Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1730 (c) - Le diocèse de Saintes et les protestants

dimanche 22 avril 2007, par Pierre, 1001 visites.

Mémoire concernant le diocèse de Saintes.

L’auteur (inconnu) dresse un catalogue - édifiant - de mesures suggérées au Roi pour accentuer la pression sur les protestants du diocèse de Saintes et obtenir leur conversion rapide à la religion catholique.
La séparation de l’Eglise et de l’Etat : une notion tout à fait inconnue à cette date

Source : AD 17 - C 138 - Transcription : P. Collenot

Mémoire concernant le diocèse de Saintes.

L’objet le plus intéressant pour ce diocèse, et le progrès de la religion prétendue réformée. Le nombre des Religionnaires semble se multiplier par les mariages clandestins, qui se font chaque jour au préjudice de l’Eglise et de l’État.

Comme les curés instruits de leur devoir, et des règles du diocèse, ne veulent marier personne, qu’il n’ait donné des preuves de sa catholicité, les Religionnaires prennent toutes sortes de moiens pour éviter leur exactitude, et se soustraire à leur jurisdiction. Ils avaient eu d’abord recours à des translations de domicile frauduleuses dans les paroisses dont il connaissoient les pasteurs faciles, et capables de se laisser gaigner par argent.

L’on a puni dans ce diocèse ces curés réfractaires ; mais à leur défaut les Religionnaires ont pris des certificats de prestres passans et sans aveu, qu’ils produisent, lorsqu’il est question de prouver leur mariage, d’autres se contentent du simple contrat civil, en vertu duquel ils demeurent publiquement ensemble, et ils sont reconnus entre eux comme légitimement mariés.

Ils ont recours à ce dernier parti avec plus de confiance que jamais, depuis que ces prétendus mariages ont été confirmés dans les tribunaux séculiers, où par différents arrêts, des héritiers collatéraux ont été déclarés non recevables à disputer l’état des enfans, dont les pères et mères avoient passé pour mariés, quoiqu’ils ne pussent trouver ledit mariage par le registre de leurs paroisses, ni par aucun certificat de leurs curés.

Depuis ces arrêts, l’on n’a presque plus aucun moien de travailler utilement à la conversion de Religionnaires, la nécessité de s’instruire pour pouvoir se marier les attiroit à l’Eglise, et on avoit occasion de détruire leurs préjugés contre la religion catholique, après leurs mariages on en voioit un grand nombre édifier par leur persévérance, et la régularité de leur conduite.

Mais ce qui est d’une plus dangereuse conséquence est que cet exemple est suivi par les anciens catholiques lorsqu’ils veulent s’établir avec des Religionnaires, ou même entre eux quand il se trouve des empêchemens dirimans, sur lesquelles l’église ne peut passer.

Ils ne s’embarrassent point de la bénédiction nuptiale, et s’en tiennent au simple contrat civil. Aussi le diocèse de Saintes se trouve-t-il plein de conjonctions illégitimes et incestueuses, qui se multiplient chaque jour par l’impunité, et qui demande un remède prompt et universel. Si l’on tolère les mariages, dont la preuve ne s’établit par aucun acte public, on laisse au préjudice du bon ordre, les parties maîtresses de leur sort, et prestes à faire valoir leur mariage, s’il convient à leur intérest, ou à se séparer volontairement, s’ils sont dégoûtés l’un de l’autre ; et c’est ce qui est arrivé l’année dernière.

Au cas qu’il ne fut pas possible de toucher aux mariages, qui ont été faits jusques icy contre les règles, par rapport au grand nombre, il paroist qu’il n’y auroit pas de moien plus sûr d’y obvier pour l’avenir, que de faire défenses à tous nottaires de passer des contrats, que sur des certificats de catholicité légalisés par l’Evêque ou ses grands vicaires ; ce serait un moien infaillible de les attirer à l’église, et de donner lieu à leur instruction.

Il seroit à souhaiter qu’il y eut dans l’Eglise une règle uniforme sur ce qu’il faut exiger d’eux, avant de les admettre à la bénédiction nuptiale. En général on leur doit demander des preuves de catholicité, et l’Eglise ne peut les admettre à la participation d’un sacrement, tel qu’est le mariage, qu’autant qu’elle les reconnoit être du nombre de ses enfans. On s’accorde dans tous les diocèses sur certains points, scavoir sur l’assistance à l’église pendant un temps considérable, sur l’instruction qu’ils doivent recevoir de leur curé, ou de tel autre prestre que l’Evêque juge à propos de commettre, et on les fait générallement approcher du sacrement de pénitence ; mais dans quelques diocèses on les renvoye pour la communion à un autre tems, au lieu que dans d’autres on exige qu’ils communient pour donner une preuve de leur foy. C’est en particulier l’usage du diocèse de Saintes.

Il se trouve de part et d’autre des raisons très fortes pour autoriser une conduite si différente, et il y a de tous côtés des inconvéniens. Mais outre que suivant la doctrine de l’Eglise, le mariage est un sacrement des vivans, qui suppose la grâce, et par conséquent la foy, et que l’on ne peut en reconnoitre une véritable dans celuy qui n’est pas instruit de la réalité, ou qui n’en est pas convaincu ; l’expérience fait voir qu’il s’en convertit plus de ceux dont on exige la communion, que de ceux auxquels on ne la demande pas. Quelque promesse que les uns fassent de venir communier après leur mariage, on n’en voit aucun qui vienne satisfaire à ce devoir ; au lieu qu’il s’en trouve plusieurs qui se croient engagés par la démarche qu’ils ont faite en communiant, persévèrent avec édification.

Un second moien de détruire insensiblement la religion protestante, est de n’accorder des grâces et des emplois qu’à ceux qui font constamment profession de la religion catholique, et d’exiger d’eux des certificats de catholicité légalisés par l’Evêque. Il n’y a presque plus de Gentilshommes de cette religion, parce qu’ils ont été exclus des grades et des honneurs militaires. Les autres reviendroient bientost, si on les gesnoit dans leur condition.

Il y a des ordres précis de Sa Majesté, pour tous ceux qui sont emploiés dans ses fermes. Cependant on citerait dans la Saintonge une infinité de Religionnaires qui remplissent les meilleurs emplois au préjudice des Catholiques, et qui dans leurs fonctions sont toujours favorables aux gens de leur religion. Il seroit nécessaire qu’il n’en fut conservé aucun, qui n’eut un certificat de catholicité légalisé par l’Evêque. Il faudrait qu’il en fût de même pour tous les emplois de judicature, surtout pour les nottaires, et pour tous ceux qui exercent la profession de médecin, chirurgien et apotiquaires, lesquels sont tous extrêmement dangereux dans leurs fonctions, servant à exhorter les malades auprès desquels ils sont appelés, plutôt qu’à avertir le curé, ainsi qu’ils y sont obligés.

Il serait aussi nécessaire que les lettres de grâce ne s’expédiassent au sceau, que sur des certificats de catholicité légalisés par l’Evêque. On seroit pour lors sûr de la vérité de l’exposé, à la teste duquel l’impétrant met qu’il fait profession de la religion catholique apostolique et romaine. Ce seroit le moyen de faire approcher de l’Eglise ceux qui peuvent avoir besoin de recourir à la clémence du Prince.

L’instruction des enfans est encore un des points capitaux auxquels il convient de s’attacher, si l’on veut détruire efficacement l’erreur. Il est bien ordonné aux pères et mères, d’envoyer exactement leurs enfants à l’école et aux instructions. On a établi en conséquence des maîtres dans les principaux lieux, mais on n’a encore pu assujettir les Religionnaires à cette loi. Les curés sont chargés d’y veiller, et d’envoyer chaque mois l’état des enfans qui y viennent et de ceux que l’on néglige d’y envoyer. Il faut donc que les curés deviennent dénonciateurs. Cette qualité les rebute, et les met hors d’état de gaigner ces sortes de gens par la douceur. Il paroistroit plus convenable d’obliger dans chaque paroisse le Syndic, ou le Juge d’envoyer tous les mois au Subdélégué de Monsieur l’Intendant, un état des enfans de la paroisse en général, et de ceux qui vont aux écoles en particulier, dans lequel le curé n’entreroit que pour le vérifier véritable.

On s’est attaché particulièrement depuis quelques années à l’instruction des filles. La Cour a bien voulu donner des ordres pour en faire mettre plusieurs dans des couvens. Ce travail a réussi, et le succès a même été au delà de ce qu’on en devoit espérer ; mais depuis quelque tems les Religionnaires font tout ce qu’ils peuvent pour le traverser. Dès que leurs enfans sont au couvent, ils les laissent manquer du nécessaire pour leur faire entrevoir un abandon encore plus grand, s’ils viennent à se convertir. Ils se font contumacer pour payr les pensions, et rebuttent les communautés qui en sont chargées, et qui étant pauvres elles mêmes, ne peuvent faire de grandes avances. Comme la plus part des Religionnaires ont leur bien dans le commerce, on ne peut connoitre à fonds leurs facultés ; et ils fatiguent continuellement la Cour par des placets, où ils exposent l’impossibilité où ils sont de payer de pareilles pensions.

On obvieroit à ces plaintes, si l’on avoit annuellement un certain fonds destiné à payer en tout, ou en partie la pension de celles qui ne seroient pas riches ; et il paroist naturel d’employer à cette bonne œuvre le produit des biens des fugitifs, lequel monteroit beaucoup plus haut qu’il ne fait aujourd’huy, si l’on avoit la faculté d’en arrenter les différentes parties, et sur tout celles qui sont chargées d’édifices, parceque l’entretien en absorbe presque la valeur.

On doit encore observer, que bien loin, que ce qui se tire du Dioèse de Saintes, par rapport à ces sortes de biens, doive être employé ailleurs, il conviendroit même que l’on ajoustast d’autres fonds, pour subvenir aux differens besoins de la religion. Les Religionnaires y sont en plus grand nombre, qu’en aucun lieu du Royaume, ils se soutiennent mutuellement, mais ils abandonnent d’abord ceux qui se sont convertis.

Ce que font encore les Religionnaires pour empêcher la séquestration de leurs enfans, est de les tenir dans des endroits écartés, et à portée de s’échapper. Il y en a même qui les ont envoyés dans les pays étrangers, en sorte que lorsqu’il est question d’exécuter les ordres du Roy, les filles ne se trouvent plus, et les pères croient en être quittes, en disant qu’ils ne sçavent où elles sont. On peut à la rigueur supposer que des garçons s’échappent à l’inseu de leurs parens, mais il n’est pas à présumer que des filles disparoissent, sans que les pères et mères y consentent, et en fournissent les moiens. Il seroit donc naturel de les en rendre responsables, et de les obliger à les représenter sous des peines considérables ; un seul exemple de sévérité imprimeroit à tous ceux qui se trouvent dans le cas.

Il paroistroit même plus convenable de ne se plus servir de la maréchaussée pour faire conduire les filles au couvent. Il suffiroit d’enjoindre aux pères de les y mener eux mêmes dans un tems marqué, et de les punir lorsqu’ils y manqueroient.

On peut dire en général que l’interest est aujourd’huy le mobile des Religionnaires, et que si cet interest les portoit à se reunir à l’Eglise, comme il les retient dans l’erreur, il n’en resteroit bientôt que très peu. Les enfans convertis se trouvent infailliblement exposés à l’exheredation de leurs parens, et c’est un obstacle à la bonne volonté de plusieurs. Il paroistroit juste de déclarer nulles toutes les dispositions faites à leur préjudice, et même de les préférer autant qu’il seroit possible dans les successions collatérales. Il y a d’anciennes déclarations qui annullent toute exheredation faite en haine de la religion. Il faudroit qu’elles fussent présumées telles, lorsque l’on ne peut rapporter aucune autre raison réelle et évidente.

Quelque soin que l’on puisse se donner pour la juste répartition des tailles dans chaque paroisse, il est difficile que les Catholiques ne soient lézés, dans les lieux où le nombre des Religionnaires domine. Il seroit convenable, que si l’on ne veut pas exclure totallement les nouveaux convertis de la collecte, le nombre au moins n’en prévalut pas, et qu’il y eut autant de Catholiques. On peut dire aussi que si ceux qui se convertissent trouvoient du moins pendant quelque tems, une modération à leurs impositions par une taxe d’office, ce seroit une espèce de dédomagement des secours qu’ils perdent en se convertissant.

L’expérience fait connoitre que la réunion des nouveaux convertis, n’est pas si difficile qu’elle l’a été ; depuis qu’ils n’ont plus de culte public et d’instruction, ce n’est plus qu’une espèce d’indolence qui les retient. Ils en sortiroient bientost, si l’on pouvoit leur prouver que l’intention du Roy est qu’ils se convertissent. Au lieu que ceux qui les conduisent leur persuadent qu’on les craint, qu’on les menage ; et qu’il y a des ordres secrets de ne point mettre à execution les differentes declarations qui les concernent.

Le meilleur moien de faire connoitre les pieuses intentions de Sa Majesté, à ce sujet, est de donner des ordres particuliers à ceux qui sont chargés de sa confiance dans les provinces. Ils sont la principale ressource de ceux qui sont employés au ministère ecclesiastique ; et l’on peut dire que s’il s’est fait quelques conversions dans le Diocèse de Saintes, les années dernières, le succès en est du aux soins et aux attentions de Mr l’Intendant de La Rochelle, qui n’a négligé aucune occasion de protéger la religion.

C’est ce concert du ministère ecclésiastique et de l’autorité temporelle, qui donne la force aux instructions. Il seroit même necessaire d’augmenter les pouvoirs de Messieurs les Commissaires departis dans les provinces, en leur attribuant la connoissance des affaires qui peuvent intéresser la religion ; comme sont les assemblées de Religionnaires, captures, et punitions de ministres ou de predicans. Choses dont les tribunaux ordinaires ne font pas tout le cas qu’elles méritent, et dont les poursuites y aboutissent presque toujours.

Rien encore ne feroit mieux connoitre la volonté sincère de Sa Majesté, pour la conversion des Religionnaires, que si dans les occasions particulières on accordoit quelque marque de distinction à certaines familles qui se convertissent avec éclat, et dont l’exemple est d’une grande édification.

Enfin il faudroit que tout concourut au même objet, et que les Seigneurs qui approchent Sa Majesté et qui possèdent dans la Saintonge les terres les plus considérables, et les plus remplies de gens de la religion, marquassent aussi leur zèle, en n’accordant leur confiance qu’à de vrais Catholiques, et en empêchant que ceux qui font leurs affaires ne soutinsent les Religionnaires, sous prétexte qu’ils sont leurs fermiers.

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