Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1683 - Factum contre les Prétendus Réformés de Taillebourg

dimanche 10 février 2019, par Pierre, 383 visites.

Factum : Récit de l’une des parties, destiné aux juges, exposant sommairement les faits d’un procès. Il s’agit ici d’argumentaires en faveur de la partie catholique (Diocèse de Saintes), contre les Protestants.

Le dé-tricotage de l’Edit de Nantes, pendant les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, se fait de différentes manières :
- par l’usage de la justice Royale, ce qui nous donne des dossiers d’argumentaires (factums) pour aider le clergé du diocèse de Saintes à lutter contre les protestants ;
- par l’usage de la force : dragonnades, mises au couvent, envoi aux galères, etc.

L’intérêt de ces "Factums" est la description de la situation locale du protestantisme pendant les règnes de Henri IV, Louis XIII et Louis XIV, avec les noms et les rôles des acteurs locaux, lorsque cela est utile à l’argumentaire..

Source : Factums pour le syndic du clergé du diocèse de Saintes contre les prétendus réformés de Saintonge, sur le sujet des temples et des exercices publics de leur religion qu’ils ont établis dans le diocèse de Saintes, par contravention aux édits. - 1683 - BNF Gallica

Voir ici une page de synthèse sur les 41 factums en cours de publication sur ce site. On y trouve la liste des lieux concernés par un Factum, et les références réglementaires sur lesquelles s’appuie le rédacteur, Monseigneur de Châteauneuf.

TAILLE-BOURG.

FACTUM

Pour le Syndic du Clergé du Diocese de Saintes, demandeur.

Contre les Prétendus Reformez, de Taille- Bourg, défendeurs.

Le Temple que les Prétendus Reformez de Taille-Bourg ont construit en ce lieu aprés l’Edît de Nantes, & contre la teneur d’iceluy, ne doit point subsister ; le Syndic du Clergé de Saintes en demande la démolition.

Ses moyens font,

Premièrement, les défendeurs ont construit le Temple dont est question, depuis l’année 1602. de leur autorité propre, sans justifier de leur droit pardevant aucuns Juges ou Commissaires députez, sans avoir obtenu aucune permission du Roy.

Secondement, ils ne prouvent point que dans les années requises par l’Edit, il y ait eu à Taille-Bourg un exercice réel de la R. P. R. par eux établi, & propre pour ceux de ce lieu. Pour estre convaincu de cette vérité, il ne faut qu’examiner la principale piece que les défendeurs ont produite ; c’est un papier Baptistaire qui commence en l’année 1594. & finit en l’année 1616.

On voit à la vérité par ce papier Baptistaire, que dans les années 96. & 97. on a fait à Taille-Bourg exercice public de la R. P. R. Mais aussi le Syndic fait voir clairement, que l’exercice qui se faisoit pour lors à Taille-Bourg n’estoit point un exercice reel ou de possession établi en ce lieu par les défendeurs : c’estoit l’exercice de la ville de Saintes, qui est un premier lieu de Bailliage qui se faisoit à Taille-Bourg, les P. R. de Saintes s’assemblant pour lors en ce lieu, & y ayant recueilly leur Eglise.

Rien de plus clair & de plus constant que ce fait.

1°. Il est dit en plusieurs endroits du papier Baptistaire dont est question, que l’Eglise de Saintes estoit dans les années 96. & 97. & mesme dans les precedentes & dans les suivantes recueillie à Taille-Bourg, & depuis le premier Dimanche de l’année 96. jusques au dernier Dimanche de l’année 97. ces paroles, exhortant Monsieur Bonnet, Ministre dans l’Eglise de Saintes, recueillie de present à Taille-Bourg, sont répétées plus de cinquante fois.

2°. Les Ministres qui font l’exercice à Taille-Bourg dans les années 96. & 97. sont les deux Ministres de Saintes, dont l’un s’appelloit Paul Bonnet, & l’autre Estienne Bonnet, fils de Paul, comme il paroist par le papier Baptistaire (fol.. 25.), & on ne voit aucun Ministre ny baptizer, ny prescher, qui prenne la qualité de Ministre de l’Eglise de Taille-Bourg : il n’y en avoit point, n’y ayant point pour lors d’autre exercice en ce lieu, que celuy des P. R. de la ville de Saintes, qui est un lieu de Bailliage établi par le Roy, qui s’est fait pendant plusieurs années à Taille-Bourg, & qui depuis l’année 1603, a esté transféré à Saintes. Aussi tous les Dimanches dans l’année 96. & 97. c’estoit Paul Bonnet & Estienne Bonnet qui faisoient les Presches. Dans quelques occasions le Ministre de Saint Savinien y a presché cinq ou six fois, le Ministre de Saint Jehan d’Angely une fois en passant, & une autre fois au mois d’Octobre de l’année 96. un nommé Potard, qualifié Ministre de l’Eglise de la Roche-Foucaud, y prescha, s’estant trouvé à Taille-Bourg ; auquel lieu, dit le papier Baptistaire (fol. Verso. 49.) l’Eglise de Saintes est à present recueillie.

3°. De cent baptesmes plus ou moins qu’on a faits à Taille-Bourg dans les années 96. & 97. il y en a plus de quatre-vingts des enfans de la ville de Saintes ; & les Parains & Maraines sont presque tous habitans de la mesme Ville : Ce sont des Conseillers, des Eleus, des Avocats, des Procureurs & des Marchands de Saintes. Ce qui fait voir visiblement que les P. R. de la ville de Saintes avec leurs Ministres alloient faire tous les Dimanches l’exercice de leur Religion à Taille-Bourg, comme les P. R. de Paris vont avec leurs Ministres tous les Dimanches à Charenton, Taille-Bourg n’estant guère plus éloigné de Saintes, que Charenton l’est de Paris, & la riviere de Charante donnant la mesme commodité pour aller de Saintes à Taille Bourg, que la Seine donne pour aller de Paris à Charenton.

Les P. R. de la ville de Saintes avec leurs Ministres alloient faire tous les Dimanches l’exercice de leur Religion à Taille-Bourg, comme les P. R. de Paris vont avec leurs Ministres tous les Dimanches à Charenton [1], Taille-Bourg n’estant guère plus éloigné de Saintes, que Charenton l’est de Paris, & la riviere de Charante donnant la mesme commodité pour aller de Saintes à Taille-Bourg, que la Seine donne pour aller de Paris à Charenton”.
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Nouvelle description du territoire et banlieue de la ville, cité et université de Paris par Jean Boisseau (1642 ou 1643) - Cartothèque numérique de la Société d’Histoire de Nanterre.

4°. Non seulement dans les années requises par l’Edit de Nantes, on ne voit point d’autre exercice de la R. P. R. fait à Taille-Bourg, que celuy de Saintes, qui est un premier lieu de Bailliage ; mais mesme dans les années precedentes & suivantes, jusques en l’année 1603. on ne voit aucune marque d’un exercice reel établi à Taille-Bourg, & distingué de celuy de Saintes. Si l’on baptize à Taille Bourg dans les années 85. 86. & 87. c’est le nommé Bonnet Ministre de Saintes qui administre les Baptesmes : en 88. & 89. ce mesme Ministre exhortoit à Taille-Bourg, comme il est dit dans les extraits de deux papiers Baptistaires produits sous cotte A. dans les premières pièces. En 94. & en 95 c’est encore le mesme Ministre qui baptize & qui presche, & les enfans qui sont baptizez, sont la pluspart de la ville de Saintes, de mesme les Parains & les Maraines qui presenterent au Baptesme, sont de cette mesme ville : & les défendeurs ne sçauroient montrer que devant l’Edit de Nantes aucun Ministre ait pris la qualité de Ministre de l’Eglise de Taille-Bourg, & qu’il y ait eu en ce lieu un exercice de la R. P. R. établi par ceux de Taille-Bourg, & distingué de celuy de la ville Saintes que l’on y a fait pendant plusieurs années.

En 98. jusques en 1603. l’exercice de Saintes a toujours esté fait à Taille-Bourg, excepté qu’en 99. on l’a fait pendant quelques mois à Bussac, qui est un Bourg situé entre Saintes & Taille-Bourg. En l’année 1603. les P. R. de Saintes avant fixé leur exercice à Saintes, & l’ayant établi au bout d’un des Fauxbourgs de la Ville, ils cesserent d’aller à Taille-Bourg, & pour lors ceux de Taille-Bourg commencèrent d’établir un exercice reel en ce lieu ; & le nommé Bonnet Ministre de Saintes imposa les mains au nommé Champernou, & l’établit Ministre à Taille-Bourg, comme il est dit dans le papier Baptistaire (fol. 19. verso.) Avant ce temps-là il n’y avoit point eu de Ministre qui eust pris la qualité de Ministre de Taille-Bourg, & qui eust esté propre & affecté pour ce lieu. Environ le mesme temps, les défendeurs de leur autorité propre, sans faire apparoistre de leur droit pardevant aucuns Juges & sans avoir obtenu aucune permission du Roy, bâtirent le Temple qui est aujourd’huy subsistant. Il n’y en avoit point encore de construit au mois de May 1602. l’exercice se faisoit encore pour lors dans la Halle, comme il est porté dans le papier Baptistaire (fol.96. recto.) On le faisoit aussi quelquefois dans la maison de Monsieur Orgeris, en la basse Ville, proche du Chasteau, où les P. R. s’assembloient souvent, comme il est dît au feuillet 24.

Tous ces faits estant clairs & justifiez parle papier Baptistaire produit de nouveau, le Syndic fait ce raisonnement.

Les P. R. de Taille-Bourg ne sçauroient défendre leur exercice, & le Temple qu’ils ont basti depuis l’année 1603. qu’ils ne fassent voir que dans les années qui ont précédé l’Edit de Nantes, ils avoient dans leur Ville un exercice reel de leur Religion, par eux établi, comme il est dit dans l’art. 9. de l’Edit de Nantes, & distingué de celuy de Saintes, qui estoit un premier lieu de Bailliage, & par consequent établi par le Roy, que les P. R. de la ville de Saintes avaient tranporté à Taille-Bourg.

Or c’est non seulement ce qu’ils ne sçauroient prouver ; mais le contraire paroist clairement par leurs titres.

Par consequent l’exercice qu’ils ont établi chez eux, après que les P. R. de Saintes ont cessé de venir à Taille-Bourg, ne doit point subsister, & le Temple qu’ils ont construit après l’Edit de Nantes & contre la teneur d’iceluy, doit estre démoli.

Pour ces raisons le Syndic espere de la justice de Sa Majesté & de celle de Nosseigneurs de son Conseil, que l’exercice public de la R. P. R. sera interdit à Taille-Bourg, & le Temple où il se fait, condamné à estre démoli par les défendeurs.

Monseigneur de Chasteau-Neuf, Rapporteur.


[1Les protestants bénéficient d’un droit restreint d’exercice de leur culte, cette restriction concerne notamment la possibilité de célébrer le culte dans les villes importantes. Pour Paris, l’édit de Nantes de 1598 interdit la construction de temples protestants à moins de cinq lieues de la ville. En conséquence, le premier temple de Paris est construit à l’est, à Charenton (sur le territoire de l’actuelle commune de Saint-Maurice, à l’angle des rues du val d’Osne et du Maréchal Leclerc), en 1607, par l’architecte Jacques II Androuet du Cerceau. Ce premier temple est détruit par un incendie en 1621. Un deuxième temple est construit en 1623 par Salomon de Brosse et Jean Thiriot ; il est rasé en 1685 après la révocation de l’édit de Nantes. (Source Wikipédia).

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