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1050 (c)- 1792 - Abbaye Notre-Dame de Saintes - Chronologie des abbesses

vendredi 1er mai 2009, par Pierre, 2587 visites.

30 abbesses se succèdent à la tête de l’Abbaye aux Dames, du milieu du 11ème siècle au 30 septembre 1792. Une chronologie remplie de détails sur l’histoire de cette institution : un vrai travail de bénédictin.

On peut, sur la fin, trouver que les coups d’encensoir de l’auteur à ses contemporains sont un peu trop appuyés.

Source : Histoire de l’Abbaye de Notre-Dame hors les murs de la ville de Saintes, soumise immédiatement au Saint-Siège, écrite d’après la traduction du cartulaire par le frère Boudet, bénédictin de Saint-Jean d’Angély (vers 1740) - Archives Historiques de la Saintonge et de l’Aunis - Tome XII - 1884 - BNF Gallica

Catalogue historique et chronologique des dames abbesses du monastère de Saintes.

- Première abbesse. — Constance fut la première instituée pour gouverner la nouvelle abbaye de Saintes ; on ne sçait point de quel monastère elle avoit été tirée pour occuper cette place, non plus que les principales religieuses qui vécurent dans cette maison sous son autorité, immédiatement après la fondation. On trouve seulement le nom de cette abbesse dans le diplôme des fondateurs, aussi bien que dans quelques autres titres postérieurs qui font mention d’elle. Le pape Nicolas Ile luy adressa une bulle dattée du mois d’avril de l’an 1061, par laquelle il confirme la fondation de l’abbaye de Saintes, aussi bien que tous les droits et privilèges qui luy avoyent été accordés. L’abbesse Constance mourut selon toutes les apparences, peu de tems après, mais il est impossible d’assurer en quelle année ; il est certain seulement que ce fut entre 1061 et 1066, comme nous allons voir par l’article suivant.

- IIe abbesse.—Lethburge luy succéda ; elle étoit déjà sur le siège abbatial de Saintes l’an 1066, comme il paroît par un titre du cartulaire, dans lequel il est dit qu’un nommé Dagbert, du consentement de sa femme, se consacra au service du monastère pour le reste de ses jours ; ce titre est daté du tems du comte Guillaume qui prit la ville de Balbastro sur les Sarazins, indiction 4e, du concours 5°, épacte IIe, ce qui revient à l’an 1066, sous le règne du comte Guy Geoffroy, nommé autrement Guillaume VIII, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, second fils de la comtesse Agnès. On ne sçait point le tems de la mort de cette abbesse.

- IIIe abbesse. — Hersende ou Arsende, surnommée Burne, est appelle la 3e abbesse dans une ancienne charte qui concerne les moulins de Pont à Million, situés dans le bourg de Notre-Dame, proche le cimetière de Saint-Pallais. Il est encore fait mention de cette abbesse dans un diplôme par lequel le même Guy Geoffroy ou Guillaume VIII, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, dont nous avons parlé dans l’article précédent, fait quelques donations à l’abbaye, l’an 1079. Ce titre se trouve au cartulaire françois, page 59e.
Ce fut du tems de cette même abbesse que le monastère de Saint-Silvain de La Mongie en Périgord fut donné aux religieuses de Notre-Dame de Saintes par Elie Talairand, comte ou prince de Périgord, sous le pontificat du pape Grégoire VII et le règne de Philippe Ier, roy de France, du tems du comte Guillaume de Bozon, évêque de Saintes, Guillaume, évêque de Périgueux, et de Goscelin, archevêque de Bordeaux. Cette donation ne sçauroit être rapportée qu’environ à l’an 1079 : car Bozon, évêque de Saintes, et Guillaume, évêque de Périgueux, n’étoient plus en place deux ans après, et dans cette intervalle le premier fut chassé de son siège, et le second mourut. La donation de cette église de Saint-Silvain, faite à l’abbaye dé Saintes en la personne de l’abbesse Arsende, est rapportée dans les cartulaires latin et françois en deux endroits différens ; et de plus elle se trouve rappelée dans un titre de l’an 1131, rapporté dans les mêmes cartulaires ; on voit par ce titre que Guillaume, évêque de Périgueux, rend justice à l’abbesse Sibille, dont il sera parlé dans la suitte, contre les moines de Saint-Martial de Limoges qui occupoient injustement l’église et les biens de Saint-Silvain de La Mongie, que Guillaume, comte de Périgord, leur avoient vendu pour la somme de mil sols.

On trouve au cartulaire un autre titre par lequel la même Arsende donne à un chanoine de Saint-Pierre de Saintes, nommé Hardouin, françois de nation, une maison située dans la terre de Saint-Pallais, auprès des murs de la ville de Saintes. Ce titre est de l’an 1086, sous l’épiscopat de Ramnulfe, évêque de Saintes.

Enfin, il est encore fait mention de l’abbesse Arsende aux années 1091 et 1096 ; et ce fut cette dernière année qu’elle reçut une bulle du pape Urbain II, laquelle est rapportée dans le cartulaire parmy les bulles de confirmation. Cette abbesse mourut l’an 1099 ou 1100.

- IVe abbesse. — Florence fut instituée abbesse l’an 1100, comme il paroît par une charte du cartulaire datée de cette année, qui est appelée la première de l’ordination de dame Florence, abbesse. Par cette charte, Achard de Borne, chevalier, cèdde et restitue tout ce que son père avoit donné cy devant au monastère de Notre-Dame de Saintes, dans la. terre de Saint-Julien du Lescap, proche Saint-Jean d’Angély. Ce même Achard donna à l’abbaye une certaine forêt, l’an 1107, du tems que le comte Guillaume, fils du comte Guy, c’est-à-dire Guillaume IX, fils de Guillaume VIII, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, gouvernoit le duché d’Aquitaine ; que Pierre de Soubise étoit évêque de Saintes, et que l’abbesse Florence administrait le monastère des religieuses. Ce sont les termes mêmes de la charte qui se trouve rapportée au cartulaire. L’abbesse Florence reçut dans sa communauté Sibille, tante maternelle d’Agnès, comtesse de Saintonge. Cette Sibille succéda à Florence, comme nous le verrons cy après, et le même jour qu’elle fut admise au nombre des religieuses, Guillaume, comte de Poitou et duc d’Aquitaine, restitua à l’abbaye une terre que le nommé Bernard Bardet avoit usurpée.

Il est encore parlé de cette abbesse dans plusieurs autres titres que l’on peut consulter au cartulaire ; on ne sçait , point précisément l’année de sa mort, qui dut arriver vers l’an 1118.

- Ve abbesse. — Sibille, tante maternelle de la comtesse de Poitou et de Saintonge, succéda immédiatement à l’abbesse Florence. L’an 1119, le pape Calixte II luy adressa une bulle, par laquelle il confirmoit les possessions et privilèges de l’abbaye. Cette bulle est inscrite dans le cartulaire latin et traduite dans le cartulaire françois, après la bulle d’Urbain II, de l’an 1096, dont il a été parlé à l’article de l’abbesse Arsende. On trouve aussy cette même abbesse Sibille nommée expressément dans plusieurs chartes des années 1122, 1130 et 1131.

Ce fut cette dernière année quelle obtint de Guillaume, de Périgueux, un jugement contre l’abbé et les religieux de Saint-Martial de Limoges, au sujet du monastère et de l’église de Saint-Silvain de La Mongie, ainsi qu’il a été dit cy devant sous l’article de l’abbesse Arsende. On peut voir ce jugement rapporté tout au long dans le cartulaire latin, et traduit dans le cartulaire françois, folio 31. Guillaume X, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, donna aussi, ou plutôt confirma à cette même abbesse, qu’il nomme sa tante, la possession des deux églises de Saint-Jullien de l’Estap ou Lescap, et de Notre-Dame de La Clie, près de Saint-Jean d’Angély. Enfin, l’an 1134, cette même Sibille fit exécuter un duel, selon le mauvais usage de ces tems là, au sujet de la forêt de Saint-Jullien qui avoit été donnée à l’abbaye par Ostence, seigneur de Taillebourg, du domaine duquel elle dépendoit au tems de la fondation. Nous ignorons absolument l’année de la mort de l’abbesse Sibille, que l’on ne sçauroit pourtant reculer plus loing que l’an 1136 ou 1137, comme on va voir par l’article suivant.

- VIe abbesse.—Agnès, Ire du nom, fut d’abord cellerière de l’abbaye et ensuite abbesse après Sibille, à laquelle elle succéda, environ l’an 1137. On la trouve, en effet, nommée dans une charte qui est inscrite et datée de la première année que le roy Louis le Jeune commença à gouverner l’Aquitaine, et la seconde année de l’épiscopat du seigneur Geoffroy, archevêque de Bordeaux, ce qui revient à l’année 1137. Celte abbesse étoit sortie de l’illustre famille de Barbezieux, qui a été très célèbre dans la province de Saintonge durant un grand nombre de siècles. Les éditeurs du livre intitulé Gallia christiana ou La France chrétienne, disent qu’elle étoit tante paternelle de là reyne Aliénor, épouse de Louis VII, dit le Jeune, roy de France, laquelle étoit fille de Guillaume X, duc d’Aquitaine et comte de Poitou, que saint Bernard convertit, et qui est honoré comme saint.

On trouve cette abbesse nommée dans un très grand nombre de titres rapportés dans le cartulaire, dont il seroit trop long de faire icy l’énumération. Elle est remarquable surtout par plusieurs bulles de différents papes, comme par celle d’Innocent II, de l’an 1141 ; d’Eugène III, de l’an 1146 ; d’Anastase IV, de l’an 1153, et d’Alexandre III, de l’an 1167, lesquelles sont toutes rapportées dans les cartulaires latin et françois, par un diplôme de Louis le Jeune, roy de France, de l’an 1140, et par un autre de la reyne Aliénor, de l’an 1141, qui porte confirmation des biens, droits et privilèges de l’abbaye. Il paroît par tous ces différents titres et par un grand nombre d’autres, qui sont inscrits pour la plus part dans le cartulaire, combien celte illustre abbesse étoit attentive à procurer l’utilité de son monastère.

Elle gouvernoit encore l’an 1171, et l’on croit même qu’elle vécut jusqu’à l’an 1174.

- VIIe abbesse. — Aldeburge succéda à Agnès de Barbezieux dans la dignité d’abbesse. On trouve une transaction passée entr’elle et Géraud, abbé de Dallon, l’an 1181, touchant les dixmes du lieu nommé les Touches, de la dépendance du prieuré de Saint-Saturnin ou de Saint-Sorlin de Marennes, appartenant à l’abbaye de Saintes. Cette transaction se conserve au trésor de l’abbaye. Pendant qu’elle gouvernoit ce monastère, le pape Lucius III luy accorda une bulle, par laquelle, en confirmant les privilèges de son abbaye, il déclare que ni le monastère ni ses chapelains ne peuvent être soumis à l’excommunication par qui que ce soit, excepté par un légat du souverain pontife. Aldeburge mourut, l’an 1220, après avoir gouverné cette abbaye durant l’espace de plus de quarante ans.

- VIIIe abbesse. — Théophanie, première du nom, succéda à l’abbesse Aldeburge, la même année que celle cy mourut, c’est-à-dire l’an 1220. Dès cette année, elle passa trois transactions, les deux premières concernant les dixmes de la prévôté d’Hiers, de la dépendance du prieuré de Saint-Sorlin de Marennes. Dans la première de ces transactions, que l’abbesse Théophanie passe avec le prévost d’Hiers et son frère, ce prévost s’engage à payer à la prieure de Saint-Sorlin ou à son ordre, sur la tierce partie de la dixme de blez qu’ils lèvent, un demy septier de froment et un demy septier de fèves par chaque année, paiable sur les aires terragières ; et pour les autres dixmes qui entroient aussi dans la contestation, ce même prévost s’engage à payer, la veille de noël, deux livres de cire applicables au service de l’abbesse ; enfin il s’engage, tant pour lui que pour ses successeurs, à prêter le serment de fidélité aux abbesses de Saintes et à leur église, aussi bien qu’à la prieure de Marennes, sous la condition expresse que les dites abbesses le conserveront et ses successeurs à perpétuité dans la pleine et tranquille possession de la tierce partie de la dixme qu’il a droit de lever. Dans la seconde transaction que la même abbesse Téophanie passe avec le nommé Guillaume Oggier, au sujet de certaines dixmes de blez qui se levoient dans les marais qui sont depuis le moulin de Chalons jusqu’au Chapus, et au sujet des dixmes de sel des marais qui sont depuis Nancras jusqu’aux moulins de Saint-Just, ce même Guillaume Oggier s’engage à payer, par chaque année, au prieuré de Saint-Sorlin de Marennes ou à l’ordre de la prieure, une quartière de froment et une autre de fèves, qui doivent se lever dans les aires terragières et sur la tierce partie de la dixme de bled que le dit Guillaume Oggier est en droit de lever, et pour lies autres dixmes, Oggier s’engage à payer par chacun an deux livres de cire pour le service de l’abbesse.

Enfin, dans la troisième transaction, le nommé Jean d’Oleron transige avec l’abbesse Théophanie, au sujet des redevances de Luzac, dans lesquelles cette abbesse prétendoit que son monastère étoit lésé par la concession ou accord passé entre Aldeburge, sa devancière, et ce Jean d’Oleron. Il s’engage donc à paier, à chaque année, au prieuré de Marennes, pour le four de Luzac, 5 sous de rante au jour de noël, et pour une lande assise au même lieu de Luzac 80 seiches, payables à la fête de saint Michel ; il s’oblige de plus à payer pour sa maison de Luzac 2 sols et 2 chapons au jour de noël de chaque année, et pour la touche nommée Alesquine, une livre de cire payable au jour de la purification de Notre-Dame. Enfin, ce même Jean d’Oleron s’oblige à payer deux sols de rente au jour de noël pour le moulin qu’il avoit fait nouvellement construire dans sa terre ; et pour le reste de ce qu’il possède au même lieu de Luzac, il s’engage à une corvée de quatre bœufs par chaque année. On peut lire ces trois transactions à l’a fin du cartulaire latin et françois, où elles sont rapportées dans leur entier.

Nous ne pouvons point assigner l’année de la mort de l’abbesse Théophanie première ; mais il est assez probable qu’elle n’arriva point avant l’an 1230.

- IXe abbesse. — Hillaire, première du nom, est nommée dans les lettres d’Hugues, comte de la Marche et d’Angoumois, et dans quelques autres titres des années 1235, 1240 et 1244. Elle mourut celte dernière année.

- Xe abbesse. — Yve luy succéda ; elle étoit sacristaine de l’abbaye lorsqu’elle fut élue pour la gouverner, l’an 1244. Cette abbesse siégeoit encore l’an 1258, et même elle vécut jusqu’à l’an 1280 qu’elle mourut après 36 années d’administration.

- Xle abbesse. — Hillaire IIe du nom de Borne, fut mise à sa place. On la trouve nommée dans des titres des années 1283 et 1291. Ce fut cette dernière année qu’elle paya à la chambre apostolique les taxes ordinaires, qui ressembloient assez à ce que nous appelions maintenant les décimes. Elle s’acquitta encore du même devoir,l’année suivante 1292. Il est probable qu’elle mourut peu de temps après et avant la fin du siècle.

- Xlle abbesse. — Théophanie, lIe du nom, étoit abbesse et gouvernoit l’an 1300, selon messieurs de Sainte-Marthe ; mais à dire vray, le temps et la durée du gouvernement de cette abbesse peuvent être mis au rang des choses fort incertaines, et l’on pourroit même conjecturer que messieurs de Sainte-Marthe, trompés par quelque anachronisme de copiste, l’ont confondue avec l’abbesse Théophanie, dont il a été parlé cy-dessus. Quoiqu’il en soit, je ne connois aucun titre qui fasse mention de cette Théophanie Ile ; et on ne la trouve point non plus dans les catalogues que l’on a suivis jusqu’à présent dans cette abbaye.

- XIIIe abbesse. — Orable Vigerie ou du Vigier étoit sur le siège abbatial l’an 1300, au mois de février, selon le stile de ceux qui ne commençoient l’année qu’à pâques, ou 1301, suivant la manière de compter de ceux qui la commençoient au premier de janvier. Il y avoit dans ces siècles là deux manières de compter le commencement de l’année. Selon le stile ecclésiastique, on ne la commençoit qu’à pâques, et dans le stile ecclésiastique on la commençoit au premier de janvier. Cela paroît par un titre ajouté sur la fin du cartulaire par une main fort postérieure ; ce titre est daté du mardy après la purification de Notre-Dame, l’an 1300, et il contient un acte d’arrentement de la tierce partie des moulins de Lucerat, fait par l’abbesse Orable aux nommés Pierre de Fourne, valet, bourgeois de Saintes, et à Arsende, son épouse, sous la rente annuelle et perpétuelle de trente deux quartières ou pochées de froment. Cette abbesse mourut, l’an 1311, comme l’on voit par un acte capitulaire passé par devant un notaire apostolique, lorsque les religieuses de l’abbaye s’assemblèrent pour l’élection d’une nouvelle abbesse. Ce titre se conserve au trésor dans la liasse des bulles des dames abbesses depuis l’an 1311 jusqu’à l’an 1375.

- XlVe abbesse. — Agnès, Ile du nom, de Rochechouart, fut élue pour succéder à l’abbesse Orable. Mais, à cette occasion, il s’éleva des troubles parmy les religieuses qui se trouvèrent divisées lors de l’élection. Nous apprenons le détail de ces divisions par une bulle du pape Clément Ve, qui est conservée au trésor dans la liasse que nous avons citée à la fin de l’article précédent. On voit par cette bulle, aussi bien que par l’acte capitulaire dont nous avons parlé cy dessus, qu’aussitôt après le décès de l’abbesse Orable duVigier, la doyenne et les religieuses de l’abbaye s’étoient assemblées au nombre de 18 capitulantes, et qu’elles avoient assigné un jour pour procéder à l’élection, après avoir convoqué et appelé à cet effet douze autres religieuses qui se trouvoient absentes. Ces douze religieuses, pour des raisons qui nous sont inconnues, et que la bulle n’exprime point, refusèrent opiniâtrement de concourir à l’élection et ne voulurent pas même se trouver aux assemblées, malgré les instances réitérées de leurs sœurs. Celles cy, après avoir exactement observé tout ce que la prudence et la charité purent leur suggérer pour venir à bout de gagner les opposantes, procédèrent à l’élection avec toutes les formalités requises selon l’usage et le droit. Leurs suffrages se réunirent sur Agnès de Rochechouart, dont il s’agit dans cet article. La bulle, qui nous fournit les preuves de ce que je viens d’avancer, témoigne qu’elle étoit religieuse professe de cette abbaye, et qu’elle étoit âgée de trente ans lorsqu’elle avoit été élue pour remplir la chaire abbatiale. Ainsy, nonobstant les oppositions de celles qui avoient absolument refusé de concourir à l’élection, elle fut conservée dans la place à laquelle elle avoit été élevée légitimement, et le pape Clément Ve adressa à Arnaud, archevêque de Bordeaux, la bulle dont nous avons tiré ce récit, et dans laquelle il est enjoint à ce prélat de mettre en possession de l’abbaye de Notre-Dame de Saintes la dite Agnès de Rochechouart. Cette bulle est datée du 28e d’août de l’an 1313. Elle fut donnée au prieuré de Grausele, près de Malause, diocèse de Vaison ; d’où il faut conclure que cette abbesse ne commença de gouverner que deux ans après la mort d’Orable du Vigier, et que, pendant ce temps, l’abbaye se trouva dans une espèce d’anarchie qui ne pouvoit que lui être fort préjudiciable.

Au reste, Agnès de Rochechouart justifia d’une manière fort avantageuse le choix que l’on avoit fait de sa personne pour gouverner cette maison. Plus occupée du soin de veiller au salut des âmes qui lui étoient confiées, que de jouir des honneurs attachés à son rang, cette pieuse abbesse se livra tout entière au dessein de réformer son monastère. On peut juger, par les divisions qui avoient précédé, accompagné et suivi son élection, qu’il y avoit dans la communauté des partis dangereux dont les altercations ne pouvoient manquer d’affoiblir beaucoup la régularité, et que ce fut pour remédier à de tels maux quelle fit dresser des statuts de réforme. Mais à peine l’abbaye commençoit à sentir les effets du zèle de la vertueuse abbesse qui la gouvernoit, que la fureur des guerres qui s’élevèrent dans ces provinces dissipa presque totalement le fruit de ses travaux. Ce fut le 28e de juin de l’an 1327 que l’orage vint fondre sur l’abbaye, laquelle se trouva en quelque sorte ensevelie sous ses propres ruines. Les mémoires que j’ay suivis ne spécifient point de quelle part vint cette désolation ; mais il n’y a point de doute que ce ne soit de la part des Anglois, qui, dans le cours de ce quatorzième siècle et une partie du suivant, mirent la France à deux doigts de sa perte, et firent surtout de la Guiene un théâtre des plus sanglans.

On trouve deux bulles de Jean XXIIe adressées à l’abbesse Agnès de Rochechouart. Elles sont datées l’une de la troisième, et l’autre de la septième année du pontificat de ce pape, c’est-à-dire de l’an 1317 et 1321 ; il y a aussy quelques titres des années 1325 et 1331 qui la concernent. L’année suivante, 1332, Pierre, archevêque de Bordeaux, ayant entrepris de faire la visite dans son abbaye, elle s’oposa efficacement à son entreprise, et maintint son monastère dans sa première et légitime exemption.

Agnès de Rochouart mourut le samedy après la fête de l’épiphanie de notre Seigneur, de l’an 1333, que l’on comptoit encore 1332 avant pâques, selon le stile de la cour romaine. C’est le procès verbal de l’élection d’Yve Vigerie de Lonzac, qui est au trésor avec l’acte de sa présentation au pape, qui nous apprennent le jour précis de la mort de cette abbesse.

Après son décès, et dès qu’on luy eut rendu les honneurs de la sépulture, la doyenne de l’abbaye, qui se trou voit alors à la tête de la communauté, et les religieuses, au nombre de soixante et six, y compris la doyenne, s’assemblèrent pour procéder à l’élection d’une abbesse. Les suffrages des électrices se trouvèrent partagés ; les unes, au nombre de trante six, élurent dame Yve Vigerie de Lonzac, et les autres, au nombre de trante, jetèrent les yeux sur dame Agnès Garnerie, de Blaye, prieure de Saint-Saturnin de Marennes, toutes deux religieuses professes de cette maison. Les deux élues ayant chacune respectivement consenti au choix qui avoit été fait de leur personne, l’affaire fut portée devant le saint siège alors remply par le pape Jean XIIe. Le pape nomma pour juger le différend le cardinal Raimond, du titre de Saint-Eusèbe [1] ; mais, durand le cours de ce procès, le pape Jean XIIe et le cardinal qu’il avoit nommé pour juge étant morts, l’instance fut continuée en présence du pape Benoît XIIe, qui monta sur le saint siège immédiatement après Jean XIIe. Benoît nomma, pour l’examen et la décision du procès, Pierre, cardinal prêtre du titre de Saint-Clément [2]. Les deux parties plaidèrent vivement et avec chaleur devant ce cardinal, lequel, avant la mort d’Agnès Garnerie, de Blaye, avoit déjà fait son rapport de l’affaire en présence du pape et du collège des cardinaux en plein consistoire.

Il y a apparance que le rapport de ce commissaire étoit favorable à l’élection d’Yves de Lonzac, laquelle se trouvoit en effet plus conforme aux dispositions des lois admises dans l’usage du droit canon, c’est-à-dire la pluralité des suffrages, dont au reste la règle de Saint-Benoît prise dans sa rigueur ne fait point une condition indispensable.

Mais sur ces entrefaites, et avant l’entière décision du différend, Agnès de Blaye mourut ; et pour lors sa rivale Yves de Lonzac ne trouva plus de résistance, et elle obtint facilement la confirmation de son élection.

- XVe abbesse. — Yve Vigerie de Lonzac fut confirmée dans la dignité d’abbesse par les bulles du pape Benoît XIIe, datée du 14e des calendes de may, c’est-à-dire du 18e avril de l’an 1342, qui étoit la septième année du pontificat de ce pape. Ainsy le procès entre elle et sa concurrente, Agnès de Blaye, suspendit sa possession pendant neuf années entières, c’est-à-dire depuis le dix-septième de février 1333 ou 1332 avant pâques. Outre le procès verbal de l’élection d’Yve de Lonzac, et l’acte de sa présentation au pape, que nous avons cités dans l’article précédent, on conserve au trésor quatre bulles de Benoît XIIe pour assurer son élection et la mettre en pleine possession de l’abbaye de Saintes. Ces bulles sont adressées, l’une à Yve de Lonzac elle-même, l’autre à la communauté, la troisième au roy de France, Philippe VIe, et la quatrième aux vassaux de l’abbaye pour leur ordonner de rendre une pleine obéissance à l’abbesse élue et confirmée. Ces quatre bulles sont datées du même jour, c’est-à-dire du 18 avril 1342, comme nous avons dit plus haut.

Outre ces bulles, le même pape Benoît XIIe lui adressa un bref daté du dixième de may de la même année, pour lui permettre de se faire bénir par quelque évêque catholique qu’elle jugeroit à propos, sous la condition de prêter le serment de fidélité au saint siège suivant la formulle qui se trouve joint au bref. Toutes ces pièces se trouvent réunies ensemble dans la liasse des bulles des abbesses, depuis 1311 jusqu’en 1375. Yve de Lonzac se fit bénir la même année, le 29 de juin, par Thibaud, évêque de Saintes, qui à cette occasion reconnut et ratifia les privilèges de son monastère.

L’an 1344, elle paya lés taxes ordinaires à la chambre apostolique ; et depuis ce tems on ne trouve plus d’acte qui parle d’elle ; ce qui peut faire penser qu’elle mourut peu de temps après.

- XVIe abbesse. —Hillaire IIIe se trouve nommée dans quelques titres authentiques des années 1350 et 1352. Elle mourut cette même année, après un petit nombre d’années de gouvernement.

- XVIIe abbesse. — Alix, nommée aussi Adélaide et Hélide de Rochechouart, siégea depuis l’an 1352 jusqu’à l’an 1366. En 1358, elle obtint du pape Innocent VIe la permission de posséder en commande le prieuré de Saint-Denis d’Olleron pendant trois années. Cette bulle se conserve au trésor de l’abbaye.

- XVIIIe abbesse. — Marguerite, première du nom, gouverna l’abbaye de Saintes depuis l’an 1366 jusqu’à l’an 1368, qu’elle mourut.

- XIXe abbesse. — Agnès IV, troisième du nom de Rochechouart, fut élue pour lui succéder ; mais elle ne fut confirmée que le 15 d’octobre 1375. L’acte de sa confirmation porte en titre les noms des quatre cardinaux, sçavoir : du cardinal Aglicus, évêque d’Albane ; de Pierre, cardinal prêtre du titre de Sainte-Anasthasie ; de Guillaume, cardinal prêtre du titre de Saint-Vital, et de Jacque, cardinal diacre du tilrc de Saint-George au voile d’or [3] Il paroît que ces quatre cardinaux avoient été nommés commissaires par le pape Grégoire XIe pour examiner l’élection d’Agnès de Rochechouart, et s’informer si elle avoit l’âge requis pour occuper le siège abbatial. C’est de là sans doute que vient le long intervalle qui se trouva entre son élection et sa confirmation. Dom Edmond Martenne prétend qu’Agnès de Rochechouart gouverna jusqu’en 1421, et qu’elle mourut le 12 de septembre après 53 années d’administration, à compter depuis l’an 1368 que mourut celle qui la précéda. Mais messieurs de Sainte-Marthe prétendent qu’il faut placer deux abbesses du nom d’Agnès entre Marguerite première, dont nous avons parlé à l’article précédent, et Marguerite seconde qui va suivre la première de ces deux abbesses, sçavoir : Agnès IV, de Rochechouart, succéda, selon ces messieurs, à Marguerite première, l’an 1368, et gouverna jusqu’en 1386 ; et l’autre abbesse, qu’il faudroit selon leur opinion nommer Agnès V, succéda à Agnès, la même année 1386, et gouverna jusqu’à l’an 1427.

Ce sentiment de messieurs de Sainte-Marthe est totalement détruit par l’acte de confirmation de l’abbesse Agnès IV, qui est nommée de Rochechouart dans le titre même que j’ay extrait sur l’original qui se conserve au trésor dans la liasse des bulles depuis 1311 jusqu’en 1375. Ainsy le siège demeura comme vacant depuis 1368 jusqu’à cette dernière année 1375 que la ditte Agnès fut confirmée. De cette manière on peut assurer qu’Agnès IV de Rochechouart, non seulement est celle qui fut élue après Marguerite première, mais même qu’elle vécut et gouverna jusqu’à l’an 1421, qu’elle mourut, après une administration de 46 ans, à compter depuis 1375 qu’elle fut confirmée et mise en possession. En effet, on ne trouve au trésor de l’abbaye que un vestige d’une nouvelle élection d’abbesse depuis cette année 1375 jusqu’en 1421.

- XXe abbesse. — Marguerite seconde de Pennevayre fut choisie pour remplir la place que la mort d’Agnès de Rochechouart laissoit vacante ; elle fut élue dès l’année même de la mort de celle cy, c’est à dire l’an 1421 ; et la même année le pape Martin Ve adressa une bulle à Jausbert, abbé de Font-Douce, pour la mettre en possession de l’abbaye ; l’abbé de Font-Douce n’exécuta sa commission que deux ans après, le troisième de mars 1423. Il est fait mention d’elle dans des titres de 1427, 1429 et 1438. Ce fut cette dernière année, qu’elle se démit de son abbaye en faveur de Jeanne de Villars, sous la condition d’une pension qu’elle se réserva, et qui dans la suite fut ratifiée par une bulle du pape Eugène quatrième.

- XXIe abbesse. — Jeanne première de Villars, sortie d’une famille illustre dans la Saintonge, fut d’abord religieuse à Cusset, dans le diocèse de Clermont. Marguerite de Pennevayre s’estant démise de l’abbaye en sa faveur, comme il a été dit cy devant, cette démission fut ratifiée premièrement par le concile de Bâle, le vingt-huitième d’avril de l’an 1438, et ensuite par la pape Eugène IV, le sixième de juin de l’année suivante 1439, et en conséquence, Jeanne de Villars fut mise en possession la même année, par Josbert, abbé de Font-Donce. Le 17e d’août 1479, elle prêta serment de fidélité à Charles, fils et frère du roy de France, duc de Guienne et comte de Saintonge, comme il paroît par une charte .conservée dans la bibliothèque du roy. Jeanne de Villars gouverna l’abbaye jusqu’à l’an 1484, qu’elle mourut après plus de 45 ans d’administration.

- XXIIe abbesse. — Anne de Rohan, née de parens très nobles tant d’une part que d’autre, fut élue pour succéder à Jeanne de Villars, quoy qu’elle ne fût alors âgée que de 25 ans. Le pape Innocent VIII luy accorda ses bulles qui sont datées de Rome, le 4e des nones de mars, c’est à dire le 4 du mois de l’an 1484. Cependant elle ne prit possession de l’abbaye que le 15 de may de l’année suivante 1485. On voit les armes de cette abbesse dans plusieurs endroits de la maison et de l’église, qu’elle avoit fait sans doute réparer. Elle mourut le 15 octobre 1523, après 38 années de gouvernement. Après sa mort, les religieuses se trouvèrent divisées sur le choix de celle qui devoit luy succéder ; dans ce partage les unes élurent Marie de Savoisy, et les aulres en plus grand nombre s’accordèrent sur Marie Daurise ; mais cette dernière renonça d’elle même au droit de son élection.

- XXIIIe abbesse. — Blanche de La Rocheandry fut élue le 6e d’avril 1524, et confirmée le 25e de juin, c’est àdire le 7e des calendes de juillet de l’année suivante 1525. par le pape Clément VIR
Il est parlé de cette abbesse dans deux titres originaux, conservés à la bibliothèque du roy, l’un desquels est du mois de décembre 1525 et l’autre du 27 de septembre 1537.
Cependant dans un titre du 6e février 1526, il est fait mention de Perrette Guillaume sous le titre d’abbesse de Saintes, ce qui pourroit faire juger qu’elle auroit disputé le siège abbatial à Blanche de La Rocheandry, ayant peut-être été élue par quelques religieuses. Quoy qu’il en soit, Blanche mourut l’an 1544, après avoir gouverné l’espace de 20 ans.

- XXIVe abbesse. — Jeanne seconde, première du nom de La Rochefoucaud, fille de François IIe du nom, comte de La Rochefoucaud, prince de Marsillac, et Anne de Polignac, succéda à Blanche de La Rocheandry, l’année même que celle cy mourut ; ses bulles sont datées du 4e des nones de novembre, c’est à dire du 2e du dit mois 1544. On la trouve, nommée dans deux titres originaux à la bibliothèque du roy dont l’un est daté du 26 de juin 1544, et l’autre du 7e de janvier 1557. Jeanne de La Rochefoucaud gouverna jusqu’en 1559 qu’elle mourut, après une administration de 15 années.

- XXVe abbesse. — Françoise première, deuxième du nom de La Rochefoucaud, étoit religieuse de l’ordre de Saint-Dominique dans le monastère de Poissy, lorsqu’elle fut nommée pour succéder à sa sœur Jeanne de La Rochefoucaud qui précède. Pendant le tems de son administration, l’abbaye essuia, comme tout le reste de la Saintonge, les plus cruels effets des guerres de la religion et des troubles du royaume.

Son frère même qui étoit attaché au party. calviniste, étoit un des plus ardens à solliciter la destruction de l’abbaye et la démolition de l’église, qui fut en effet ordonnée par le prince de Condé, dans le même temps environ que les protestans faisoient des ravages horribles dans le voisinage, et surtout à Saint-Jean d’Angely ; cette pieuse abbesse au milieu d’un orage sy affreux ne perdit point le jugement, ni la confiance qu’elle avoit dans la protection du ciel. Pour sauver son monastère de la ruine entière qui le menaçoit, elle se servit du rang et du crédit que son nom lui donnoit ; elle s’attacha surtout à fléchir son frère, auquel elle adressa pour cet effet les lettres les plus vives et les plus tendres. Ses sollicitations obtinrent enfin que le monastère et enclos ne seroient point détruit, et que la démolition de l’église ne seroit point continuée. Après avoir gouverné cette maison d’une manière pleine de sagesse et de prudence, au milieu des temps les plus périlleux durant l’espace de 47 ans, elle mourut le 27 avril 1606, âgée de 79 ans, comme le marque l’inscription qui est sur sa tombe, placée au bas du chœur en dedans et sous la grille. Dans le nécrologe de l’abbaye de la sainte Trinité de Poitiers, il est fait mention de cette illustre abbesse en ces termes : « Mourut vénérable dame, madame Françoise de La Rochefoucaud, abbesse de Notre-Dame les Saintes, de la libéralité de laquelle aussi bien que de très illustre dame Françoise de Foix, abbesse de la même maison, nous avons reçu en aumône la somme de six cens livres pour réparer notre four. »

Quelques uns placent en 1571 une nommée Jeanne de Clermont, religieuse du monastère de la Sainte-Trinité de Poitiers, que le roy Charles IX nomma, disent-ils, abbesse de Notre-Dame de Saintes, par lettres datées de Bourgueil, le 7e de décembre de la dite année.

Mais on ne sçauroit concilier leur sentiment avec les dates sûres et incontestable que j’ay rapportées pour prouver, la durée du gouvernement de madame Françoise de La Rochefoucaud ; on pourroit seulement conjecturer que cette Jeanne de Clermont lui auroit été donnée pour coadjutrice, et qu’elle seroit morte avant elle.

- XXVIe abbesse. —

Françoise de Foix II, abbesse de N-D de Saintes

Françoise IIe, première du nom de Foix, succéda à madame de La Rochefoucaud, l’année même que celle-cy mourut, c’est à dire l’an 1606. Elle étoit fille de Louis de Foix, comte de Gurson, qui fut tué le 23e de juin 1580, avec deux de ses frères, au combat de Montraveau, près de Nérac, et de dame Charlotte-Diane de Foix-Candalle, desquels elle naquit, le 1er de juillet 1580 [4]. Dès sa plus tendre jeunesse elle se sentit un tel éloignement pour le monde et ses plaisirs qu’elle y renonça de bonne heure pour se retirer dans l’abbaye de Saintes ; ce fut là qu’elle se livra entièrement à son dégoût pour le siècle, et à l’amour naissant qu’elle avoit conçu pour la retraite et pour les saints exercices de la vie religieuse. Après une épreuve raisonnable et dès qu’elle fut parvenue à un âge propre à faire un choix, elle se voua totalement à Dieu, et fit profession dans celte même abbaye entre les mains de Françoise de La Rochefoucaud, le 2e de juillet 1600, étant pour lors âgée de 20 ans accomplis.

Une vocation si régulière et un choix fait avec une telle maturité, ne pouvoient manquer d’être suivis de tout le succès que l’on en pouvoit attendre ; aussy vit-on madame de Foix nouvellement religieuse croître en vertu avec une telle rapidité qu’elle fut bientôt le modèle de ses sœurs et l’édification de tout le monastère. Dieu nourrissoit ainsy dans le secret cette jeune plante afin de la placer un jour au milieu de son héritage, et lui faire porter aux yeux de tout le monde des fruits proportionnés. En effet, le Seigneur ayant retiré à luy madame de La Rochefoucaud, le 27 avril 1606, elle fut nommée pour lui succéder, quoiqu’elle ne fût alors âgée que de 26 ans. Dés que madame de Foix eut pris en main les rennes du gouvernement, elle tourna tous ses soins au rétablissement parfait de l’abbaye tant pour le spirituel que pour le temporel ; l’un et l’autre avoient extrêmement souffert durant les troubles précédents, et toute la sagesse, le crédit et le courage de madame de La Rochefoucaud n’avoient au plus servi qu’à empêcher la destruction totale de ce monastère.

Les bâtimens déjà anciens menaçoient ruine de toute part, outre qu’ils étoient mal sains et très incommodes par leurs dispositions irégulières. Madame de Foix s’appliqua d’abord à les rétablir ; mais ce qu’elle fit dans cette occasion fut entièrement consumé dans l’incendie, qui arriva le 10e septembre de l’année 1608 ; cet accident l’obligea à un nouveau travail, et elle fit en effet rebâtir entièrement les dortoirs qui subsistèrent en cet état pendant 40 ans, c’est à dire jusqu’au 8e de septembre de l’année 1648, que ce nouveau bâtiment fut totalement brûlé. Enfin pour éviter un troisième et semblable malheur, notre illustre abbesse conçut le dessin de faire construire le grand bâtiment de quatre voûtes l’une sur l’autre qui subsiste aujourdhuy, et qui est un des plus beaux morceaux que l’on puisse voir en ce genre. Cet édifice fut commencé l’an 1659 ; mais il n’a été finy que par madame de Foix seconde, dont il sera parlé cy après. Je reviens à mon sujet.

Les lieux réguliers se trouvant plus en ordre et plus logeables, madame de Foix s’abandonna totalement au zèle dont elle brûloit pour le rétablissement entier de la régularité que les malheurs des temps et les fureurs de la guerre avoient considérablement affoiblie. Les grands exemples de vertu qu’elle donnoit continuellement â ses religieuses, son attachement rigoureux aux moindres observances,.sa tendre piété et son courage à défendre les intérests de Dieu et de la religion, furent les premiers moyens, et les plus efficaces qu’elle employa pour parvenir à l’accomplissement du grand ouvrage de la réforme qu’elle méditoit et pour lequel Dieu l’avoit visiblement choisie.
Madame Françoise de La Rochefoucaud, pleine de bonnes intentions et de zèle pour la sainteté de la maison de Dieu, en avoit conçu le dessein, et même elle y travaillait activement, lorsque Dieu la retira de ce monde ; en effet, voyant quelles difficultés elle auroit à essuier si elle vouloit changer entièrement les usages des anciennes religieuses, elle aima mieux travailler à former de jeunes plantes qui fussent dans la suite comme un peuple nouveau, capable de donner une nouvelle forme à son abbaye. Dans cette vue, madame de La Rochefoucaud ne recevoit aucune religieuse qui n’eût auparavant fait serment sur les saints évangiles de ne point s’opposer à la réforme, ni à celle qui entreprendroit de la mettre. De cette manière, madame de Foix trouva l’ouvrage de la réforme préparé pour son zèle ; mais l’on peut dire que cette vertueuse abbesse sut parfaitement mettre à profit les heureuses ouvertures que la providence lui avoit ménagées sous le règne précédent [5] : elle mit la dernière main à ce grand ouvrage l’an 1629, qu’elle obtint du pape Urbain VIII la bulle de réformation sur les dispositions de laquelle on régla les exercices du jour et de la nuit, qui se pratiquent encore aujourdliuy avec tant d’édification. Dans cette abbaye cette bulle, qui se conserve en original au trésor, est très détaillée dans toutes ses parties, pleine de l’esprit de piété et de dignité et digne de servir de commentaire à la règle de saint Benoit, selon sa destination. Madame de Foix ne se contenta point d’avoir ainsy rétably dans toute leur pureté le bon ordre elles observances régulières ; elle s’attacha encore à pourvoir solidement à leur conservation. Dans cette vue elle fit construire le noviciat, qu’elle sépara de la grande maison, afin que les nouvelles religieuses qu’elle recevoit, étant éloignées de la vue des anciennes, pussent se remplir plus aisément et plus tranquillement du nouvel esprit de la reforme, qu’elle leur inspiroit par ses exemples et par ses paroles.

Les jeunes religieuses devoient rester dans celte seconde maison, l’espace de cinq années après leur profession, sous la conduite d’une maîtresse sage et éclairée ; ce tems finy, elles passoient à la grande maison, où elles ne manquoient pas de porter parmi les anciennes religieuses la bonne odeur des vertus qu’elles s’étoient accoutumées à pratiquer dans le noviciat. Nous verrons dans la suite que madame de Duras, sans s’écarter dans le fond des louables intentions de madame de Foix, a jugé à propos d’interrompre un usage qui avoit été utile dans ses commencemens, mais dont les raisons ne subsistoient plus et qui par là avoit cessé d’être avantageux. Au moyen donc de cette maison du noviciat dont madame de Foix avoit fait le berceau de sa réforme, cette pieuse abbesse jeta les solides fondemens de la régularité, que l’on voit encore fleurir aujourdhuy en l’abbaye de Saintes avec le même éclat. Les exemples continuels de piété que les anciennes religieuses avoient devant les yeux et que les réformés soutenoient exactement, les gagnèrent peu à peu pour la plus part, et réunirent des esprits dont les vues étoient auparavant si différentes.

Au reste, quoy que rien n’égalât le zèle et la ferveur de madame de Foix, cependant ses vertus étoient sy aimables, et elle sçavoit rendre ses exemples si touchants que jamais sa piété ne fut capable de rebuter personne ; son principal caractère fut toujours de faire paroître la vertu aussi aimable qu’elle l’est en effet, et le succès répondoit si bien à ses intentions que les caractères les plus difficiles ne pouvoient résister à des motifs si puissans, et se dispenser de s’attacher à une supérieure si digne de leur respect et de leur amour.

Telle étoit la célèbre madame de Foix, que l’on peut avec raison regarder comme la véritable restauratrice de l’abbaye de Saintes. Le portrait que j’ay fait icy du gouvernement et des vertus de cette illustre abbesse n’a rien d’exagéré, et le précieux souvenir qui en reste encore parmy les religieuses de cette maison, est un sûr garant de ce que j’en ay dit.

Comme cet ouvrage est particulièrement destiné à l’édification, je me suis moins arrêté sur les travaux que madame de Foix avoit entrepris pour le rétablissement du temporel de sa maison, que sur ce qu’elle a fait pour y ranimer l’esprit de la règle et la fervante piété ; la matière n’est pas moins ample sur le premier sujet qu’elle l’est pour le second ; les procès qu’elle fut obligée de soutenir pour rassembler avec peine les biens de sa maison, qui se trouvoient en quelque sorte déchirés en lambeaux et passés dans plusieurs mains étrangères, ne furent pas la moindre partie des épreuves qu’elle eut à soutenir ; on peut dire qu’elle trouva en ce genre des obstacles insurmontables, pour tout autre courage que le sien, et pour terminer des différens si opiniâtres et sy embarrassés, elle eut besoin de toute sa patience. Après avoir obtenu une partie de ce qu’elle désiroit elle travailla h remettre les terres de l’abbaye dans une valeur raisonable ; pour cet effet elle fit faire plusieurs terriers, dont l’on se sert encore aujourd’hui avec utilité dans cette maison ; le soin avec lequel elle les fit dresser, prouve aisément jusqu’où s’étendoit sa sollicitude et la pénétration de ses vues.

Mais de toutes les entreprises quelle forma pour la restauration du temporel de son monastère, aucune ne fut plus utile que la réunion des prieurés qui en dépendoient ; ces bénéfices, qui dans leurs commancements n’étoient que de simples obédiences, étoient devenus par la suite des tems, et par les efforts de la cupidité des titres immuables, entièrement distraits du corps des abbayes, dont ils avoient fait d’abord les plus légitimes patrimoines ; plus il y avoit de ces sortes de bénéfice dans la dépendance de l’abbaye de Saintes, moins ses revenus étoient abondants, parce qu’elle n’en jouissoit pas ; ils étoient possédés souvent par des religieuses étrangères, qui les obtenoient en commande de la cour de Rome. Madame de Foix s’attacha donc à réunir dans le corps d’une même manse ces bénéfices détachés ; et l’on ne doit pas compter comme peu de chose les traverses qu’elle eut à essuier et les procès qu’elle fut obligée de soutenir, tant contre plusieurs des titulaires que contre les efforts des tenanciers ou des seigneurs voisins qui avoient profité du mauvais état de ces bénéfices, soit pour se soustraire à la juridiction, soit pour envahir les terres.

On peut voir par tout cecy que rien n’échappoit aux lumières ni aux soins de madame de Foix qui, par tous ces travaux, parvint à faire de son abbaye un modèle accompli pour les autres maisons religieuses de la province et même du royaume ; plusieurs de ces monastères étrangers se crurent heureux d’être gouvernés par les élèves de notre illustre réformatrice, et l’abbaye de Saintes fut comme une pépinière qui fournit dans la suite des abbesses et des prieures à diverses maisons de l’ordre de saint Benoît. Les sujets au reste n’y manquoient point ; la réputation de la mère et la bonne odeur des vertus des filles en attirèrent de toutes parts, de sorte que madame de Foix, durant le temps de son administration, reçut à la profession jusqu’à cent trente cinq religieuses dont la pluspart étoient d’une naissance distinguée.

Enfin pleine de mérite et chargée de bonnes œuvres encore plus que d’années, après avoir fourni et consommé l’ouvrage dont la Providance l’avoit chargée, après avoir fourny décernent son église de tout ce qui étoit nécessaire au service divin et répandu d’abondantes aumônes dans le sein des pauvres, dont elle étoit véritablement la mère, elle s’endormit paisiblement dans le Seigneur, le 19e d’avril de l’an 1666, étant pour lors âgée de 86 ans, - dont elle avoit gouverné l’abbaye l’espace de soixante.

- XXVIIe abbesse. —

Françoise de Foix III, abbesse de N-D de Saintes

Françoise IIIe du nom [6] IIIe de celluy de Foix, luy succéda ; elle étoit sa nièce, fille de Frédéric, comte de Fleix et de Gurson, grand sénéchal de Guienne, et de Charlotte de Caumont, fille de François, comte de Lauzun.

Dès l’an 1633 elle étoit religieuse de cette abbaye, où elle avoit fait profession le 2e de juillet 1631 (Voyez parmy les lettres de profession) ; grande prieure maîtresse des novices et coadjustrice de madame sa tante, dont elle suivit et aida de tout son pouvoir les pieux desseins, après sa mort, elle fut nommée à sa place dès l’année même 1666, et reçut la bénédiction abbatiale de l’évêque de Périgueux, l’an 1674, étant asistée dans cette cérémonie par mesdames Charlotte de Gramont, abbesse de Sainte-Ozone d’Angoulaime, et Suzane de Sainte-Aulaire, abbesse de Notre-Dame de Ligueux. Constamment attachée à suivre les traces de sa tante elle n’eut garde de laisser affoiblir l’esprit de piété, de régularité qu’elle avoit trouvé dans l’abbaye et dont elle avoit eu elle même le temps de se remplir pendant le long espace de sa coadjutoricie. Elle acheva le grand édifice que madame sa tante avoit commancé sept ans devant sa mort, en 1659, comme nous avons dit cy devant, et qu’elle n’avoit pas eu le temps de finir ; elle mit en état les dortoirs qui subsistent aujourd’huy, le réfectoire, la cuisine, les fourneaux et les tribunes qu’elle ménagea pour la commodité du chœur et de celles qui ne peuvent pas y assister ; en un mot elle mit la main à. toutes les entreprises utiles que la mort n’avoit pas permis à son illustre tante d’exécuter entièrement.

Cette pieuse abbesse, après avoir avoir fourny une carière de 72 ans et mérité par toute sorte d’endroit de participer à la gloire de celle qui l’avoit précédée et qu’elle s’étoit si fidèlement attachée à imiter, mourut de la mort des justes, le 17e d’octobre de l’année 1686 après avoir gouverné l’abbaye pendant 20 ans.

- XXVIIIe abbesse. — Charlotte de Caumont de Lauzun, fille de Gabriel, comte de Lauzun, et de Charlotte, fille d’Enry de Caumont La Force, marquis de Castelnau, fut nommée pour lui succéder ; elle étoit religieuse de cette abbaye, où elle avoit fait profession le 25 de janvier de l’an 1658. Elle reçut le brevet du roy le 31e décembre 1686 et ses bulles le 19e de février de l’année suivante 1687, et en conséquance elle prit possession le 22e de juin de la même année ; mais elle ne se fit bénir que le 12e d’octobre de l’année 1692 [7].

L’attachement que madame de Lauzun avoit pour toutes les observances régulières de cette maison, auxquelles elle s’étoit accoutumée dès son enfance, la rendit toujours extrêmement attentive à maintenir la réputation de piété que l’abbaye s’étoit aquise à juste titre sous les deux abbesses qui l’avoient précédée. Aussy durant son gouvernement, on vit régner dans ce monastère la même régularité que mesdames de Foix avoient si heureusement établie et soutenue et qui avoient rendu les religieuses de Saintes l’objet de l’édification publique.

Vers l’an 1717, madame de Lauzun, qui se voyoit âgée et infirme, pensa sérieusement à se procurer une coadjutrice qui pût la soulager dans l’administration de son abbaye et veiller plus particulièrement au maintien de l’observance régulière.

Dame Marguerite Balthide de Gonteau de Biron, religieuse professe de l’abbaye de Chelles, fille de Charles-Armand, marquis de Biron, lieutenant général des armées du roy, et Marie Antoinine de Bautru, fille d’Armand de Bautru, comte de Nogent le Roy, grand maître de la garde robe, fut accordée à madame de Lauzun pour coadjutrice.

Madame de Biron fut installée dans cette dignité le 14e février 1718, et elle gouverna avec madame de Lauzun jusqu’en 1724 qu’elle mourut le 20 janvier, âgée seulement de 34 ans.

Ce fut alors que madame de Lauzun, se voyant plus que jamais hors d’état de gouverner par elle même la maison que la providence lui avoit confiée, se démit de son abbaye, afin qu’on la pourvût d’une abbesse capable de maintenir le bon ordre et la piété qui y régnoient. Le roy à. cet effet nomme, le 17e de novembre 1725, madame de Duras dont il sera parlé à l’article suivant. Madame de Lauzun ne survécut pas longtemps à sa démission ; elle mourut le 25e de novembre de la même année, après avoir, gouverné 39 ans avec édification.

- XXIXe abbesse. — Très haute, très puissante et très illustre dame madame Marie de Durfort de Duras, fille de Jacques-Henry de Durfort, duc de Duras, maréchal de France, capitaine des gardes de sa majesté, gouverneur et lieutenant général du comté de Bourgogne et de la ville et citadelle de Besançon, chevalier des ordres du roy, neveu du grand maréchal de Turenne, et de dame Marguerite-Félice de Lévi-Vantadour, aiant été nommée par sa majesté pour remplacer madame de Lauzun, comme il a été dit plus haut, le 17e novembre 1725, prit possession de l’abbaye, le 4e d’aoust de l’année suivante 1726. Pour remplir cette dignité madame de Duras a été tirée de la maison de Conflans près de Paris, où elle avoit fait profession le 31e de janvier 1696, après avoir foulé généreusement aux pieds tout ce que le monde pouvoit offrir de plus flatteur. Dès le premier moment de son gouvernement, elle s’est attachée efficacement à faire le bonheur de ses filles et à procurer à sa maison tout le lustre qui luy manquoit. De quelque côté que l’on jette les yeux au dehors et au dedans, on voit des preuves non suspectes de ses soins sans y apercevoir le moindre mélange d’ostentation. Les réparations indispensables, qu’elle a faites à l’église, dans la maison et dans les terres de sa dépendance, montent déjà à plus de 416,000 livres, ce qui prouve avec quel soin et quel zèle elle s’est appliquée à rendre son administration véritablement utile.

Les décorations nécessaires dont elle a embelly son église l’ont rendue plus riante et beaucoup plus commode pour les religieuses et pour le peuple ; le tabernacle, la grille du choeur avec les boisures, la disposition du buffet d’orgues, les sacristies et autre arrangement qu’elle y a fait faire, rendent le vaisseau méconnaissable à tous ceux qui l’avoient vu auparavant. Ses soins se sont étendus avec la même proportion sur les édifices de son abbaye et des terres qui en relèvent, ce qui y a joint tout à la fois l’agréable à l’utile.

Mais de toutes les dispositions que madame de Duras a jugées nécessaires pour le bien de sa maison, il n’y en a point où elle fait plus d’usage de sa fermeté et de sa prudance, que dans la réunion du noviciat au corps de la grande maison.

On a pu voir, à l’article de madame de Foix Ire, quelles avoient été les raisons qui l’avoient portée à faire construire cette seconde maison. Ces raisons étoient sages assurément, et les circonstances critiques de l’établissement de la réforme et de l’opposition des anciennes religieuses autorisoient madame de Foix à faire cette séparation. Mais il est aisé de s’apercevoir que ces raisons né subsistaient plus dès que la réforme eut pris le dessus dans l’abbaye et que toutes les religieuses qui formoient la communauté se furent réunies dans une parfaite uniformité d’esprit et de conduite. Ces considérations entrèrent certainement pour quelque chose dans le dessein que conçut madame de Duras, en 1734, d’abolir cette seconde maison ; mais ce qui le détermina le plus efficacement, c’est le danger où elle se trouvoit de recevoir des filles quy luy étoient pour ainsy dire inconnues aussi bien qu’au reste de la communauté. Obligée de s’en rapporter au témoignage d’une maîtresse qui seule pouvoit juger des bonnes et des mauvaises qualités des novices qui luy étoient confiées, elle s’exposoit à être trompée, sy par malheur il arrivoit que cette maîtresse eût été tompée la première. Un danger sy visible de recevoir peut-être de mauvais sujets ou d’en renvoyer de bons au gré d’une seule personne, étoit donc la plus grande peine que ressentoit madame de Duras au sujet du noviciat, ce fut aussy le principal motif qui la détermina à l’incorporer à la grande maison. Dans cette vue et pour faire tout avec sa sagesse ordinaire, elle consulta des personnes éclairées qui applaudirent à son dessein et lui en conseillèrent l’exécution, par un mémoire dressé de sa propre main. Elle en fit sentir l’utilité à la cour de Rome, à laquelle elle ne recourut que pour donner à cette démarche le dernier degré d’exactitude ; elle en obtint un bref adressé à monsieur l’abbé de Savallet qui, selon les termes de sa commission, fit la visite de l’abbaye et ordonna la réunion du noviciat. Cette affaire fut consommée au mois de.....de l’année 1734 ; et depuis ce temps madame de Duras a eu la consolation de voir que les personnes qui avoient paru les plus opposées à son dessein, avoient été forcées d’y applaudir et d’en louer la sagesse. C’est ainsi que cette illustre dame sçait tourner toutes ses vues au plus grand bien de son monastère, dans lequel on voit régner sous sa sage administration une piété sans fard et une religieuse subordination.

L’an 1742, la célèbre abbaye de Fontevraux étant venue à vaquer, il lui falloit une abbesse dont le mérite et les talens répondissent à l’éclat de ce premier siège abbatial du royaume, et qui, habile dans le gouvernement monastique, pût donner à cette abbaye le même lustre qu’on admire dans celle de Saintes. Entre tant d’illustres abbesses dont le royaume est pourvu, sa majesté et son conseil n’en connurent pas de plus digne que madame de Duras ; la nomination suivit bientôt la découverte ; et, le 4e du mois de mars de la même année, elle fut nommée par sa majesté à cette abbaye. L’honneur d’occuper une place si souvent remplie par des princesses du sang, celui de se voir choisie pour être la dépositaire des princesses filles de sa majesté, ne purent l’emporter sur son attachement inviolable et sur sa tendresse pour le premier troupeau que Dieu a confié à ses soins. Pieuse et fidèle imitatrice des évêques de la premitive église qui ne quittoient jamais la première épouse que Dieu leur avoit donnée pour une plus riche, ni leur siège pour un plus brillant, elle supplia sa majesté de la laisser dans celuy où Dieu l’avoit placée et de ne l’oter pas à ses vierges désolées par la crainte de son départ. Les prières réitérées de son illustre et sainte communauté, celles de toute la province, les vœux en un mot du dedans et du dehors, ont obtenu de Dieu ce que madame de Duras demandoit à sa majesté ; elle acquiessa à son humble remontrance. Cette illustre dame a été laissée à son abbaye ; et le roy, en acquiesçant à sa juste demande, releva d’un éloge public un désintéressement si rare dans notre siècle mais sy digne des siècles les plus anciens et les plus purs.

D’une autre main est écrit. Laquelle est décédée le 31 may 1754, après avoir gouverné l’abbaye l’espace de vingt-huit ans avec édification.

D’une autre main. Madame de Durfort de Duras est morte le trente mai mil sept cent cinquante-quatre. Madame Marie-Magdelaine Beaudean de Parabert a succédé à madame de Duras, la même année de sa mort, c’est-à-dire le dix octobre mil sept cent cinquante-quatre ; sa mort est arrivée le trente septembre mil sept cent quatre-vingt-douze.

CHAPITRE VIIe - Qui contient les noms des dames religieuses de l’abbaye de Saintes vivant en 1744.
Les dames

Noms Jour de la profession et l’année.
Dame Louise de Seudre des Ardouin. 30 aoust 1665
Dame Catherine de Peausader de Bachin. 4 mars 1685
Dame Marie de Trévey. 8 may 1686
Dame Elisabet-Magdelaine de Ralegh. 24 feverier 1691
Dame Hélène-Charlotte de Poute. 13 novembre 1697
Dame Mariane de Rousselet. 25 juin 1691
Dame Marie de Rousselet. 9 mars 1698
Dame Jeanne du Rousseau. 8 mars 1699
Dame Claire-Henriette d’Arras. 8 mars 1699
Dame Louize de Cazaux. 8 mars 1699
Dame Marie Valtrin. 8 may 1699
Dame Marguerite-Angélique de Gombaud. 10 aoust 1703
Dame Claire-Elisabet de Couder. 22 feverier 1705
Dame Catherine Labbé. 22 feverier 1705
Dame Marguerite de La Fremaudière 22 feverier 1705
Dame Jeanne Berraud. 20 novembre 1707
Dame Angélique Poute de Saint-Aurin. 28 juillet 1710
Dame Marie Gaudin du Cluzeau. 29 septembre 1712
Dame Marie-Claude Duplessy. 29 septembre 1712
Dame Marie-Ursule de Castello. 29 septembre 1712
Dame Armande-Marguerite Bidet de Morville. 20 aoust 1714
Dame Marie-Angélique d’Abzac. 7 feverier 1717
Dame Catherine de Gomer. 7 feverier 1717
Dame Jeanne Pichon de Montereau. 7 aoust 1720
Dame Marie Delaage. 13 décembre 1722
Dame Marie de Corgnol de Tessé. 5 novembre 1725
Dame Marie-Anne de Castello de Maillé 5 novembre 1725
Dame Magdelaine Baudet de La Valade 29 septembre 1727
Dame Marie Buraud du Bourdet 29 septembre 1727
Dame Angélique Boudet 19 may 1729
Dame Marianne Grégoireau 29 janvier 1730
Dame Dorothée Dohet 20 aoust 1733
Dame Marie-Magdelaine de Lalande 2 juin 1735
Dame Marie-Magdelaine Joubert 2 juin 1735
Dame Théraise Grégoire 15 may 1736
Dame Anne-Geneviève Boudet 15 may 1736
Dame Marguerite Boisson de Rochemont 24 avril 1737
Dame Rose Boisson de Rochemont 24 avril 1737
Dame Théraise Demié de La Groix 19 décembre 1737
Dame Marie Guignot de Soullignac 26 avril 1740
Dame Marguerite Faure 7 feverier 1741
Dame Françoise-Bénigne Gregoireau 7 feverier 1741
Dame Marguerite Pichon 7 feverier 1741
Dame Fretard de Gadeville
Dame Delâge de Saint-Germain

Les sœurs converses

Noms Jours et années de la profession.
Sœur Marie Prévost. 24 avril 1689
Sœur Jeanne Sudreau. 8 may 1695
Sœur Marie Vacherie. 28 octobre 1698
Sœur Marie-Radegonde Maingaude. 28 octobre 1701
Sœur Marie Boucherie 3 may 1702
Sœur Marie de La Fargue. 19 juin 1712
Sœur Perrine-Charlotte Greslier. 14 juin 1707
Sœur Jeanne Brossiere. 20 aoust 1713
Sœur Marie Musset. 10 aoust 1714
Sœur Marie-Clere Prieur. 15 aoust 1717
Sœur Louise Sillord. 3 avril 1718
Sœur Victoire-Marie Grassineau. 29 septembre 1718
Sœur Marie Pinard. 11 juin 1720
Sœur Marguerite Bonneau. 9 janvier 1721
Sœur Jeanne Fleuret. 29 may 1729
Sœur Marie Noire. 29 may 1729
Sœur Marie Delaine de Lanis.1 24 novembre 1729
Sœur Marie-Eustelle Bréons. 14 feverier 1732
Sœur Marie Mosnier. 14 feverier 1732
Sœur Marie Simpé. 12 janvier 1734
Sœur Françoise Balanger. 12 janvier 1734
Sœur Marie-Théraise Barbereau. 21 avril 1735
Sœur Marianne Thinon. 21 avril 1735
Sœur Marianne Mosnier. 26 janvier 1736
Sœur Marianne-Clere Marsay. 26 janvier 1736
Sœur Marie Raimond. 26 novembre 1739
Sœur Marie-Suzanne Breau. 24 octobre 1741
D’une autre main :

Sœur Saint-André Lardreau.

Sœur Jeanne Guillemot.

Sœur Saint-Eutrope Jeanneau

Sœur Sainte-Anne Maréchal.

Sœur Placide.

- XXX. Après la mort de madame de Duras fut nommée abbesse, le dix octobre mil sept cent cinquante-quatre, madame Marie-Magdelaine Beaudéan de Parabert, qui gouverna l’abbaye de Saintes jusqu’au trente septembre mil sept cent quatre-vingt-douze, jour de sa mort. A la veille de la dissolution de la communauté, cette vertueuse dame avoit demandé à Dieu la grâce de mourir dans son abbaye, et elle eut cette consolation. La communauté composée de quatre-vingt-quatre religieuses eut la douleur d’être mise dehors après avoir rendu les derniers devoirs à la trentième abbesse de l’abbaye de Saintes.


[1Raymonde de Moseverole, évêque de Saint-Papaul, prêtre cardinal du titre de Saint-Eusèbe (1327), mort en 1335.

[2Pierre de Chappes, évêque de Chartres, prêtre cardinal du titre de Saint-Clément (1327), mort en 1336

[3Anglic de Grimoard de Grisac, chanoine régulier de Saint-Ruf de Valence, évêque d’Avignon, évêque d’Albano, mort en 1387 ; Pierre de Salvete-Monterze, évêque de Pamplune, chancelier de l’église romaine, mort en 1383 ; Guillaume de Chanac, chefcier de Saint-Martial de Limoges, abbé de Saint-Florent de Saumur, évêque de Mende et de Chartres, mort en 1394 ; Jacques des Ursins, diacre cardinal du titre de Saint-Georges un Velabro.

[4Note de l’abbé Briand : « Cette vertueuse abbesse reçut les six carmélites espagnoles, qui venaient établir le Carmel en France, sous la conduite du P. de Berulle. Les filles de sainte Thérèse furent d’une si grande édification pour madame de Foix, qu’après leur départ pour Poitiers et Paris, elle opéra une réforme entière clans son abbaye »

[5On me permettra de transcrire ici, comme complément du recit de 1’historien, quatre passages que j’extrais de la Collection, des decrets authentiques des sacrées congrégations romaines. Sacrée congrégation des rites, par M. Barbier de Montault ; t. III, p. 46 : « Xantonen. Abbatissa et moniales sanctae Mariae recitantes officium cum breviario romano supplicarunt pro licentia celebrandi festa sanctorum ordinis. Et sacra congregatio concessit, juxta rubricas breviarii romani. Die 6 octobris 1640 ; » page 52 : « 2473. Breviaire romain. Moniales beatae Mariae Xantonensis narrantes se usque de anno 1640 juxta decretum hujus sacrae congregationis 6 octobris editum, dimisso breviario monastico benedictino reformato, recepisse breviarium romanum, et modo dubitare an hoc legitime ipsae potuerint facere, stante decreto ejusdem sacrae congregationis 24 januarii 1615, quo praecipitur militantes sub régula sancti Benedicti, teneri et obligatos esse uti breviario benedictino reformato, etiamsi per ontea usi fuissent breviario romano, supplicarunt denuo pro licenlia utendi breviario romano, et celebrandi festa sanctorum ordinis juxta rubricas breviarii romani. Et sacra congregatio respondit : « Licite potuisse de licentia hujus sacrae congregationis recipere breviarium romanum de anno 1640, non obstante decreto ejusdem sacrae congregationis de anno 1615, et ob id licere eisdem monialibus in posterum uti breviario romano, ac de sanctis ipsarum ordinis recitare officium juxta rubricas dicti breviarii romani ». Die 2 martii 1641 ; — p. 147 : « Abbatissa el moniales S. Benedicti civitatis Xantonensis supplicarunt pro facullate recitandi officium corporis Christi juxta ritum breviarii romani illis quatuor diebus singulis annis, quibus ex antiquissimà consuetudine sanctissimum Eucharistiae sacramentum quater in anno in ecclesia monasterii praedicti publicae adorandum exponitur. Et. S. C, oratricum supplicationibus benigne annuens et citra approbationem dictae consuctudinis, eis benigne indulsit ut quater in anno officium praedictum sanctissimi corporis Christi juxta ritum breviarii romani recitare possint. post expletum officium occurrens, dummodo. illud privatim et sine cantu recitent. Die 23 januaiii 1644 ; » — p. 163 : « Francisca de Foix abbatissa et moniales monasterii ordinis sancti Benedicti civitatis Xantonensis, quae ex nobilioribus familiis Galliae existunt, alias sub die 23 januarii 1644 postularunt ut quater in anno, quod ab immemorabili tempore consueverunt, sanctissimae Eucharistie sacramentum publice exponere sibi liceret officium de eodem sacramento recitare ; et obtinuerunt id sibi permitti, dummodo post expletum officium occurrens, privatim, et sine cantu recitarent. Supplicant iterum pro gratia praedicta, intercedente excellentissimo domino marchione de Sainl-Chaumont, oratore regis christianissimi. Et sacra congregatio censuit, attentis narratis, « gratiam » petitam oratricibus esse concedendam. » Die 29 octobris 1644. »

[6Note marginale de l’abbé Briand : « C’est cette abbesse qui fonda à Saintes, avant d’être religieuse, le premier monastère des filles de sainte Thérèse en 1617. L’historien de l’église Santone et de l’abbaye en a fait autant en 1853 ; il n’y a pas de mal à cela ! bien fou qui s’en fâche ! ».

[7Note marginale de l’abbé Briand : « En 1792, on ne bénissait plus, on guillotinait ; que fera-t-on en 1892 et 1992 ! Deus scit. »

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