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1541 - François 1er mate la révolte de la gabelle en Saintonge

jeudi 10 janvier 2008, par Pierre, 1393 visites.

« Le roy envoya pour pacifier les dicts contre disants, monsieur François de la Tremoille, vicomte de Thouars, comte de Taillebour, et gouverneur du pays de Poictou, et le general Bouhier en pays de Xaintonge, au mois d’aoust mil cinq cens quarante ung, ou furent longuement ; mai ne firent rien… »

Alors le roi va s’en charger lui-même ...

D’après les Annales d’Aquitaine de Jean Bouchet (1644), cité dans les Œuvres de Rabelais - Éloi Johanneau - 1823

On dit an 1541 et vers le commencement d’iceluy furent remonstrés au roy les abus et malversations qui estoyent commises en ses droicts de gabelle par les faulx saulniers, non seulement a son préjudice mais a la grand’ foule et charge du peuple. Au moyen de quoy le roy pour y remédier auroyt faict saisir tout le sel estant es salines des généralités de Languedouy (Langue d’oui pour Languedoc), Guyenne et Bretaigne … Sur ce est a considérer qu’on dict temps et au par avant, la forme accoustumée de lever les droicts du roy sur le sel de son royaulme estoyt qu’il faisoyt lever par ses officiers droict de gabelle en tout son royaulme, fors en Poitou, Xaintonge, ville et gouvernement de la Rochelle, Engoulmois et es isles de Ré et de Marans ou il prenoyt le quart denier de la vente, qui se levoyt sur les marchans revendans le dict sel qui estoyt cinq sols pour livre. Lequel droict tant qu il ya eu douaire pour roynes douairières de France, leur estoyt baillé, pour partie de l’assignation de leur douaire, et estoy affermé a gens qui levoyent icelluy droict…

Certain temps (après que madame Marie d’Angleterre vefve du feu roy Loys douziesme de ce nom fut decedée), le roy avoyt augmenté le dict droict de deux sols six deniers par livre… es lieux et aultres villes de son royaulme ou il faisoyt lever le dict droict de gabelle, il prenoyt par chascun muy de sel trente livres tournois. Et en mesme temps qu il avoyt augmenté le droict du quart du sel, comme dict est, il augmentoyt aussi le droict de gabelle de quinze livres pour muy : et par ce moyen en levoyt quarante cinq livres pour chascun muy. Et avoyt ordonné que les deniers procedans de la creue des dicts droits de sel, tant en gabelle que paye de quart, seroyent employés au payement des presidens, conseillers, et officiers des cours de parlement de son royaulme.

La manière de lever les dicts droits estoyt qu’es pays de gabelle il y avoyt certains lieux et villes ou y avoyt greniers a sel pour le roy : esquels tous marchans pouvoyent mener du sel, prins es isles et marais, et y avoyt officiers et receveurs pour les débiter, appelez grenetiers et contrôleurs : lesquels faisoient registres de la descharge du dict sel.

Et ce faict, avoit chascun des dicts officiers et le marchant la clef du grenier. Et après le dict sel avoyr este au grenier un an pour le moins, le marchant se retiroit par devers le général des finances du roy, en la charge du quel estoyt le dict grenier, le quel arrestoyt les frais du dict marchant, qu’il avoyt faicts pour l’achapt du sel, péage et conduite jusques au grenier. Et selon iceulx frais, sur les quels estoyt jecté le droict de gabelle, il mandoyt ausdicts officiers vendre le dict sel, et bailler au marchant les deniers d’icelluy, retenant le droict de gabelle pour le roy. Et convenoyt que chascun habitant du ressort du dict grenier à sel allast querir sel pour sa provision au dict grenier, sans auseг en aller prendre ailleurs qu il feust sceu. Et par chascun an, chascune paroisse estoyt taxée par les dits officiers à prendre certaine quantité de sel au dict grenier, au pris qui estoyt arbitré par les dicts officiers. Lequel sel estoyt departy sur chascun habitant de la paroisse. Et s’il n’en avoyt assés pour sa provision, convenoyt qu’il envoyast au dict grenier en querir, et prendre billet ou certification du sel qu’il avoyt prins.

Surquoy fault entendre que les dicts officiers alloyent chascun an, ou quant bon leur sembloyt, es lieues et paroisses de leur ressort : et faisoyent appeller les habitans des dictes parroisses par devant eux, pour savoyr quel sel il avoyent prins l’année precedente au grenier. Et ou ils voyoyent qu’ung habitant mesnager, veu le train qu’il avoyt a sa maison, ne s’estoyt par conjecture vraysemblable peu passer du sel qu’il informoyt avoyr prins au grenier, le condamnoyent en amende arbitraire : voulans inferer qu’il avoyt prins du sel aillieurs qu’au grenier : la quelle amende se departoyt par moictié au profit du roy et des dicts officiers : qui estoyt une grand’ peine et vexation, frais, et mises, pour les personnes du dict pays de gabelle ; parceque les dicts officiers y commettoyent plusieurs abbus. Et avoyent les gens subjects au quart, le sel a beaucoup meilleur compte, que les dicts gens de gabelle, voire de moitié. Et a cause de ce estoyent aussi plus chargés de tailles…

Cette forme et manière d’achapter et vendre sel, et d’en prendre les droicts tels que dessus, dura jusques au dict an mil cinq cens quarante, que le roy feit un general edict, par lequel il a reduict tous les pays de son royaulme a droict de gabelle, non tel que le precedent : mais a voulu et veult que toutes personnes pourront vendre sel, en payant certaine somme de deniers pour chascun muy, pour droict de gabelle de quart et demi quart, selon les ordonnances qu’il a sur ce faictes. Et sans ce qu’il y ayt plus de greniers a sel.

Mais pour le faire vendre, revendre, et distribuer par les propriétaires et marchans en tous les lieux de son royaulme, a ordonné grand nombre d’officiers selon et ainsi qu’il est contenu par ses dictes ordonnances, qui furent arrestées par le roy en sou conseil еn la ville de Chastelleraud, le premier jour de juing, l’an mil cinq cens quarante ung, dont y a livre en impression, ou je remets les lecteurs.

Ceux de Poictou, Xaintonge, gouvernement de la Rochelle et des isles y adjacens et des Marais, furent mal contans, voire aulcuns contredisans d’obéir ausdittes ordonnances : disants que le sel leur coustoyt presque deux fois autant qu’il avoyt accoustumé : et que ceulx qui estovent du pays de gabelle, estoyent grandement soulagés, parce que du sel qu’ils avoyent, le roy prenoyt quarante cinq livres pour muy, et de présent n’en prenoyt pas tant. Et ceux qui estoyent subjects au quart, et demi quart, en payoyent plus qu’ils n’avoyent de coustume, et si n’estoyent soulagés du faict des tailles, dont ils avoyent esté surchargés, par le moyen qu’ils n’estoyent grevés de la gabelle, comme les aultres.

Le roy envoya pour pacifier les dicts contre disants, monsieur François de la Tremoille, vicomte de Thouars, comte de Taillebour, et gouverneur du pays de Poictou, et le general Bouhier en pays de Xaintonge, au mois d’aoust mil cinq cens quarante ung, ou furent longuement ; mai ne firent rien… Les manans et habitans des isles de Marennes, Oleron, Sainct Fort, Sainct Jehan d’Angles, Sainct Just, Bourg, Libournes, Bourdeaux, Sainct Machaire, Langast, et aultres, ou la plupart d’iceux prindrent les armes contre les officiers et commissaires du roy, sur le faict de la gabelle, en grand’ assemblée de gens : commettans contre sa majesté plusieurs rebellions, désobéissances, et resistences. Au moyen de quoy le roy feit assembler son ban et arriereban de Poictou : et leva ung nombre de gens de pied, pour contraindre les habitans des lieux susdicts a obéir a l’exécution de ses edicts : dont ne tindrent grand conte : voyans que le roy estoyt occupé ailleurs, et qu’il avoyt entreprins droisser cinq armées pour la tuition de son royaulme ; et par ce moyen, les choses demourerent en cest estat par quelque temps. De sorte que Ies officiers du roy n’en furent les maistres. Mais apres en avoyr faict faire amples informations, se retirèrent, attendans les autres affaires du royaulme estre plus asseurées d’une autre part.

[Les habitants de La Rochelle (nous abrégeons dans notre style) ayant pris part à cette rébellion, le roi y envoya des troupes, et y alla lui-même l’année suivante.

Les prisonniers qu’on avoit faits sur les révoltés, liés et enferrés, tous montés sur des chevaux, furent conduits par les archers de la garde dans les prisons du château.

Le lendemain, qui etoit un dimanche, dernier jour de septembre, le roi retournant à son logis, accompagné des cardinaux et des princes, une troupe d’enfants cria : Sire miséricorde !. Le 1er octobre, le roi, après son diner, ordonna que tous ces prisonniers fussent amenés, et que les principaux habitants de La Rochelle, accusés, comparussent devant lui. Le roi monta sur un théâtre dressé dans le jardin de son hôtel. Les habitants des îles eurent pour défenseur Guillaume Le Blanc, avocat au parlement de Bordeaux, et ceux de La Rochelle Etienne Noyau, lieutenant et assesseur de La Rochelle.

Après que le premier eut parlé, [1] ] les paovres habitans, qui estoyent de genoux, se prindrent tous a cryer a haute voix, les mains tendues, miséricorde ! comme aussi feirent les Rochellois qui estoyent de l’aultre cousté, aussi a genoux, et les testes nues : qui fut chose lacrymable et piteuse a ouyr… Ces humbles requestes ouïes par le roy auroyt luy mesme dit et remonstré ausdits habitans des isles et de la Rochelle l’énormité des cas par eux commis contre sa majesté… Et que par ce bieu avoyent mérité leurs corps et biens estre confisqués, toutes fois il leur octroyoyt sentence de miséricorde. Et soupa le soir mesme avec les citadins de la ditte ville, qui luy feirent ung festin solennel en la salle Sainct Michel, ou fut conduit par trente des plus apparens d’icelle ville, richement vestus, et portans chascun d’eux une torche ardente en main.

Le lendemain apres disner, le roy partit de la dite ville avec sa compagnée, prenant son chemin a Blоуs, a Orléans, a Paris, et a Fontainebleau. Monseigneur le dauphin (qui fut depuis Henri II, François, son frère ainé, étant mort) ne peust estre a ce tant recommandé acte, parce qu’il estoyt demeuré ung peu mal disposé a Engoulesme, ou luy tenoyt compagnée madame la dauphine. Lesquels, peu de temps par apres suyvirent le roy et le trouvèrent a Orléans ou a Paris.


[1La partie entre crochets est une retranscription abrégée du texte original, faite par Éloi Johanneau dans son livre Œuvres de Rabelais

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