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1560 - Pierre de Ronsard : Ode à André Thevet, angoumoisin
samedi 8 mars 2008, par , 1156 visites.
Cette ode de Pierre de Ronsard à André Thevet n’est pas de la même veine que la "Mignonne allons voir ..." de nos cahiers d’écoliers.
Pour un angoumoisin aussi voyageur que Thevet, une ballade aurait paru un peu mesquine !
André Thevet (Angoulême 1502 - Paris 1590) -
André Thevet fut inhumé dans l’enceinte du chœur[de l’église des Cordeliers à Paris : il était lui-même Cordelier], sous une tombe plate, sur laquelle on mit cette épitaphe : Cl GIST Vénérable et scientifique personne, maître André Thevet, Cosmographe de quatre rois ; lequel étant âgé de 88 ans, seroit décédé dans cette ville de Paris, le 23e jour de novembre 1590. Priez Dieu pour lui. Thevet est auteur de plusieurs ouvrages très-médiocres et qui ne sont aujourd’hui guère lus. Il était d’Angoulème, et passa la meilleure partie de sa vie à voyager. (Dictionnaire d’épigraphie chrétienne - Abbé Migne - Paris - 1852)
Source : Oeuvres complètes de Pierre de Ronsard, par Prosper Blanchemain - Paris - 1857 - Books Google
1560 - Pierre de Ronsard : Ode à André Thevet, angoumoisin (Ode XXIII)
Hardy celui qui le premier
Vid au bois le pin montaignier Inutile sur sa racine, Et qui le tranchant en un tronc Le laissa seicher de son long Dessus le bord de la marine ; Le scia d un fer bien denté, Le transformant en une hune, En mast, en tillac, en carreaux, Et l’envoya dessus les eaux Servir de charrette à Neptune ! D’avirons le dos non batu, Sentit des playes incogneues ; Et maugré les vents furieux, Argon d’un art laborieux Sillonna les vagues chenues. L’entreprise (ô Jason) tu fis D’acquerir la laine dorée Avec quarante chevaliers, En force et vertus les premiers De toute la Grece honorée. De voir ta navire, poussoient Hors de la mer leurs testes blondes Et les Phorcydes, d’un long tour, En carolant tout à l’entour Conduisoient ta nef sus les ondes. Qui des doigts son luth pincetoit Et respondoit à la navire, Laissant des aiguillons ardans Aux cœurs de ces preux, accordans L’aviron au son de la lyre De gloire pour avoir deceu Une jeune infante amoureuse, Pour avoir d’un dragon veillant Charmé le regard sommeillant Par une force monstrueuse Qu’un fleuve de petit renom, Qu’une mer qui va de Thessale Jusqu’aux rivages Medéens, A merité des anciens Un honneur qui les Dieux égale, Doit avoir en France aujourd’huy D’honneur, de faveur et de gloire, Qui a veu ce grand univers, Et de longueur et de travers, Et la gent blanche et la gent noire ! Aux Indes faire son réveil Quand de son char il prend les brides, Et l’a veu de près sommeiller Dessous l’Occident, et bailler Son char en garde aux Nereïdes ! En Egypte au plus haut du jour Puis l’a reveu dessous la terre Aux antipodes esclairer, Quand nous voyons sa sœur errer Dedans le ciel qui nous enserre ! Mille rivages, mille bords, Tous sonnant un divers langage, Et mille fleuves tous bruyants De mille parts divers fuyants Dans la mer d un tortu voyage ! D’oiseaux de serpens, de poissons, Nouveaux à nostre cognoissance ; Puis en ayant sauvé son chef Des dangers, a logé sa nef Dedans le beau port de la France ! Du docte Bourdin [2], son support, Qui comme un sçavant Ptolomee A de tous costez amassez Les livres des siecles passez Empanez de la renommée. L’innocence et la verité, Ennemy capital du vice, Aimé des peuples et de Dieu, Et qui du palais au milieu Paroist l’image de Justice. Comme aux trois langues bien appris ; Qui seul fait cas des doctes hommes, Qui par son sçavoir honoré A presque tout seul redoré Cet âge de fer où nous sommes. Si tost que tu l’as rencontré Et tu eusses couru peut-estre Non une fois mais mille fois, Les cours des papes et des rois, Sans t’accointer d’un si bon maistre. |
[1] André Thevet avoit publié, sous le titre de Cosmographie du Levant, la relation de son voyage en Orient. Pierre Belon, dont le nom fut plus tard substitué au sien dans cette pièce, avoit donné, en 1553, les Observations de plusieurs singularitez et choses memorables trouvées en Grèce, Asie, Judée etc.
[2] Lors procureur general du roy, et duquel nous avons de doctes observations sur l’ordonnance de Moulins.