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1600-1619 Éphémérides historiques de la Rochelle revisitées

vendredi 17 avril 2020, par Pierre, 418 visites.

Les Éphémérides historiques de La Rochelle, publiées par J-B Jourdan en 1861, sont une véritable mine d’informations sur l’histoire de cette ville. Cet ouvrage essentiel est composé de 847 notices sur les événements du riche passé de cette ville. Pour chacune de ces notices, les sources d’archives sont mentionnées, et l’auteur compare les sources, leurs éventuelles contradictions.
Un ouvrage qui est aussi déconcertant pour le lecteur, puisque les événements y sont classés du 1er janvier au 31 décembre, toutes années confondues, ce qui rend impossible d’y retrouver la chronologie sous-jacente.
Nous avons "revisité" cet ouvrage en reclassant les 847 notices dans leur ordre chronologique du 21 mars 1089 au 12 novembre 1858.
Réalisée en période de confinement, propice aux travaux au long cours, cette nouvelle présentation facilitera, nous le pensons, les recherches des amateurs de l’histoire de cette ville au riche passé.
Nous avons conservé l’intégralité du contenu des 847 notices, avec leurs notes de bas de page. Pour faciliter la lecture, ces notes suivent immédiatement le texte principal de chaque notice

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ÉPHÉMÉRIDES ROCHELAISES.
Tout le monde sait que ce fut par un édit de Charles IX , donné à Roussillon, en Dauphiné, le 9 août 1564, que le premier jour de l’année fut fixé pour l’avenir au 1er janvier. Antérieurement dans l’Aquitaine , dont faisait partie la Rochelle, l’année commençait le 25 mars, contrairement à l’ancienne coutume de France, qui fixait le premier de l’an au jour de Pâques. Toutefois, l’année municipale rochelaise continua de s’ouvrir le jeudi après la Quasimodo, jour de l’installation du Maire, dont l’élection avait lieu chaque année le dimanche de la Quasimodo.


1600
1600 05 07. — Ordonnance du corps de ville, qui défend à tous hôteliers et cabaretiers de donner à boire, le dimanche et autres jours de fête, pendant le prêche et autres exercices religieux ; et aux chefs de famille, de permettre à leurs enfans ou gens de leur maison de jouer pendant le même temps sur les places ou dans les rues. (Statuts du corps de ville.) Ce n’était que le renouvellement de réglements plus anciens ; car sur un registre de la cour de la Mairie, des années 1569 et suiv., on trouve de nombreuses condamnations contre des aubergistes ou taverniers, pour avoir donné à boire ou à manger oti laissé jouer pendant le prêche ou entre les deux prêches, ou seulement pour avoir ouvert leur boutique un jour de dimanche.
1600 05 09. — Le fameux édit de Nantes avait été un immense bienfait pour les protestants en général ; mais dans les quelques villes où, comme à la Rochelle, ils régnaient en souverains maîtres, n’admettant même pas l’exercice du culte catholique, ils n’avaient accepté l’édit qu’avec d’assez grandes difficultés et chaque jour des contestations nouvelles surgissaient en cette ville entre eux et les catholiques. Le culte extérieur était surtout l’objet de fréquents conflits. Le conseil d’Etat fut obligé d’intervenir et de rendre, à cette date, une ordonnance qui autorisait les processions consacrées par l’église, mais en restreignant leur parcours de l’église Ste-Marguerite, (la seule qui restât debout et servit aux exercices des catholiques) , jusques aux ruines de l’église St-Barthelémy ; elle permettait de porter le viatique aux malades, « en telle sorte toutefois qu’il n’arrivât aucun scandale » ; elle accordait aux prêtres la faculté d’aller par la ville avec leurs robes, aux religieux de sortir avec les habits de leur ordre , à tous ecclésiastiques de porter des consolations aux malades catholiques de l’hôpital et de leur administrer les sacrements, à tous les catholiques enfin « de faire, à leurs despens, instituer et instruire leurs enfants par précepteurs et régens catholiques. » Les opprimés d’autrefois étaient devenus les oppresseurs, dès qu’ils s’étaient sentis les plus forts : c’est la tendance irrésistible des partis de tous les temps. Si l’on en croit les déclarations faites deux ans auparavant par le corps de ville aux commissaires royaux, les catholiques ne formaient pas alors la vingtième partie de la population de la Rochelle. (Ms. de la bibl., nos 2060-289.)
1600 06 16. — « A trois heures après midy, il y a eu un tremblement de terre. » (Merlin.)
1601 01 24. — Le Corps de ville érige en maîtrise la corporation des apothicaires de la Rochelle, dont il réglemente l’exercice de la profession dans un statut en 67 articles. Nul ne pouvait ouvrir une boutique d’apothicaire .avant d’avoir fait preuve au Maire de sa moralité et de sa probité et d’avoir passé deux examens, l’un devant une commission, composée de médecins et d’hommes entendus choisis par le Maire, et présidée par deux délégués du Corps de ville ; l’autre errséance publique, à l’échevinage, en présence du Maire, assisté de tous les médecins de la ville et d’hommes spéciaux désignés parce magistrat. Si cette double épreuve était favorable au candidat, on lui donnait à faire deux médecines, d’une composition difficile, qu’ûn appelait le chef-d’œuvre. Sa capacité reconnue, il était ensuite conduit par tous les maîtres de la corporation, ayant en tête les maîtres regardes, et présenté avec son chef-d’œuvre au Maire, entre les mains duquel il prêtait un long serment qui énumérait les principaux devoirs de sa profession. Ces maîtres regardes , au nombre de quatre, étaient les syndics de la corporation, renouvelés par moitié chaque année’ par l’élection de tous les maîtres apothicaires. Ils avaient pour mission de veiller à l’exécution des statuts, de surveiller et réprimer les fraudes et les abus et de visiter, à cet effet, au moins deux fois par an , toutes les officines de la corporation. Nos lois modernes pourraient encore utilement emprunter à ce vieux statut-municipal quelques-unes des sages mesures de prudence et de minutieuses précautions qui étaient imposées à cette non moins importante que dangereuse profession. ( Statuts et réglt du Corps de ville.)
1600 06 21. — On lit dans le Diaire du ministre Merlin, sous cette date : « J’ay posé une pierre fondamentale des fondements du Temple sous la muraille de la petite porte. » On pourrait s’étonner que les protestants Rochelais, si nombreux, si riches et si puissants depuis longtemps, n’eussent pas encore construit un Temple, et se fussent jusque-là contentés pour leurs exercices religieux d’une salle de festin , comme St-Michel, d’une des pièces de la maison d’un particulier, comme la salle Gargouillaud, d’un ancien réfectoire de moines, comme Saint-Yon, enfin d’une modeste chapelle de nonnes, comme Ste-Marguerite. Mais le projet de construction du grand Temple remontait à l’arrivée à la Rochelle (en 1569), de la cour de Navarre et des chefs protestants ; car sur les comptes du trésorier de la ville, on voit que dès cette époque la commune cédait à l’Eglise réformée, moyennant dix sols de rente, une place pour baslir un temple, sise en la place du chasteau. Les guerres qui suivirent absorbèrent sans doute toutes les ressources du parti, et ne permirent de commencer les travaux qu’en 1577. Ce fut le prince de Condé, qui posa la première pierre de l’édifice, dont les dessins avaient été faits par le célèbre Philibert de Lorme.De nouveaux troubles religieux interrompirent les travaux avant même que les fondements fussent sortis de terre. Ils ne purent être repris qu’après que l’édit de Nantes eut rendu la sécurité aux protestants et assuré leur liberté de conscience. Le Maire, Pierre Guillemin , fit ammasser les bonnes volontés, qui s’élevèrent à près de six mille écus (1), et les vieux fondements du temple ayant esté recherchés, il mit les ouvriers à l’œuvre. Dès la première année, les murs furent élevés jusques aux corniches du haut et trois ans après, le 7 septembre 1603, Luc Dumon , le plus ancien ministre, y fit le premier prêche devant plus de 3,500 personnes. Le grand Temple, situé à l’angle Sud-Est de la place du château, entre les rues Dompierre (Fleuriau) et Gargouillaud , formait un octogone allongé, ayant près de vingt toises de longueur et quinze de largeur, avec une toiture d’une élévation plus grande que le corps de l’édifice lui-même et entièrement recouverte de plomb. Deux grandes portes, élevées de deux marches, ouvraient, l’une sur la rue de Chaudellerie et l’autre sur la place ; elles étaient encadrées entre deux très hautes colonnes d’ordre corinthien, supportant un entablement, dont la frise sculptée se continuait autour de l’édifice, ainsi qu’une large corniche à modillons, et qui était couronne par un large fronton semi circulaire, surmonté de l’écusson de France. Au-dessous de l’entablement étaient sculptées les armoiries de la Rochelle et celles du maire Guillemin (2), et plus bas une inscription, dont les termes ne nous ont pas été conservés. Chacun des huit pans de l’édifice se terminait par un double pilastre d’ordre corinthien. Au milieu du côté Sud, et plaqué contre la muraille, s’élevait un clocher, aussi de forme octogonale, se terminant en dôme et surmonté d’un petit campanille à jour, où devait se trouver une cloche. On admirait surtout l’immense charpente, qui n’estoit supportée d’aucuns piliers , mais soutenue par deux clefs de bois d’une riche invention el artifice ; elle était recouverte par un immense tillis, qui s’élevait, en forme de dôme, à dix toises de hauteur. L’intérieur du temple était garni de bancs, placés en emphithéâtre. Enfin ce monument, dit Mervault, « tant pour sa grandeur et architecture que pour son admirable charpente, est estimé de tous ceux qui le voient pour un des plus beaux chefs-d’œuvre qui se puissent voir. » Ce qui est à peine croyable et cependant affirmé par Merlin, c’est que, la clef à la main, il ne coûta que 40,000 livres. (Compt. du trés. de la ville. — Colin. - Merlin. — Mervault. — Masse. — Jaillot. — Ms de la bibliot. Impér.)

(1) Cette somme fut complétée plus tard par le produit d’une souscription faite poup l’église de Genève et qu’Henri IV défendit d’envoyer, en ordonnant de remettre l’argent aux souscripteurs. (Merlin.)

(2) Il portait : d azur, à trois grenades d’or avec un cœur de gueules. (Arm. de la Roch.)


1600 09 27 - Le 27 septembre est la fête de Saint-Côme, le patron des médecins et des chirurgiens, médecin qu’il était lui-même, et son nom a été donné à une de nos rues, parce qu’il y existait une école publique de chirurgie, dont les cours se fesaient dans une salle appelée salle de Saint-Côme. La bibliothèque de notre ville possède un magnifique exemplaire en parchemin , avec couverture en chêne et armoiries peintes des maîtres-regardes, du statut adopté, en 1600 , par le corps de ville sur l’exercice de la profession de chirurgien (1) à la Rochelle. Aux termes de ce règlement, nul n’y pouvait exercer la chirurgie, eut-il été reçu maître dans une autre ville , s’il ne justifiait de son origine, de sa moralité , qu’il n’était atteint d’aucune maladie contagieuse et qu’il avait fait un apprentissage d’au moins sept années. Dans ce cas , il choisissait un parrain parmi les maîtres-chirurgiens, et, à la requête de celui-ci, le Maire nommait une commission de quatre maîtres-chirurgiens et de deux docteurs en médecine, pour procéder à l’examen du candidat et lui faire leur rapport sur sa capacité. Si cette première épreuve lui était favorable , tous les maîtres-chirurgiens et docteurs en médecine étaient convoqués chez l’un des maîtres-regardes, pour faire subir au candidat un nouvel examen , qui devait porter plus particulièrement sur les maladies chirurgiques et se prolonger de sept heures du matin à quatre heures du soir. Dix heures entières d’un autre jour devaient être employées à la dissection et démonstration anatomiques des parties du corps humain ; plusieurs journées étaient encore consacrées aux opérations chirurgicales, à l’emploi des bandages et principaux instruments, aux phlébotoinies, aux artibiotonnes , à la connaissance des médicaments , tant simples que composés, etc. Enfin venait le jour de l’examen public, qui avait lieu, au son de la cloche , à l’échevinage, en présence de tout le corps de ville , des docteurs en médecine et de tous ceux qui voulaient y assister. Sa capacité reconnue, le candidat était déclaré maître, prêtait serment entre les mains du Maire et pouvait dès lors attacher potence à sa maison, pour à icelle pendre bassins et enseigne ; prérogative dont ne jouissaient pas les maîtres par don du Roi (2), qui pouvaient avoir seulement leurs bassins pendus contre les châssis de leur boutique. (Statuts du corps de ville. — Affi. de la Roch.)

(1) Il résulte de ce statut qu’à cette époque , il existait douze maîtres chirurgiens à la Rochelle.

(2) Les Rois de France avaient le droit, lorsqu’ils prenaient possession de la couronne et à titre de joyeux avènement, de créer dans toutes les villes du royaume un maître de chaque métier


1601 09 07. — Dans la nuit du 7 au 8 septembre , le froid fut si vif, nous apprend Colin, que les vignes gelèrent ; les raisins furent flétris et la moitié de la récolte perdue ; « ce qu’on n’avoit jamais vu, » ajoute-t-il.
1603 02 22. — Un règlement du corps de ville, à cette date, peut faire juger de la façon étrange dont nos pères entendaient la liberté du commerce et des transactions et à quel-esprit de défiance les poussait le désir de rester maîtres chez eux. Les marchands, bourgeois de la commune, s’étant plaints du tort que leur causaient les nombreux étrangers, qui étaient venus s’établir à la Rochelle avec leur famille , pour y vendre leurs marchandises aux étrangers et forains ( commerce dont ils prétendaient avoir le monopole (1) en récompense des charges qu’ils avaient à supporter), le conseil de la commune fit défense à toutes personnes, qui n’étaient pas de la ville, de vendre ou d’acheter aucune marchandise en gros ou en détail, à nul autre qu’aux bourgeois et jurés de la commune, sous peine de 500 livres d’amende et de la confiscation des marchandises. Il leur défendit en même temps d’y séjourner à l’avenir plus de six mois, sous prétexte d’affaires ; avec injonction , dans ce cas , d’avoir à se présenter aussitôt leur arrivée devant le Maire, pour lui faire connaître leurs noms et le lieu de leur logement ; obligeant en outre tous individus, chez lesquels ils étaient logés, a en donner avis au Maire : le tout sous peine d’amende. — Se fondant ensuite sur ce qu’il résultait d’un recensement récent qu’une telle quantité d’Espagnols , de Portugais, d’Anglais, d’Ecossais, de Flamands (2) et d’Allemands étaient venus et venaient chaque jour se glisser avec leur femme et famille parmi les habitants, qu’il était à craindre qu’ils ne surpassassent bientôt en nombre les « originaires , il ordonna à tous ceux qui étaient venus se fixer à la Rochelle, depuis douze ans, sans la permission du corps de ville, de déguerpir dans le délai de deux mois, sous peine de 500 liv. d’amende et d’être expulsés par force. Il autorisa toutefois le Maire à accorder une permission de séjour à ceux que bon lui semblerait. Et pour l’avenir, défense fut faite à tout étranger, de quelque qualité et condition qu’il fût, de demeurer à la Rochelle avant d’en avoir obtenu l’autorisation du corps de ville (après justification de son origine et de sa moralité), et à tous habitants de lui louer maison ou logement, s’il ne produisait cette autorisation. (Statuts du corps de ville.)

(1) Ce privilège leur avait en effet été accordé , en 1338, par Philippe de Valois. (Invent. des privil.).

(2) De là le nom de canton des Flamands , donné à la portion de la rue Chef-de-Ville, qui va de la fontaine des Petits-Bancs à la rue Verdière , et qu’elle conserve encore.


1603 03 15. — « Fust montée et pezée la cloche, qui est à présen au clocher de l’eschevinage ou maison commune, au lieu de l’autre qui estoit cassée, il y avoit un an ; et peze ladite cloche neufve, poids de France, environ 3,200 livres. » (Coizain.) C’est la cloche qui, chaque matin et chaque soir, annonçait l’ouverture et la fermeture des portes de la ville (1) et l’heure de la retraite ou du couvre-feu (2) ; celle que sonnait le concierge de la Mairie , pour la convocation des conseils ordinaires et extraordinaires du corps de ville, et aussi pour les assemblées générales des citoyens ; pour les audiences de la cour de la Mairie ; pour les funérailles des Maires, des échevins et des pairs ; pour la résignation des charges des membres du corps de ville, qui alors se vendaient comme des offices (V. 11 janvier) ; pour la reddition annuelle des comptes des trésoriers de la commune et des gouverneurs des hôpitaux, qui avait lieu publiquement ; pour l’adjudication des nombreuses fermes communales , dont la plupart étaient mises chaque année aux enchères ; pour la nomination des curateurs, que le juge de la Mairie était chargé de donner aux enfanta qui avaient perdu leur père, &. (Statuts du corps de ville.)

(1) Du .1er avril au 30 septembre, elles s’ouvraient entre 4 et 5 heures du matin et se fermaient à 7 heures du soir et du 1er octobre au 1er avril, entre 6 et 7 heures du matin et à 5 heures du soir. (Statuts du corps de ville.)

(2) Comme pour l’Angelus catholique la cloche du couvre-feu ne sonnait que neuf coups, du 1er avril au 30 septembre, entre 8 et 9 heures du soir, et du 30 septembre au 1er avril, entre 9 et 10 heures. (Ibid.)


1604 06 10. — « Sur les dix à onze heures du matin, est tombée sur la ville de la Rochelle et quelque peu autour d’icelle une telle abondance de gresle et si grosse que de mémoire d’homme ne s’en estoit veu de telle : il y en fust veu grosse comme ung bal de paulme et comme le poing. » (Guillaudeau.)
1604 07 02. — Sully, qui n’était encore que marquis de Rosny (1), ayant été nommé lieutenant-général pour le Roy en ses pays de Poitou, Chastelleraudois et Loudunois, vient à la Rochelle, accompagné de sa femme et de son fils (2), de MM. de Biron, de Parabelle, Constant, Beaumarchais et d’une suite de douze cents chevaux. Voici en quels termes il rend compte lui-même à Henri IV de la réception qui lui fut faite. « Ceux de la Rochelle, quoi qu’ils prétendent ne devoir avoir d’autre gouverneur que le Roy et le Maire. et quoi encore qu’ils soient réputés rogues et haultains et d’avoir des esprits merveilleusement défians , si n’ont-ils pas laissé d’en user tout ainsy que s’ils m’eussent recognu pour leur gouverneur et de procéder en mon endroit comme toutes les autres villes, ayant laissé entrer dans la leur tous ceux qui m’accompagnoient, sans distinction de religion ny esgard de nombre, (car je n’avois pas moins de douze cents chevaux) et les ont voulu loger pour la plus part ès maisons bourgeoises, voire ont dit tout hault qu’ils faisoient tel estat de ma piété et loyaulté, que quand j’aurois eu trois fois aultant de monde, la résolution avoit esté prise, en conseil de ville , de les laisser entrer ; voire protesté tout hault, en plein festin , buvant à la santé de Votre Majesté, de se confier tellement en sa prudence, foy et parole que sur icelle ils ouvriroient leurs portes à V. M., quand bien elle seroit accompagnée de trente mille hommes, et que si elles ne se trouvoient assez grandes, ils abbatroient trois cents toises de murailles. En ce festin public, qui me fut faict (dans la salle Saint-Michel), il y avoit dix-sept tables, dont la moindre avoit seize serviettes, et le lendemain, ils nous firent une très-belle collation de confitures (dans une salle de la tour de la Chaîne) ; et le jour suivant, entre Coreilles et Chef-de-Boys, un combat naval de vingt vaisseaux, aux habits, armes, panonceaux et livrées de France, et vingt autres aux habits, armes, panonceaux et livrées d’Espaigne, auquel rien ne fust oublié de ce qui se praticque en une vraye guerre ; laquelle se termina par la victoire des François sur les Espaignols, qui furent tous amenez prisonniers et liez au pied d’un tableau de S. M., puis à moi présentés comme ayant l’honneur d’être son lieutenant-général, au nom de laquelle je les remis en liberté avec plusieurs paroles à sa louange. » (OEconomies royales.) (3) .Après avoir fait la cène, le 4, avec sa femme et toute sa suite, Sully partit pour Brouage. Mme de Rosny et son fils ne partirent que trois jours après pour Charron. (Merlin. — Guillaudeau.)

(1) Il ne fut fait duc et pair qu’au mois de février 1606.

(2) Ils descendirent chez M. Paul Legoux, trésorier général de la maison de Navarre, qui occupait la maison où avait longtemps demeuré Henri IV, dans la rue Gargouillaud. (V. 1er juin.)

(3) « Les excellens citoyens et les meilleurs de la France -, écrit à ce propos M. Michelet, qu’on disait amis de l’Espagne , ne pensaient qu’à lui faire la guerre. Ils régalèrent Sully d’un combat naval, &. (Henri IV et Richelieu.)


1604 07 20. — La peste avait été apportée en cette ville, au mois d’août précédent, par un individu de Niort, où elle régnait alors. Après des alternatives de diminution et de recrudescence , le fléau, depuis une dizaine de jours, redoublant de fureur, on avait augmenté le nombre des commissaires chargés de pourvoir à toutes les mesures nécessaires, et nommé deux échevins, deux pairs et trois bourgeois. Mais comme la désertion était générale, le corps de ville décide que ceux qui resteroient plus de deux nuits aux champs, à raison de la contagion, perdroient leur estat, tant les eschevins et pairs que bourgeois. Mireuil fut encore choisi pour le dépôt des malheureux pestiférés. On fit construire, pour les y transporter, un charriot de bois et une chaise, dont les porteurs avoient des habits bleus, chamarrés de blanc. On avait d’abord tapissé de blanc les portes des malades de la ville, on se contenta ensuite de les marquer d’une croix blanche. Il mourut jusqu’à 200 personnes par mois au seul lieu de Mireuil. On remarqua que la peste frappait principalement ceux qui se tenoient salement en leur maison,, qui se.nourissoient de mauvaises viandes, et ceux qui faisoient excès avec les femmes, au vin et aux tripots, et aussi qu’on peschoit une quantité incroyable de maigres : ce qui estoyt une signification de peste, disoyent les personnes âgées. Le terrible fléau ne diminua qu’au mois de novembre ou de décembre, et se prolongea jusqu’au mois d’août 1605. Il n’avait pas tardé à envahir les campagnes, et les bourgs de Laleu, Marsilly, Esnandes , Longèves, Cyré , Aytré , Tasdon, Saint-Rogatien et Bourgneuf furent principalement maltraités. (Conain. - Merlin. — Baudouin.) — V. 8 mai.
1604 08 29 (1). — Décès de Jacques Esprinchard , seigneur du Plomb, fils du Maire de 1578 et de Silvie Tarquex, gentilhomme Rochelois docte et fort estimé de MM. de Thou, Scaliger et Casaubon, écrivait de lui Goulard de Senlis dans sa traduction des méditations historiques, de Camerarius, à laquelle Esprinchard avait travaillé avec lui. De son côté Pierre l’Etoile en parle ainsi : « Le 10 de ce mois (septembre), on me dit les nouvelles de la mort de M. du Plomb, mon bon ami, décédé à la Rochelle quelques temps auparavant, ce qu’on m’avoit célé à cause de mon mal. Comme je reconnois avoir fait perte en cet homme d’une douce, docte et chrestienne compagnie, lequel sur toutes choses craignoit et aimoit Dieu, qui est cause que je l’aimois ethonorois beaucoup, et auquel j’avois délibéré de léguer mes curiosités, comme il m’avoit promis les siennes ; mais Dieu en a disposé autrement. » C’est à Esprinchard, qui l’avait invité à concourir à la formation de la bibliothèque publique de la Rochelle, que l’Etoile fit la réponse que nous avons rapportée sous la date du 19 janvier. Notre savant Rochelais publia une histoire des Empereurs romains et une histoire des Empereurs ottomans ; une traduction de la civile conversation de l’Italien Guazzo , augmentée par l’auteur d’infinis beaux et utiles enseignemens adjoutés à cette édition par Jacq. Esprinchard. La bibliothèque de la Rochelle possède la relation manuscrite de ses voyages en diverses contrées de l’Europe (2). (Merlin. — Journal de Henri IV.) — V. 18 janv.

(1) C’est par erreur qu ’Arcère donne la date du 28 août.

(2) Il y raconte , entre autres particularités remarquables , qu’il assista , à Leipsick , à un exercice présidé par le philosophe Francon, et qu’on y disputa avec beaucoup de vivacité, pendant cinq heures sur l’immortalité de l’âme, toujours en grec et sans qu’il échappât à aucun des dissertateurs un seul rnot latin.


1605 03 14. — Funérailles du maire Jacques Barbot, seigneur de l’Ardenne. - Voici le récit que nous en a laissé Colin : « Il fut enterré selon l’usage, avec très grande pompe. Les compagnies de la ville s’assemblèrent en armes sur la place du Château, en forme de régiments en bataille, les capitaines et chefs à la teste, les lieutenants en queue. Elles allèrent prendre le corps en sa maison, en passant les armes basses et les drapeaux traînants. A la queue du régiment, marchoit la compagnie du feu Maire , composée d’environ deux cents hommes, conduits par le lieutenant, les armes basses et le drapeau-colonel trais- nant. Après marchoit le capitaine de l’artillerie , avec ses canonniers ayant leurs robes de livrée, leur boute-feu en main ; puis après les gagiers, et parmi eux les sergents de Mairie , portant à leur baguette un écusson aux armes de la ville, et avec eux les portiers de toutes les-portes de la ville, les clefs sur leurs épaules ; puis les capitaines des tours, portant les clefs sur leurs bras. Après estoit conduit en main un cheval couvert de deuil, avec six écussons aux armes du feu Maire. Après marchoit un homme , avec ses armes complètes et son espée à la main. Les panonceaux de la ville estoient portés par trois sergents et le tableau où sont contenus les noms des sergents. Le corps estoit porté par huit eschevins et quatre des plus anciens Maires portoient la brunette. « Notre annaliste ne dit pas si l’on exécutait encore les anciens règlements, qui ordonnaient qu’aussitôt que le crieur public aurait annoncé par la ville la mort du Maire, les portes de ville et toutes les boutiques sans exception, même celles des boulangers, fussent fermées jusqu’après l’enterrement. » (Statuts du corps de ville.)
1605 07 28. — Tremblement de terre , un peu avant neuf heures du matin. (Merlin).
1605 08 24. — Sur les sept heures du soir, tremblement de terre, si violent, nous apprend Merlin, que ce ministre et sa femme, qui soupaient en ce moment, furent trois fois soulevés de leur chaise. (Diaire de Merlin.)
1605 12 15. — Ordonnance ou règlement du présidial sur les Agatis ; ainsi appelait-on, dans la coutume d’Aunis, les dommages ou dégâts causés aux biens ruraux. S’il est aujourd’hui interdit aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire, il n’en était point ainsi sous l’ancienne législation , et ce règlement, rédigé par le présidial, après avoir entendu et pris l’avis de tous les seigneurs du gouvernement de la Rochelle, qui s’étaient fait représenter par procureurs, forme une sorte de code agricole, qui paraît être resté exécutoire jusqu’au moment de la révolution de 89. (1) (Régl. des Agatis imp. à la suite de la coutume.)

(1) Plusieurs des dispositions de ce règlement méritent d’être signalées : les vignerons , laboureurs et journaliers quelconques devaient sous peine de perdre le prix de leur journée, vaquer assidûment à leur travail, depuis le lever jusqu’après le coucher du soleil, sans pouvoir employer plus d’une heure pendant les grands jours , et une demiheure pendant les petits jours pour chacun de leur deux repas , qu’ils devaient prendre sur le lieu de leur travail ; il leur était seulement accordé une heure de repos de plus du 1er mai au 31 juillet. Il y avait dans la ville et dans les villages une place ou un lieu déterminé, où ils devaient attendre qu’on louât leurs services et si, après cinq heures du matin en été , et sept heures en hiver, ils étaient trouvès oisifs dans les rues ou par les chemins, le Maire de la ville ou , dans les villages les seigneurs et les fabriciens de la paroisse pouvaient les contraindre à travailler aux travaux d’utilité publique , sans autre salaire que leur nourriture. Il leur était formellement interdit de jouer aux cartes , aux dés, aux quilles ou autres jeux, les jours ouvrables, et à tous hôteliers et taverniers de les recevoir chez eux, sons peine d’amende, et de punition corporelle en cas de récidive. Plusieurs autres dispositions pourvoyaient à la conservation des récoltes et au respect de la propriété. Ainsi il était interdit à toute personne d’avoir une vache, si elle ne possédait au moins deux quartiers de terre, ou quatre quartiers, si elle voulait en outre avoir des moutons ; il était permis de tuer les chèvres et les pourceaux trouvés dans les vignes ou dans les prairies , etc. La chasse était interdite aux roturiers, d’une manière absolue, sous peine de 10 liv. d’amende, et d’une grosse amende arbitraire en cas de récidive ; les nobles ne pouvaient, sous les mêmes peines, chasser à cheval dans les vignes en aucune saison, et ni à pied ni à cheval sur les terres non dépouillées de leurs récoltes , par quelque mode de chasse que ce fut, avec chiens , oiseaux) arbalètes , rezeux , tonnelles) collets ou autres engins. (Réglem. sur les Agatis.) — V. 4 juillet et 19 octobre.


1606 01 19. — « Le jeudy, 19 janvier , a esté comrnancé à mettre des livres en la bibliothèque dans les armoires de la salle Saint-Yon » (1), lit-on sur un registre de baptêmes du temple Saint-Yon. C’est le commencement de la première bibliothèque publique établie à la Rochelle. Pour la composer, on avait fait appel à la plus pari des gens de lettres et qui aiment les livres, avec promesse de voir leurs noms inscrits avec éloge au frontispice des livres donnés. L’Estoile répondit qu’il n’avoit nulle envie de changer les siens à des éloges de louange, qui ne sont que vent ; et Scaliger : que c’estoit comme si quelquun demandoit à un autre qu’il lui donnast sa femme. Plus généreux, Duplessis Mornay offrit tous hs livres qu’il avait fait imprimer. En 1628, Louis XIII, après avoir confisqué les biens de la commune, fit don à Richelieu de cette bibliothèque, que le cardinal fit apporter à Paris et colloquer dans la sienne. (L’Estoile-Scaligerana, etc.).

(1) Tout en démolissant l’église et une partie du monastère des religieux Augustins, qui s’étendaient de la rue Dupaty à la rue des Augustins, en longeant celle de Saint-Yon, les protestants avaient conservé le vaste - réfectoire pour en faire un Temple , qu’on appelait ordinairement la Salle Saint-Yon. (V ma première Lettre Rochelaise).


1606 04 27. — (1) MM. de la Tabarrière et Duvivier, de Marâns, ayant eu querelle dans la rue du Minage, ( où ils étaient descendus), avec M. du Couldray, frère du baron de la Forest d’Auton , sénéchal de Saintonge, et MM. de la Prade et de Ferrières, qui l’accompagnaient, mirent l’épée à la main ; celle de Duvivier s’étant brisée, il se réfugia dans une étable, de la Truie qui file (2) ; les trois adversaires l’y poursuivirent et quoiqu’il fut désarmé, le transpercèrent de leurs épées. Le capitaine la Jarrie, qui fesait partie de la suite de la Tabarrière, ayant voulu secourir Duvivier, fut tué traîtreusement par un laquais des assaillants. Huit jours après, du Couldray, en vertu d’un jugement du présidial, eut la tête tranchée sur la place du Château : et ses deux acolytes furent condamnés aux galères perpétuelles. (Merlin. — Colin).

(1) Colin place ce crime au mois de mai, sans indiquer de date précise comme Merlin. Il donne à la victime le nom de PuicLemin , qui rtait sans doute le titre nobiliaire de Duvivier, de même que de Ferrières celui de l’acolyte de du Couldray, qu’il appelle Riblemont.

(2) Le carrefour de la Truie qui file, nom qu’il devait à l’enseigne d’une maison, était situé au point de jonction des rues Pas-du-Minage, de Saint-Yon et de Gargouillaud.Il en est fait mention, dès l’année 1418, sur un livre terrier de l’hôpital Saint-Bartheremy.


1606 10 11. — A cinq heures du soir, tremblement de terre à la Rochelle. (Merlin.)
1607 03 01. — Ouverture du XVIII. synode national des Eglises réformées, dans la bibliothèque publique, au-dessus de la salle Saint-Yon (V. 19 janvier à 1606.) — Comme on devait s’y ocuper non-seulement de matières religieuses, mais encore d’affaires politiques , et que la ville de la Rochelle avait rang de province, le corps de ville nomma des commissaires pour assister aux séances. Plusieurs lettres d’Henri IV à Sully témoignent du mécontentement qu’éprouva le Roi de l’esprit qui anima cette assemblée et de plusieurs de ses décisions, notamment de l’annexion des églises de son pays souverain de Béarn à celles de France, et de la résolution de faire un fond d’argent à la Rochelle (sans doute une caisse générale des Eglises réformées). « Ils ne cherchent qu’à gagner toujours pied et au préjudice de mon autorité, écrivait-il à Sully, le 15 mars : si cela continuoit il vaudroit mieux qu’ils fussent les roys et nous les assemblées. J’ay jugé quand et où ils en veulent venir. » Le synode ne se sépara que le 12 avril suivant. (Lett. d’Henri IV. — Merlin. — Aymond. — Hist. de l’édit de Nantes. — OEconomies roy. de Sully, &.)
1607 08 15. — Naissance de Pierre Mervault, l’auteur du journal des choses mémorables qui se sont passées au dernier siège de la Rochelle ; précieux ouvrage, auquel nous fesons de si fréquents emprunts. Il était fils de Paul Mervault, négociant, pair de la commune et maître de l’artillerie pendant le siège, et de Marie Duprat. Outre son journal , il a laissé un grand nombre de notes fort intéressantes sur notre ville , et on lui attribue encore plusieurs ouvrages imprimés sans nom d’auteur. (Rég. des protest.)
1607 11 13. — Sully écrivait au corps de ville, à cette date : « Messieurs, vous ayant promis amitié et service, je vous en veux rendre des tesmoignages très-asseurés à toutes les occasions qui se présenteront. l’on a dit à Sa Majesté que vous aviez escript en corps au roy d’Angleterre en faveur d’un ministre écossois , nommé Malvin , prisonnier en la tour de Londres pour avoir parlé mal à propos du Roy et de son conseil. Or, vous scavez combien les Roys ont désagréables les esprits turbulents et disposez à la brouillerie et ne sçauroient recevoir un plus grand desplaisir que d’en voir dans leur royaulme. Et néantmoins outre la faveur que vous avez procuré de porter au sieur Malvin pour sa liberté , vous avez résolu de le retirer en vostre ville et l’y faire habiter, chose que le Roy ne trouve nullement bonne et pouvez tenir pour asseuré qu’il ne le souffrira pas. Je vous conseille donc, comme vostre bon amy et serviteur, de desputer quelqu’un vers Sa Majesté pour vous justifier, si la chose n’est pas vraye, ou luy demander pardon, si l’avez commise. » (OEconomies roy.) Le fait était exact : à la sollicitation des Rochelais, le roi Jacques avait rendu la liberté à Malvin , à la condition qu’il sortirait de ses Etats ; mais , dit Benoist, dans son Histoire de l’édit de Nantes, « la disposition des esprits ne permettoit pas de tolérer en France des personnages de ce caractère , encore moins à la Rochelle qu’ailleurs, à cause de l’amour de la liberté qu’elle porloit un peu plus loin qu’il n’est permis selon la politique des monarchies. Grâce à l’intervention de Sully, ajoute-t-il, l’affaire n’eut aucune suite fâcheuse. »
1607 11 25. — L’exécution de l’édit de Nantes était toujours à la Rochelle l’occasion de nouveaux débats entre les deux cultes rivaux (V.9mai.). Henri IV avait été obligé, l’année précédente, de charger Sully d’intervenir comme pacificateur, et le sage ministre avait fait adopter par l’une et l’autre parties une sorte de compromis, qui avait rétabli le calme pendant quelque temps (1). Toutefois les passions se ranimèrent plus vives quand les protestans apprirent que les catholiques avaient appelé le jésuite Séguiran (le futur confesseur de Louis XIII), pour venir prêcher à la Rochelle. Craignant de n’en pas obtenir du Roi l’autorisation, ce religieux était parvenu à s’en faire accorder la permission par deux secrétaires d’Etat ; mais le 25 novembre, le corps de ville lui signifia qu’il ne serait pas reçu dans cette ville. Séguiran ne laissa pas de s’y présenter. — « Qui êtes-vous ? lui demandèrent les citoyens, chargés de la garde de la porte par laquelle il voulut entrer. — Je suis, répondit Séguiran, de la compagnie de Jésus, qui viens pour prescher en ceste ville , en vertu des lettres du Roy. — Retirez-vous, lui répliquèrent-ils , nous sçavons bien que Jésus n’a pas de compagnons et que vous n’avez pas de lettres du Roy. — Le voylà en colère, dit plusieurs paroles de blasme et menace de s’en plaindre ; à quoy il ne faillit pas, et assisté de ceux qui ne demandoient pas mieux d’animer le Roy contre ceux de la religion, exagérèrent tellement le fait qu’il s’en offensa infiniment. » Sully fut encore chargé d’arranger cette affaire. Il engagea le corps de ville à envoyer des députés au Roi. Paul Yvon, échevin, et Blandin , pair de la commune, furent dépêchés en cour. A l’audience que leur donna Henri IV , en son conseil, l’excentrique échevin parla si librement et si hardiment, rapporte l’Estoile dans son journal, que le Roy en fust offensé et l’appela séditieux. Mais tout en feignant publiquement un grand mécontentement de la conduite des Rochelais, le royal converti ne dissimula pas à ses confidens qu’ils n’avaient pas grand tort à ses yeux, et il laissa le soin à Sully de faire entendre aux députés qu’il fallait, par respect pour l’autorité royale, que le père Séguiran fut reçu à la Rochelle, mais en leur promettant qu’il serait aussitôt rappelé. (OEconomies royales de Sully.)

(1) Le clergé catholique était autorisé à exercer son ministère dans les hôpitaux et les prisons , mais non à accompagner les criminels au supplice , ni faire des enterremens ou processions avec les cérémonies ordinaires de l’église romaine ; il était interdit d’insulter ou de bafouer les ecclésiastiques quand ils passaient dans les rues avec les habits de leur état ; il ne devait être apporté aucun empêchement à la construction de l’église, que les catholiques se proposaient de bâtir , sauf à leur assigner un autre emplacement, si celle de Saint-Barthélémy , qu’ils voulaient relever de ses ruines, semblait au corps de ville trop rapprochée des murailles de la ville ; enfin, s’il était arrêté que les catholiques ne pouvaient prétendre à occuper les charges publiques autrement que par l’élection , comme les autres citoyens, ils ne devaient pas être exclus de la maîtrise , quand ils remplissaient les conditions exigées pour être admis dans les corps de métier , ni les compagnons de leur religion être chassés de la ville. (OEconomies royales.)


1608 08 16. - Naissance de Louis Ratouyt, (1) devenu célèbre sous le titre de comte de Souches. Il était fils de Jean Ratouyt, pair de la commune et de Marguerite de Bourdigale, fille du procureur du Roi au présidial de la Rochelle. Ayant perdu son père à six ans, ses convictions religieuses sans doute, plutôt que l’ambition , comme l’insinue Arcère, lui firent abandonner sa patrie, après la chute de la Rochelle. Il alla d’abord en Suède, où il ne tarda pas à obtenir un régiment de dragons. Offensé par son général, il donna sa démission pour se battre avec lui et quitta la Suède. Dans un voyage que Ratouyt fit à Vienne, l’archiduc Léopold-Guillaume, qui avait entendu parler de ses talents militaires, lui fit proposer de s’attacher au service de l’empereur et lui offrit un régiment de dragons. Nous pouvons applaudir sans réserve aux succès que plusieurs fois il remporta contre les Suédois et les Turcs ; mais nous devons regretter de le trouver, en 1074 , après qu’il eut remplacé Montécuculi dans le commandement des troupes impériales, combattant contre les Français, arrêtant, par son intrépidité et l’habileté de ses manœuvres, la marche triomphante de Condé, lui faisant perdre, devant le Flay, la plus grande partie des avantages de sa victoire de Senef et, peu de temps après, devant Oudenarde, sauvant, par une habile retraite, l’armée alliée de la défaite assurée que Condé lui préparait. Après avoir été créé baron , puis comte de l’Empire, conseiller d’État et de guerre de l’Empereur, enfin commandant général des frontières de l’Esclavonie, de Souches mourut en 1682 , gouverneur de Moravie et de la ville de Brinn. Sur la terre étrangère il n’avait cependant pas oublié sa patrie, car, en 1669, étant à Vienne , il avait fait donation à l’hôpital de Saint-Barthelémy de la Rochelle, d’une grande maison appelée les Trois-Marchands, qui longtemps avait été le premier hôtel de la cité et avait donné son nom à la rue Chef-de-Ville. (Reg. des protest, — Titres de l’hôp. St-Barth. - Arc. — H. Martin).

(1) Son nom est ainsi écrit dans son acte de naissance ; dans l’acte de donation, de 1669, on lit Ratuyt : Arcère écrit Ratuit.


1608 10 20. — Mariage, à la Rochelle, de Constant d’Aubigné, seigneur de Surineau, fils de l’historien Agrippa d’Aubigné , avec Anne Marchant, veuve de J. Couraud, baron de Châtelaillon. C’était, dit son père dans ses mémoires, un misérable, adonné au jeu, à l’ivrognerie et aux filles de joie. Il tua sa femme, qui lui avait été infidèle, et se remaria, en 1627, avec Jeanne de Cardillac, fille du gouverneur du Château-Trompette. De ce second mariage, naquit Françoise d’Aubigué, qui épousa Scarron, et devint si célèbre , sous le nom de de Maintenon. (Rég. des proteslans.)
1608 12 11. — Quel Rochelais ne se rappelle avoir été bercé dans son enfance par ce refrain d’une vieille chanson poitevine : Toto carabo , toto carabi, Compère Guillery Te lairas-tu, te lairas-tu mouri…. mais combien peu savent que ce Guillery était un bandit-gentilhomme, qui cachait une naissance illustre sous ce nom d’emprunt, un vaillant capitaine du duc de Mercœur, qui, plus fier que son maître, n’avait pas voulu faire sa soumission à Henri IV, ce Roi trop bourgeois , trouvait-il, qui fesait aussi bon accueil aux vilains qu’aux gentilshommes. La paix ayant fermé les champs de bataille au rude ligueur breton , il s’était fait un repaire dans les forêts du bas Poitou, et, à la tête de sa bande, avait déclaré la guerre aux prévôts et aux archers du Roi, aux paysans et à la bourse des marchands, répandant au loin la terreur par ses brigandages et ses assassinats. Il fut enfin arrêté, conduit à la Rochelle, condamné à mort, avec quelques uns de ses complices, et rompu vif sur la roue, le 11 décembre 1608 (1) , sur la place du château, tesmoignant de sa foy et repentance, dit Merlin. Si Guillery est resté le plus célèbre, il n’était pas le seul de ces chefs de bande, qui de soldats s’étaient faits bandits — dans ces temps-là la différence n’était pas grande — et qui étaient l’effroi des campagnes et des voyageurs. Au mois de juillet 1593, le capitaine Pommeray, gentilhomme du Poitou , avait eu la tête tranchée sur la même place, à côté du capitaine Lépine et d’un de ses acolytes , qui avaient été pendus, comme de simples vilains , à cause qu’ils estoient tous trois larrons et brigands. Le mois précédent, les capitaines des Marais, natif d’Andilly-les-Marais, et la Fraignée, de Mauzé, avaient été pendus de même, après avoir accusé le capitaine Réoque et le seigneur de Saint-Christophe , et leurs corps avaient été transportés ensuite aux fourches patibulaires de Gourville, à Saint-Eloy. Le métier de voleur s’était annobli : peut être n’entrainait-il pas dérogeance. (Merlin, — Cautelles, finesses, etc. du capit. Guillery. — Bergier.)

(1) Cette date est empruntée à un petit livre intitulé : Cautelles, finesses et subtiles inventions de volerie qu’a usé le capitaine Guillery. - La Roch. 1609. Merlin donne celle du 4 décembre , et M. Edouard Fournier , dans un feuilleton sur un drame de Vict. Séjour, récemment joué à l’Ambigu, sous le titre du père Guillery, lui attribue, sans citer aucune autorité, la date du 25 novembre.


1610
1610 08 14. — Mariage de Jean Guiton avec Marguerite Prévost, fille du Maire qui sortait de fonctions. Dix ans après (2 juillet 1620), il épousa en secondes noces Judith David, fille du Maire de 1584 et propriétaire du domaine de Repose-Pucelle, dont Guiton prit le titre. De sa première femme , Guiton eut cinq filles et n’eut pas d’enfant de la seconde ; ce qui contredit les prétentions de ceux qui soutiennent descendre directement de l’héroïque Maire de 1628. (Reg. de l’état-civil des protest. - Callot.)
1611 12 02. — L’assassinat de Henri IV avait inspiré aux protestants autant de crainte que de douleur. En vain Louis XIII, peu après son avènement, avait-il confirmé tous leurs privilèges dans de longues lettres patentes (Mai 1611), les Rochelais n’en étaient pas plus rassurés sur les dispositions de la cour. Suivant les advis mauvais qu’il recevoit journellement de toutes parts et qui invitoient à prendre garde à certaines personnes entendues à pétarder les places, et qui devoient se rendre à la Rochelle, le Maire de Berrandy avait fait placer sur les remparts une grande quantité de canons, doubler la garde des postes et travailler avec activité aux fortifications. Dieu sera pour nous, s’il luy plaist, écrivait-il à de Mirande, député à Paris, pour le moings j’espère qu’ils ne nous trouveront pas endormis (1). Cependant la cour, se préoccupant de cette attitude des Rochelais, avait demandé des explications au corps de ville sur ces préparatifs de guerre et sur les bruits qui couraient qu’ils avaient traité avec les Etats de Hollande et fait venir des navires de guerre pour garder leurs costes. Les magistrats municipaux avaient répondu en s’indignant de pareilles calomnies , et en protestant de leur fidélité au Roi et de leur désir d’ênttètenir la paix. Ils reçurent bientôt de nouvelles lettres de la Reine-régente et du chancelier , leur annonçant qu’ils envoyaient à la Rochelle deux commissaires, les sieurs de Vic et de Saint-Germain de Clan pour faire exécuter les édits de paix, entendre leurs griefs et y faire droit s’il y avait lieu. Mais peu confiant sur la sincérité de cette mission, le corps de ville décida , le 2 décembre, que ces commissaires ne seraient pas reçus jusqu’à ce qu’on ayt sçeu la résolution qui se prendra sur les responses de leurs Majestés aux députés envoyés vers elles, et il dépêcha en même temps deux de ses membres pour aller au-devant d’eux et les prier de s’en retourner. (Rég. du corps de ville. — Recueil de lettres, n°s 2,007-297. )

(1) Il lui disait : « Soyez assuré que la garde se faict autant soigneusement que le temps le requiert ; il y a , chascun soir , près de 500 hommes ; car chascun y est en personne, avec cinq hommes, et tous de bonne volonté. nous travaillons continuellement aux nouvelles fortifications, etc. (Recueil de lettres de Berrandy.)


1612 09 05. — La cour était à peine délivrée des embarras et des craintes que lui avait occasionnés la fameuse assemblée de Saumur, que Henri de Rohan , le gendre d& Sully, à la suite de longs démêlés avec le duc de Bouillon, l’ardent adversaire du vieux ministre d’Henri IV, fit convoquer une nouvelle assemblée de protestants à la Rochelle, pour le mois de novembre (1). La Reine-mère dépêcha dans cette ville un conseiller au parlement de Paris, du Coudray, fils de Jean Rochelle, seigneur du Coudray, maire de 1594 (2) et échevin lui-même de la commune , afin de mettre les magistrats Rochelais dans les intérêts de la cour et les détourner d’autoriser cette assemblée ; mais le parti de Rohan souleva le peuple contre du Coudray et répandit le bruit qu’il était venu pour être intendant de justice et de police, ce qui était contraire aux privilèges de la Rochelle. Le 5 septembre, éclata une violente émeute contre l’envoyé de la cour ; Gabriel Lamet, l’un des échevins et des plus chauds partisans de Rohan , se mit à la tête des mutins, qui déclarèrent qu’ils ne déposeraient les armes qu’après qu’on leur aurait livré le traitre qui, par de faux rapports, les avait rendu suspects au Roi. Du Coudray eut beau protester qu’il n’avait d’autre mission que d’assurer les Rochelais de la bienveillance du Roi et de la Reine ; que si on lui avait en effet expédié une commission d’intendant, il ne l’avait pas acceptée, par respect pour les privilèges de sa patrie, il lui fallut céder à l’orage et déguerpir au plus vite. A peine le Maire, qui était allé le chercher, eût-il le temps de le faire sortir de la ville par la Porte-Neuve ; encore ce ne fut pas sans que ; du haut des murailles, on lui lançât force pierres et lui tirât même plusieurs coups de mousquet. (Merlin.- Colin.)

(1) C’est par erreur que M. Henri Martin, dans son Histoire de France, dit le mois de septembre.

(2) Arcère a omis son nom dans la liste des Maires, et l’a par erreur remplacé par celui du lieutenant-général Benureau, qui l’avait choisi. Cependant, dans son armorial, il donne les armoiries de Jean Rochelle , qui, de même qu’il portait le nom de sa patrie , en avait emprunté les armes , légèrement modifiées : d’azur à la nef d’or, surmontée de trois fleurs de lis de même et voguant sur flots d’argent, à la face d’or, chargée de trois tourteaux de gueules, avec cette devise : Devotus Rupella Rupellæ.


1612 11 22. (1) — Séance d’ouverture de la première assemblée de cercle protestant dont les écrivains du temps fassent mention. Elle était formée des provinces de Saintonge, Aunis, Guienne, Poitou, Anjou, Périgord et Angoumois , sous la présidence du Maire de la Rochelle , Jean Salbert, seigneur de Romagné, de la Jarne et de Saint-Xandre, el dans la maison de feu Cousseau, le médecin. ( V. 5 septernbre.) Ni les envoyés de la cour et ses menaces, ni les arrêts du conseil et du parlement n’eurent le pouvoir d’intimider le corps de ville, non plus que les députés des provinces : ce fut la régente qui prit peur. Elle recourut à la médiation de Duplessis-Mornay, qui, avec son gendre, de Rouvray , parvint à calmer les esprits, sans négliger les intérêts de sa religion. Malgré l’engagement de Marie de Médicis d’accorder une grande partie des articles portés sur le cahier de l’assemblée de Saumur , l’assemblée de la Rochelle refusa de se dissoudre avant que les promesses de la reine-régente eussent été formulées en édit royal. Marie céda : elle autorisa les ministres à supprimer dans les actes l’épithète de prétendue réformée appliquée à leur religion ; les exempta de toutes tailles et subsides ; promit de tolérer les conseils provinciaux et de laisser Rohan complètement maître de Saint-Jean d’Angély. L’assemblée se sépara le 16 janvier suivant. « La lutte se termina ainsi, dit M. H. Martin, par la défaite de la royauté, et le conciliabule illégal de la Rochelle obtint ce qui avait été refusé à l’assemblée régulière de Saumur. » (Merlin. — Vie de Duplessis. — Bruneau. - H. Martin. — L. Anquez.)

(1) La date du 22 novembre donnée par notre annaliste Bruneau m’a paru offrir plus de garantie d’exactitude que celle donnée par M. Anquez.


1613 01 11. — Il s’était manifesté depuis quelque temps déjà , de la part des bourgeois contre le Corps de ville, une vive opposition, qui menaçait de dégénérer bientôt en révolte. Les premiers se plaignaient, non sans raison , des graves atteintes portées aux institutions municipales par les brigues qui présidaient aux élections du Maire ; par le scandaleux trafic que l’on faisait des charges d’échevins et de pairs ; par les abus d’autorité dont étaient victimes beaucoup de citoyens, qu’on emprisonnait sous le moindre prétexte, sans leur laisser la facilité de se défendre , etc. Le désir de mettre un terme à un pareil état de choses, avait porté les bourgeois à se réunir dans des clubs où l’aristocratie municipale n’était sans doute pas épargnée et où il avait été résolu d’invoquer l’intervention de l’autorité royale. Le 11 janvier, le Corps de ville répondit à ces plaintes en rendant une ordonnance prohibant, sous peine de mort, tous conventicules et assemblées illégitimes. Cette terrible mesure , qui montre de quelle puissance jouissait le Corps municipal, ne découragea pas le parti démocratique, et, l’année suivante, les bourgeois contraignirent leurs adversaires à subir vingt-huit articles destinés à faire cesser les abus dont ils se plaignaient. (Bruneau) Merlin).
1613 05 22. — Jour de la fête de sainte Quitère ou Aquitaire (1), qui emporte tout dans sa devantère, selon un dicton populaire, parce que le 22 mai est très redouté des vignerons à cause de la gelée. Cette sainte, qui ne figure pas, je crois, dans les martyrologes, jouissait, parait-il, d’une grande vénération dans l’Aunis, où plusieurs églises lui étaient consacrées. La chapelle que lui avaient dédiée, à la Jon près de Lhoumeau, les religieux de tyloureilles, avait surtout le privilège d’attirer, le jour de sa fête, une foule considérable de pélerins des deux sexes, qui venaient des lieux les plus éloignés lui demander de les guérir du mal de teste et estoundissement de cerveau. D’une enquête faite en 1613, par le grand-vicaire Gastaud , il résulte que, pour obtenir leur guérison, hommes et femmes se coupaient les cheveux et les cachaient dans les trous des murs de la chapelle ; que ni la sainteté du lieu ni les exhortations du prêtre ne pouvaient les empêcher de déposer sur l’autel leurs chapeaux ou leurs-bonnets ; que des femmes y laissaient leur couvre-chef tout coiffé, d’autres leurs ceintures , linceuls (draps), chemises et autres choses ; que plusieurs portaient des couronnes de chandelles sur la teste ou en entournoient leur corps. Le prieur de Lagord avouait qu’il y avait ces jours-là grande contusion, qu’augmentaient encore les prestres qui viennent de plusieurs endroits, pour dire les Evangiles sur les personnes ven ues en pélerinage, et font à qui en dira le plus. Le grand-vicaire eut la sagesse de vouloir mettre un terme à ces superstitieuses pratiques , et ordonna qu’à chaque jour de fête de sainte Aquilaire , un prédicateur serait envoyé à la Jon pour exhorter le menu peuple à s’abstenir de ces choses grandement desplaisantes à Dieu. mais qui étaient fort du goût du fermier, qui ne payait pas moins de 200 livres le droit d’exploiter la crédulité populaire. (Proc.-verb. du grandvicaire.)

(1) Alias sainte Quiterie, Quitaire, Equitaire et même Acquitaine. M. Redet s’est trompé en la confondant avec saint Alitiaire, nom sous lequel on invoque saint Marc en Saintonge , le 23 mai, pour être préservé de la gelée. (Bullet. de la Soc. des Antiq. de l’Ouest, 1846.)


1613 08 03. — « A esté bruslé un jeune homme de Saint-Aignan, pour avoir volé, en la baronnie de Chastelaillon, un jeune enfant, de 13 à 14 ans, de 75 livres, et de s’être mis en effort de le tuer avec un couteau. » (Merlin).
1613 10 31. — « Le dernier d’octobre, rapporte Merlin , onj esté cadelés M, du Fief et M. de Surineau (Const. d’Aubigné.), pour avoir ravi la fille de M. de La Saussaye (Cl. d’Angliers Joubert, seigneur de.) ; effigiés dans un tableau pour avoir la teste tranchée, avec quatre autres, qui sont représentés estre pendus, desquels l’un est prestre, qui a espousé (marié) ledit seigneur du Fief avec la fille ravie. » (Merlin. )
1614 03 22. — La guerre intestine qui, depuis plus d’un an , régnait entre le corps de ville et les bourgeois (V. 11 janvier 1613 et 8 mars 1626), loin de s’appaiser, prenait chaque jour un caractère plus grave. « Le 22 Mars, dit. Merlin, les bourgeois se saisirent furieusement de tous les cantons et les barricadèrent, et estoyent armés comme ils l’eussent esté contre l’ennemy, presque tous la cuirasse et leur couple de pistolets , sans compter les rondaches , les piquiers et les mousquetaires et ceux qui avoient hallebardes et pertuisanes. » Cette émeute avait pour cause la signification faite aux bourgeois d’un arrêt du conseil, qui ordonnait que les cadenas par eux apposés à la nouvelle porte de Maubec (1) et à la chaîne du port, (sur le refus fait par le Maire de leur en délivrer les contre-clefs,) seraient enlevés. Peu s’en fallut même que le sergent, qui avait signifié l’arrêt, ne payât de sa vie l’accomplissement de cet acte de son ministère. Les bourgeois no déposèrent les armes qu’après que le corps de ville eut décidé, dans un conseil extraordinaire , qu’il ne se prévaudrait point de l’arrêt et de sa signification. (Diaire de Merlin).

(1) Elle était située vers l’extrémité de la rue Saint-Louis (qui n’exis tait pas encore), près du canal Maubec. L’ancienne porte Maubec était à l’extrémité Est de la rue de Castres. Les deux montants s’en voient encore.


1614 03 29. — Après plus d’une année de lutte entre le corps de ville et les bourgeois ; après de nombreuses émeutes et de sanglants pamphlets, qui avaient armé les citoyens les uns contre les autres, et porté de graves atteintes au respect et à l’autorité des magistrats municipaux ; après d’interminables négociations, dans lesquelles la cour s’était cru plusieurs fois obligée d’intervenir (1), le corps de ville , désespérant de vaincre l’obstination de ses adversaires, se résigne à accepter les conditions rédigées en vingt-huit articles par les syndics des bourgeois. Cette charte populaire n’avait pas seulement pour but de prévenir les abus dont ceux-ci se plaignaient (V. 11 janv. 1613) , elle modifiait encore profondément les bases du gouvernement municipal. Dans l’impossibilité d’en reproduire ici les longues dispositions, nous nous bornerons à mentionner les deux principales, celles qui furent l’objet de la plus vive opposition de la part du corps de ville. L’article 1 instituait cinq procureurs syndics annuels, à l’élection de tous les bourgeois et habitants. Ils devaient assister à toutes les séances du corps de ville , sans voix délibérative, mais avec pouvoir d’y « faire telles propositions, oppositions et appellations qu’ils jugeroient nécessaires pour le maintien des droits, privilèges , franchises et libertés des bourgeois. JI Ils pourraient « quand bon leur sembleroit » convoquer et assembler les bourgeois et habitants, et il devait leur être remis une contre-clef de chacune des portes de la ville et des archives, où étaient conservés les chartes et privilèges de la commune. Il était en outre établi un conseil des bourgeois, appelé les quarante-huit (du nombre de ses membres), dont les huit compagnies de la ville éliraient chacune six ; ce qui, avec les procureurs-syndics, devait former un total de 53 personnes. Ce conseil était appelé : à contrôler tous les actes du corps de ville ; à approuver ou rejeter les taxes et impositions qu’il pourrait décréter et à en nommer les répartiteurs et les collecteurs ; à délibérer sur toutes les questions intéressant la commune ; enfin , en cas de mort de l’un des pairs, à élire trois candidats, parmi lesquels le corps de ville choisirait le successeur du pair décédé. C’était une sorte de chambre des communes au petit-pied, en présence d’un sénat aristocratique et héréditaire ; et comme il n’y avait pas de couronne pour amortir les conflits entre ces deux pouvoirs , les luttes devaient être fréquentes et l’action du Maire et du corps de ville continuellement entravée. Cet état de choses dura cependant douze années : on a vu plus haut (8 mars) qu’en 1626 le conseil des quarante-huit fut supprimé et que les vingt-huit articles furent abrogés. (Reg. des délib. — Merlin.)

(1) L’un des députés du corps de ville disait à la Reine réqente , dont ils avaient obtenu audience : « Si les bourgeois de la Rochelle ont pouvoir d’eslire des syndics , ils se dispenseront de l’obéissance du Roy pour se gouverner comme faict la république de Genève. » (Bruneau).


1614 05 29. — Un mariage sous peine de mort. - Un sieur Villiers avait séduit une jeune fille, en lui promettant mariage ; mais quand elle lui avoua qu’elle ne pouvait plus cacher sa faute, il refusa de remplir ses engagements. Le père ayant poursuivi le séducteur devant le présidial, Villiers fut condamné à épouser la fille, si non, à être pendu. Il fit appel : le parlement de Paris confirma la sentence. Ramené à la Rochelle, Villiers réussit à s’évader ; il est bientôt repris et sommé d’avoir à exécuter le jugement dans le délai de huit jours. Il refuse, demande du temps : on est inexorable. Enfin la veille de l’expiration du délai, il se décide à opter pour le mariage, et reçoit la bénédiction nuptiale le 29 mai, au temple de Saint-Yon. (Merlin.)
1614 06 09. — « Le lundy, 9e de juin, fust faicte la dédicace du palais neuf par belles harangues que firent M. de la Goute, advocat du Roy, et M. le président (Jn Pascaud), avec plusieurs vœux envers la majesté divine pour obtenir ses faveurs, avec louanges et remerciements faits à leurs Majestés, exhortations sérieuses aux bourgeois à vivre en paix. » (Merlin)- V. 29 mars. C’était le palais de justice qu’Henri IV avait fait construire à ses frais, en souvenir de l’affection et du dévouement que lui avaient toujours montrés les Rochelais. La façade, comme presque toutes celles des monuments de ce temps, était bâtie mi-partie briques et pierres de taille ; elle était percée de six vastes fenêtres et soutenue par huit piliers octogones, formant arcades, dont les pilastres, d’ordre ionique, correspondaient, au premier étage, à d’autres pilastres d’ordre corinthien. Sur le fronton , deux statues assises, représentant la Justice et la Force, soutenaient l’écusson de France. Au milieu d’un immense cartouche, qui occupait le centre de la façade, étaient encore sculptées les armes de France et de Navarre, séparées par un glaive renversé, autour duquel s’enroulait un serpent, et surmonté d’une couronne royale. Deux cariatides symboliques, dont le corps se terminait en gaîne, en formaient les côtés, et au-dessous se lisait cette inscription : Du règne de Henry-le-Grand IVe du nom , Roy de France et de Navarre, cet édifice a esté basty par sa munificence, MDCIV. A chacun des piliers, dont les côtés étaient taillés à facettes de diamant, était scellée une chaîne de fer, terminée par un carcan pour l’exposition des condamnés. Enfin, au-dessus d’une large corniche à modillons, régnait un grand toit d’ardoise, surmonté d’énormes fleurs de lis dorées, et à l’angle sud s’élevait un petit campanille , renfermant une horloge. (Masse.) (1) De ce vieux monument élevé sur l’emplacement de l’antique auditoire du Roi, il ne reste plus que quatre portes intérieures, dont les sculptures ont probablement contribué à faire croire à l’historien de la Saintonge et de l’Aunis que la façade du palais actuel, qui ne date que de la fin du siècle dernier, était celle de l’ancien palais construit sous Henri IV.

(1) Voir pour la distribution intérieure du palais et les différentes juridictions qui y siégeaient ma XXe Lettre Rochelaise.


1614 08 09. — Encore un épisode de ces luttes si fréquentes entre les membres du corps de ville et les bourgeois. ( V. 11 janv. — 29 mars. — 11 avril.) Un grand nombre des premiers avaient fait signer une protestation contre le projet qu’ils prêtaient aux bourgeois de vouloir expulser les ministres de la ville et , sous ce prétexte, dans la soirée dit 9 août, ils s’étaient armés et avaient saisi le canton de la Caille, où ils avaient placé des chaînes ; mais le peuple fut aussitôt en armes et les mit bientôt en fuite. Le lendemain, 300 hommes armés se présentèrent devant la maison du Maire , demandant prompte et exemplaire justice de ceux qui s’étaient emparés à force ouverte du canton de la Caille. Ce magistrat se vit obligé de les suivre au domicile de ceux qui lui étaient signalés et plus de 40 personnes, dont plusieurs des plus notables de la ville, furent arrêtées et emprisonnées. Les bourgeois ne quittèrent les armes qu’après que le Maire, Louis Berne, seigneur du Pont-la-Pierre, eut pris l’engagement de désavouer cette occupation militaire d’un canton et de faire poursuivre ceux qui étaient arrêtés, aux frais de la commune et par le procureur de la ville conjointement avec les syndics des bourgeois (Colin.)
1614 11 12. — Le 30 juin précédent, le Roi et la Reine-régente avaient écrit au gouverneur de la Rochelle , de convoquer les trois ordres de la province pour élire chacun un député aux Etats généraux ; déjà, depuis le 14 octobre, ceux-ci étaient assemblés à Paris et les députés de l’Aunis n’étaient pas encore nommés. Le corps de ville de la Rochelle avait seul fait choix, troix semaines auparavant, de M. de la Goutte, l’un de ses membres, pour le représenter, sans être bien assuré toutefois qu’on voulut l’admettre. « Le 12 novembre, dit Merlin , nostre sénéchal, M. de Loudrières, est arrivé icy pour assembler les estats d’Aulnix et avoit désir de les assembler de ceste manière , c’est que les soixante-quinze pairs de la maison de ville fussent joints avec le tiers-estat tant de ceste ville que du gouvernement, fors ceux qui d’entre les papistes sont nobles ; joindre les eschevins avec la noblesse et convoquer le clergé romain et le clergé réformé ensemble ; » mais les membres du corps de ville ayant déjà participé à l’élection de M. de la Goutte, ne crurent pas devoir voter une seconde fois. (Bruneau. — Diaire de Merlin. — H. Martin,)
1615 04 11. — Le triomphe qu’avaient obtenu les bourgeois par l’acceptation des vingt-huit articles, à laquelle s’était résigné le corps de ville, n’avait pas fait cesser l’agitation ni ramené le calme dans la commune. Cependant les deux partis comprenant combien la prolongation de ces troubles était préjudiciable aux intérêts de tous , le Il avril « les Maire , eschevins , conseillers et pairs, bourgeois et habitants et leurs procureurs, désirans prévenir les inconvénients auxquels tous les habitants de ceste ville peuvent tomber par la continuation des divisions, animosités et partialités, et voir entre tous une bonne paix et concorde, par le moyen de laquelle ladite ville puisse estre conservée pour le service de Dieu et du Roy, sous l’authorité de M. le Maire, ont entr’eux arresté que les noms de trépeluz (1) originaires, francs-bourgeois, traîtres et autres, de partialité et rancune, seront supprimez ; que la mémoire de toutes offenses passées, tant générales que particulières, ou des mescontentemens donnez de la part de ceux qui ont esté qualifiez telz, sera du tout abolie ; que pour cet effet, les Maire, eschevins, conseillers et pairs et tous autres habitants de la ville, de quelque qualité et condition qu’ils soient, feront des protestations et juremens solennels, entre les mains,du Maire, d’oublier le tout et de ne s’en ressouvenir ni inquiéter les uns les autres, pour quelque cause ou prétexte que ce soit ; que tous les susdits jureront fn outre de garder et observer invariablement les vingt-huit articles. et l’ordre fait en conséquence pour la nomination de six de chascune compagnie pour l’exécution d’iceux. ; que desdits sermens sera fait registre, sur lequel seront enregistrés les noms, surnoms et qualités de tous ceux qui feront ledit serment, k. » Mais comme les rivalités jalouses ne s’éteignent pas par des décrets, cette bonne harmonie ne fut pas de longue di rée. (Reg. dit corps de ville.) - V. 22 mars.

(1) J’estime que cette qualification avait dans la bouche des démocrates Rochelais à peu près le même sens que celui d’aristocrate dans le vocabulaire des patriotes de la révolution , plutôt que la signification d’iqnorant ou de ganache, que lui prête M. Callot, dans sa brochure sur Guiton.


1615 05 17. — L’Ascension. - Presque continuellement obligés de défendre leur ville frontière contre l’invasion étrangère et leurs franchises municipales ou leur liberté de conscience contre les Rois, nos pères avaient compris que tout citoyen de la Rochelle devait être soldat ou marin. Non-seulement leurs institutions, mais leurs divertissements mêmes tendaient à développer et à entretenir l’esprit guerrier dans la population. Leurs jeux habituels étaient le tir de l’arc ou du papegau (1), de l’arbalète, de l’arquebuse et plus tard du canon. Les vainqueurs, que l’on appelait Rois, ou Empereurs quand ils avaient remporté trois fois le prix, jouissaient de plusieurs prérogatives et même de l’affranchissement de certains impôts. Ils étaient les héros de ces grandes fêtes militaires, qui avaient lieu chaque année, le jour de l’Ascension, et que , par corruption du nom de cette solennité religieuse, nos annalistes nomment cension. Merlin nous a laissé un long récit de celle qui fut célébrée en 1615. On avait dressé, dit-il, sur la place du Château, une vaste forteresse appelée Ville-Blanche (surnom de la Rochelle), « avec plusieurs flancs et plusieurs tourelles jusqu’au nombre de onze. Le régiment qui devoit attaquer estoit de 1,200 hommes de guerre, bien couverts et bien armés. Il y avoit une compagnie de Walons, portant tous le chapeau et la mandille de guerre, de couleur grise ; plus une compagnie d’Italiens, Napolitains , avec chapeau bleu et la mandille de pareille couleur ; plus une compagnie de Hollandois et telles nations, avec le pourpoint blanc et le haut de chausse noir ; plusieurs compagnies de volontaires , autrement appelés Anglois, couverts de plusieurs couleurs ; une compagnie de Suisses, avec barbes diverses et grandes, qui menoient l’artillerie et deux charriots, dans l’un desquels estoient des hautbois et cornemuseurs, et dans l’autre des ustensiles et deux femmes de Suisse, qui suivent le camp, et dessoubs un gros mouton, pour montrer qu’ils estoient gens de provision. Plus il y avoit une compagnie de carabins , qui tous portoient la mandille de même couleur feuille morte, chamarrée de passements d’argent, et la retournant (pour contrefaire un autre parti ), elle estoit chamarrée de croix rouges ; puis une compagnie de gens d’armes, portant tous la casaque blanche de taffetas, de satin ou damas ou de toile d’argent ; plus une compagnie d’Espaignols, pour garder et défendre la ville , portant tous la casaque rouge et les croix rouges ; plus une compagnie de sauvages masqués, enfants de bonne maison, ayant enseignes et tambourins battans ; item une compagnie de chevaux ou mulets, ayant une cornette rouge, et masqués. La susdite ville fut attaquée à la manière accoustumée, et, led. jour, fut seulement prise la basse ville. « Le lendemain, fust continué l’exercice des armes. Il y avoit, sur la pointe de la petite rive, une ville blanche, pour laquelle garder et desfendre parust sur le pavé une compagnie de Turcs, habillés et vestus entièrement à la Turque , au milieu de laquelle estoit porté, à cheval, un nommé David, qui avoit devant luy ses deux pages et après ses deux autres pages. Tous portoient le turban, la robe militaire à la Turque, les arcs et les flèches, mousquets, piques ; et estoit lad. compagnie seulement de Saint-Nicolas. Il y avoit en lad. compagnie un moine Turc ; et il n’y avoit en icelle ni tambours, ni trompettes , ains seulement des hautbois et musettes, selon l’ordre des Turcs. Lesd. Turcs avoient trois galères sur l’eau, lesquelles furent attaquées par les galères chrétiennes françoises, hollandoises et autres. Les Turcs furent contraints de les abandonner et se retirer en leur ville, en laquelle pour renfort et secours entra la compagnie des Anglais. La ville fut prise d-assaut...  » Ces mesmes jour, au soir, fust conduite une machine en forme de beste monstrueuse, qui avoit une grande gueule ouverte et en icelle un flambeau allumé et de grandes dents des deux costés, des grandes oreilles d’asne ou de bœuf, des aisles d’un dragon, le corps et le derrière vaste et gros et une queue retroussée. Au-dedans du corps de la machine estoient quelques-uns assis, qui tiroient des fusées, et estoit traisnée par deux chevaux, sur des roues ; grand nombre de jeunes gens conduisoient ce monstre, avec des flambeaux, avec des hautbois, musettes et cornemuses. (2) » « Un nombre incroiable de personnes du dehors, dont il y en avoit de fort éloignées, ajoute Baudouin, vinrent voir ceste feste, qui fut favorisée par un fort beau temps et cousta plus de 50,000 escus aux particuliers. »

(1) Papegau ou papegay semble être l’ancien nom sous lequel on désignait un perroquet, que les Espagnols appellent encore papagayo et les Italiens papagallo. Le but des tireurs de l’arc était en effet un oiseau, peint des plus vives couleurs et placé au sommet d’un grand mât. Dans un ancien plan manuscrit de la Rochelle, ce mât. est figuré dans une prairie voisine de la Porte-Neuve.

(2) Ce monstre, aux formes fantastiques, rappelle la grand’gueule de Poitiers , la gargouille de Rouen, la tarasque de Tarascon , &. Chaque pays avait jadis son dragon particulier, dont, racontait la légende , il avait été délivré par quelque saint.


1615 08 31. — Daniel Green de Saint-Marsault, chevalier, seigneur de la Garde et du Roullet, (1) acquiert, par décret, la baronnie de Châtelaillon, qui avait été saisie réellement sur les héritiers d’Antoine Courault, procureur du Roi au présidial de la Rochelle. Ses descendants sont restés les derniers seigneurs de cette antique baronnie , possédée par de si hauts personnages qu’elle en fut souvent qualifiée de principauté. Après les Mauléons, on voit figurer parmi eux les Larchevêque de Parthenay, Charles, dauphin et comte de Poitou, qui succéda à son père sous le titre de Charles VII, Artus, comte de Richemond , frère du duc de Bretagne et connétable de France, les comtes de Dunois et de Longueville, le comte du Maine, oncle de Louis XI, François d’Orléans, marquis de Rothelin, Phil. Chabot, amiral de France, etc. La baronnie de Châtelaillon dont dépendaient de nombreuses seigneuries et dont la juridiction s’étendait jusqu’aux portes de la Rochelle , qui avait fait partie jadis de ses domaines, relevait directement du Roi. Dans l’hommage qu’il rendait à Louis XIII, cinq ans après son acquisition, Daniel G. de Saint-Marsault s’exprimait ainsi : « Je tiens à mon domaine, et sous ledit hommage, mon port de Châtelaillon, auquel je prends sur chascune charge, pièce de vin chargée ou déchargée audit port, 2 deniers-maille, et pour chascun vaisseau qui arriveront aud. port, 6 den. pour quillage. Item le port de Sainte-Catherine des moulins neufs et de l’acheneau neuve, près la ville d’Angoulins ; lesquels ports sont gouvernés et levés ainsy et par la manière que le port de Chastelaillon. (Dupuis, droits du Roy. - Arcère, etc. V. 5 et 15 février ; 21 , 22 et 24 mars.

(1) La famille Green ou Grain de Saint-Marsault serait originaire d’Ecosse , selon l’histoire de Malte et du pays de Galles, d’après la biographie Saintongeoise de M. Rainguet, qui dit que son chef, en 1356, accompagna en France le duc de Lancastre. Le père Daniel mentionne un Saint-Marsault, fait prisonnier à la bataille de Pavie. Toutefois quand, en 1699, l’intendant Begon fut chargé de vérifier les titres de la noblesse d’Aunis , les Grain de Saint-Marsault n’en produisirent pas qui remontassent au-delà de 1563. L’armoriai de la Rochelle dressé à cette époque constate qu’ils portaient de gueules à trois vols d’or, deux et un. L’Histoire de Malte dit qu’ils portaient de gueules à trois demi-vols d’or, ceux du chef affronté. Louis-François-G. de Saint-Marsault fut nommé grand sénéchal de la Rochelle en 1745, et fut remplacé dans ces fonctions par son gendre et neveu H.-Ch.-Benj. G. de Saint-Marsault. (Rég. du présidial-Ephémérides.)


1615 09 15. — La construction des grands bastions royaux, qui avait apporté un si grand accroissement à la Rochelle , en enfermant dans la ville la prée Maubec et un assez large espace de terrain pris sur les marais de Saint-Nicolas, étant terminée, on commença, le 15 septembre, à tracer les rues de la ville neuve (V. 27 juin), et on vendit ensuite aux enchères les terrains pour y bâtir des maisons. (Mervault.) Déjà , par lettres patentes du mois de mars 1611, le roi Louis XIII avait permis au corps de ville de faire abattre les anciens murs et combler les fossés qui séparaient la vieille ville des terrains annexés, en conférant aux habitans de ces quartiers nouveaux les mêmes privilèges qu’à ceux de l’ancienne cité. (Pièces historiques. )
1615 12 10. — La Rochelle était toujours restée hostile à la cour ( V. 2 décembre. ) , dont les complaisances envers le chef de l’église et les liaisons intimes avec l’Espagne étaient bien de nature à entretenir ses défiances. Comme tout le parti protestant, elle redoutait les conséquences du mariage projeté entre le jeune Roi de France et l’espagnole Anne d’Autriche. Aussi le duc de Rohan , chef des huguenots, qui avait imprudemment associé la cause de la religion réformée à celle de la rébellion aristocratique de Condé, n’avait-il pas eu de peine à entraîner les Rochelais à prendre les armes, à travailler avec ardeur aux fortifications de leur ville (1), et à s’emparer de tous les postes voisins de la Rochelle, Marans, Nuaillé, Surgères, Rochefort et Fouras. Cependant Rohan n’avait pu réussir, comme il l’avait espéré, à fermer au Roi et à sa mère le chemin de Bordeaux , où s’était accompli, le 25 novembre, le mariage de Louis XIII avec la Reine-infante. Condé , auquel Sully, sur les instances de Rohan, son gendre, avait livré ses places du Poitou, voulut cimenter, par sa présence , l’alliance des Rochelais à ses armes. Escorté de bon nombre de grands seigneurs, après avoir couché à la Garde-aux-valets, il arriva le .10 décembre à la Rochelle , où ne tarda pas à le suivre le duc de Nevers. Cent carabiniers avaient été envoyés au-devant de lui jusqu’à Clavette. On le reçut avec les plus grands honneurs et on le festina solemnellement, le même jour, à la salle Saint-Michel. Son logement avait été préparé chez Mlle Legoux, dont l’hôtel avait remplacé , pour la réception des grands personnages , l’ancien hôtel d’Huré. (V. 2 juin, 2 juillet.) Il partit quatre jours après, emmenant deux canons que lui prêta la commune, qui les fit conduire à Taillebourg à ses frais. (Merlin. — De Berrandy. — Colin.)

(1) « On décida que de chaque paroisse on aurait trente hommes pour travailler tous les jours aux fortifications. » (Merlin.)


1616 01 07. — Le Maire, Paul Yvon (1), ayant été outragé par le tribun Tharày, veut le faire arrêter ; le peuple s’y oppose. Ce singulier personnage fait alors le serment de ne boire, ni manger avant que le coupable ne soit mis en prison. Déjà il était à son quatrième jour de jeûne, quand heureusement l’insolent consentit à se constituer prisonnier et à demander pardon à l’excentrique magistrat, qui eût poussé la bizarrerie peut-être jusqu’à mourir dé faim plutôt que de manquer à son ridicule serment. (Merlin.)

(1) Il était seigneur de Laleu et oncle de Tallemant des Réaux, qui lui a consacré , sous le nom de Laleu, une historiette remplie de tant d’excentricités qu’on est autorisé à croire que le pauvre magistrat avait la raison quelque peu altérée. On distingue encore ses armoiries sur les murs de l’église de Laleu.


1616 02 29. — Soutenu par le parlement, dans sa rupture avec la reine-mère, le prince de Condé, prêt à prendre les armes, avait fait appel aux huguenots et particulièrement aux Rochelais. Déjà au mois de décembre précédent, il était venu à la Rochelle pour arrêter avec les habitants les bases du traité qui devait lui assurer leur concours. Il y revint le 28 février avec les ducs de Longueville et du Maine, et, le lendemain, ils visitèrent ensemble les fortifications, les tours et toute la côte jusqu’à Chef-de-Bois. « Il se présenta, dit un contemporain, un frère Minisme, haut de stature, quy désiroit parler à M. le prince ; mais craignant que mal en advint, il en fut empesché par quelqu’un et on le fit embarquer bien viste sans luy faire aucun mal. » (AIerlin. — de Berrandy. — Ms. de M. Vivier.) Quel temps que celui où l’on voyait partout des poignards cachés, même sous la robe du prêtre !
1616 03 03. - L’assemblée générale des Eglises réformées, réunie d’abord à Grenoble, puis transférée à Nîmes et enfin à la Rochelle, ouvrit ses, séances dans notre ville, le 3 mars. Le fils aîné du duc d’Epernon, le comte de Candale, dont l’acte d’abjuration venait d’être condamné au feu par arrêt du parlement de Toulouse, arriva peu de jours après à la Rochelle, et fit à son tour condamner l’arrêt du parlement de Toulouse à être brûlé « sur la place du chasteau, près du gibet, par l’exécuteur de la haute justice. » — L’arrivée du duc de Sully et de l’ambassadeur d’Angleterre, Edmond, détermina bientôt l’assemblée à accepter un projet d’accommodement et la paix fut signée, le 3 mai, par le prince de Condé. (Merlin.) — V. 29 février 1616.
1616 05 24. — Synode provincial des églises réformées d’Aunis, Saintonge et Angoumois, tenu à la Rochelle. (Merlin.)
1616 08 07. -« Noble homme, Henry-Marc de Gouffier, marquis de Bonnivet, seigneur de Crèvecœur, fut reçu en l’église de Dieu par M. Le Blanc (Ministre de la Rochelle.) » — Reg. de l’élat-civil des protest.
1616 08 20. — Pendant les mois précédents, les Rochelais et les habitans de l’île de Ré avaient armé des corsaires, qui avaient fait de nombreuses prises ; ce qui, de près comme de loin , dit Merlin , nous fesait passer pour des pirates et rendait notre ville odieuse. Pour mettre un terme à cet état de choses, le 20 août, le corps de ville défendit à toutes personnes de se livrer à de telles captures et de conduire à la Rochelle les prises qui seraient faites. Cette ordonnance souleva bien quelque mécontentement, des agitateurs appelèrent le peuple aux armes, mais les Ministres par leurs exhortations calmèrent cette émotion, et l’ordre ne fut pas gravement troublé. (Merlin.)
1617 02 01. — Mort de Bernard de Marsan, qui se tua en tombant du haut des murailles de la ville. Par son testament, il léguait à l’hôpital de Saint-Barthélemy son hôtel de la rue Dompierre (aujourd’hui de Fleuriau), dans lequel logèrent, pendant le siège de 1627-28, la duchesse de Rohan et sa fille. Ce fut aussi dans cet hôtel que siégea, durant sa courte existence, la. Cour souveraine des Salins (V. 9 janvier). Acheté, en 1673, par monseigneur de Laval, il fut abattu peu de temps après et sur son emplacement on construisit un séminaire , auquel succéda l’hôtel qui a longtemps appartenu à la famille Boutiron. (Arch. de l’hôp, St-Barth. — Colin. — Masse.)
1617 02 16. — Un pâtissier, nommé Vilain,, ayant adressé au maire, Paul Yvon (1), des paroles grandement outrageuses , le présidial l’avait condamné par contumace à faire amende honorable , en chemise, la corde au cou et un cierge à la main, et à demander pardon à Dieu, au roi, à la justice et à M. le maire, puis à être pendu sur la place du château et porté ensuite aux fourches patibulaires. Le maire eût été moins impopulaire, que la sentence n’en eût pas moins paru bien rigoureuse. Elle causa une grande agitation parmi les artisans, qui menacèrent d’appeler le peuple aux armes, si elle était exécutée. Les amis du condamné ayant réussi à le cacher d’abord, puis à le faire évader de la ville, Vilain ne pouvait plus être pendu qu’en effigie. Le peintre de la commune se refusa à le pourtraire, mais il fut condamné à 500 livres d’amende, avec contrainte par corps s’il n’obéissait à la justice. Enfin , le 16 février , le lieutenant criminel et trois conseillers du présidial, tous à cheval et accompagnés de sergens, firent effigier Vilain en un tableau, en donnant l’ordre aux sergens d’arrêter et conduire dans la prison du château quiconque s’opposerait à l’exécution du jugement. Dans la soirée cependant, un savetier renversa le poteau et le tableau ; il fut arrêté, mais le lendemain la populace se porta tout armée devant la maison du lieutenant criminel, en menaçant d’y mettre le feu si le prisonnier n’était mis immédiatement en liberté. Le magistrat, voyant cette foule prête à exécuter ses menaces, jugea prudent de céder à ses exigences et donna l’ordre de relâcher le savetier. (Merlin,)

(1) V. 7 janvier


1617 02 19. — Les troubles occasionnés par la condamnation du pâtissier Vilain, ne s’étaient pas terminés par la mise en liberté de celui qui avait renversé la potence de la place du château ( V. 16 février 1617) : le présidial avait décerné une ordonnance de prise de corps contre le capitaine Laroze, chef des mutins, qui par leurs menaces avaient obligé le lieutenant criminel à leur rendre le prisonnier. A cette nouvelle (19 février), l’alarme est donnée à tous les quartiers de la ville, ’qui sont bientôt sous les armes ; le peuple s’empare des cantons et dresse de nombreuses barricades, principalement dans les paroisses de NotreDame et de St-Jean ; et comme le maire paraissait disposé à agir avec vigueur pour rétablir l’ordre, les émeutiers s’emparent des canons des navires, les chargent, puis les placent sur les barricades pour les défendre. Après deux jours passés en pourparlers et en délibérations, on se décida enfin à se faire de mutuelles concessions et, le 21, les barricades furent détruites. (Merlin.)
1617 04 28. — « Nous eusmes icy la nouvelle de la mort de M. Conchini, marquis d’Ancre, mareschal de France, confirmée par courrier sur courrier, qui arrivèrent le 28 du mois d’apvril (1), l’un à Mme la princesse (de Condé) (2), l’autre à Messieurs de l’Assemblée (générale des proteslans (V. 3 mars 1616),, l’autre à messieurs du corps de ville , qui ont nommé deux d’entr’eux pour aller offrir au Roy la continuation de leurs très humbles services, et luy tesmoignerla joye que tous ses serviteurs ont eue de ce que Dieu l’a délivré de l’ennemy de son Estât ; les quarante-huit en ont aussy nommé deux, et Messieurs de l’assemblée six , deux de chaque ordre. Et quant messieurs du corps de ville nous prièrent, à sçavoir le consistoire , de faire les prières pour rendre grâces à Dieu d’une telle deslivrance, et pour l’Estat et pour les églises (réformées), desquelles il avoit juré la ruyne Il. (Merlin).

(1) Le maréchal d’Anore avait été assassiné le 24 avril.

(2) Après l’arrestatation du prince de Condé , son. fils, elle s’était réfugiée à la Rochelle , où « elle entra le 29 octobre 1616 avec grande compagnie », dit Merlin.


1617 12 21. — Il a été déjà parlé des folles bizarreries du seigneur de Laleu (V. 7 janvier.), Paul Yvon, qui avait été élevé, en 1610, à la première magistrature municipale. En se plongeant dans l’étude des Saintes-Ecritures, il était devenu visionnaire, et comme il s’avisait de dogmatiser , plusieurs fois le consistoire l’avait cité devant lui et lui avait adressé les plus sévères censures ; mais il n’en continuait pas moins de divulguer ce qu’il appelait ses révélations. « Il alloit jusqu’à soutenir, raconte Merlin, que les réprouvés et les diables même seroient sauvés ; qu’il n’y avoit pas d’enfer ; que le Père n’estoit pas égal au Fils ; que la parole de Dieu ne servoit de rien au salut, si on n’en avoit l’intelligence selon que l’esprit le lui dictoit, etc. » Son neveu, Tallemant des Réaux, ajoute qu’il se prétendait l’Abraham de la nouvelle loi, et que pour mieux ressembler au saint patriarche, il s’imagina, un beau matin , avoir reçu commandement de Dieu de sacrifier sa femme, qu’il aimait fort et qu’il fallut l’intervention de ses beaux-frères pour la délivrer de ses mains. Le 21 décembre 1617, le consistoire se décida à l’excommunier, en le privant de la cêne et du droit de présenter des enfants au baptême , tant qu’il ne consentirait pas à signer la profession de foi des églises réformées. Après bien des pourparlers et des demarches, Paul Yvon se détermina à signer une sorte de rétractation, dont voulut bien se contenter le consistoire par cette raison , remarque Merlin , que d’un mauvais payeur on tire ce que l’on peut. (Diaire de Merlin.—Historiettes.)
1618 11 06. — Louis XIII écrit une longue lettre au corps de ville pour l’informer de sa résolution de mettre à exécution la pensée qu’avait eue son père (Henri IV), de former une bonne et puissante société de marchands, riches et entendus au fait du commerce et de la navigation, pour faire le trafic des Indes orientales , de lui accorder plusieurs grâces et privilèges, et de faire défenses à tous ses autres sujets, qui n’y entreront, de plus aller, ni trafiquer ausdites Indes, et aux étrangers d’apporter en son royaume aucune des marchandises qui en proviennent. Il ajoutait qu’il verrait avec plaisir les bonnes villes du royaume et notamment la Rochelle , dont il avoit le bien et accroissement en recommandation, participer à cette société , pour la formation de laquelle se présentaient déjà un grand nombre de notables bourgeois et marchands de Paris. Il invitait en conséquence le corps de ville à se réunir pour délibérer sur ce sujet, et à engager ceux qui voudraient en faire partie à se rendre à Paris , le dernier jour du mois de janvier ou le 2 février. Par une délibération du mois de décembre, le corps de ville décida que cette lettre serait communiquée au conseil des quarante-huit, et nomma quatre commissaires pour s’entendre, avec les commissaires des bourgeois, sur ce qu’il y avait à faire en cette occurence. (Rég. des délibérations.)
1618 12 30. — L’arrêt du conseil du mois de Juin précédent, qui avait accordé aux gens d’église la main levée de tous les biens dont ils avaient été dépouillés, en 1569, par Jeanne d’Albret, et ordonné le rétablissement du culte catholique dans les villes et bourgs du Béarn et de la Basse-Navarre, avait causé la plus vive émotion non seulement dans le petit état pyrénéen, habitué à un gouvernement local fortement et librement organisé, mais encore parmi toutes les églises réformées de France, pour lesquelles il était comme une autre Genève. Aussi, quand les états et églises de Béarn avaient convoqué une assemblée de cercle à Orthez, plusieurs provinces, et notamment la Rochelle, y avaient envoyé leurs députés, de sorte que l’assemblée avait résolu de se transformer en assemblée générale. Mais on avait jugé plus commode et plus sûr de la transférera la Rochelle. Ce fut donc dans cette ville qu’elle s’ouvrit le 30 décembre. Louis XIII ne tarda pas à déclarer criminels de lèze-Majesté les députés et ceux qui les avaient nommés ; mais le présidial de la Rochelle refusa de procéder contre eux, et le lieutenant criminel de Voyon ayant voulu seul commencer des poursuites, le conseil des quarante-huit (V. 29 mars) lui signifia d’avoir à sortir de la ville. Les craintes qu’inspirèrent bientôt au Roi la fuite de Blois de la Reine-mère, protégée par le duc d’Epernon , et d’un autre côté le refus de l’assemblée d’embrasser le parti de Marie de Médicis vinrent fort à propos seconder les efforts de Duplessis-Mornay pour négocier un arrangement entre les protestants et la cour. Louis XIII jugea prudent de faire d’assez larges concessions, et l’assemblée eut la sagesse de s’en contenter et de se séparer le 22 avril 1619. (Merlin. — Lettres de Duplessis. — Henri Martin. — L. Anquez. )
1619 01 05. — Malgré les défenses de la cour, une assemblée générale de protestants, convoquée à la Rochelle, avait ouvert ses séances dans les derniers jours du mois précédent. Le lieutenant criminel de Voyon, ayant voulu faire respecter les volontés du roi, on le chassa, ce jour là, de la ville, lui et toute sa famille. Des ordres réitérés de Louis XIII finirent par lui en rouvrir les portes ; mais, informée de son retour, toute la ville, dit Colin , fut aussitôt sous les armes. Le maire crut devoir se mettre à la tête des patrouilles, pour empêcher qu’on ne se portât à quelques excès sur sa personne. Il fut résolu aussitôt de le bannir à perpétuité avec sa famille. L’impopulaire magistrat jugea prudent alors de se retirer de la Rochelle, et n’y rentra que le £ 6 août suivant. Telle était l’autorité dont jouissait à la Rochelle le pouvoir royal. (Colin).
1619 03 06. — La Rochelle, paraissant menacée d’un siège, le conseil des bourgeois avait demandé qu’il fut établi un grenier d’abondance (1) aux frais de la commune. Dans une séance du 6 mars, le corps de ville rejetant ce système, décide que chaque particulier sera tenu de s’approvisionner d’une quantité de grains proportionnée à sa fortune et à ses besoins, selon la détermination qui en sera faite par des commissaires nommés à cet effet. Pour faciliter ces approvisionnements particuliers , d’autres commissaires furènt ensuite chargés de parcourir, à main armée, les campagnes du gouvernement de la Rochelle et « de faire amener en ceste ville tous les bleds qu’ils y trouveroient, avec assurance aux propriétaires de les pouvoir vendre et débiter aux habitants, ainsi qu’ils verroient bon être. » Ce qui causait ces inquiétudes aux Rochelais, c’est qu’ils étaient informés que la cour, irritée de ce que, au mépris de ses défenses et de ses menaces, une assemblée générale des protestants se fut réunie à la Rochelle dès le mois de décembre précédent (V. 5 janvier 1619), méditait quelque sourde entreprise sur leur ville et que d’un autre côté, l’enlèvement de la reine-mère du château de Blois, par l’ambitieux d’Epernon, était de nature à leur faire redouter de nouveaux troubles,contre lesquels il était prudent de se prémunir. (Reg. des délib. — Mém. de Duplessis. - Merlin.)

(1) On eut recours plus tard à ce moyen pendant le siège de 1627-28.


1619 03 30. — Sur la demande de M. Chenu, avocat au parlement de Paris, et demeurant à Bourges, le corps de ville décide qu’il lui sera donné communication de toutes les chartes et privilèges dont il pourra avoir besoin pour l’ouvrage qu’il se propose de publier. (Reg. des déiib.) Deux ans après parut l’ouvrage intitulé : Recueil des antiquitéz et privilèges de la ville de Bourges et de plusieurs autres villes capitales du royaume , dont la seconde partie porte ce titre : Privilèges octroyez par les roys et comtes de Poitou aux Maire et eschevins, pairs, bourgeois et habitants de la ville de la Rochelle, avec la matricule des Maires.
1619 06 15. — Voici ce qu’un ministre aussi éclairé que Merlin rapporte, à cette date, avec un air de crédule persuasion : « Le Maire a receu advis qu’on vouloit surprendre ceste ville par magie et sortilège, en ensorcelant l’air et faisant tomber en mesmes maladies tous les habitants. » Jusqu’où pouvait donc aller à cette époque la crédulité des gens moins instruits ?
1619 08 19. - « Arriva à la Rochelle un homme de cheval ayant charge de faire publier l’édit du Roy touchant les cinq sols pour livre sur les petits sceaux, à raison de tous contrats passés par mains de notaire , de quelque nature qu’ils soyent. M. le Maire le va incontinent trouver et luy dict qu’il eust à remonter à cheval sans délay pour sortir hors de ville, d’autant qu’il ne seroit en sa puissance de le sauver si le peuple sçavoit la fin (le but) de son arrivée ; à quoy il obtempéra. » (Merlin.) Moyen aussi simple que commode de se soustraire au paiement des impôts, et que les Rochelais mirent plus d’une fois en usage.
1619 10 02. — Naissance de Gédéon Tallemant, surnommé des Réaux (1), frère de l’abbé Tallemant ( V. 23 septembre) et dont le nom, resté presque ignoré pendant près de deux siècles , semble grandir chaque jour, tant ses curieuses et piquantes, mais trop peu chastes historiettes, publiées seulement en 1831, nous ont apporté de précieuses révélations sur la société et les principaux personnages du temps d’Henri IV, de Louis XIII et de Louis XIV. Il fut présenté au baptême, le 7 novembre de la même année, dans le temple Saint-Yon, par son oncle Gédéon Tallemant , secrétaire du Roi et trésorier de Navarre, grand-père de Paul Tallemant, qui fut membre de l’académie française et de celle des inscriptions et belles lettres, et par sa tante, Marie Tallemant, femme du fantasque Paul Yvon , le Maire de 1616. (V. 7 janvier.) Des Réaux prit à Paris ses degrés en droit civil et canonique ; son père le destinait à la magistrature ; mais il n’avait aucun goût pour cette carrière et le riche mariage qu’il fit, en épousant sa cousine, Elisabeth de Rambouillet, le dispensa d’en prendre aucune et lui permit de se livrer à la culture des lettres et à tous les plaisirs de la société, aussi brillante que distinguée, dans laquelle l’avait lancé la famille de sa mère et de sa femme. Au célèbre hôtel Rambouillet, il passait pour un de ceux qui maniaient le mieux l’épigramme et tournaient le plus galamment un madrigal. Quelques poésies , une très médiocre tragédie d’OEdipe, qui n’a jamais été représentée, sont avec les historiettes tout ce qui reste de celui qu’on a appelé le Brantôme du XVIIe siècle. Il renvoie souvent dans ses historiettes à ses mémoires sur la Régence ; mais s’il les a écrits, ils ne nous sont point parvenus. On ignore l’époque précise de sa mort, qui eut lieu entre 1G91 et 1701. (Rég. de l’état-civ. des protest. — Monmerqué. )

(1) (V. 27 janvier.) La maison de son père était près du Palais de Justice, vraisemblablement sur remplacement où est actuellement l’hôtel de l’Évèché.


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