venaient ainsi demander au cloître le calme pour leurs derniers ans, ou l’expiation d’excès quelquefois énormes, dont l’aveu naïf est exprimé dans leurs chartes.

Un autre sentiment inspire aussi plusieurs libéralités, c’est le souvenir des défunts et le désir de soulager leurs âmes par le mérite de la bonne œuvre et les suffrages de l’Eglise.

Autre fait digne de remarque, c’est la protestation solennelle que font plusieurs donateurs, que leurs libéralités sont pleinement spontanées.

A côté du clergé et de la noblesse qui figurent le plus souvent dans nos chartes, nous rencontrons fréquemment une classe de citoyens de condition libre appelée burgenses ; parce qu’ils habitaient des villes se gouvernant elles-mêmes au moyen d’institutions municipales, comme Saintes. Ce nom de burgenses est aussi donné aux habitants de localités moins importantes où l’on jouissait, comme à Vaux, de libertés et franchises accordées en faveur des monastères.

A Saintes, un siècle avant l’établissement de la commune, telle qu’elle exista à partir de l’époque de Louis-le-Jeune, nous trouvons une classe de citoyens appelés seniores, les anciens. (C. S., 91,1079-1099.) Ce fait semble confirmer l’opinion de ceux qui prétendent que le régime de l’ancien municipe gallo-romain était encore suivi à Saintes et qu’Éléonore d’Aquitaine ne fit que le modifier dans la charte constitutive de la commune.

Les privilèges municipaux- étaient appréciés par la noblesse, et nous voyons des gentilshommes qualifiés burgenses Sanctonenses.

Les habitants des curtes et villae sont appelés villani.

Tous les vassaux en général sont dit clients. Ceux à qui le suzerain doit un logement moyennant une redevance ou un service, sont appelés casati ou mansionarii.

Plusieurs vassaux d’une classe inférieure, désignés sous le nom de rustici, sont attachés à la glèbe et se transmettent avec la propriété dont ils font partie, quand celle-ci change de maître : ainsi, un jardin se vend avec son jardinier, une terre avec ses colons. Il en est de même des colliberts, bien que d’une condition supérieure à celle des précédents (C. S., 1.) [4].

Nous n’avons trouvé mentionnée aucune corporation d’ouvriers, mais souvent des noms de métiers devenus les noms propres de Pelletier, Pelletan, Peletanus, Pelliparus, le Sueur, Sutor, le Maçon, Cementarius, le Changeur, Thelonearius. On voit aussi figurer des orfèvres, des peintres, des monnayeurs parmi les professions le plus communément exercées dans nos villes.

À cette époque, artisans et hommes des champs trouvaient dans la modération de leurs goûts le secret de vivre heureux. Une maison, un petit enclos, un journal de pré, un demi-journal de vigne, deux tonneaux, deux lits garnis de coëtes et coussins (coxtis et coxinis), deux bancs ou escabeaux, telle est, d’après une charte, la fortune d’un ménage rustique d’alors.

- 2. — Etat de la propriété

Régimes divers. — Sous le rapport du régime auquel elles sont soumises, les propriétés sont désignées dans les chartes sous des noms divers, dont voici les principaux :

L’aleu, alodium est une terre dont le possesseur n’a aucune redevance à payer à son seigneur.

Le fief, feodum, au contraire, oblige celui qui en jouit à reconnaître par l’hommage et certaines redevances, qu’il tient ce bénéfice de la libéralité de son seigneur. Celui-ci, néanmoins, ne peut en opérer le retrait par puissance de fief, c’est-à-dire en retirer la jouissance à son vassal, sans lui en donner l’équivalent en terres ou en argent

Les biens dont le suzerain se réserve exclusivement la jouissance, sont appelés : dominica, indominicata, dominia, indominicatio.

Une terre, avec habitation d’une certaine importance, constitue le maine, mainile, mansile, mansus.

Si le seigneur fournit au colon les animaux, semences et instruments nécessaires, c’est une borderie, burdaria ; affermée moyennant la moitié des fruits, c’est une métairie, medietaria, mediatura, medietas. La métairie, dans le langage de la contrée, représente l’étendue de terrain à la culture duquel suffit le travail de deux bœufs.

Les termes de clos et de cluseau, closdicium, clusellum qui sont devenus des noms de lieux, sont usités dans le sens que nous leur donnons encore.

Quant au terme d’ansterium, nous n’avons pu en déterminer la signification. La charte 227 du Cartulaire de Saintes fait mention d’une propriété de cette nature (cujusdam ansterii), située près de Vix, et dont la moitié est donnée à l’abbaye.

Agriculture et industries diverses. — Sur un sol aussi varié que celui de la Saintonge, il n’est pas surprenant que dès les temps les plus reculés, on ait vu prospérer tous les genres de cultures.

Dans les grandes forêts dont nous avons parlé, l’agriculteur trouvait en abondance le combustible et les bois nécessaires à la construction des habitations, bâtiments, futailles, charriots, bateaux, palissades. Le grand seigneur y trouvait un théâtre magnifique aux exploits des grandes chasses. Ce double avantage fort apprécié alors préservait le pays du fléau d’un excessif déboisement, malgré l’ardeur infatigable avec laquelle on opéra les défrichements entrepris par nos monastères.

On conservait avec soin les bois de peu d’étendue, désignés sous les termes de boscus, nemus, saltus, ainsi que les bois appelés breuils et breuillets (brolium, broUletum), le plus souvent renfermés de haies, de murailles ou de fossés. Telle est l’origine du nom de tous les lieux appelés Breuil, si communs chez nous. Il répond au Parc du nord de la France [5].

Un autre nom que portent un plus grand nombre encore de localités, est celui de Touche, Tuscha, sous lequel on désignait une plantation voisine d’une habitation. Ce nom se rapproche beaucoup de celui d’ouche, uscha, qu’on donne encore aujourd’hui à une pelouse sous une plantation d’arbres peu rapprochés les uns des autres et plus ou moins alignés.

Il est beaucoup question dans les chartes de Vaux d’un bois confrontant la mer de trois côtés, appelé le Deffens ou le Deffez, aujourd’hui l’Odefez. M. A. de Gourgues fait dériver ce terme usité en plusieurs endroits, de l’armoricain Derw, Derwen, chêne, d’où le nom de Druide, suivant certaines opinions. Ducange adopte cette étymologie de Deffens ; ce qui ne l’empêche pas d’y voir une forêt dans laquelle on aurait interdit la coupe des bois, la chasse et le pacage des bestiaux, (bois défendu, réservé).

D’après les mêmes auteurs, les verdegaria mentionnés dans beaucoup de chartes de Baigne, et dans lesquels nous sommes portés à ne voir que ce que nous appelons encore des vergers, il faudrait voir des bois ou lieux dans lesquels auraient eu leurs demeures les gruyers ou verdiers préposés à la garde des forêts ; et ce nom viendrait de la langue tudesque [6].

Nous sommes plus portés à croire emprunté à cette langue, et non au mot latin fagus, hêtre, le nom de plusieurs localités boisées, appelées Faia, Faye, Fayole. Ces noms sont fort communs dans des contrées où le hêtre est introuvable et ne croit que difficilement. La faye serait plutôt un bois de haute futaie.

Deux chartes de Baigne (C. B., 106 et 186), paraissent déterminer la véritable acception du mot nava sur laquelle Ducange hésite et se contente de citer deux opinions différentes. Ce mot désignerait un bois-taillis. Un bienfaiteur donnant à l’abbé de Baigne une partie de la forêt de Chantillac, y retient une nava pour y couper du bois sa vie durant. Ailleurs d’autres donateurs concèdent au même monastère une partie de la terre de Montront, située entre deux navas, et promettent de n’en jamais maltraiter les habitants.

La charte 61 de Baigne désigne sous le nom de vaura une terre située près d’une église. Le texte ne fournit aucun éclaircissement sur la valeur de ce terme. Certains auteurs pensent qu’il désigne une terre inculte dans le principe et que l’on a plus tard convertie en bois par des semis de chênes.

Une autre sorte de semis est le pinèdre, pinetum, pinada, d’une importance très-grande dans les dunes, dont il arrête la marche envahissante. L’idée de boiser ainsi les sables dans ce but n’est pas nouvelle. Les religieux de Vaux et de la Garde la mettaient en pratique au moyen âge, et en 1715, l’abbesse de Saintes, Mme de Caumont-Lauzun, affermait, à la condition qu’on y fit des semis semblables, les Sables-Bariteau et ceux de la Seuillère, dans l’île d’Oleron.

Il y a aussi des plantations d’essences diverses suivant la nature du sol, telles que l’aubraie, anbarée, aubareda, la châtaigneraie, castanetum, commune dans le ressort de Baigne et le midi de la Saintonge, où elle porte le nom vulgaire de bois de frette.

Il y avait aux Gonds une plantation de buis, buxetum, appartenant au châtelain de Saintes, Francon du Capitole. Ce seigneur avait donné aux religieuses de l’abbaye de Saintes le droit d’y faire cueillir leurs rameaux chaque année.

Plusieurs noms de lieux, tels que les Ormes, l’Houmée, les Pibles, le Seuil et autres indiquent encore d’anciennes plantations ou des pieds isolés d’ormeaux, de.trembles, de sureaux et autres essences.

Les fourrages étaient aussi comme les bois l’objet d’un soin particulier. La plus grande partie était fournie par les terres marécageuses, paludes, appelées aussi en Saintonge monnards, monaria, et par les prés bas que couvrent les débordements périodiques des cours d’eau et nommés pour cette raison rivières, riberiae, flumina.

D’autres marais n’ont jamais produit que le carex, appelé ros dans nos chartes, et rouche dans le langage vulgaire actuel. On l’employait aux mêmes usages que de nos jours.

La vaste étendue des défrichements entrepris au profit de l’abbaye de Saintes donne une idée de l’impulsion que reçoit alors l’agriculture. Sur un point de la presqu’île de Marennes, 12 hectares de forêt, et sur un autre point de la même terre, 30 autres hectares sont donnés à défricher. A Corme-Royal la même opération est entreprise sur une étendue de 1,200 hectares. Des habitations et des moissons couvrent une contrée jusque-là déserte et inculte. Ces défrichements appelés essarts, complans, planities, complanationes, terra plana, ainsi que d’utiles dessèchements, donnent à l’agriculture ce qu’on appelle terres nouvelles, novellae, terrae novae, ou coutures, culturae.

Elles sont près qu’exclusivement consacrées à la vigne ou au blé en Saintonge. L’avoine est plus commune dans le Bas-Poitou et le Périgord. Cette dernière contrée cultivait aussi le mil, le millet et le panis dédaignés chez nous.

Nous voyons que de tout temps les levées des marais salants ont été utilisées pour la culture des fèves. Les terres fraîches sont transformées en jardins maraîchers appelés mathes dans le pays d’Arvert et à Royan, et mottes dans le reste de la Saintonge, et destinés toujours à la culture des légumes et du chanvre.

Le froment et les autres grains du même genre, dont le mélange fournit la méture, mixtura, souvent mentionnée dans les chartes, forment toujours la branche principale de l’agriculture en Saintonge. L’importance et le nombre des moulins à cette époque suffisent pour l’attester. Des travaux considérables de canalisation y conduisent les eaux qui les mettent en mouvement. Ainsi un canal navigable de dérivation amenait, comme nous avons dit, aux moulins du pont Amillon les eaux de la Charente qu’il prenait à l’endroit où elle commence à décrire une courbe en arrivant à Saintes.

La construction de ces moulins ou leurs réparations exigeaient parfois des sommes énormes, magnam et innumerabilem pecuniam. Aussi quelques-uns sont-ils communs à plusieurs maîtres, comme ceux du pont de Saintes, de Lucerat, de Chalon près du Gua.

Tous ne sont pas exclusivement employés à la minoterie ; des chartes de la Garde mentionnent des moulins à foulon.

C’est le plus souvent dans le voisinage des moulins que sont établies les pêcheries ou pêchoires dont il est question dans plusieurs chartes. Des pieux fixés dans le lit des eaux en marquent l’emplacement ou y forment des palissades. Dans l’étang de Vaux elles étaient formées par des taillées, terme usité encore dans le langage du pays, comme au XIIe siècle, pour désigner une digue ou une levée.

Ailleurs les pêcheries consistent en fosses, scavae, où le poisson se réfugie, quand le lit des eaux est mis à sec au moyen d’écluses, exclusae.

Ces pêcheries constituaient une sorte de domaine, et se donnaient en fief. Un sire de Mornac concède à l’abbaye de Saintes le tiers d’une pêcherie attenante à un moulin, avec le droit d’y faire pêcher une fois l’an dans la nuit qu’on jugera la plus favorable. Il avait également donné à l’abbesse le droit d’envoyer dans le marais de Barbareau le meilleur pêcheur, et dans la forêt de Salis le plus habile oiseleur qu’elle pourrait se procurer. Les engins de pêche dont il est question dans nos chartes n’ont rien qui soit digne de remarque ; ce sont des filets, retia, la seine, sagena et le sac à mettre le poisson, manica piscationis. On verra dans les chartes de Notre-Dame de la Garde que les moines de ce prieuré avaient des pêcheries de seiches sur les bords de la Seudre. C’étaient des réservoirs établis dans les terres salées du rivage, où ces mollusques entraient avec la marée montante. On en fait sur nos côtes et dans nos îles une consommation considérable. On en conserve desséchés. A ce dernier état on les appelle seiches parées. C’est peut-être la sepia tabularia dont parle la charte 69 de Vaux ; à moins que ce terme ne désigne la seiche adulte dans laquelle l’os est complètement formé.

Mais de toutes les industries de l’époque de nos cartulaires, la plus intéressante et la plus importante pour la contrée était sans contredit celle des salines ou marais salants. Nous la trouvons alors arrivée à un point de perfection que les âges postérieurs n’ont fait qu’imiter. Les procédés, les termes, l’outillage, rien n’a changé depuis la plus haute antiquité. Les salines d’aujourd’hui ne différent des anciennes que par la décadence de cette précieuse industrie. Cette décadence date de l’établissement de la gabelle. Au siècle dernier, Mme de Parabère, rendant compte des revenus de son abbaye au clergé de France, disait dans un document que nous avons sous les yeux : « Les coutumes des sels de Marennes sont en recette. Elles produisoient autrefois, année commune, 5,000 livr., et aujourd’hui que le commerce des sels est absolument ruiné en Saintonge, elles ne rapportent que 2,000 ou 3,000 liv., quelquefois dans les meilleures années 4,000 livres [7]. » Notre siècle a vu décroître encore davantage la prospérité de ces belles salines dont Bernard Palissy, qui en avait dressé le cadastre, nous a laissé une description des plus intéressantes, et dont il dit : « Et n’y a homme ayant veu le labeur de tous les marez de Xaintonge, qui ne jugeast qu’il a fallu plus de dépence pour les édifier, qu’il ne faudroit pour faire une seconde ville de Paris [8]. »

Races d’animaux. — La propagation des races d’animaux utiles à l’agriculture est encore un indice de prospérité constaté par nos chartes.

On peut juger de la multiplicité de la race bovine par le chiffre de 25 vaches enlevées dans une seule razzia à la prieure de Marennes par le sire de Broue. Mais voici sur ce fait un document d’un caractère tout-à-fait officiel. Plusieurs chartes de l’abbaye de Saintes (252-270), contiennent ce que nous appellerions aujourd’hui des rôles de prestation. Sur ces rôles qui ne concernent que les domaines de l’abbaye dans la presqu’île de Marennes , là où le bœuf est de nos jours une rareté, nous voyons figurer, sous la conduite de 277 hommes, 292 bœufs de travail et 125 ânes. Le village de Luzac compte à lui seul 65 bœufs et 16 hommes de corvée. Il faudrait pouvoir ajouter à ces chiffres celui des animaux à l’engrais dans les belles prairies de cette contrée, pour donner une idée complète du fait que nous constatons.

Les chevaux sont plus rares et paraissent exclusivement employés aux besoins de la guerre et à servir de monture aux gens de qualité et à leur suite. Le prix d’un cheval était double de celui d’une paire de bœufs.

L’âne, au contraire, est fort commun. C’est lui qui porte les fardeaux, le bois, le sel, la vendange et même le vin. Les gros chargements comme le labour sont réservés au bœuf.

Les moutons et les brebis pullulent ; mais il n’est jamais question des chèvres. Nous ignorons la raison du silence de nos chartes à leur sujet. À Pont-l’Abbé, le produit des laines en fils ou en étoffes excédait les besoins de la population ; il s’en faisait une exportation frappée d’un droit par chaque charge d’homme ou de femme.
Le chiffre des porcs n’était pas moins considérable. L’abbaye de Saintes avait droit d’en faire paître jusqu’à mille dans la forêt de Salis, et elle envoyait tous les ans dans cette forêt douze hommes y prendre tout le gland qu’ils y pourraient récolter en un jour. Enfin, parmi les redevances imposées aux vassaux de l’abbaye, nous remarquons une quantité de jambons que le pays aurait aujourd’hui bien de la peine à fournir.

 Etat moral de la société

- 1. — Législation et administration civile

Nos chartes offrent peu de documents sur la législation de l’époque. On y trouve néanmoins des traces des lois romaines, à côté de coutumes locales. L’étude de ces dernières exigerait plus de développements que n’en comportent les limites de ces prolégomènes.

La morale religieuse est la principale loi de l’époque : c’est le seul frein qui s’oppose aux excès des passions et aux abus de la force. L’église est la seule autorité qui protège le faible et impose le respect du droit. Impuissante en bien des cas, elle finit toujours par triompher , et sa victoire est d’autant plus surprenante qu’elle n’a que des armes spirituelles et la menace de peines d’une autre vie à opposer à des hommes chez qui la puissance la plus absolue est au service des plus violentes passions.

Qu’on étudie dans les chartes l’esprit du moyen âge, on pourra se convaincre que le régime était moins arbitraire qu’on ne le pense. On trouvera plus d’un exemple d’un inférieur obtenant justice contre son supérieur ; on verra des seigneurs ne dédaignant point d’accepter le jugement d’un arbitre entre eux et leurs vassaux ; un duc d’Aquitaine s’en rapportant à la sentence des anciens de la ville de Saintes (C. S., 79), un abbé de Vaux acceptant l’arbitrage d’un archi-prêtre (C. V., 1). Les vilains et manants de Saint-Sylvain de la Mongie ne sont pas tellement asservis par le despotisme des comtes de Périgord, qu’ils ne protestent énergiquement contre l’établissement d’un viguier chez eux, et ne lui permettent qu’en temps de guerre de passer la nuit dans leur village.

Les actes arbitraires, les procédés violents semblent être néanmoins dans les habitudes de la noblesse à cette époque. Aussi appréciait-on beaucoup les avantages du régime paternel des abbés et des institutions municipales récemment établies ou organisées sur un nouveau pied.

De tout temps, en effet, les anciens municipes gallo-romains avaient conservé plus ou moins leur forme traditionnelle de gouvernement. En dehors des municipes ou communes, toute l’autorité civile, militaire et judiciaire est concentrée entre les mains de seigneurs relevant hiérarchiquement d’un suzerain commun, qui, chez nous, à l’époque de nos chartes, est le comte de Poitiers. C’est seulement momentanément que la Saintonge obéit au comte d’Anjou, Geoffroy Martel. Chacun des feudataires du comte exerce une pleine autorité dans les limites de son fief, ce qui n’empêche pas le comte d’avoir son sénéchal, son commarque, son prévôt et autres officiers ayant dans leurs attributions les droits qu’il se réservait comme suzerain dans tous les fiefs de la mouvance de son comté. La publication du ban, bannum, portait à la connaissance de chacun les ordres de l’autorité, tels que l’appel aux armes, les modifications apportées dans les usages habituels, etc.

Du reste, nos chartes fournissent très-peu de renseignements sur ces divers points.

- 2. — Justice

Tribunaux, procédure. — Dans toute châtellenie existe une cour de justice. Chez les hauts barons, le premier justicier se nomme sénéchal, senescallus. A des degrés inférieurs sont les baillis appelés alors chez nous prévôts, praepositi, et les viguiers, vicarii. Ces derniers, dans le ressort de leur viguerie, jugent aussi toutes les causes capitales du vol, du meurtre, du rapt et de l’incendie, qu’on appelait alors les quatre forfaits. Les prévôts des monastères ont la connaissance des mêmes causes.

Les forestiers punissent les délits commis contre la police des bois confiés & leur garde. Il en est de même des prévôts établis pour régir certaines terres, comme les marais de Brouage et autres.

Des barons et baroneaux, barones, baronelli, forment le conseil des grands seigneurs, comme autrefois les leudes de la cour de nos rois, et siègent comme juges dans leurs assises.

A chaque cour de justice est attaché un personnel de clercs et d’officiers, ministérielles, tels que procureurs de la châtellenie, castaldiones, procureurs fiscaux, aldiones, huissiers, scariones, et sergents, servientes.

Le droit de tenir leurs assises dans tel lieu de leur châtellenie qu’ils jugeaient à propos, constituait un des principaux privilèges des seigneurs. Parlant du moulin de Chalon qu’elle partage avec le seigneur de Mornac, l’abbesse Jeanne de Villars n’oublie pas de noter qu’elle a droit de tenir ses assises dans la partie de ce moulin qui relève de son abbaye. Dans les cas ordinaires, le seigneur fixait également le lieu où chaque cause devait être plaidée.

Le plus souvent les débats, même entre supérieurs et inférieurs sont portés devant un ou plusieurs arbitres. C’est ainsi que la cour épiscopale, les archidiacres, les archiprêtres, les anciens ou sénateurs de Saintes sont appelés à terminer des différends de toute nature. L’évêque de Saintes, Bernard I, est celui dont il nous reste le plus grand nombre de sentences arbitrales. Ses lumières et son équité le faisaient souvent choisir pour juge.

Un curieux exemple de procédure à citer est celui dans lequel un certain Giraud la Sauce (Salsa), prétendait que l’abbesse Sibylle et une prieure de Saint-Julien de l’Escap lui avaient concédé une part dans un moulin situé sur la Nie. Assigné à comparaître devant l’abbesse, il arrive à Saintes en compagnie de nombreux amis, parmi lesquels se trouve son défenseur , un certain Guillaume Arnaud d’Authon, habile plaideur, multum valens in causis. Mais celui-ci a dans un homonyme, un autre Guillaume Arnaud, clerc de l’abbesse, un adversaire redoutable qui manie la parole avec non moins d’éloquence et d’habileté, clericus noster perorator satis idoneus. « II n’y a pas trente ans, dit ce dernier, que Sibylle était appelée à gouverner l’abbaye. Or, vous ne pouvez produire le témoignage d’aucun homme ni d’aucune religieuse qui vive encore pour attester la concession que vous alléguez. » Après que les deux avocats ont de part et d’autre présenté les moyens de défenses, on nomme des arbitres. L’abbesse choisit messire Béraud, prieur de Soubise, chanoine de Saint-Pierre, chapelain des évêques de Saintes, de la maison des sires de Taillebourg, « personnage recommandable pour son talent, ses vertus et sa grande aptitude à juger les affaires litigieuses. » L’abbesse lui adjoint son défenseur Guillaume Arnaud, Gautier Aimare de Nieule, son prévôt, et Pierre Gilbert un des chapelains de l’abbaye. Pour Giraud la Sauce sont agréés Guillaume Arnaud, son avocat, Pierre Béraud, Aléard d’Ecoyeux, Ménard de Séchaux, chevaliers. Après mûre délibération, les arbitres prononcent le jugement. Le tribunal, considérant que Giraud la Sauce ne peut prouver par témoin la concession qu’il allègue ; qu’elle ne lui a point été faite en chapitre plénier ; que c’est ici le cas d’appliquer le mot d’Aderbal cité par Salluste dans son histoire de la guerre de Jugurtha ; car le sénat romain lui demandant compte des biens de son père : « Il y aurait, répondit-il, beaucoup d’inconvénients à ce qu’un seul disposât à son gré de ce qui appartient à plusieurs. » Considérant ce que dit saint Grégoire, in Regesto (et l’on cite ici deux textes de ce pape).........que l’abbesse ne peut rien aliéner des biens du monastère sans l’assentiment unanime du chapitre, juge ledit Giraud mal fondé en droit, et le déboute de sa demande. (C. S. 213.)

Preuves judiciaires. — Jugements de Dieu. — En bien des cas la justice humaine ne peut arriver à s’éclairer suffisamment. Ce qui arrive de nos jours a dû nécessairement être plus fréquent alors que la jurisprudence et les formes de la procédure étaient encore bien imparfaites. De là, chez tous les peuples et à toutes les époques, le besoin de faire intervenir la divinité comme témoin et garant suprême de la vérité ; de là l’usage du serment et celui des Jugements de Dieu ou Ordalies auxquels on avait recours au moyen âge.

La société moderne en abandonnant ce dernier genre de preuves, a retenu l’usage du serment. Nos pères n’y recouraient, comme nous, qu’après avoir épuisé tous les moyens d’éclairer la conscience des juges. Si l’usage en fut plus fréquent chez eux, nous devons reconnaître qu’il était restreint aux mêmes cas où nous l’employons nous-mêmes. Toujours, dans ces cas-là, la religion intervenait pour donner au serment plus de solennité, inspirer l’horreur du parjure et la crainte de la justice divine. Cela s’appelait se purger par serment. Les gens de qualité se justifiaient de la sorte en faisant jurer pour eux un nombre déterminé de témoins. Trois témoins, deux prêtres et un laïc, juraient pour l’abbesse de Saintes (C. 82). Trois prêtres juraient pour l’abbé de Baigne (C. B. 210). Le serment se prêtait sur les saints évangiles, ou sur les reliques des saints, et, dans certains cas, sur le corps sacré de Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie, « en présence duquel le parjure était surtout redoutable, ubi mentiri nefas est. » C’est ainsi que nous voyons un prévôt de Corme-Royal, sur son lit de mort, reconnaître ses torts envers l’abbaye de Saintes, au moment de recevoir la sainte communion (C. S. 112). D’autres juraient par leur foi et leur baptême, per fidem et christianitatem suam (C. S. 117).

Mais les plus importantes des preuves judiciaires usitées encore à l’époque de nos chartes, sont celles que nous désignons sous le nom d’Ordalies ou Jugements de Dieu. Le Cartulaire de l’abbaye de Saintes en fournit trois exemples remarquables. Avant de les citer, disons un mot de cette étrange institution où se révèle l’esprit de l’époque et en même temps la prudence et la sage tolérance de l’Église.

Ces pratiques dont nous sentons aujourd’hui l’inconvenance, ou au moins l’inutilité, avaient pour elles leur haute antiquité, l’usage universel, le respect de tous les peuples et des avantages réels pour la société.

Le premier de ces avantages était cette idée éminemment morale que Dieu doit protéger l’innocence et faire triompher la justice ; idée qui, la plupart du temps, effrayait le coupable ou l’oppresseur, et le faisait reculer devant l’épreuve à subir.

Si cette preuve avait l’inconvénient de ne rien prouver, elle avait au moins l’avantage de clore les débats, et celui qui en sortait triomphant avait toujours en sa faveur la présomption du droit, comme l’ont chez nous tous ceux contre qui la justice n’a pas de preuves suffisantes ; car on n’en venait jamais au Jugement de Dieu sans avoir épuisé tous les moyens de connaître la vérité. Aussi le résultat de l’épreuve suffisait-il ordinairement pour empêcher les vengeances particulières. Ajoutons à cela que des exemples respectables semblaient autoriser ces usages. Dieu, quelquefois, dans ces âges de foi naïve et généreuse, a bien voulu condescendre aux vœux de l’innocence et lui accorder une protection miraculeuse d’une évidence et d’une notoriété si publique, que l’histoire n’a jamais eu à enregistrer de faits plus incontestables.

Que devait donc faire l’Église en présence de ces considérations ? Ennemie des réformes subites et violentes, elle toléra ce qu’il eût été non moins injuste qu’imprudent de vouloir abolir tout d’un coup. Pendant des siècles, par la voie des souverains pontifes, des conciles et des docteurs les plus autorisés, elle ne cesse d’amener progressivement les peuples à abandonner des pratiques dont elle leur démontrait avec ménagement les inconvénients et l’opposition avec les vrais principes de la religion. Pour arriver à cet heureux résultat, elle s’empare des preuves judiciaires : elles les sanctifie par les rites les plus imposants et les plus propres à inspirer la crainte de la justice divine, à éloigner toute supercherie et toute idée ou pratique superstitieuse ; puis elle règle tout pour ne rien laisser à l’arbitraire. Ses premiers efforts tendent à supprimer l’épreuve du duel, ou du moins à le réduire à une simple lutte où toutes les précautions sont prises pour éviter l’effusion du sang dont elle inspire l’horreur en toute occasion. Enfin, en introduisant dans les procédures une forme plus régulière, en développant la connaissance du droit et en donnant à la société civile l’exemple de nos tribunaux canoniques, le clergé travaillait efficacement à rendre superflue l’institution des Jugements de Dieu. Travailler, en effet, à éclairer la conscience publique, était le plus sûr moyen de faire tomber ces usages sous le-coup de sa réprobation.

Ne nous étonnons donc pas de voir des abbesses se soumettre à ce genre d’épreuves, des évêques et leur clergé y recourir ou les autoriser par leur présence. Hommes de leur temps, ils en ont les idées ; hommes de l’Église, ils en secondent l’action moralisatrice. Exposons maintenant les faits d’après les actes authentiques contenus dans nos cartulaires.

Au commencement du XIIe siècle, un prévôt de l’Ile de Vix, nommé André de Trahent, revendiquait, sur un four et sur une terre, des droits que lui contestait l’abbesse Florence. Selon l’usage du temps, des arbitres sont nommés. Les parties entendues, l’affaire ne peut être éclaircie. Le tribunal alors décide que l’on aura recours à deux épreuves de l’eau bouillante [9] : une pour le four, l’autre pour la terre en litige. Au jour dit, André de Trahent arrive à Saintes avec Amelin de Benet et bon nombre d’amis. L’eau est en ébulition dans deux chaudières disposées sur un brasier, dans l’église de l’abbaye. L’évêque Ramnulfe Foucaud s’y est rendu avec son archidiacre de Saintonge Pierre de Soubise, ses chanoines et plusieurs chevaliers. Les champions du prévôt s’avancent ; mais, en ce moment, André de Trahent, déconcerté par l’attitude calme et ferme que donne à l’abbesse la conscience de son droit, refuse de tenter l’épreuve, et se jette aux pieds de Florence, s’abandonnant à sa discrétion ; et celle-ci, satisfaite, est encore assez généreuse pour conclure un accommodement avantageux à son adversaire (C. S. 228). [NDLR : Voir ce document et sa traduction en français ]

Plus tard, à la fin de l’an 1134, ou dans les premiers mois de l’année suivante, le forestier de Saint-Julien-de-l’Escap venait de mourir. Il avait un neveu nommé Pierre Crex, qui prétendait lui succéder comme héritier de sa charge. L’abbesse Agnès de Barbezieux [10] s’y oppose, alléguant que cette charge n’est point héréditaire. De là un procès. Les parties n’ayant point de preuves à fournir, les juges « en hommes sages, sicut viri sapientes, » décident que l’affaire sera réglée par un duel. Pierre Crex s’y défendra en personne ou par un champion contre le champion de l’abbesse. Le jour fixé arrive. Déjà la foule a envahi la place qui est devant l’abbaye, où le combat doit avoir lieu. L’archidiacre Boémond et le chanoine Béraud, avec beaucoup d’autres gens de distinction, clercs et laïcs, sont témoins et juges du duel. Les champions sont deux athlètes bien choisis. Celui de Pierre Crex se nomme Robert, celui de l’abbesse, Bonet. Ils prêtent ensemble le serment d’usage, et la lutte commence. Robert tout-à-coup s’écrie qu’il est vaincu. « Dieu avait donné la victoire à Bonet : habuit victoriam per Dei gratiam » (C. S. 218).

La même Agnès de Barbezieux eut encore à s’opposer aux prétentions d’un Renaud des Arceaux et d’un Richard Paliers sur la prévôté de Corme-Royal. Confiante dans la justice de sa cause, elle les cite devant la cour du lieu. Comme dans l’affaire précédente, le défaut de preuves oblige à recourir au duel. Arrivés au lieu du combat, en présence d’Hélie de Didonne, de Guibert de Didonne, de Benoit de Mortagne et d’un grand nombre d’autres gentilshommes, les adversaires de l’abbesse refusent d’entrer en lice avec ses champions, et se désistent de leurs prétentions (C. S. 113).

Ainsi fit, en 1094, un adversaire de l’abbé de Baigne.

Pénalité. — Les fourches patibulaires étaient comme les insignes de la puissance judiciaire des seigneurs. Nos cartulaires ne nous fournissent néanmoins aucun exemple de condamnation à mort, ni même à la prison. La captivité du Commarque, jeté dans les cachots du capitole par le châtelain de Saintes, est un abus de pouvoir à l’occasion duquel le comte de Poitiers intervient en faveur de l’opprimé.

Ainsi que nous l’avons dit, quatre forfaits seulement méritaient la peine capitale : le vol, le rapt, l’homicide et l’incendie. Les peines les plus ordinaires, infligées aux délinquants ou malfaiteurs, sont des amendes ou des gages. Ces gages sont des objets ou des pièces de monnaie que l’on cousait quelquefois à la charte, dans laquelle l’affaire était jugée. Ils sont souvent d’une grande valeur. Un prévôt de Vix, dont on avait eu beaucoup à se plaindre, est condamné à des gages si considérables qu’il eut grand’peine à les fournir.

La dernière charte de Vaux relate un assez singulier exemple de prison préventive. Un habitant du bourg accuse un de ses voisins de l’avoir volé. L’accusateur et le prévenu sont immédiatement écroués jusqu’au jour du jugement. L’accusé, reconnu innocent, est remis en liberté ainsi que son accusateur.

- 3. contrats.

Diverses sortes et formes de Contrats. — Nos cartulaires contiennent des actes de toutes sortes ; mais le plus souvent ce sont des actes de vente ou des baux, des concessions de privilèges, des transactions, des fondations pieuses ou des legs.

Les motifs des libéralités sont toujours indiqués. C’est habituellement une pensée religieuse ou un sentiment de reconnaissance qui les inspirent. On en a un exemple dans le legs d’Arnaud Pharaon, page de l’abbesse de Saintes, élevé dès le bas âge aux frais du monastère, et qui paraît dans plusieurs chartes comme un type intéressant du serviteur fidèle et dévoué (C. S. 39, etc).

Souvent aussi des dons nouveaux sont ajoutés à des restitutions. De leur côté, les monastères ne manquent guère de faire des largesses à ceux dont ils obtiennent ces restitutions ; et cela en signe de réconciliation et à titre de charité, charitative. Ces présents sont parfois d’un prix considérable. Un accommodement conclu avec Guillaume-Hélie de Berneuil, fils de Constantin-le-Gras, sire de Pons, coûta à Agnès de Barbezieux, six cents sols forts et une coupe d’argent du poids d’un marc.

Les dons faits à un monastère dans l’intention d’avoir part aux mérites et aux prières de la communauté, sont ordinairement récompensés par l’engagement de fournir aux donateurs et à leurs successeurs, une certaine quantité de pain et de vin, à des époques ou dans des circonstances déterminées par le contrat.

Certaines donations ou ventes sont précédées d’une formalité assez remarquable, c’est une enquête ouverte à l’effet de s’assurer que personne n’a de droits à revendiquer sur l’objet du contrat. On l’annonçait quelquefois au prône de la messe paroissiale, par trois dimanches consécutifs, comme on le voit par une charte de la Garde. Une enquête de ce genre précéda la concession de la pêcherie du pont de Saintes à l’abbaye. La même formalité fut également observée avec beaucoup de solennité, lors de la dédicace de ce monastère, comme on le voit par la deuxième charte de son cartulaire. « Cet usage était prudent, dit à ce propos l’histoire manuscrite que nous avons déjà citée ; il avait sans doute été institué pour empêcher que les princes et les seigneurs n’enrichissent les églises de biens peut-être mal acquis et enlevés à la veuve et à l’orphelin. Les évêques agissaient en cela comme des pères communs et charitables, disposés à profiter de ces conjonctures pour engager ces mêmes princes à restituer des héritages que le simple particulier n’aurait osé redemander en d’autres circonstances. L’histoire ecclésiastique nous fournit une preuve bien sensible de la sagesse de cet usage dans ce qui arriva aux funérailles de Guillaume-le-Bâtard, dit le Conquérant, roi d’Angleterre et duc de Normandie ; car un homme du peuple saisit cette occasion pour revendiquer l’emplacement de l’abbaye de Saint-Étienne de Caen, que ce prince avait enlevé par violence à son père sans le dédommager, et les évêques ne voulurent point achever la cérémonie, que les justes plaintes de cet homme ne fussent apaisées selon la valeur du patrimoine usurpé » [11].

Formules écrites. — Beaucoup de chartes se terminent par des formules imprécatoires et des sentences d’excommunication contre les violateurs des clauses stipulées. Nous citerons comme des plus importantes et des plus curieuses, celles des bulles des papes et des chartes 20 et 140 du Cartulaire de Saintes.

Des sceaux et des signatures donnent aux contrats leur principale garantie d’authenticité. La plupart des gens de qualité n’ont d’autre signature que des croix qu’ils tracent eux-mêmes au bas ou en tête de la charte, et quelquefois sur le missel (C. S. 28). Les évêques font précéder leur signature d’une croix ou de l’une des lettres grecques Psi ou Thêta. Le roi Louis-le-Jeune faisait tracer au bas de ses chartes son monogramme, qu’il appelle character proprium.

Indépendamment des sceaux, on attachait encore à la charte certains objets donnés en gage ou en signe d’investiture. C’était tantôt un bâton (C. S. 44), tantôt une pièce de monnaie (C S. 202) ; d’autres fois un couteau dans une gaine de peau de cerf avec une courroie de même (C. S. 76). Quelquefois la courroie traverse la charte, à laquelle elle est arrêtée au moyen d’un nœud particulier à celui qui concède l’objet du contrat (C. S. 141).

Une autre espèce de garantie est ce que nous avons trouvé désigné dans d’anciens titres sous le nom de charte partie par A B C ou, comme disent nos cartulaires, alphabeti decisione (C. S. 43, 124, 206, 207 ; C. V. 46). La teneur de la charte était écrite en double expédition sur une même feuille de vélin, chaque exemplaire en sens inverse l’un de l’autre, de façon que les en-têtes se trouvaient rapprochés au milieu. L’espace qui les séparait était occupé par les trois ou quatre premières lettres de l’alphabet, en majuscules. Puis on détachait l’un de l’autre, les deux exemplaires en coupant le vélin au travers de ces lettres, comme on détache les feuilles d’un registre à souche.

Formules symboliques. — A ces formules écrites viennent s’ajouter fréquemment les formes symboliques de l’investiture, dont la solennité, frappant davantage les esprits, donnait à l’acte plus de notoriété, et, par le fait, une garantie plus grande. C’est dans ce but, par exemple, que Ton voit assez souvent le donateur déposer son acte sur l’autel, tenant une main étendue sur les pages du missel (C. S. 60).

Un jour, un brave paysan prenait l’habit religieux à l’abbaye de Maillezais, en même temps que sa femme entrait à celle de Saintes. Les deux époux, avant de se séparer, viennent ensemble à ce dernier monastère, le jour de l’Assomption, déposer sur l’autel de Notre-Dame l’acte de leur donation avec la moitié d’un pied de laurier et une livre de poivre contenue dans un sac de toile de lin, symbole probablement de la séparation qui allait s’opérer entre eux et des fonctions qu’ils étaient destinés à remplir à la cuisine de leur monastère respectif (C. S. 229).

D’autres fois, c’est un enfant que l’on vient offrir à Dieu pour servir à l’autel ; aussi en porte-t-il la nappe ployée entre ses mains (C. B. 98, 226, 380).

Ailleurs, le donateur ou le vendeur, ou quelque dignitaire faisant acte d’autorité, investit l’acquéreur en lui remettant en main propre le symbole de la prise de possession. Un évêque fait ainsi tenir sa crosse ou son anneau (C. S. 41). L’investiture se donne encore en présentant une rose (C. S. 219) ou un éventail de feuilles de palmier (C. B. 537), ou un fruit qu’il faut ensuite manger au réfectoire (C. S. 162), ou une pièce de monnaie que l’on tirait de sa bourse (C. S. 43), ou bien encore en remettant un gant (C. B. 539). Ce dernier signé était tout-à-fait dans les mœurs chevaleresques du moyen âge, et nous en trouvons de nombreux exemples dans nos cartulaires. Pour mettre en possession d’un bois la prieure de Saint-Julien-de-l’Escap, un gentilhomme lui remet un gant qu’elle portait à la main. C’est en lui présentant un gant, à genoux, que Geoffroy de Tonnay-Charente investit Agnès de Barbezieux des droits qu’il lui donne sur le bois de Beurlay (C. S. 90). Quand la même abbesse reçut de P. Seguin et Pierre Béraud, la charte d’exemption des droits de navigation devant Taillebourg, ces deux seigneurs lui remirent en même temps son propre peigne, et lui baisèrent la main très-respectueusement.

Citons un dernier exemple d’un signe plus expressif encore. Arnaud Gémon venait de donner à l’abbaye de Vaux un droit sur la vendange du pays. Pour mettre les moines en possession de ce droit, on le voit décharger lui-même, brachiis propriis, les ânes qui apportent les sommes, et verser la récolte dans les cuves du monastère (C. V. 71).

 Impôts et redevances.

- 1. — Diverses sortes de contributions.

Sous le nom général de coutumes, consuetudines, sont désignées les redevances publiques établies par l’usage des lieux ou par des titres positifs. Ces redevances paraissent fixées d’une manière invariable, et sont distinctes des redevances stipulées entre particuliers. Les unes et les autres sont payées en nature ou en argent et quelquefois en l’une et l’autre. L’oublie, ublia, qui se payait en argent en Périgord (C. S. 166, etc.), a dû être primitivement une sorte de pâtisserie de ce nom que certains vassaux devaient à leur seigneur.

Les redevances étaient prélevées 1° sur les personnes ; 2° sur les immeubles ; 3° sur les animaux ; 4° sur les denrées et les produits du sol ; 5° sur les produits de l’industrie, de la chasse et de la pêche.

1° Redevances imposées aux personnes. — Les personnes avaient ordinairement à fournir le logement, arbergamentum, aux gens de guerre qui habituellement traitaient en pays conquis le territoire confié à leur défense. Sur l’appel, où ban, bannum, du seigneur, les vassaux devaient le service militaire, exercitus, sous peine d’une grosse amende ou de confiscation. Enfin, le seigneur avait droit de faire sur toutes les terres de sa domination des courses ou manœuvres militaires plus ou moins désastreuses appelées chevauchées, cavaugadae, cabalcatae. On lui payait encore la taille et la quête, tallia, questa. Nos chartes ne mentionnent ces diverses charges que pour constater les exemptions et restrictions apportées au droit commun en faveur des abbayes.

Les autres impôts publics dus par les personnes sont : 1° le cens, census, somme d’argent fixée à un taux invariable ; 2° le péage, pedatgium, ou droit de passage sur certains ponts, chemins ou chaussées ; 3° le droit de navigation, ribatgium, que l’on payait pour passer ou stationner devant certains points du rivage de la mer ou des fleuves ; 4° la corvée, corbada, qui comprenait, avec ce que nous appelons prestation en nature, les charrois, mains d’œuvre et autres travaux pour le service public ou le service particulier du seigneur. Les habitants de Vaux devaient cultiver les vignes de l’abbaye et couper le bois concédé au monastère dans les forêts voisines ; ce travail s’appelait le buchage, buchagium (C V. 1).

A ces charges, nous devons ajouter la procuration ou droit de gîte que les seigneurs, les évêques, abbés et autres dignitaires pouvaient exiger de certains vassaux pendant les voyages auxquels les obligeaient leurs fonctions ou leurs affaires.

Certains paysans, à raison des terres qu’ils tenaient en ferme, devaient à leur seigneur, chaque année, un repas, convivium, prandium. On entendait par là une redevance consistant en un porc, quatre pains et trois émines de vin. Avec un porc de grande taille, on fournissait six pains, et quatre seulement, quand on ne devait qu’un porc de petite taille (C. S. 164, 165, 187).

2° Droits levés sur les immeubles. — Les bâtiments qu’on avait contribué à construire, étaient tenus en fiefs à des conditions convenues entre les parties ou fixées par l’usage. Dans ce dernier cas, ils étaient dits tenus aedificatorio more.

Pour continuer à jouir d’un immeuble, après un certain laps de temps ou après avoir cessé d’en jouir, on en payait le rachat, relevamentum.

Pour avoir la faculté d’acquérir ou de vendre une propriété, on payait le droit de vente appelé venda.

Les produits des défrichements ou complans, complanationes, des nouvelles cultures, novellae, rupturae terrae, substituées à d’anciennes ou à des jachères appelées lesches, payaient encore un droit spécial.

3° Droits exigés pour les animaux. — On exigeait le travail des animaux. Ce que chacun pouvait faire en un jour s’appelait exploit, expletum. A Pont-l’Abbé, ceux qui avaient des bœufs donnaient trois journées, et leurs bœufs étaient nourris. Ils devaient de plus, à Noël, transporter une bonne charretée de bois. Ceux qui avaient des ânes devaient des corvées aux endroits qu’on leur indiquait, et le transport d’une charge ou somme de bois à Noël. Ce droit s’appelait l’ânerie, asneria (C. S. 270).

Pour les moutons, on payait le moutonage, multonatgium, moltonodium ; pour les porcs, le frescenage, frescenagium ou consuetudo porcorum ; pour les canards, le canage, canatia ou canatge [12].

4° Droits sur les denrées. — Les denrées de toute espèce payaient suivant l’usage des lieux ou les conventions, le quart, le quint, le sixte, la dîme, ou la redîme (le centième).

Le transport ou l’exportation de certaines denrées était frappé d’un droit appelé levage, levagium. A Pont-l’Abbé, il était d’une obole par charge d’âne, de vin ou de sel (C. S. 100). L’exportation des laines était, comme nous avons vu, passible d’un droit semblable.

Certains droits, qu’on ne pourrait assimiler à ceux que nous venons d’énumérer, étaient exercés par des monastères ou des particuliers, et prenaient également le nom de coutumes ; tels étaient le droit ou privilège de prendre dans telle forêt le bois de chauffage, calefagium, et le droit appelé de bâton, dont jouissait l’abbaye de Vaux, dans la forêt de Salis ; cosdupna quaedam in eadem foresta (de Salis), quœ vulgariter baton appellatur (C. V. 44). Rien n’a pu nous faire connaître en quoi consistait ce droit.

A ces redevances nous devons ajouter les quêtes de différents produits du pays, quaestus, dont l’usage s’est maintenu jusqu’à nos jours dans plusieurs paroisses. Celle des fèves s’appelait engrugnage ou engrunagne, engrunagna (C. B. 535).

- 2. — Epoques de paiements.

Les redevances étaient payables à des époques déterminées par l’usage ou par les titres. Le défaut de paiement aux tenues de rigueur exposait quelquefois à payer le double, ou au moins une amende.

A Saintes, les époques indiquées pour les paiements sont d’ordinaire Noël, la Mi-Carême, Pâques, la saint Jean-Baptiste (24 juin), l’Assomption (15 août), ou la saint Vivien (28 août).

Dans les chartes relatives aux possessions de l’abbaye de Saintes en Anjou, les époques des paiements sont Noël, la saint Aubin (1er mars), la saint Jean, et la Notre-Dame d’août.

Les titres de Saint-Silyain en Périgord fixent les échéances à la Notre-Dame de décembre, ad festum sanctae Mariae primae decembris (8 décembre), à Noël, au Carême, à l’Osanne, ad Ramos palmarum, à la Nativité de Notre-Dame (8 septembre), à la saint Michel, à la saint Front (25 octobre), et à la Toussaint.

A Baigne, la fête patronale de l’abbaye, qui est celle de l’invention des reliques de saint Etienne (3 août), est prise aussi pour époque de paiements.

Il y avait des époques spécialement fixées pour certaines natures de redevances. Ainsi les jambons et autres comestibles que fournissaient la terre de Vix, devaient arriver à Saintes pour Noël. Le moutonage se payait le lundi de Pâques, et le frescenage à la saint Michel.

 Mesures

- 1. — Mesures agraires et de longueur.

La plus étendue des mesures agraires était le mas, mansus, masus, dont il est souvent question. Il contenait douze arpents ou journaux, jugera. Nous pensons que le joint, joingtum dont parle une charte poitevine du Cartulaire de Saintes, était ce que nous appelons journal en Saintonge, et quartier en Aunis.

La contenance du quartier ou journal varie de beaucoup, suivant les localités. A la Rochelle, on a deux sortes de quartiers, l’un de 68 ares 38 centiares ; l’autre de 1 hectare 2 ares 14 centiares, subdivisés chacun en deux cents carreaux. En Saintonge, le journal est de cent cordes ou 60 ares 77 centiares, dans certaines localités ; dans d’autres, il n’est que de la moitié. Pour ne citer qu’un exemple de ces variations d’une commune à l’autre, le journal, qui est.de 36 ares à Corme-Royal et aux environs, est de 34 ares 19 centiares dans des communes limitrophes, comme Pessines, Pisany et autres. A l’extrémité méridionale de la Saintonge, dans le canton de Montguyon, le journal est de 48 ares 62 centiares.

Certains instruments d’arpentage ont donné leur nom à des unités de mesures agraires ; de là ces expressions que l’on rencontre dans les chartes : catena silvae, une chaîne de bois ; corrigia alodii, une corde ou courroie de terre allodiale.

La chaîne se subdivisait en toises et devait être d’une surface assez, étendue ; puisque dans la charte 100e du Cartulaire de Saintes, il est question de 141 toises, à prendre dans une chaîne de bois. Nous pensons en effet qu’il faut traduire par toise les mots tensa et tensura.

Le terme de versaine, versania, est encore en usage dans nos contrées, mais sans désigner, comme dans nos chartes, une mesure précise. La versaine a dû équivaloir au sillon qui, dans certaines localités, a 2 ares 43 centiares de superficie.

Le stade est une mesure de longueur, sur la valeur de laquelle nous n’avons aucun renseignement. La charte 198 du Cartulaire de Saintes parle seulement d’une maison mesurant quatre stades de long sur deux et demi de large, située dans le village de Saint-Silvain (la Mongie), dans laquelle le prévôt du lieu aurait voulu établir sa demeure, mais qui lui est affermée à la condition de n’en faire d’autre usage que celui que l’on fait d’un cellier.
Quelquefois la terre se mesure d’après la valeur moyenne de son rapport. On dira par exemple, une denrée ou deniérée, denarada, de vigne, pour une pièce de vigne pouvant rapporter, année moyenne, un denier de revenu.

D’autres fois la mesure du terrain est déterminée par la quantité de semence qu’elle peut recevoir. Ainsi on dit une motliée ou muidée de terre, motliata, modiata, une boisselée, boissellata, une quartiérée, quarteriata, une sextiérée, sexteriata, suivant qu’il faut un muid, ou un boisseau, ou une quartière, ou un setier de blé pour ensemencer cette terre.

Les vignobles et les salines ont encore de nos jours des mesures particulières dont le nom se retrouve dans nos chartes. Dans l’Aunis, on a retenu la mesure des vignes par quartiers, quarterium, quadrans, évalués en comptant les ceps uniformément plantés en quinconce, à 1 mètre 25 centimètres de distance les uns des autres. Les quartiers sont de deux grandeurs ; les uns contiennent six mille ceps, les autres quatre mille.

Nos saulniers mesurent encore leurs marais, comme au XIe siècle, par livre (80 ares), composée de vingt aires, areœ saliferœ, chaque aire ayant de cinq à six mètres de superficie.

- 2. — mesures de capacité.

D’après la charte 100e du Cartulaire de Saintes, le muid, modius, contenait seize setiers à Pont-l’Abbé, tandis que dans d’autres contrées il en contenait vingt-quatre.

Le muid se subdivisait en setiers ; le setier en mines ou émines [13]. ; la mine en boisseaux, mais dans des proportions que nos chartes ne précisent pas.

Le muid des saulniers de Marennes est de 37 hectolitres 1/2 et contient 1,500 kilogrammes de sel. Le boisseau usité pour la mesure de cette matière est de 48 litres 69 centilitres. Celui dont on se servait pour les grains, dans la même localité, était seulement de 22 litres 10 centilitres. Le boisseau de Saintes était de 33 litres 23 centilitres ; celui de Pont-l’Abbé, de 30 litres 41 centilitres ; celui de Pons, de 26 litres 59 centilitres ; celui de Taillebourg, de 25 litres ; celui de Saint-Jean-d’Angély, de 33 litres 89 centilitres [14].

La mesure de la quartière ou pochée, quarteria, n’était pas plus uniforme, La quartière de Pons avait un onzième, c’est-à-dire deux picotins de 24 à la pochée, de moins que celle de Nieuil situé dans la même châtellenie [15].

Nous trouvons encore la moudurière, moldureria (C. B. 61), ainsi nommée sans doute, parce que c’était la mesure de ce que pouvait contenir le moulin. Dans certaines contrées, on l’appelle mulet. Cette mesure varie beaucoup suivant les lieux ; elle est la seizième, ou la vingtième, ou la vingt-quatrième partie du quarteau qui est lui-même le quart du setier.

Pour le détail, le vin se mesurait au broc, brocum, et à la juste, justa ; l’avoine, à la conque, concha, en Périgord (C. S. 130-147), et au prevender, en Poitou (C. S. 231).

- 3. — mesures particulières.

Diverses sortes de produits sont mesurés, comme de nos jours, à des mesures qu’on ne saurait préciser que d’une manière approximative ; telles sont la gerbe, garba, pour les blés ; la brassée ou brossée, brosasta, pour le foin ; le fagot, fascis, pour le bois de chauffage ; enfin, le pain et la miche, micha, distincts l’un de l’autre par la grosseur. Un seul pain pouvait sufiire à rassasier trois affamés : unde satis sit tribus glotonibus (C. S. 166).

En grande quantité, la rouche et le foin s’expédient au cent ou au demi-cent, unum centum, unum quinquaginta, ou à la charretée, charretea le bois, le sel et les liquides à la somme (salma) qui est la charge d’un âne. La somme de bois était de douze fagots ; et comme subdivision de la somme, nous trouvons la traîne, tragena (C. S. 147, 151, 152).

 Monnaies

- 1. — Historique de la monnaie de Saintes.

La charte 77e du Cartulaire de l’abbaye de Saintes nous apprend que sous la règne de Henri I, roi de France, à l’époque où le comte d’Anjou, Geoffroy-Martel, se rendit maître de la Saintonge, en 1034, la monnaie de Saintes était tenue en fief par le châtelain de la ville, nommé Francon du Capitole, et par Mascelin de Tonnay-Charente. A son arrivée, le comte d’Anjou trouva les ateliers déserts et dans le plus complet désarroi. Il y avait dix ans que la monnaie ne fonctionnait plus. « Faites tout réparer, dit-il aux deux chevalièrs, et faites-moi frapper de nouvelles espèces ; sinon je vous retire un fief que vous ne faites plus valoir. » Il leur donna un délai de trois ans, au bout desquels les choses étant encore dans le même état, il réunit la monnaie de Saintes à son domaine, et fit venir d’Angoulême des ouvriers qu’il mit à l’œuvre aussitôt.

Quelques années après, le comte d’Anjou et Agnès de Bourgogne, son épouse, faisaient construire l’abbaye de Notre-Dame. Le jour de la dédicace de ce monastère fut réglé le rachat de la monnaie. Francon du Capitole cédait ses droits sur la moitié de ce fief ; Agnès payait en même temps, à Mascelin de Tonnay-Charente, la somme de 3,000 sols, pour le rachat de l’autre moitié ; et la monnaie fut donnée en apanage à la nouvelle abbaye. Le même jour, les monnayeurs prêtèrent, entre les mains de l’abbesse, le serment exigé par les lois de l’époque.

Le droit qu’avaient les comtes de Poitou, de faire frapper à Saintes des espèces, était immémorial. Quiconque refusait leur monnaie, était poursuivi par leurs justiciers. Nul autre que le prévôt de la ville, pas même les tenanciers des ateliers, n’avait droit d’entrer en partage avec eux dans les bénéfices du change. C’est ce qu’attestaient d’anciens titres relatés dans la charte 51. Cette charte rappelle en effet que Guillaume VIII (1087-1127), du temps que Foucaud Airaud était prévôt de Saintes, avait fait fabriquer la monnaie appelée de Goilart. Sous Robert de Gémozac, qui succéda à Foucaud Airaud, dans sa charge de prévôt, Guillaume IX (1127-1138) avait fait faire la même opération. Le châtelain de Saintes, Francon, dit le Jeune, pour le distinguer de son aïeul du même nom, dont nous avons parlé plus haut, s’avisa de réclamer une part dans les bénéfices de ce qu’on appelait fracture de la monnaie. Mais cité à comparaître devant le comte et devant l’évêque de Saintes, Guillaume Gardrad, le prieur de Saint-Eutrope et autres arbitres convoqués dans le cloître de Saint-Macout, il renonça à ses prétentions.

Investies du domaine de la monnaie, les abbesses ne tardèrent pas a le donner en fief qui devint héréditaire dans une famille de monnayeurs, jusqu’à l’époque où Agnès de Barbezieux (1140) le racheta aux conditions stipulées dans la charte 46. Le titulaire, Normand de nom et peut-être aussi d’origine, avait manié les fonds publics avec un tel désintéressement, qu’une des clauses du rachat fut que l’abbaye se chargerait des frais de ses funérailles, s’il venait à décéder sans laisser de quoi y subvenir. En même temps, Agnès envoyait à Orléans, où se trouvait la cour, son messager Constantin Chosinang, pour obtenir du roi l’investiture de la monnaie de Saintes. Louis VII octroya à cet effet une charte, dans un pli de laquelle il fit coudre un bâton, en signe de l’investiture qu’il accordait à l’abbesse. Cette charte est datée du 28 décembre 1140 (C. S. 47).

L’année suivante (1141), Louis-le-Jeune se trouvant à la résidence royale (in palatio nostro) de Saint-Jean-d’Angély, sur la demande d’Éléonore d’Aquitaine, son épouse, reconnut de nouveau et confirma à l’abbaye la propriété des ateliers monétaires contigus à la grosse tour qui défendait l’entrée de la ville par le pont.

En tenant compte des réductions que les espèces ont souffertes de 1047 à 1140, on constate que le revenu de la monnaie de Saintes avait alors perdu de sa valeur ; racheté 6,000 sols lors de la fondation de l’abbaye, il le fut pour la somme de 7 livres, par Agnès de Barbezieux.

L’aveu et dénombrement rendu à Louis XI par Jeanne de Villars, en 1472, nous fait connaître qu’à cette époque l’abbaye jouissait encore de son ancien droit a ez monedenez et eschange de tout levesché de Xaintonge » [16]. Combien de temps a-t-elle continué à en jouir ? C’est ce qu’aucun document n’a pu nous apprendre.

- 2. — organisation.

Le nom de stabulae donné au local où étaient établis les ateliers monétaires et les bureaux du change, n’annonce point un édifice bien splendide, ni d’une importance comparable à celle de dos hôtels des monnaies. Ces échoppes sont devenues, comme nous l’avons rapporté plus haut, la poissonnerie de la ville, dès le XVIe siècle. De nos jours, conservant en partie la même destination, elles ne doivent guère avoir changé d’apparence.
Le changeur, thelonearius, nummularius, y avait son logement ou au moins un appartement (sessionem unam), tant que durait le travail des ouvriers désignés sous les noms de monetarii, trapezetae. Il prélevait un droit de 4 deniers par 20 sols nouvellement frappés, et payait à l’abbesse le droit appelé monedathgium.

On ne pouvait émettre de nouvelles espèces que sur une ordonnance du comte, et plus tard du roi. Dans ce cas, on installait deux troncs, l’un au Puy-Saint-Eutrope, l’autre à la halle de la place Saint-Pierre. Deux officiers y mettaient les pièces qu’on voulait retirer de la circulation. Le prévôt de la ville en avait la moitié en payement de la surveillance qu’il devait exercer sur les monnayeurs. Au même titre, il partageait avec le comte la moitié qui revenait à ce dernier, de tous les trésors et objets de métal trouvés à Saintes. Dans une ville aussi souvent bouleversée, les trouvailles de ce genre devaient être assez fréquentes. En passant au crible le sable de la Charente, un bonhomme, contemporain de Guy-Geoffroy, trouvait de l’argent, du fer et du plomb. Son travail mystérieux éveilla les soupçons du prévôt du châtelain qui le mit en prison et lui confisqua ses trouvailles. Heureusement le prévôt du comte fit valoir les droits de son maître sur les trésors et obtint l’élargissement du pauvre homme et la restitution de tout ce qu’on lui avait pris (C. S. 50).

- 3. — types et valeur des monnaies.

Nous avons vu que les ouvriers appelés à la monnaie de Saintes par Geoffroy-Martel en 1047, venaient d’Angoulême, Ce fait confirme les conjectures de M. B. Fillon. Il fait observer, en effet, qu’à Saintes on a dû émettre des espèces portant un type étranger à cette ville. Le savant archéologue a reconnu qu’il en avait déjà été ainsi sous le règne de Louis d’Outre-Mer. Les monnaies de ce prince, frappées ici, portent le monogramme Odonique, type qui nous est venu de Bourges par Angoulême, et qui de chez nous passa aux Bordelais. Le même auteur fait encore observer que la forme du nom Lodoicus appartient à la langue d’Oc, dont la Charente forme la limite septentrionale [17].

Nos chartes ne nous fournissent aucunes données à l’aide desquelles on puisse reconnaître les produits des ateliers monétaires de Saintes. Rien ne nous indique, non plus, l’origine du nom de Goilart, donné à la monnaie de Guillaume VIII. Ce nom ayant été porté par plusieurs individus au moyen âge, pourrait être celui d’un monnayeur de l’époque.

Nous sommes également dépourvus de renseignements propres à déterminer la valeur des espèces contemporaines de nos chartes. La dénomination de sols forts (enforzati), employée après 1140, indique une variation du titre des monnaies à cette époque (C. S. 46).

C’est toujours la monnaie poitevine qui figure comme ayant cours en Saintonge. Son système de subdivision, d’après M. Fillon, est celui de la livre en 20 sols, du sol en 12 deniers, denarii, nummi, et du denier en 2 oboles [18].

Il est parfois question des mailles, mealles, comme subdivision du denier (C. S. 231). La valeur nous en est inconnue.

Nous trouvons la maille en usage encore au XVe et au XVIe siècle [19].

Le terme de marc d’argent, marcha argenti, est également employé dans nos cartulaires, et d’après Le Blanc, sa valeur serait de 40 sols.

Le prix de certains objets de commerce pouvant servir à l’évaluation de l’argent, nous avons recueilli cette donnée, qu’un cheval, au XIe et au XIIe siècle, valait 100 sols ; une paire de bœufs, 50 ; et qu’on avait un porc pour 1 sol.


[1Une de ces notes est ainsi conçue : La douhe appartient à Madame.

[2Evêque de Saintes, assistait en 630 au concile de Reims.

[3Appelé aussi saint Malo, était évêque d’Aleth ; exilé de son diocèse, il fut accueilli par saint Léonce. Pendant son séjour en Saintonge, il ressuscita dans une des églises de Broue un serviteur de l’évêque de Saintes.

[4Voir comme exemple de diplôme d’affranchissement la charte 48 de N. D. de la Garde.

[5A. de Gourgues. Noms anciens de lieux de la Dordogne.

[6A. de Gourgues, op. citato.

[7Ms. arch. de la Charente-Inférieure, Déclaration de Mme de Parabère.

[8Bernard Palissy. Œuvres, Du sel commun, p. 226. Edit. de 1777.

[9Elles consistaient à plonger le bras dans l’eau bouillante pour en retirer un anneau ou autre objet.

[10Les auteurs du Gallia christiana, et après eux tous nos historiens, trompés par les premiers mots de la charte où Sibylle se trouve nommée, ont attribué ce fait à cette abbesse ; tandis qu’il est d’Agnès, dont on doit faire remonter l’élection, au plus tard, avant le 25 mars 1135.

[11Hist. ms. f° 20 v°.

[12Nous pensons que ce mot, inconnu a Ducange, ne doit pas être confondu avec celui de Canaria qui se trouve dans le Glossaire et dérive de canis.

[13En Saintonge, on donne le nom de minelle, dérivé de mine, à une sorte de corbeille à mettre la farine, quand on fait le pain

[14Gautier. Statistique de la Charente-Inférieure.

[15Note officielle du minage de Pons. ms. orig. du XVIIIe siècle.

[16Aveu et dénomb. de Jeanne de Villars, ms. origin. inéd.

[17B. Fillon, les Monnaies de France, p. 96, etc,

[18B. Fillon, op. cit.

[19Répertoire des titres de Taillebourg, ms. inéd.

Messages

  • bonjour,

    je ne retrouve pas la valeur d’une "pochée" de froment par ex....
    merci de votre aide

    • Bonjour
      La réponse à votre question va être impossible à trouver, pour deux raisons :
      - la pochée, comme la plus grande partie des mesures agraires, est fixée par le seigneur du lieu. Il y a probablement des centaines de définitions du volume de la pochée
      - la pochée de froment avait un prix variable selon les saisons, les années et les régions.

      Ne cherchez pas davantage. Vous ne trouverez aucune réponse fiable à votre question.

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