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1565 - Le curé de Condac (16) met en vers les malheurs du temps

lundi 19 janvier 2009, par Pierre, 1094 visites.

Les vers du curé de Condac, sans atteindre les sommets de l’art poétique, ont quelque chose de très attachant. Son idée de faire parler 5 personnages (l’Homme, la Peste, la Famine, la Guerre et l’Ange) rend sa fresque particulièrement vivante. Écrite dans les toutes premières années des Guerres de Religion, elle a aussi un caractère visionnaire.

Vers la fin, le propos s’enlise un peu, mais l’ensemble ne manque pas d’intérêt et d’une certaine étrangeté.

Le curé de Condac n’est probablement pas un simple curé de campagne, puisqu’il est indiqué qu’il est également vicaire général.

L’argument principal de l’œuvre est déclaré dans le "Rondeau à l’homme pécheur"

Source : Advertissements faicts à l’homme par les fléaux de Nostre Seigneur,... - Jacques Grezin - Angoulême - 1565 - BNF Gallica

Nota à propos de la transcription de ce document :

Le texte original a subi les modifications suivantes : lettre « f » transformées en « s », lettre « u » en « v ». Le reste de l’écriture originale a été conservé, avec toutefois une particularité, rendue nécessaire par la typographie moderne, qui ne fait pas de différence entre le « i » majuscule et le « l » minuscule. Pour contourner ce problème, susceptible d’entraîner des erreurs de lecture, j’ai mis en caractère minuscule le début des vers commençant par la lettre « i ».

Advertissements faicts à l’Homme par les fléaux de nostre Seigneur, de la punition à lui deüe par son péché, comme est advenu depuis trois ans en ça. - Par Iacques Grezin, Curé de Condac, Vicaire général de Réverendissime Cardinal de la Bordaizière, Evesque d’Angoulesme. Par Iean de Minieres, Imprimeur à Angoulesme – Mil DLXV

iean de Minieres, Imprimeur à Angoulesme.

Au lecteur

Si tu veulx veoir (amy Lecteur)

Propos qui ton esprit contente,

Prens ce livret pour directeur :

Et trouveras fraze plaisante.

Tu y verras comment lamente,

La poure Eglise hors de repos,

Contre Sathan qui la tormente,

Pour le deffault de ses supposts.

 A Monseigneur de Haulteclaire, Iacques Grezin son humble serviteur. D. S.

ie desirerois bien avoir pour enseigneur,
Tel homme de sçavoir comme vous (Monseigneur)
Qu’estes de toutes arts richement anobly,
Et d’un sens qui ne met iamais rien en obly.
Lors i’aurois le moyen, s’il n’estoit mon deffault,
D’entendre & de sçavoir tout ce qu’à l’homme fault.
Encor n’ayant trouvé une telle fortune,
Qu’aye aulcun bien appris, Mon esprit m’importune,
De mettre par escript ce qu’il resue ou qu’il songe,
N’ayant aulcun esgard qu’il soit vray ou mensonge.
Et n’a voulu donner à ma plume repos,
Que n’aye par escript mis ces petits propos.
Les ayans comme ils sont par escript rédigez
Ne vouldrois qu’on les veid sans estre corrigez.
Car ma grand ignorance on peult par trop congnoistre,
Sans que par mes escripts ie la face aparoistre.
Or n’ayie correcteur tant doulx & tant humain,
Qu’à rabiller mes faicts, voulust mettre la main,
D’autre part suis bien seur que ce quen vos mains passe,
Ne fault homme chercher qu’un seul mot en efface.
Non doncques sans raison humblement la presente.
A vostre humanité l’ayant ici presente.
Bien marri que ne puis meilleur vous presenter,
Et vostre humanité tousiours de près hanter,
Pour un grand desir qu’ay de vous faire service,
Et apprendre de vous le bien à moy propice.
A tant m’en vais finer ma trop rurale lettre,
Sans un seul autre mot d’avantage y mettre,
Fors prières à Dieu de nous faire l’honneur,
Que de nostre pays vous soyez gouverneur.
Quant est de mon regard, vostre grâce demande,
A laquelle humblement tousiours me recommande.

Disticum ad repertorem istius perditi opusculi.

Lata corimbiteri per solvam munera bachi,

Ad me si redeat perditue iste liber.

 Rondeau à l’Homme pécheur.

Pour t’amender (homme) doibs cecy lire,

Non une foys mais souvent le relire.

Car le lisant, cognoistras Dieu fasché,

Encontre toy, pour le villain péché,

Qu’as perpétré pour à Dieu contredire.

Guerre y bat, Famine y faict pire,

La Peste aussi, de quoy l’homme en soupire,

Tout ce propos te y sera presché.

Pour t’amender.

_ De tes erreurs apprendras te desdire,

Quant sentiras ta peine, & ton martire :

Estant des fléaux de ce grand Dieu touché.

Si te repens d’avoir ainsi péché,

Tu pourrai bien appaiser de Dieu l’ire

Pour t’amender.

 Au lecteur

Il te vient à plaisir (Amy lecteur) avoir contemplation & souvenance de la calamité : en laquelle le monde universel est pour le iourdhuy constitué, estant flagellé par punition divine, de troys horribles fleaux. Sçavoir de Guerre, Pestilence & Famine : punition certes terrible. Toutesfoys au respect de l’offence, fort doulce & amène : & pleine de miséricorde. Comme le souverain Seigneur & Eternel a de coustume user envers l’homme pécheur, Lequel il ne punit iamais sçelon la grandeur & démérite de son peché. Ains tousiours doulcement l’appelle à recognoissance, & vraye pénitence de sa mauvaise vie. Tu le pourras cognoistre (Amy lecteur) par le discours de ce petit opuscule, En lequel trouveras : Guerre, laquelle met en souvenance l’homme de sa meschante vie, par la remontrance qu’elle luy faict, tant verballement que par une longue vexation de guerre : duquel advertissement l’homme ne tient conte. Ains tousiours persevere de mal en pis. Au moyen de quoy survient l’orrible & hydeuse famine, qui faict à l’homme semblables remonstrances verballes, & vexations terribles par sterilité de toutes choses à luy necessaires. Pour lesquelles l’homme ne tient encores conte de s’amender, Ains persevere en son iniquité : tant que en fin survient la peste, laquelle a desia envoyé ses fourriers par France, occuper presque tous les logis, tellement que l’homme pour le iourdhuy n’a aucune retraicte asseurée pour les dangiers de toutes ces troys punitions. A cette cause doibt estre force à l’homme pécheur se recognoistre, & venir à penitence puisque pour amour divine n’a jamais voulu cesser de vivre meschamment, non seullement en ung estat : mais en tous.

Pourquoy est tres-iuste & tres-raisonnable qu’il voye & endure la punition & desordre qu’il voit à present régner sur la terre à la grande confusion de l’homme. Il te plaira (amy Lecteur) quand feras lecture dudict Opuscule supporter doulcement l’autheur es faultes qu’y pourras trouver, qui ne seront, comme bien presuppose en petit nombre, & icelles corriger se soubsmettant à la correction d’un chascun qui y regardera. Et si par fortune s’y trouve quelque chose de bon, en donner louange à Dieu. Suppliant un chascun lecteur en faire son profit, & prier le bon Dieu retirer quand son bon plaisir sera, sa main de iustice, & nous regarder de l’œil de sa misericorde. Et à Dieu Lecteur mon amy, lequel ie prie te donner sa grâce, & à l’autheur la tienne, à laquelle de bien bon cueur se recommande.

Faict és maisons Episcopales d’Angoulesme, le premier iour de May. Mil. D. LXV.

Par Iacques Grezin, Curé de Condac.

 Tetrastique pour le Lecteur.

Lecteur mon cher amy, ne t’amuse pourtant,

A si bien corriger les faultes de mes faicts,

Que mettes en obly d’en reparer autant,

(ie dis s’il est besoin) à celles que tu faicts.

 Advertissements faicts à l’homme par les fléaux de nostre Seigneur, de la punition à luy deüe par son péché, comme est advenu depuis trois ans en ça,

La famine commence.

Homme subsarsiné [1] de tous charnels délices,
Homme à Dieu desplaisant pour tes enormes vices,
Homme par trop ingrat envers le Dieu celeste :
Ne congnois tu ton mal par tout tant manifeste ?
Ne veoy tu pas aussi ta grande turpitude,
En laquelle t’est mis par ton ingratitude ?
Te fault il advertir de ton propre meffaict,
Lequel iournellement par ton plaisir as faict ?
O fol mal adverti plus ne te fault attendre.
Que sans punition on te le face entendre.
Le Dieu qu’as offensé duquel n’as tenu conte.
Ne de tes cinq talents n’as iamais rendu compte,
Lesquels t’avoit donnez pour en avoir l’usure.
Tu les as dissipcz sans user de mesure.
Pourquoy m’edt commandé que ton iniquité,
ie face bien punir par sterilité.
Retourne donc à luy : & de pecher t’amende,
A fin que pour ce coup il te donne l’amende,

L’homme pécheur ingrat.

ie vous ay entendu damoiselle famine,
Mais vostre authorité dessus moy ne domine,
Car i’ai assez de biens & les membres prou forts,
Pour vous chasser de moy avec tout vos efforts

La Peste.

Puisque tu ne crains de Famine la menasse
Laquelle Dieu m’a dict qu’avec moy menasse,
Pour te bien flageller & punir en tell’sorte,
Que de ton vilain cueur ton vice & peché sorte.
Nous viendrons toutes deux & lors pourra bien estre
Que tu ne feras pas (quand serons deux) le maistre.
Car certes i’ay pouvoir sur nobles & marchans,
Et prens ce qu’il me plaist en la ville & aux champs.
ie n’espargne pas ung tant grand soit sur la terre,
Et n’est homme vivant si fort que ie n’aterre.
Tant as offencé Dieu qu’auiouyd’huy nous commande,
Mettre le monde à sac : si bien tost ne s’amende
Ce que nous avons bien délibéré de faire,
Si ne te recognoys, & du tout te deffaire.
Auiourdhuy ne te fault prier d’amendement,
Ne de correction d’un peché seulement.
Car Sathan le maling inventeur de cautelles.

En tous ses meschans fais iamais n’usa de telles,
Que tu fais à présent, ny ne s’abandonna ;
Faire ce que tu fais ior que Dieu l’ordonna.
Scais tu que tu fais (Homme) & ce que tu scais faire.
Desrober ton voisin, & commettre adultere.
Voller, homicider & qu’est plus inhumain,
Tuer ton propre pere, & de ta propre main
iurer & blaspherner, & commectre tout vice.
Vivre comme bngand : ne craignant rien iustice.
ConcIusion, tu eit s’il ou tout mal abonde,
Mais sur le demourant : le meilleur fils du monde.

L’Homme.

Va peste infecte en autre part prescher,
Sans plus cy revenir, si ne te vays cercher.
Trente ans il a passez qu’ay veu de tes menaces,
Et combien qu’avecq toy famine tu menasses,
Ne m’as fceu faire mal qu’en deusse faire plaincte.
Pourquoy tu ne me peux à present faire craincte.
Quand verray que feras entrée en quelque part,
ie me retireray en mon villaige à part.
Et là ie me tiendray loing de ton accointance,
Ainsi ne te craindray ne toy ne ta puissance.

La Guerre.

Homme trop arrogant amateur de tout vice,
Es tu tant aveuglé que ne craignes Iustice.
La peste te menace & la famine aussi,
Toutesfoys d’amander tes fautes, n’as soucy,
Non plus qu’un obstiné lequel jamais n’a honte,
De sa mauvaise vie & ne tient de Dieu conte.

Adam fut menassé qui fut le premier homme,
Destre subiect à mort s’il mangeoit de la poume,
La menasse entendit, & ne tint conte d’elle,
Dont s’ensuyvit la mort pour toute sa sequelle.
David quand eut commis le vil peché d’inceste,
Fut menassé de guerre, de famine : ou de peste.
De l’ung d’eulx seullement : dont le bon roy esleut,
Pour sa punition, la peste : laquelle eut :
Si forte, qu’en troys iours moururent en sa ville,
Pour ce mauldit peché : d’hommes vingt & troys mille.
Dont il fut fort dolent de veoir à la mort mettre,
Tant de peuple en troys iours : pour un peché commettre.
Et toy fol incensé, pecheur trop manifeste,
Ne crains tu pas la guerre, & famine & la peste.
Troys fléaux ensemblement que Dieu ta presenté,
Veu que le roy David de l’un c’est contenté.

Au grand pere Iacob nostre bon patriarche,
Famine ne laissa grain de blé dans son arche ;
Du temps d’Helie : aussi famine fut si forte,
Que le bon Elizée alloit de porte à porte,
Sans trouver à manger durant telle famine,
Fors que chez une veufve ung bien peu de farine,
Et quelque goutte d’huile : au fonds de son vaisseau,
Qu’elle avoit apresté pour manger ung morceau
De pain : tant seullement pour son fils, & pour elle :
Pensant mourir après de famine cruelle.
(Rumine ces deux fléaux) & puis mets guerre auprès,
Et lors tu cognostreras (y regardant de près)
Si tu les doibs doubter, estans tous troys ensemble,
Et puis tu me diras s’il te plaist que t’en semble.

L’Homme.

Guerre ie ne te puis bonnement escouter,
Car qui bien conteroit ce que tu peux couster :
Tu ne merite point que de toy conte on face.
Ton deffault est si grand que tout aultre il transpasse,
Par ainsi va prescher quelque autre qui s’amende,
Et ne reviens iamais que ie ne te demande.

La Guerre.

Homme ie ne fais rien que Dieu ne face faire,
Lequel a commandé, pour du tout te deffaire,
Que de peste, & famine : ensemble guerre aussi,
Tu soys bien flagellé, pour ton cueur endurci.
Par flagellation, reduyre à pénitence,
Quant est de mon cousté, poure homme aveuglé pense.
(ie le te dis affin qu’en soys tousiours records)
Que i’ay délibéré t’oster l’ame du corps,
Si par fortune advient que te trouve en passaige,
Famine d’autrepart iouera son personnage.
Laquelle à charge aussi de te cacher le pain,
Et te faire mourir de malle mort de fain.
La peste a bien aussi commandement expres,
De te guetter par tout & te suyvre de près,
Pour te livrer à mort, & te faire manger,
Aux loups (s’il vient à point) pour de toy se vanger.

L’Homme obstiné parle à luy mesme.

ie ne croiray iamais que Dieu veuille permectre,
Régner peste & famine, & guerre pour me mectre
A mort, puisqu’il s’en peult ayder autrement.
Contre lequel ne veux aller aucunement,
Mais de la guerre : i’ay moyen m’en deffendre,
De la famine aussi, ayans biens à despendre.
Et si la peste faict au monde quelque course,
Si tost que ie sçauray de quel lieu vient sa sourse.
ie me retireray soubdain en autre part,
i’ay assez de beaux lieux, de tous autres à part,
Qui ne sont fréquentez de personne du monde.
Ou ie puis me tenir : si tant la peste abonde.
Qu’il me faille laisser mes plus belles maisons.
S’en aille doncq la guerre avecques ses raisons.
Menasser autre part, & face ce que pense,
Car quant à moy concluds de me mettre en deffense.

Guerre raporte l’obstination de l’Homme à la peste, & famine, & dict.

Famine & peste aussi : vous estes la sequelle
De guerre, en toute part : pour consommer ce qu’elle
Aura ia commancé, par le divin vouloir.
Aussi ce que Dieu veult, & nous debvons vouloir.
L’homme i’ay tourmenté par bien longues annees,
Et de punitions infinies données.
Tantost de grands assaux, tantost de grands alarmes,
Tantost l’ay faict manger aux soldats & gens darmes.
Qui ont ravy ses biens, & ses filles forcées,
Ses mestives foullé qu’il avoit amassées.
ie luy ay faict manger à volleurs & canaille,
Ses moutons, ses brebis, & toute sa poulaille.
Ses veaux & ses pourceaux, & ses petis oysons.
L’ay gecté de cheuz luy, & bruslé ses maisons.
L’ay battu, l’ay frappé, mais oncques n’ay sçeu faire,
Que de son vil peché il se voulust deffaire.
Et retourner à Dieu son peché confesser,
Ce qu’il m’a refufé, & si ne veult cesser,
De mal faire tousiours : pourquoy est raisonnable,
Que le fleau de nous tous le consomme & accable.

La Famine

Pour luy faire sentir le pouvoir de famine,
Il fault que par la faim du tout ie l’extermine,
Le feray en façon que le tout sera cher,
Et qu’il ne trouvera ne poisson ne la chair.
Encores moins de pain : de quoy il se sustante,
Et d’y remédier luy osteray l’attente.
ie le feray venir si pasle & si desfaict,
Qu’il se repentira de ce qu’il a mal faict.
ie le feray manger à pouils & à vermine,
Et par la cognoistra le pouvoir de famine.
S’il a de quoy manger : tant plus il mangera,
Tant plus grand appetit de manger il aura,
Et quand il creveroit de force de manger,
iamais ne se pourra de famine venger.
ie le mectray si bas, puis que Dieu le commande,
Qu’il cognoistra son mal si bien tost ne s’amende.

La Peste.

S’il ne se recognoist par ce que vous y faictes,
ie luy tortray le col : seront besongnes faictes.
Par voz punitions quelque peu languira,
Mais passant par mes mains son péché finira.
Guerre, allez le assaillir de toute vostre force,
Et si d’aucun moyen de vous fouyr s’efforce :
Poussez iusqu’au dedans, & semez force noise,
Entre luy & son fils : afin qu’il ne s’en voise.
Mettez debat autsi entre freres germains.
Ne cessant qu’ils auront tous les armes aux mains,
Et mutinez bien l’un contre l’autre combatre ;
Et le fils qui pourra son propre pere batre,
Qu’il le bate hardiment sans crainte de iustice,
Car elle dormira sans punir pas ung vice,
Tant que vous régnerez, & après la bataille,
Empoigne qui pourra, ou d’estoc ou de taille,
A celle fin que l’un des frères mette à sac,
L’autre frère en donnant en son col un bissac,
Rongez moy l’homme ainsi sans aulcun ordre y mettre
Afin que le plus fort soit de son frère maistre,
Quand vous aurez donné cest assault d’une part.
La famine viendra pour en faire sa part,
Devers l’autre costé, & quand vous deux ensemble,
Le tiendrez assiegé, pour certain il me semble,
Qu’il ne peult eschapper avec tous ses efforts,
Et quand vous deux n’aurez les membres assez forts,
Pour le faire mourir ou pour le faire rendre,
De ma part ne faudray a la gorge le prendre.

La Guerre.

Or ie m’en vays devant premiere le combatre,
Et en le combattant pour à mon gré le battre,
Mettray tout le pays en ung si grand desordre,
Qu il ne sera possible y pouvoir donner ordre,
ie feray en façon par ma ruze & cautelle,
Que guerre se mettra entre grands Seigneurs telle,
Que l’on mescongnoistra par tel piteux arroy,
Le Seigneur naturel & le Prince & le Roy.
Le fils mescongnoistra totalement son pere,
Et le battra s’il peult, la fille aussi sa mere,
Que feray ie plus fort ? dedans chacune Ville,
ie leur susciteray une guerre civille,
ie me feray si bien à l’homme humain congnoistre,
Que ie croy qu’il vouidroit encores estre à naistre.

La Guerre parlant à l’Homme.

Homme perdu vien ça, homme du tout inique,
Il est temps de porter l’alebarde & la picque,
Tu as eu trop bon temps sans iamais le congnoistre.

L’Homme.

Helas pleust à mon Dieu que fusse encor à naistre,
Que ie n’eusse point veu ce temps tant miserable,
Ceste guerre intestine à l’homme tant nuisable,
Helas que feray ie, mieux vault que ie m’en aille,
Que de mourir ici avec ceste canaille.

La Famine.

Demeurez demeurez vous estes à l’arrest,
Car la ou vous allez le disner n’est pas prest,
Vous avez trop tardé, homme, à vous recognoistre.
Vous m’avez mescogneu, mais il vous fault cognoistre
A present qui ie suys, & passer par mes mains,
Vous avez perpetré des cas trop inhumains.
Voicy commencement de vostre recompence,
Vous ne trouverez plus pour remplir vostre panse,
Ne pain ne vin ne chair, ne autre nourriture,
En tout ce pays ci pour sustanter nature.

L’Homme.

O mon Dieu que voici terrible pénitence,
Ne trouver pour souper pain ne vin ne pitance,
Et si n’ay pas mangé huict iours a rien qui vaille,
Force me fera donc qu’en autre lieu m’en aille,
Et sans plus arrester, car certes la vermine,
Me mangeroit les os durant ceste famine,
Aller m’en fault ailleurs,quand à mon faict ie pense.
Puisque i’ay de l’argent pour faire ma despence.

La Peste.

Venez doncques a moy afin que vous assbmme,
Tousiours avez esté ung plusque preud’homme,
Mais à present vous fault de vos faicts rendre compte,
Venez doncques à moy fussiez vous Duc ou Conte,
ie vous attens exprès pour vous exterminer,
Pour les pechez qu’avez en vous faict dominer,
Venez ie vous attends en un chascun passage,
Si trop vous approchez vous ne serez pas sage.

L’Homme

Madame ie vous pry pour Dieu entendez moy.
ie viens de loin assez & suis en grand esmoy,
Dequoy pourray soupper, car certes la famine,
En tout ce pays là, elle seulle domine.
Il a plus de six moys, si dys sept ne mens pas,
Que n’ay eu que manger, pour prendre mon repas.

La peste.

Vous soyez bien venu, ie suis ici maistresse,
Et avez comme fault ici prins vostre adresse.
ie vous attens icy pour vous tortre le col,
Pour ce qu’avez esté tout vostre temps ung fol.

L’Homme

Dictes moy s’il vous plaist comment avez vous nom,
Et si ie pourray vivre avecques vous : ou non.

La Peste.

Avecq moy ne vivrez la chofe est manifeste,
Car ie domine icy, & suys à nom la peste.
Ayant commandement de mon Seigneur & maistre,
Si vous entrez ici, de vous à la mort mettre.

L’Homme.

Helas que feray ie : ie suis en grand esmoy,
ie te prie mon Dieu ayes pitié de moy,
ie ne voy plus moyen de fouir ton courroux,
Las mon Dieu c’est ton propre estre benin & doulx,
C’est ton propre Seigneur de tousiours pardonner.
Et à tous repentans de ta grace donner.

L’Ange.

De ton peché t’avois de long temps adverty,
A present est trop tard de t’estre repenty.
Car fault exécuter du Seigneur l’ordonnance,
Et tout pour le meilleur, qui en sa bonté pense.
Ton peché meritoit une peine éternelle,
S’il luy plaid la tourner en une temporelle
Ce sera envers toy de grand clémence user,
Prens donc en gre le fleau, & sans le refuser.

L’Homme.

Halas il est bien dur & poisant à porter,
Ne sachant en quel part me puisse transporter
Sans eestre tormenté d’une terrible sorte,
Par guerre suys contraint : que de ma maifon sorte
Et en prenant les champs la famine ne suyt,
Et de tous les costez la peste me poursuyt.
Le desordre qui est : beaucoup plus m’extermine,
Que la peste ne faict : ne guerre ne famine.

L’ange.

Le desordre provient de la permission,
De Dieu, comme la peste :en ta punition,
Quand par toy tout seroit esgallement pensé,
Et que tu cognoistrois, Iesus estre offensé.
Tu verrois ton peché, du tout irremissible,
Tu verrois qu’il ne t’est aucunement possible,
De iamais mériter pardon de ton forfaict.

Adam en paradis n’avoit qu’un peché faict,
Et la punition qu’il en eut fut si dure.
Qu’en sa posterité : iusques à present dure.
Et toy qu’as offencé d’une façon tant vile,
La maiesté de Dieu : dcs fois plus de cent mille,
N’endureras tu tant doulce punition,
Que Dieu t’a ordonné pour ta correction ?
Les Sodomites n’ont iamais tant offencé
Le bon Dieu, que tu as : homme fol insencé.
Toutesfois il à pleu à ce bon Dieu celeste,
Punir plus leur péché que le tien rnanifeste.
Pour leur punition, la terre se fendit,
Et iusques aux enfers ce peuple descendit.
Dathan, & Abiron, quels maux ont ils soufferts ?
Sont descendus tous vifs, iusques aux bas enfers.
Toutesfois le peché qu’ils avoient peu commectre,
Ne fut oncques si grand que le tien pourroit estre.
Pense donc la dessus ton peché tant infect,
Et cognoistras le bien que le bon Dieu ta faict.
De punir ton peché, par peine transitoire,
Qui meritoit bien plus comme il est tout notoire

L’Homme,

ie prie ce bon Dieu par sa saincte bonté.
Punir mon vil peché tout à sa volonté.
Non de punition que iustement merite,
De laquelle Iesus par son sang me rend quicte.
Mais face de mon corps sçelon sa destinée,
Que mon ame ne soit par mon peché damnée
De fouir ce grand fléau de divine iustice,
Possible ne m’est pas que iamais ie le feisse.
Mieux me vault demourer entre les troys cordelles
De ma punition que de m’enfouyr d’elles
Tant me vault de mourir de toutes troys ensemble,
Comme de moindre fléau : puisque Dieu les assemble.
Le desordre qui est me faict plus de torment,
Que ma punition, car ie voy clairement
Que pour mon peché seul, & pour mon démérite,
Tel endure du mal que point ne le mérite.
Mais puis qu’il plaist à Dieu, que tout ainsi se face,
ie le prie pour tous de nous donner sa grace
ie conseilleroys bien aux bons de s’en aller,
Mais pour fouyir ce trouble il faudroit donc voller
Car sur la terre n’a pas ung lieu d’asseurance.
ie dis qu’on peust aller, en mille part de France,
Dedans la ville avons l’une des troys cordelles.
La peste qui prend tout mieux que pas unc d’elles.
La guerre est aux fauxbourgs faisant un grand carnage.
Sans avoir nul respect à ung seul personnaigc.

L’autre corde du fléau qu’on appelle famine,
De rage sur les champs tout le monde extermine.
D’autre part faict grand’ 1’effrénée licence,
Du vulgaire soldat, qui court toute la France.
Et pille bat & mort, de façon si terrible,
Que d’y remédier n’est à l’humain possible.
En c’est affaire là, n’y a que les bons soullez,
Comme bourgeois, marchans, qui d’iceux sont volez.
iustice ne dict mot, personne ne l’exerce,
Collèges & convents, personne ne converse.
Le tout est desbendé : chacun l’espee porte,
L’un frappe son voisin, l’autre luy rompt sa porte.
L’artisant a laissé son mestier & boutique,
Se délectant trainer, & iour & nuict la picque.
Le prebstre d’autre part delaisse son estolle,
Et va comme brigand avecq dague & pistolle.
Somme par mon peché tel desordre c’est mis,
En la ville & aux champs : que tous sont ennemis.
Que sera donc meilleur ? mourir en la bataille :
Ou bien mourir de faim, s’il fault que ie m’en aille.
Assailly suys de mort quelque part que ie parte,
Le danger que ie voy ? de moins ne me menasse.
i’ay le loup d’un cousté, & de l’autre la peste.

De l’autre part la faim : que bien fort me moleste,
ie n’ay donc raison aucunement de fuyre,
Veu que de tous costez ce grand fleau me peut nuyre.
Autant que ie voudray mon poure esprit travaille,
Tousiours en danger suis : en quelque part que i’aille.
Mais pour mourir ne doibs avoir si grand remord,
Car de ne mourir point, en ce temps c’est la mort.

L’Ange.

L’ame ne peult mourir & meurt dedans le corps,
Ou elle vivroit bien si en estoit dehors.
As tu tant de regret ? Aimes tu tant la terre,
Pour y prendre plaisir en ces tourmens de guerre.
Ne vauldroit il pas mieux en Dieu se resiouyr,
Estant hors de ce corps ? lequel ne peult fouyr,
La peyne & le tourment que sur la terre endure ?
Le fardeau te plaist il, & la peyne si dure ?
Ne vauldroit il pas mieux estre hors de prison,
En pure liberté, que d’estre en la maison
De ce corps putrefaict, subiect à pourriture ?
Las ton ame n’est point mortelle de nature :
Languir peult : mourir non, & à le vouloir tel,
Qu’elle desireroit laisser ce corps mortel,
Et estre en paradis en la vie éternelle.
Du ciel à prins son estre : au ciel veult retourner.
Mais qu’il plaise au bon Dieu, la grâce luy donner.
Le corps, quest ce ? sinon une prison obscure,
Ou bien un villain tect : subsarciné d’ordure.
Duquel le plus souvent les membres sont perclus,
Et de toute santé entièrement excluds.

L’Homme.

Las qui me delivrera de ces chaînes charnelles,
Que ie puisse voller sans estre empesché d’elles,
Lassus avecques Dieu, sans tant languir icy,
Ne me plus travailler &mouvoir de soucy,
Ce poure corps charnel tousiours meurt sans mourir :
Ce poure corps pourry ne peult plus loing courir,
Mieux lui vaudroit beaucoup soubs terre estre couché
Par une humaine mort, que tant estre fasché.

L’Ange

Beaucoup mieux ton esprit s’envoleroit és cieulx,
Visiter ces palais, lieux tant délicieux
Auquel lieu le Soleil n’est par trop chault l’esté,
Ne la Lune plus froide en hyver qu’en esté.
Iamais par sa challeur ce beau Soleil ne nuict,
Mais esclaire tousiours : sans iamais estre nuict.
Si l’un y est hault monté, à un autre n’en chault,
La n’a iamais debat entre le froid & chault,
Entre le mol & dur ne se trouve discord :
Mesmes tous vents en l’air : souflent tous d’un accord.
La challeur ne nuist point aux fruicts l’esté durant,
Ne la brume en hyver pour gel ne va courant.
Iamais par trop challeur tant soit elle aspre & dure,
Ne se perd le froment : ne le vin par froidure.
Iamais par calompnie on ne vient en procès,
Ne par faulx argurmens les droits ne sont cassez.

Nul ny est condamné par feu estre perdu,
Nul n’y est decolé ne au gibet pendu :
Ne par mer ne par monts gens darmes ne sont mys,
Personne ne y craint par armes ennemys.
Les passans peregrins y sont en asseurté,
Sans craincte de larrons : tant l’hyver que l’esté.
Le navigant aussi : estant dans sa navire,
N’a craincte de la mer en quelque part qu’il tire.
Nourriture on y prend en chacune saison,
Du grain pur de froment, sans craincte de prison.
Parla soif l’homme n’est fatigé ne par fain,
Ayant avecques luy le vray celeste pain.
Le ventre ne se plainct, en iun trop demeurer,
Ne le gosier aussi pour la soif endurer.
Par leppre ne autre mal, l’on ny est maculé,
Ne de nostre Seigneur nullement reculé.
La ieunesse ny perd sa beauté tant floride,
Ne par viellesse aussi : la chair d’aucun ne ridde.
La peste aucunement l’un de l’autre n’escarte,
Ne fiebvre quelque soit, seconde, tierce ou quarte.
Tous vivent en santé, sans craincte de la mort,
Aussi ioyeusement : sans sentir nul remord.
L’esprit n’a par erreur mauvaise fantaisie,
Ne fausse opinion, en foy, pour heresie.
Encor ie te diray pour mieux te conforter,
Que mille ans y seroient trop cours à raconter
Les soulas & plaisirs, & la grâce qu’abonde,
Au logis préparé (pour l’homme) en l’autre monde.
Mais on n’y peult aller si ce n’est par la mort,
Reculer ne fault donc, ains mourir sans remord,
Mieux ne peult reculer de venir à ce point,
L’homme qui est mortel, que de ne mourir point.
A mourir doncq (humain) la raison te convie,
Car ne peulx venir mieux que par mort à la vie,
De mourir de bon cueur ce que l’homme retarde,
C’est le thresor mondain qui de vivre le garde,
Car mille foys le iour en le faisant courir,
Le faict tout consommer, & sans mourir, mourir.
Donc, pour tousiours ne mourir d’une mort languissante
Le corps fault enterrer, car c’est la voye & sente,
Et le plus court chemin de l’Eternelle vie.
Lequel ne ça, ne la, l’homme humain ne forvie,
Plus d’autre bien y a, si tout estoit conté,
Que de fleurs par les champs durant le temps d’esté.

L’homme

Puisque l’estre mondain est contraire au celeste,
ie croy parfaitement comme cas manifeste,
Que tout le bien qu’as dict dessus le ciel abonde,
Car plus de mal ou tant, on endure en ce monde,
Voyant régner au coup la guerre & la famine,
La peste d’autre part que dessus tous domine.
Helas quel pitié c’est voyant le grand desordre,
Qui s’est meslé parmi, sans y pouvoir mettre ordre,
Mais quand ie pense helas, à ma vie meschante,
Et mets dedans mon cueur ce que raison me chante.
ie trouve par effect que divine bonté,
En ma punition, iustice a surmonte,
En peché i’ay vescu tout le temps de ma vie,
Et n’eusse iamais eu de m’admander envie,
N’eust esté ce bon Dieu lequel pour empescher,
Que ne fusse perdu pour longuement pecher,
Et que Sathan ne peust en son enfer m’abatre,
Ma voulu de ses fléaux fort doucement me batre.

O Divine bonté, O Divine clémence,
Bien usez envers moy d’une douceur immense,
De m’appeller à toy, par un moyen si doux.
Que n’avois merité qu’estre mangé des loups.
Ou plustost englouty iusqu’au plus bas d’enfer,
Pour illec à iamais estre avecq Lucifer.
Car le péché que i’ay commis meritoit bien,
De ta saincte bonté ne sentir aucun bien.
Sathan m’avoit lié d’une grand chayne & corde.
Mais tu l’as prevenu par ta misericorde,
Et m’as desenchayné & mis hors de sa puissance
Si de toy veux avoir bonne recognoissance.
Mon Dieu ie recognoys que m’as faict & formé,
Et du sang précieux de ton Fils bien aymé,
As payé la rançon : que debvoys pour la faulte,
D’avoir tant offencé ta maiesté treshaulte.
Et croy de cueur parfaict, & de bouche confesse.
Que si doresenavant de l’offencer ie cesse.
La mort & passion de ton Fils precieux,
Merite pour mon ame acoir place és haults cieulx.

A ton Fils ie doy donc tout mon espoir avoir,
Car puisque en terre il a les aveugles faict veoir,
Et guery les mancrots, & boiteux faict courir,
Faict parler les muetz, & les sourds faict ouyr.
Les poures orphelins à tousiours consolez,
Et rendus sains & nets, les poures maculez.
De poures ignorans qui n’estoient que pescheurs,
Il a faict de grands clers, & illustres prescheurs,
Et davantage il a par son pouvoir divin,
Resuscité les morts, & leau tournée en vin.
Et que plus est (mourant) il a la mort vaincu,
Quand des troys iours après il a tousiours vescu.
Car après estre mort, il est resuscité,
Et son corps glorieux est és haults cieux monté.

Mon Iesus pour cella n’a moindry sa puissance,
Il a pouvoir encor remettre mon offence.
De moy villain pecheur : le bon Iesus peult bien,
De mon consentement faire un homme de bien.
Mon Dieu tu le peux bien, mais ne le feras : sans
Ma bonne volonté, ie le veulx & consens.
Requérant humblement que d’un pécheur se fasse,
Un homme bien vivant : mais sans ta saincte grâce,
Consentir ie ne puys à une œuvre tant bonne,
Si le bon Sainct Esprit la grâce ne me donne.
La grâce m’est donnée & aussi la puissance,
Mais ie sens en ma chair si forte répugnance :
Que ce que ie ne veulx suis contrainct que se face.
Si ne suis secouru par ta bénigne grâce :
ie cognoys mal & bien, & veux bien le bien faire,
Mais Sensualité ne me laisse parfaire,
Sans y contrarier, pourquoy ay mon recours,
A toy mon Rédempteur : pour en avoir secours.
Te requerant Seigneur que ma grande ennemie,
Par mon meschant vouloir ne me surmonte mie :
Et que ce qu’elle faict malgré ma volonté,
Devant ta maiesté ne me soit imputé.
Delivre moy mon Dieu de sa forte puissance
Comme Susanne fut de linique sentence.
Des faulx villains paillards, qui l’avoient condamnee,
D’estre publiquement devant tous lapidée.
Des sept pechez mortels, delivras Magdaleine,
Et Ionas sain & vif : mis hors de la balleine :
Evitant de dangers plus de dix millions.
Et Abacuch aussi fut mis hors des lions.
Les troys petis enfans hors la fornaise ardante.
Le peuple d’Israel hors de la main puissante,
Du Fort Roy Pharaon,mal gré sa volonté.

Las Seigneur qui as faict tout ce que i’ay conté
Et d’autres plus grands faicts, plus de cent & cent mille.
Tu peux bien auiourdhuy mon ame salle & ville
Nectoyer de peché, & luy donner la force.
Que Sensualité (que tousiours la par force)
Ne la face tomber en son obeissance,
Monseigneur donne moy d’y resister puissance.
Et ne luy permets pas qu’elle me puisse mettre,
En sa subiection, mais que i’en soye maistre.
Et qu’il te plaise aussi pour tout le temps passé,
Que ie ne soys reprins de t’avoir offencé.
Suppliant humblement ta maiesté treshaulte,
Que son bon plaisir soit mettre en oubly ma faulte.
Et quant à mes pechez de m’en faire pardon,
Et son bon paradis me donner en pur don.
Remerciant mon Dieu, qui de sa grâce immense,
Mes enormes pechez ma mis eu souvenance.
Sans user envers moy de son iuste courroux,
Sçelon mon vil peché : mais d’un chastiement doulx.
Ma quelque peu battu, pour me faire cognoistre,
Qu’il est de l’univers le Seigneur & le maistre.
Et que i’ay trop peché par ma grand turpitude,
D’avoir offencé Dieu par mon ingratitude.
Helas i’ay grand regret de l’avoir irrité
Par mon oultrecuidance & mon iniquité
Encor est il si doulx que point il ne se irrite
A l’encontre de moy, comme bien ie mérite.
Tousiours ma donne temps & loisir de penser.
Le peché que ie fays, de mon Dieu offenser.
Quand te plaira Seigneur retireras ta main,
Regardant en pitié le poure genre humain,
Lequel est auiourdhuy par tes fléaux affligé.
Pour ce que de pécher il ne c’est corrigé.
Las Seigneur c’est raison de bon cueur ie l’accorde,
Te suppliant user de ta misericorde :
Et ce fleau rigoureux s’il te plaist cessera,
Non pas à mon plaisir : mais quand le tien sera.

L’Ange.

Homme retire toy plorer en ta maison,
Et ie presenteray à Dieu ton oraison.
Mais admander te fault par vraye pénitence,
Et Dieu revocquera s’il luy plaist sa sentence.
Fais donc homme en façon, que ton Dieu se contente,
Afin que ton torment : par ton peché n’augmente.
Prens pacience un peu, & tousiours Dieu supplie,
Que sa volonté soit de tout bien accomplie.
Ne luy demande pas qu’à ton desir rien face,
Fors que tant seullement il te donne sa grâce
La peste finira, & la famine aussi :
Guerre semblablement quand tu feras ainsi.

L’homme a par soy qui confesse sa faulte

Miserable pecheur considere à par toy,
Ta grand iniquité, & cognoistras pour quoy,
A le Seigneur permis : que la peste & la guerre,
Et la famine aussi, dominent sur la terre.
Certes non sans raison, humblement se confesse,
Car aux plus grands estats, qu’est L’eglise & Noblesse,
Et en le tiers aussi mon Dieu i’ay offensé,
Et ses commandemens du tout outrepassé
Premier en exerçant l’estat ecclesiastique,
ie me suis déclaré totallement inique :
Car au lieu de prescher une saincte doctrine,
Provenant de la Loy de la Deité trine,
ie me suis adonné à plaisirs & délices,
Comme le vray patron de tous maulx, & tous vices.
I’ay voulu gouverner l’Eglise catholicque,
Et estre le berger du troupeau domininique.
Non pour le pasturer de viande celeste,
Ains de charnalité : la chose est manifeste.
Iamais ne l’ay repeu & ne l’eusse sçeu faire.
Et Sathan qui taschoit le troupellet desfaire :
L’a trouvé sans berger, sans guyde & sans police,
Et la mis en erreur, & remply de tout vice.
Et tout par mon deffault : car l’ay abandonné,
Et me suis follement à tous plaisirs donné
Sans prendre aulcun soucy de ce poure troupeau,
Fors de manger le laict, & la layne & la peau.
Helas Dieu me lavoit tant bien recommandé,
Supposant que par moy lui seroit amandé :
Et que le nourrirois comme loyal berger.
Toutesfoys par ma faulte.il est en grand danger
Du grand loup ravissant, qui de malice caulte
Le devore & périt, & tout vient par ma faulte.
Le bon bergier Iesus, mon lucide exemplaire,
Sa tressaincte doctrine il commença parfaire.
Apres consequemment par sermons exposoit :
Tout ce qu’on debvoit faire, ainsi qu’il le faisbit.
Mais moy meschant bergier mon debvoir ie n’ay faict.
Par aucun preschement, encores moins par faict.
Et voila d’ou provient comme ie croy la source,
De ce que contre moy : mon Seigneur se courrouce.

Encores fays-ie pis en l’estat de Noblesse,
Car ie mange le riche, & le poure ie blesse.
Au lieu de nourrir paix, ie foulle tout par guerre,
ie prens de l’un son pré, & de l’autre sa terre.
Le iour qu’aucun ne bas : pour le moins le menace,
Sa charrette & ses beufs : ie prens de mon audace.
Et luy fays amener mes bleds en mon garnier,
Sans luy payer au soir ne maille ne denier.
Encor le plus souvent ie fais si bien renger,
Que servir ie m’en fais sans luy bailler manger.
Souvent ie fais semblant qu’il fault marcher en guerre ;
Et tout expressement, mes compagnons i’afferre :
Et me metz sur les champs le bon homme manger,
Et tout expressement pour de luy me vanger.
Iurer la mort, le sang, & tout autre carnaige,
Blasphemant le Seigneur c’est mon propre langaige
Mentir à tous propos, le nom de Dieu iurer,
Et sans craincte de luy tousiours me pariurer
Ainsi ay-ie vescu en l’estat de Noblesse,
Remply de turpitude, & de vile paresse.

En l’autre, & tiers estat : ie n’ay moins offencé,
Car le mal que n’ay faict : de le faire ay pensé
Trompé mon compagnon : tenu faulse mesure,
Ravy le bien d’autruy : par fraulde & par usure.
Les debtes à moy deuz : ay faict payer deux foys,
Et refusé payer iceulx que ie debvoys :
Leur faisant perdre tout, produisant en l’instance
Preuve par faulx tesmoings, ou par faulse quittance.
Iamais n’ay perdu cause, à faulte de iurer,,
Pour gaigner mon proces : nay crainct me pariurer,
I’ay esté un brigand, & larron & voleur,
Faulsaire en tous mes faicts : subtil empoisonner.
Amateur de peché , & de tout vitupère,
Furieux inhumain : iusqu’à battre mon pere.
Somme fi ie parloys cent mille ans sans cesser
ie ne sçauroys à Dieu tous mes maulx confesser.
Car tout ce que Sathan ma sceu mettre en pensee,
i’ay le tout accomply : par ainsi offensee
La Maiesté Divine :en si grand vitupère,
Que n’ose ouvrir mon bec pour nommer Dieu mon pere.

O Seigneur éternel plaise à ta bonté grande,
Que le sang de ton Fils purifié me rende :
De tous ces villains maulx, devant ta noble face.
Et que doresnavant te plaise de ta grâce,
Me donner un cueur bon, pur & nect en ce monde,
Afin que plus en luy ce vil peché n’abonde.
Mais une volonté libre à fouyr tout vice,
Et du tout s’employer à te faire service.
ie prens avecq David grand consolation.
Quant te plaist me donner ça bas affliction.
Par laquelle ta pleu mon mal faire cognoistre,
Te requérant mon Dieu : du tour me le remettre
Et que par mes mesfaicts, & ma meschante vie,
Ma poure ame ne soit apres ma mort perie.

Amen. FINIS.

 Distique pour le Lecteur.

Lata Corimbiferi persolvam munera bachi,

Ad me si redeat perditus iste Liber.


[1Hypothèse de définition : La sarcine est une bactérie dont les éléments sont groupés en masse cubique. C’est une saprophyte : elle vit aux dépens de matières organiques en décomposition. Elle s’observe dans la gangrène pulmonaire et dans certaines affections de l’estomac.

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