Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1345 - 1369 - La Guerre de Cent Ans en Saintonge et en Angoumois, dans une chronique normande

mardi 3 avril 2012, par Pierre, 1458 visites.

Une chronique normande anonyme du XIVe siècle raconte plusieurs épisodes de la Guerre de Cent Ans en Angoumois, Saintonge et Aunis. Ce document permet de recouper les Chroniques de Froissart, qui relate les mêmes évènements, mais avec des détails différents.

Nous publions ici les extraits de cette chronique qui parlent de ces provinces.

Voir aussi : 1345 - 1355 - Campagnes des Anglais dans les provinces de l’Ouest.

Source : Chronique normande du XIVe siècle / publ. pour la Société de l’histoire de France par Auguste et Émile Molinier – Paris - 1882 - BNF Gallica

La Chronique normande du XIVe siècle, publiée dans le présent volume, n’est ni complètement inconnue, ni entièrement inédite. Plusieurs érudits l’ont déjà citée comme renfermant nombre de détails curieux et de dates précises touchant l’histoire des trente premières années de la guerre de Cent ans.

Nous ignorons absolument le nom de son auteur et nous confessons dès maintenant que tous nos efforts pour résoudre ce petit problème d’histoire littéraire sont restés infructueux.

...

Notre auteur n’était donc ni clerc, ni moine ce devait être soit un homme de guerre, un petit capitaine au service de la France, soit ce que nous appellerions aujourd’hui un officier d’administration, un agent chargé de la solde et de la subsistance des troupes.

Notre auteur était donc un noble, un petit chevalier, un cadet de famille au service du roi de France, chez qui son dur métier n’avait pas étouffé tout sentiment de pitié pour les populations foulées par les gens d’armes.

A partir de la bataille de Poitiers, l’auteur ne s’occupait guère que de la Normandie avant 1356, sans négliger cette province, il s’intéresse également à l’histoire des autres parties du royaume. Il connaît la topographie de certains pays du nord de la France de la Picardie, de l’Artois et du Hainaut, presqu’aussi bien que celle du pays normand. Il a certainement fréquenté les environs de Paris, séjourné peut-être à Ermenonville, à Beauvais, à Meaux, etc. ; il parle également des provinces de Bretagne, de Maine et d’Anjou en homme qui les a parcourues. Pour les pays au.sud de la Loire, ses renseignements sont plus vagues ; il connaît personnellement une partie du Poitou, les environs de Saintes, peut-être Aiguillon et certains cantons de l’Agenais mais il ne paraît pas avoir visité le reste du royaume ; s’il nomme Avignon, Carcassonne, Toulouse, Tarascon, quelques localités de Bourgogne et de Champagne, la manière même dont il parle de toutes ces villes donne à penser qu’il n’en connaissait que le nom. Il en est de même pour l’Espagne son récit des trois campagnes de Castille (1367-1369) est en général exact, mais on y trouve plusieurs erreurs géographiques qui donnent à croire qu’il ne passa pas lui-même les Pyrénées, et qu’il dut ses renseignements à quelque compagnon d’armes de du Guesclin.

Le règne du roi Jean s’ouvre dans la chronique par les quelques mots sur la mort du connétable d’Eu, que nous avons cités plus haut : Le premier des événements racontés ensuite, auquel l’auteur a pu assister, est la bataille de Saintes, perdue par la faute du maréchal de Nesle : les détails qu’il donne sur le lieu du combat, sur les dispositions militaires du maréchal, sur les retards qui amenèrent la défaite, tout confirme à nos yeux cette opinion. Peut-être prit-il également part à la tentative contre la ville de Sainte-Foy-sur-Dordogne, mais il est certain qu’il n’assista ni au
siège de Saint-Jean-d’Angély, ni à la reprise de Loudun.

Nous pensons toutefois qu’il servit encore en Poitou en 1354, quand Arnoul d’Audrehem perdit le combat, de Comborn, sur lequel il donne certains détails caractéristiques.

[1345]

Après se rendi aux Anglois Villefrance et Tonins et Damasan et la plus grant partie du pais jusques à Angolesme, selon le chemin que les Anglois tindrent. Et la cyté de Angolesme se rendit, et y mist le conte Derbi grant gent pour la garder et en pluseurs villes.

Et d’illec s’en ala jusques à Saint Jehan d’Angeli et la prist et la garny de ses gens. ef chevaucha vers Poitiers, et au passer pardevant Lesignen le chastellain lui apporta les clefz et lui rendi, et le conte le garny de ses gens et chevaucha oultre jusques à Poitiers et entra dedens car elle estoit petitement close et la courut et pilla toute. Et de là se retourna, gastant et dommaigant le pais de Poitou, de Xantonge et de Gascongne, et prist pluseurs forteresses et pluseurs se rendirent et tournèrent à lui de leur mauvaise voulenté, et tant que ilz vindrent devant la Riole, et avoient les bourgois de la ville traitié à lui ou à ses gens de lui rendre. Et quant ceulz de la ville ,virent venir les Anglois, ilz manderent au chastellain, nommé Bertaut d’Oultre-Peaue, que il leur venist aidier à défendre leur ville, et il y vint comme cellui qui ne se doubtoit point de leur mauvaistié. Et quant il fut a une des portes, ilz ouvrirent l’autre aux Anglois et les mistrent ens, et eust esté le chastellain pris, se n’eust esté une bonne femme qui lui dist que les Anglois entroient en la ville par une autre porte. Lors il se retrahist hastivement vers son chastel et en son chemin trouva bien XL pors et en prist l’un et l’emmena tramant, et il crya par tele manere que tous les autres pors le suivirent dedens le chastel et se recueilli sauvement, combien que il feust de mout prés suivy. Et lors le dit conte Derbi assega le dit chastel et fist merveilleusement gecter d’angins et en pluseurs lieux miner, et lui mesmes combati en la mine pluseurs foiz, et par mine chay la grosse tour et y donna pluseurs assaulz, mais par assaulz n’y peut riens faire, de cy à tant que vivres faillirent au chastelain et à ses gens. Et adont le, dit chastellain traita telement au conte Derbi, que il peust aler sauvement devers le roy Jehan qui lors estoit duc de Normandie, querir son secours, et que entretant ses gens peussent avoir des vivres pour leur argent pour leur souffisance. Et eut terme cinq sepmaines, et se au bout des V sepmaines il n’estoit secouru, il rendroit le chastel. Et lors le duc de Normandie estoit vers Angolesme, et neantmoins le dit chastellain au terme qui mys lui estoit ne fut point secouru, mais rendi le chastel au terme qui mis lui estoit.

Car le duc de Normandie avoit grandement a besongner pour la ville d’Angoulesme que il gaingna par siege, et y eut pluseurs grans saillies et escarmouche où les Anglois perdirent. Et quant il l’eut recouvrée, il tint noble feste au jour de la Chandelleur, en l’an de grâce mil CCC XLV, et là sejourna V sepmaines. Et après ce ala le duc Jehan à tout son ost vers Bergerat, où le conte Derbi s’estoit logiez.

[1350]

En ce temps estoit cappitaine d’Angoulesme Friquet de Friquant, et fut l’an mil CCC LI, et en pou de temps desconfit trois fois les Anglois sur les champs, et prist le fort de Aombleville par assaut, qui estoit prés de Coignac à leue et demie, et prist une autre mout forte place sur la rivière de Charente que les Anglois tenoient. Et en ces places devant dictes ot bien IIII cens Englois mors et pris. Et en ce temps fut ordonné par le roy Jehan le mareschal de Neelle, cappitaine géneral ou pais de Poitou et de Xantonge et des frontières d’environ. Et assembla ycellui Guy de Neelle, mareschal de France, bien XV cens combatans, car il oy dire que les Anglois et pluseurs Gascoins estoient assemblez pour chevaucher et dommager le pais de Poitou et de Saintonge. Et lors se mist le dit mareschal à chevaucher contre eulz vers le pais, où il pensoit que ilz deussent venir, et tant que il les encontra une lieue par delà Saintes une chapelle, que on nomme Saint George [1]. Et tantost que les Anglois apparceurent les François, ils descendirent à pié et se mistrent en ordonnance. Et le mareschal et sa gent le firent ainsi excepté que il mist deux routes de gens d’armes à cheval sur les deux costez de sa bataille, et tant mist à faire, son ordonnance que bien de trois à quatre cens Anglois, qui demouroient à Tanay sur Charente, et à Taillebourc, vindrent assembler avec leurs autres gens. Et assez tost après assemblerent les batailles et y ot forte bataille et dure. Là furent François desconfiz et y fut prins le mareschal de Neelle, Ernoul d’Odenehen, Regnaut de Pons et grant foison de nobles chevaliers et autres. Et furent bien VI cens hommes d’armes mors et prins et les autres se retrairent en la cité de Sainttes.

Tantost après celle desconfiture, envoya le roy Jehan Charles d’Espaigne, son connestable, cappitaine sur le dit pais et avec lui Bouciquaut, Friques de Friquans et Jehan de Clermont et pluseurs nobles chevaliers, à tout grant foison de gens d’armes. Et une fois ala Bouciquaut et Friquant et Jehan de Clermont, Hutin de Vermelle et Floury de Tourmeville pour cuidier escheler la ville de Sainte Foy sur Dordonne, et avoient bien VI cens combatans et cuiderent avoir aucuns de leurs aidans dedens la ville. Mais le seneschal de Bordeaux le sceut et se vint mettre dedens à tout grant foison d’Anglois et Gascoins, et y vint la nuit que François la pensoient à escheler. Et toutes voies les François eurent aucun sentement des gens qui estoient entrez en la ville, ou eurent destourbier par quoy ilz ne peurent pas parfaire leur emprinse, combien que ilz y essaiassent. Et quant il fut grant jour et les François furent retraiz es champs hors du trait de la ville, le seneschal de Bordeaux et ceulz de dedens la ville yssirent, et estoient bien autant ou environ comme les François. Et quant les François les virent, ils leur coururent seure, et là eut grant besongne, et y furent les Anglois desconfiz et fut prins le seneschal de Bordeaux et.la plus grant partie de ses gens mors et prins.

Environ ce temps ; prindrent yceulz François un lieu par assaut que on appelle la Mote, et furent touz ceulz de dedens mors et prins. Et tantost après on mist bastides devant Saint Jehan d’Angeli que les Anglois tenoient, et dedens yceulz bastides ordonna le roy Jehan grant foison de gens d’armes, qui mout destraindrent la ville. Et assez tost après ala le roy Jehan au siège devant Saint Jehan d’Angeli. Mais tantost les Anglois demandèrent trieves de XL jours en tele maniere que se dedens les XL jours n’estojent secouruz, ilz rendroient la ville et le chastel. Lesquelz n’eurent point de secours et se rendirent sauves leurs vies. Et le roy Jehan s’en repera en France et laissa Charles d’Espaigne et le seigneur de Beaugeu, mareschal de France, ou pais de Poitou et de Saintonge à tout grand foison de ses gens.

[1351]

L’année de devant avoit esté prins Lodun, et y eut un mout grant assault et de grans saillies car le Bascon de Mareil et pluseurs autres Gascoins et Englois estoient dedens, qui mout appertement se gouvernoient, et toutesvoies rendirent ils le castel et s’en alerent.

Environ ce temps fut la bataille des XXX, que fist le sire de Beaumanoir de François contre trente
Anglois, et combatirent en champ esleu et à jour nommé. Là fut mort Robert Brambroc, chief d’iceulz Englois, et tous les autres Anglois mors et prins.

Grans guerres ot en ce temps et moult de besongnes petites. et grandes par le royaume de France, tant en Poitou, en Bretaigne que sur les marches de Gascoingne, dont il n’est point fait de mencion en cest livre.

En ce temps que le connestable d’Espaigne et le seigneur de Beaugieu furent envoiez de par le roy ou pais de Poitou ; fut prinse la ville de Lesignen et l’eglise, mais le chastel se tint, et y eut pluseurs forteresses prinses sur le pais. Et fut Ernoul d’Odenehan délivré de la prinse de Saintes et fut ordonné à certaine quantité de gens d’armes de par le roy Jehan sur le pais de Limosin et de Pierregort. Une fois chevauchoit le dit Ernoul d’Odenehen pardevant une forteresse, que les Anglois tenoient, nommée Combort, et avoit avec lui bien II cens hommes d’armes, mais à ycellui point estoient assemblez pluseurs Anglois et Gascoins au dit lieu de Combort, bien II cens hommes et V cens servans, et les gouvernoit Ernault de Labret, Emelion de Pommiers, Emery de Tartres, le sire de Montferrant et le Basque de Mareul, lesquelz yssirent en bataille contre le dit Ernoul d’Odenehen. Là ot grant bataille et dure, et y fut mort Jehan de Nervé et Damp, James de Beauval, et plus de VIIxx hommes d’armes françois mors et prins, et ne fut point prins ledit Ernoul d’Odenehan, et dit on que par la vaillance du bastard de Sancey il fut mis à sauveté, et toutesvoies fut le dit bastart prins. Aprés envoya le roy Jehan le seigneur de Beaugieu à Saint Osmer.

[1369]

En cellui temps fist le roy Charles de France adjourner en sa court le prince de Gales pour lui faire
hommaige de la duchié de Guienne que il tenoit de lui et pour respondre sur certains malefices .que il et ses gens avoient faiz et perpetrez contre la magesté royal. Auquel adjournement il ne comparut point et derechief fut adjournez par II foiz, ausquelz il ne comparut, et tant fut le proces demené contre lui en la court de France, que il fut jugé par sentence et arrest de Parlement, que il s’estoit forfait contre le roy et la couronne de France et que la duchié de Guienne devoit par la ditte forfaiture estre aquise au roy. Et lors le roy somma le conte de Foiz, le conte d’Armignac, le conte de Comminges, le conte de Monlesin, le sire de Labret et les autres seigneurs et gens de bonnes villes de la duchié de Guienne, que ilz venissent en son obeissance, comme ses drois hommes que ilz estoient pour cause de la forfaiture devant ditte pour laquelle cause et pour pluseurs griefs et oultraiges et deffautes de droit que le prince leur avoit faiz, les contes devant nommez et le sire de Labret et pluseurs autres seigneurs et bonnes villes, comme Auch, Agien, Letore, Condon, Caours, Figat, Montauban, Bergerat, Pierregueux, Angoulesme, Saintes, Saint Jehan d’Angeli, la Rochele, Limoges et pluseurs autres bonnes villes, nobles chasteaux et forteresces de la duchié de Guienne vindrent en l’obeissance et hommage du roy Charles et de la couronne de France, combien que il y eust pluseurs bonnes villes [et] forteresces, qui se tindrent depuis que la guerre fut commenciée du roy Charles de France d’une part et du roy Edouart d’Angleterre et de ses enffans d’autre et firent guerre, du costé des Englois. Et en cellui temps commança la guerre des princes devant diz, en l’an mil CCC LXIX.


[1Peut-être St-Georges de la Valade, aujourd’hui la Valade, commune de Saint-Porchaire, mais Denys d’Aussy situe ce lieu à Saint-Georges-des-Coteaux, près de Saintes.

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