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1448 - 1464 - La grande misère de l’Angoumois à la fin de la guerre de Cent Ans

lundi 3 novembre 2008, par Pierre, 1211 visites.

La Guerre de cent ans , "comme ung chacun scet par deçà, qui a eu cours par l’espace de deux cens ans et plus". C’est dire que ça dépasse la mémoire et l’entendement. Et le tableau révélé par ces archives est impressionnant.

Source : bulletin historique et philologique du Comité des travaux historiques et scientifiques - Année 1889 - BNF Gallica

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 L’Angoumois à la fin de la guerre de Cent Ans

Communication de M. Lièvre, correspondant à Poitiers.

On sait en quel étal Charles VII trouva la France en 1422 : elle « estoit lors si ruinée et dépopulée qu’elle sembloit plustost un désert qu’un florissant royaume ; car ne se trouvoit aucun habitant par les champs ; les laboureurs et champestres, s’estant retirez dans les églises et lieux fortz, ne sortoyent guères, à cause de la gendarmerie qui estoit ordinaire par le pays. Elle estoit devenue, par la continuation des guerres soubz trois roys, toute en friche, pleine de halliers et de bois, et plustost la demeure des bestes que des hommes » (J. Du Port, La vie de Jean, comte d’Angoulême).

Plusieurs de nos églises de campagne, surélevées et fortifiées pour recevoir ainsi sur leurs voûtes les habitants du voisinage, portent encore la trace du séjour qu’ils y firent dans ces temps calamiteux.

Le désordre et la misère ne firent qu’augmenter jusque vers le milieu du siècle. Ce n’était plus la guerre promenant ses ravages tantôt dans une province tantôt dans l’autre, c’était le brigandage partout. N’importe qui levait des soldats, prenait un grade et se faisait chef de compagnie. On guerroyait pour son propre compte et on pillait sous une bannière ou sous l’autre. L’édit célèbre du 2 novembre 1439, par lequel Charles, abandonnant, en quelque sorte ses sujets à eux-mêmes, les invitait à s’armer contre les pillards et à se faire justice, nous laisse entrevoir à quel degré le désordre était arrivé. Voici un fait, entre autres, qui nous montre l’anarchie dans toute sa brutalité :

« En l’an mil iiijc-xli, le jour de sainct Berthoumyou, la dame de Gourville fit venir les gens du Sgr. de Pons jusques au nombre de xx hommes de guerre et les mist dedans sa place, et le lendemain lesd. gendarmes pilhèrent toutes les chambres des bonnes gens de Gourville, et puys myrent le feu dedans et les firent ardre, et firent gaster toutes les mestives des bonnes gens et de l’abbaye de Sainct-Cybart, tellement que tous les habitants dud. lieu de Gourville et environ furent déshérités, et puys, quant ce fut faict, lad. dame dict qu’elle estoit bien aise, car elle estoit vengée des villains de Gourville, et que fust mestier à l’abbaye de Sainct-Cybart pour deux cens livres le grant dommage qui y fut faict. – La somme des maisons qui furent arses, esquelles demeuroient gens, se montoit dix-neuf maisons. » (Archives de la Charente, Fonds de St.-Cybard, Cartul. E, 6.)

La misère générale, des famines fréquentes, des épidémies épouvantables se joignaient à la guerre pour dépeupler le pays. Ceux à qui il restait quelques ressources se réfugiaient derrière les murailles des villes. Nombre de villages n’avaient plus d’habitants. La paroisse de Bonneville, qui sans être des plus considérables n’était pourtant pas des plus petites, se trouvait, dans le premier quart du XVe siècle, réduite a cinq feux.

Vers le milieu du siècle, l’horizon s’étant un peu éclairé, les seigneurs commencèrent à procéder à de nouveaux acensements, et dans les baillettes il n’est question que de masures et de « lieux frous, où autrefois souloient estre maisons ». Les sols les plus fertiles, les fonds les mieux situés, comme les alluvions de la Charente aux portes d’Angouléme, étaient abandonnés aux ronces et aux épines, - prati deserti et exteriles ad causam guerrarum, dit une charte, dans un latin qui lui-même n’est, guère cultivé.

Il fallut presque partout recourir à des enquêtes pour reconnaître les limites des domaines. Ce n’étaient pas seulement les champs qui, à la longue, s’étaient transformés en bois et en buissons ; dans beaucoup d’endroits on ne se rappelait même plus au juste où passaient les chemins, et on en était parfois à rechercher la situation de certains « mainements » dont le nom s’était conservé dans quelque charte.

Les établissements religieux, pour ainsi dire sans revenus, avaient laissé tomber leurs bâtiments en ruines ; les couvents ne se recrutaient plus. Saint-Cybard, de cinquante moines était tombé à six, qui vivaient misérablement dans les masures du monastère. Depuis longtemps, pour réparer un peu leur église, ils avaient vendu tout ce qu’ils avaient de plus précieux, notamment deux tables d’argent qui taisaient l’ornement du maître-autel et l’orgueil de la maison.

L’évêché était de même en ruines, et, des quatre ou cinq châteaux que les évêques possédaient, autour d’Angoulême, deux étaient rasés et les autres inhabitables.

C’est a ce lamentable état de choses que se rapportent les deux documents que nous donnons ci-après. Ils sont de 1448 et de 1464.

A ce moment-là, la guerre est finie ou va l’être. La confiance renaît ; on se reprend partout à vivre et à travailler ; des colons arrivent du Limousin, du Berry et des autres provinces moins éprouvées ; on défriche, on rebâtit, et avant la fin du siècle, dans les acensements nouveaux, il ne sera plus guère question de « masureaux » et de terrains « frous ».

A..-F. LIEVRE, Bibliothécaire-archiviste de la ville de Poitiers, correspondant du Ministère de l’Instruction publique.

 14 novembre 1448 – Attestation, par le sénéchal d’Angoumois et les maire et échevins d’Angoulême, de l’état de ruine dans lequel se trouvaient les bâtiments de l’abbaye de Saint-Cybard, par suite des guerres.

Guy de la Roche, seigneur de Montandre, conseiller et chamberlant de très excellent et puissant prince monseigneur le conte d’Angolesme et son séneschal en Angolmois, et nous maire et eschevins de la commune de la ville d’Angolesme certiffions à tous à qui il appartiendra que ensembles les maire et eschevins de ceste cité d’Angolesme avons esté requiz de révérend père en Dieu abbé de mons. Saint Cibard avec son convent de certiffier les grans reparations et démolicions nécessaires affaire en l’abbaie de mons. Saint Cibart ès surburbes de ladite cité, laquelle abbaie par la vimaire et fortune de la guerre a esté et est tellement démolie et convertie en toute ruyne que les religieux ne scevent ne ne pevent logier à couvert tant en dortouer comme autrement, et les édifices servant à la nécessité de ladite abbaie sont en toute démolicion et inhabitez, et qui plus est le cuer de ladicte esglise, où de jour en jour et continuellement se fait le divin service, est fondu et démoly par les arches et woutes, qui sont rompues, que il convient, faire et chanter et célébrer les messes ordinaires de ladite abbaie hors le cuer de ladite esglise, et semblablement le cloistre et refectouer en toute démolicion et ruyne que pitié est du regarder ; toutes lesquelles choses et édiffices ne se pevent ne ne pourroient reffaire des rentes et revenus de ladite abbaie pour ce qu’elles sont en nulle ou petite valeur par la fortune de la guerre, comme ung chacun scet par deçà, qui a eu cours par l’espace de deux cens ans et plus ; et principalement se brief n’est mis remède au cuer de l’esglise de ladite abbaie ladite démolicion des woutes tirera à lui le remanant des autres woutes qui seroit la totale destruction et désercion de ladite esglise et abbaie, que Dieu ne veulle, laquelle si noblement a esté fondée par Chalamaigne le grand et ses successeurs roys de France on temps passés. Et toutes ces choses nous certiffions estre vraies, en tesmoing desquelles et qui soit chose noctoire à tous, nous avons fai sceller ces présentes du scel aux contrauctz de la ville et chastellenie de ladite cité d’Angolesme et des sceaulx des maire et eschevins de la commune de ladite cité, le quatorziesme jour de novembre l’an mil quatre cens quarante et huict et en la présence des dessudits maire et eschevins et autres nobles et bourgeois de lad. cité.

Signé : J. DU S. AMOUR.

(Archives de la Charente : Fonds de Saint-Cybard. - Original. Les deux sceaux annoncés ont disparu).

 31 juillet 1464. - Commission du sénéchal de Saintonge, obtenue par Robert, évêque d’Angoulême, tendant à faire faire une enquête d’examen à futur pour prouver que toutes les maisons de son évêché avaient été ruinées par les guerres des Anglais et que, par conséquent, ses héritiers ne seraient tenus à aucunes réparations.

Gaston du Lion, seigneur de Besandun, conseiller et premier varlet tranchant du roy, nostre sire, et son seneschal de Xaintonge, a maistres Pierre Loubac, Hélies Giraut, licenciés en loix, maistre Jehan Sieur, Olivier Malet, ou deux de vous, Salut.

De la partie de révérend père en Dieu messire Hubert, évesque d’Angoulesme, nous a esté expousé disant que trante et ung an a et plus il fut deuement et canonecquement institué évesque dudit evesché et que son église épiscopal de Saint Pierre d’Angoulesme, qui est de fondacion royal, fut jadis dotée de plusieurs beaux droits, lieux, terres et seigneuries, lesquelles terres et seigneuries de paravant sa promocion ont esté désertez et dépopulées et les houstelz et autres grans ediffices que autresfois furent bastiz et édiffiéez sumptueusement esdites terres et seigneuries appartenant audit révérend père, comme Vars, Marsac, le Mayne de Boysse, Beaumont et son houstel épiscopal d’Angoulesme sont cheuz et tumbe en ruyne totallement pour la vimère des grans guerres, hostillités et pilleries qui ont esté on pais d’Angoulmoys qui a esté en frontière (?) des Angloys, queque soit de la rivière de Charente, et mesmement, à cause de ce, sont venuz à totalle ruine les maynes de Boisse et de Beaumont esquelz n’a demeuré parsonne de mémoyre de homme. Et le lieu de Vars, que les Angloys prindrent XI ans a et plus, amprès qu’il fut recouvert et reprins sur eulx par seige, du commandement du Roy, pour éviter plus grant dommage au pais, fut totallement abrazé et desmolly ; et au temps que ledit révérend père en Dieu vint en son évesché il n’avoit nul retrait fors au lieu de Massac (Marsac), qui estoit presque tumbé en ruine. Et combien que le retrait y fust bien petit, néanmoins icellui révérend père se rétraissit et y fit certaines repparacions pour se retraire, lui et les siens. Et durant ce que ledit évesque estoit audit logis de Marsac, qui est entre les eaues et en lieu mou, il convint audit, révérend père s’en partir pour ce que icellui lieu fondoit par pié, et depuis l’a fait visiter par plusieurs foiz à massons et autres gens de bien, eulx cognoissant en telz matières, qui n’y trouvèrent aucun remède pour l’inundacion d’eaues qui y affluent, lesquelles empeschent d’y trouver aucun fondement. Au moien de quoy il a convenu audit révérend père désemparer ledit lieu, jasoit ce que tousjours il l’a tenu couvert et maintenu le plus qu’il lui a esté possible. Et en son houstel d’Angoulesme n’y avoit lieu où il se peut loger et lui a convenu y bastir et édiffer, tellement que de présent il y est bien logé. Et pour ce que ledit révérend père trouva son évesché despopulé et, comme inhabité et la plus part occupé par les Angloys tellement que de tout le revenu de son dit évesché il n’eust pas trouvé deux cens livres de ferme et que ondit houstel épiscopal ne trouva aucuns biens meubles, par quoy nécessairement luy a covenu sa meublir et adménager de utencilles nécessaires. Aussi a il eu de grans procès et contre grandes parties, qui lui ont esté insourportable, et si n’eust esté que ledit révérend père avoit autre pratique il n’eust peu entretenir son estat et pour ce que ne lui a esté possible de bastir ès autres seigneuries et terres à luy appartenant à Dirac, Juignac (Jurignac), Pérignac et autres lieux où les édiffices qui y estoient anciennement et de long temps devent cheuz en ruyne, aussi na il joy d’aucuns d’iceulx ne des autres terres susdites si n’est depuis naguères si ce n’estoit de Vars et de Massac (Marsac), lesquelz estoient de pou de valeur ; car iceulx qui habitoient esdits lieux n’estoient si hardiz de partir de leurs maisons, et encores de présent est ledit évesché de petit revenu. Et double ledit révérend père, qui est vielz et ancien, que amprès son décès et trespas on voulsit compeller et contraindre ses héritiers à faire les dites repparacions, où il n’est de rens tenu, comme il dit, attendu ce que dit est, Et soit ainsi que pour ce monstrer et prouver ledit révérend père ait plusieurs tesmoins vielz, fragilles, valitudinaires et affucteurs, desquel est double de mort ou longe absence sans la déposition desquels il ne pourroit bonnement prouver ne monstrer les choses susdites, qui seroit en son très grand grief, préjudice et dommaige s’ilz se mourroient ou absentoient sans sur ce eslre oiz et examinez si, comme il dit, requérant sur ce luy estre pourveu de remedde convenable. Pour ce est-il que nous, ces choses considérées, vous mandons, et à deux de trois, que, appelez ceulx qui pour ce seront à appeler, vous reçoyves et faictes jurer tous et chacuns les tesmoins qui par ledit exposant vous seront produitz et admonestiez et, iceulx oies et examinez de et sur le contenu ès intenditz et articles qui par le dit exposant touchant les dites choses et deppendances d’icelles et autres vous seront baillées, et leurs ditz et deppositions rédiges en forme par escript bien et deuement. Et l’examen qui par vous ou deux de vous sera sur ce fait gardes-le par devers vous ou deux de vous qui auré vacqué à la besoigne pour valoir et servir audit expousant afin de perpétuel mémoire ou autrement et qui poura et dyvra de raison. Si donnons et mandons à nostre premir sergent royal sur ce requis d’aiourner par devant vous ou deux de vous à tous les jours, lieux et heures que vouldrez vacquer et entendre au faict de ladite commission tous et chacuns les tesmoins que ledict révérend père vouldra produire et faire examiner pour prouver son fait et intencion et les parties adverses dudit révérend père pour les dits tesmoins veoir jurer et recevoir et o intimacion que y aillent ou non vous ou deux de vous procéderes à la réception et examen desdits tesmoins non obstant leur absence par la manière que raison devra. De ce faire vous donnons plain pouvoir, auctorité et mandement espécial etc., nous faisans de voz exploiz deue rellacion. Donné à Saint Jehan d’Angely soubz le scel de la dite séneschaucée le dernier jour de juillet l’an mil quatre cens soixante et quatre.

(suivent deux signatures)

(Archives de la Charente : Fonds de l’évêché, bâtiments. - Original, parchemin.)

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