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1456 - A Gardes-le-Pontaroux (16) deux hommes d’église s’entretuent pour des gerbes de blé

mercredi 7 décembre 2011, par Pierre, 657 visites.

A Gardes-le-Pontaroux (16), près de Villebois-Lavalette, deux hommes d’église perdent la tête pour quelques gerbes de blé. L’un proclame publiquement qu’il a excommunié l’autre. L’affaire va de mal en pis. Ils en viennent aux mains. Ledit Boutin, chapelain excommunicateur, est jeté de cheval et roué de coups. "Il ala deux ou troys heures apres de vie à trespassement."
Le roi absout le meurtrier au motif qu’il est insupportable pour un jeune homme de bonne renommée d’être traité d’excommunié.

A Vienne en Dauphiné - Octobre 1456.

Droit de terrage & dîme sur les récoltes

Rémission pour Guinot Mercier de Villeboys en Angoumois. (Auj. Villebois-Lavalette, Charente)

(Sur parchemin)

Sommaire

Guinot Mercier, clerc tonsuré, allait prendre son droit de terrage sur une piece de blé lui appartenant, quand il rencontra Philippe Boutin, curé de la paroisse ; celui-ci s’y opposa en prétendant qu’on lui volait ainsi sa dîme. De là injures et coups, puis excommunication du suppliant.
Quelque jours après les deux adversaires en viennent encore aux mains et le curé Boutin meurt des blessures qu’il reçoit.

Remissio pro Guynoto Mercier. Charles, &c. Receu lumble supplication de Guinot Mercier, jeune homme de l’aage vingt ans ou environ. nagueres demourant avec le prieur de Peyrac son oncle, près Villeboys [1]) ou pays d’Angolmoys, contenant que certain jour du temps de moyssons derrenières passées ledit suppliant se party de l’ostel dudit prieur du Peyrat [2] son oncle & se transporta en certaine piece estant en la paroisse de Garde oudit pays d’Angolmoys pour ilec prendre & cueillir le droit de terrage qui lui appartenoit en icelle pièce de terre ainsi qu’il est accoutumé de faire ou dit pays & de fait en usant de son droit commença à cueillir & fayer pour le dit terrage du blé qui estoit en icelle piece de terre, surquoy survint Phelippe Boutin, prebstre, chappelain de la dicte paroisse de Garde, lequel comme tout eschauffé, demanda audit suppliant qu’il faisoit illec,

Question de terrage.

TERRAGE : Synonyme des mots agrier et champart : ’Encyclopédie pour le mot terrage s. m. (Gram. & Jurisprud.) est une redevance annuelle qui se paye en nature sur les fruits que la terre a produit.
Quand il tient lieu du cens il est seigneurial.
Quand il est dû à un autre qu’au seigneur, il n’est considéré que comme une rente fonciere.
Ce droit est la même chose que ce qu’on appelle ailleurs champart, ou agrier. Voyez ci-devant CHAMPART, & les coutumes de Mantes, Berry, Chartres, Orléans, Blois, Ponthieu, Boulenois, Cambray, Aire, Hesdin, &c.
L’agrier est variable selon les produits, les lieux, les seigneurs et les périodes : le taux le plus élevé est généralement 1/6e. Les plus courants sont le 1/10e et le 1/12e.

a quoy ledit suppliant respondi qu’il prenoit son terrage & le dit feu Phelippe Boutin, prebstre, lui dist qu’il mentoit mais prenoit sa dixme & le dit suppliant dist que c’estoit son terrage & ne prenoit rien de son droit. Et lors ledit Phelipe Boutin commença à prendre les javelles dudit blé que ledit
suppliant avait fayées pour sondit terrage & à les getter & espendre parmy le champ, dont le dit suppliant ne fut pas content, & lui remonstra que ce n’estoit pas bien fait de ainsi mestre à perdicion ledit blé,

Appellations injurieuses

surquoy se meurent entre eulx plusieurs paroles & de fait s’entreprindrent au corps, mais pour ce que ledit suppliant se trouva le plus fort, il getta à terre le dit Phelipe Boutin sans lui faire
autre mal, pour raison duquel débat ledit Phelipe Boutin toutesfois qu’il trouvoit & povoit veoir ledit suppliant l’appeloit excommenié & disoit à tous ceulx qu’il congnoissoit pour le vitupérer [3] & scandaliser enson honneur telles parolles ou semblab !es : « Véez le là, l’excommenié, véez le là » & en ceste manière continua lesdictes parolles, sans s’en vouloir cesser ne déporter depuis ledit temps de moyessons jusques le prouchain sabmedi devant la feste Saint Michel, que ainsi que ledit suppliant s’en voulait aler au dit lieu du Peyrat, il rencontra ledit Phelipe Boutin qui s’en alloit audit lieu de Garde & lui demanda pourquoy il l’appelait tousiours ainsi publiquement excommenié & que se en gardant son droit de terrage qui lui appartenoit en ladicte terre il avoit résisté à ce que ledit Phelipe ne l’empeschast en sondit terrage, veu mesmement que ledit Phelipe Boutin vouloit avoir ledit blé que pourtant ne devoit-il pas estre excommenié & qu’il n’avoit fait que garder sa possession & que ce n’estoit pas bien fait de ainsi le publier excommenié.

Voies de fait

Mais ledit Boutin par manière de desrision & moquerie lui dist « … pour toy ne plus ne moins » à l’occasion desquelles choses se meut débat entre eulx tellement qu’ilz vindrent de paroles a voyes de fait & en eulx combattant ensemble fut ledit Boutin qui estoit à cheval getté de dessus son cheval par ledit suppliant & mis à terre & en ce faisant lui donna plusieurs coups & colées [4] & ce fait s’en ala ledit suppliant audit lieu du Peyrat & laissa ledit Boutin en la place, lequel, comme depuis il a oy dire, ala deux ou troys heures apres de vie à trespassement.
.
Pour occasion duquel cas ledit suppliant doubtant rigueur de justice s’est absenté du pays & n’y oseroit jamais seurement converser ne repairer, se noz grâces & misericorde ne lui estoient sur ce imparties comme il dit, en nous humblement requérant que attendu son jeune aage & qu’il est clerc tonsuré, aussi la manière du cas advenu qui a esté fait de chaude collére & par cas de fortune parce qu’il ne cuidoit pas le tuer & que du premier débat. dont s’est enfuy ledit inconvénient ledit feu Boutin fut agresseur en tant qu’il getta et espendi parmi le champ de blé que ledit suppliant avoit cueilli & fayé pour ledit droit de terrage, aussi & que bien dure chose estoit audit suppliant d’être ainsi incessamment par ledit feu Boutin publiquement appellé excommenié & de ce vitupéré & scandalisé, dont il estoit à cette cause fort deshonnoré, que en tous autres il est bien famé & renommé sans jamais avoir esté attaint ne convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reprouche. il nous plaise nosdictes grâce & misericorde lui impartir.

Pourquoy nous, ces choses considérées, voulans en ceste partie miséricorde préférer à rigueur de justice. audit suppliant le fait & cas dessus déclairé, ensemble toute peine, amende & offense corporelle, criminelle & civile, en quoy pour occasion d’icellui il pourroit estre encouru envers nouz &justice, avons quitté, remis & pardonné, quittons, remettons & pardonnons de grâce especial plaine puissance & auctorite royal & l’avons restitué & restituons à ses bonne fame & renommée
au pais & à ses biens non confisquez. Satisfacion faicte a partie civilement tant seulement se faicte n’est. Et sur ce imposons silence perpétuel à nostre procureur présent & avenir.

Ordre aux sénéchaux de Saintonge et du Périgord

Si donnons en mandement aux seneschaulx de Xainctonge & de Perregort & a tous noz aultres justiciers & officiers & à leurs lieuxtenans présens & avenir & a chacun d’eulx comme à lui appartendra que de nostre présente grâce, quittance, rémission & pardon facent, seuffrent & laissent ledit suppliant joyr & user plainement & paisiblement sans pour occasion de ce lui mettre ou donner ne souffrir être mis ou donné ores ne pour le temps avenir aucun arrest, destourbier ou empeschement en corps ne en biens, en aucune maniere, mais ce son corps ou aucuns de ses ditz biens sont ou estoient à cette cause prins, saisiz, arrestez ou empeschez, lui mettent ou facent mettre incontinant & sans délay à plaine délivrance & afin que ce soit ferme & estable à tousiours, nous avons fait mettre nostre scel à ces présentes, sauf en autres choses nostre droit & l’autruy en toutes.

Donné à Vienne ou moys d’octobre l’an de grace mil CCCC cinquante six & de nostre règne le XXXVe.

Ainsi signé.

Par le Roy,

A la relacion du Conseil.

J. de Reilhac

Visa contentor,

Chaligant.

(Arch. JJ. 187, fol 106 v°)


[1Villebois-Lavalette, arrondissement d’Angoulême, Charente, chef lieu d’un Duché érigé au XVIIe siècle en faveur de la famille d’Epernon.

[2aujourd’hui dans la commune de Blanzaguet-Saint-Cybard (Charente)

[3Injurier. offenser.

[4Coup donné sur le cou, d’où est venu le mot [accolade] des nouveaux chevaliers.

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