Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

Accueil > Grands thèmes d’histoire locale > Villes, bourgs et villages > 17 Rochefort > 1733 - Histoire de Rochefort : une visite guidée de la ville par Théodore (...) > 1733 - Histoire de Rochefort : La Corderie Royale

1733 - Histoire de Rochefort : La Corderie Royale

dimanche 1er juin 2008, par Pierre, 2720 visites.

C’est le monument le plus célèbre de Rochefort, et il mérite bien sa popularité. Sa construction, commencée en mars 1666, est elle même une page d’histoire.

Source : Histoire de Rochefort, contenant l’établissement de cette ville, de son port et arsenal de marine et les antiquitez de son château. - Théodore de Blois, Père capucin – Paris – 1733 – Books Google

Rochefort (17) - La Corderie Royale
Photo : P. Collenot - 2007

De la Corderie.

Doros gaudet tractare rudentes. Juv. Sat. 6.

La Corderie est le premier Bâtiment qui a été fait à Rochefort. Elle est terminée par deux Pavillons, & ornée d’un troisième au milieu, C’est une des belles Corderies qui soit dans le Royaume. Elle est à deux Etages de quatre Toises de largeur entre les Murs, & de cent quatre-vingt dix Toises de longueur. La face en est magnifique.

Le lieu qu’avoit choisi M. Blondel, pour asseoir cette grande masse, étoit une belle Prairie, longue d’environ deux cent cinquante Toises, sur une largeur de plus de cinquante au plus étroit, enfermée d’un coté par la Rivière de Charante, & de l’autre par un Canal. La première chose qu’il fit fut de sonder le Terrain en plusieurs endroits. Il reconnut qu’au-dessous de la première croûte qui étoit environ de deux pieds de terre noire & de gason, il y a voit une couche de glaise tres-ferme & solide par le haut, épaisse de dix à douze pieds, qui s’amolissant petit à petit se terminoit en boue ou vase molle & demi liquide, de la même nature qu’est celle des bords & du fond de la Rivière ; & ce mauvais Terrain continuoit sous la glaise à une si grande hauteur, qu’il ne put jamais en trouver le fond, ni trouver d’autre Terrain au-dessous.

Son Edifice devoit être trop considérable pour se servir de la pratique des Maçons, du Pays, qui dans ces situations mettent les premières assises de leurs Bâtimens sur l’herbe, sans rien creuser pour leurs fondations, parce que deux pieds de bonne terre liée & affermie par les racines des herbes, suffisent pour soutenir la masse de leurs Edifices, & empêcher qu’ils ne se ressentent des mouvemens de la glaise qui est dessous, & ce prudent Architecte ne voulant pas se fier à la glaise pour y piloter, fondé sur le malheur tout récemment arrivé au Pont de Saintes, qui avoit été renversé par les efforts de la glaise, qui en se tourmentant avoit chassé les Pilotis, & par conséquent causé la ruine du Pont ; parce que la glaise éventée & tourmentée jette, en se renflant, tout ce qu’on a mis dedans & dessus. Le parti qu’il trouva le meilleur, fut de fonder une grille de Charpente en platte forme, comme il avoit vû pratiquer en semblables occasions en Hollande & ailleurs, & particulièrement à la Citadelle du Havre de Grâce, que M. d’Argencourt, sur un Terrain presque semblable, avoit fondée de cette manière, aussi-bien que l’Ouvrage à Corne de Brouage.

M. Blondel, fondé sur ces expériences, fit tracer sur le Terrain les largeurs qu’il vouloit donner aux fondations des Murs, tant du contour de la Corderie & des Bâtimens qui la dévoient accompagner, que de ceux qu’il avoit résolu d’élever jusqu’au Rez de chaussée seulement, en forme de traverses, de quatre en quatre Toises par le dedans, pour lier les principaux Murs l’un avec l’autre. Il fit creuser environ cinq pieds sur le plan de la Prairie, c’est-à-dire, trois pieds dans le massif de la glaise, puis ayant fait mettre avec une grande exactitude le fond de ces fouilles par tout sur un même niveau, il fit asseoir une grille de longues pièces de bois de Chêne, de 10. à 11. pouces, assemblées l’une à l’autre, tant plein que vuide, & à queue d’aronde dans toute l’étendue des fondations, c’est-à-dire, sous les Murs de traverse, aussi-bien que sous les Murs principaux, sur laquelle ayant fait étendre en platte forme un lit plat de Madriers du même bois, de 3. au 4. pouces d’épaisseur, bien assis sur un même niveau, & bien chevillés sur tous les bois de la grille, il fit coucher les premières assises des fondemens faits de beaux quartiers de libage, avec de longues boulines, & construire les Murs de bonne maçonnerie à plomb par dedans, & par retraite en dehors, jusqu’à la hauteur de quatre pieds & demi, ou cinq pieds au-dessus du plan de la Prairie, sur lequel il voulut que celui de la Corderie fut élevé jusqu’à cette hauteur, afin de le tirer des incommoditez des eaux de la Rivière, qui débordant quelquefois, & principalement aux grandes Marées, couvrait la plus grande partie des Prairies voisines ; il fit asseoir les Murs sur ce fondement, mais avec tant d’uniformité dans toute son étendue, qu’il n’a jamais souffert que l’on posât une pierre pour commencer une assise, dans aucun endroit du Pourtour, que l’assise de dessous ne fut entièrement achevée, afin que toute la masse prenant son faix également par tout, le Terrain sous la grille ne fut jamais plus pressé d’un coté que d’autre.

Voilà de quelle manière fut construit ce superbe Edifice. Les Apartemens qui sont au-dedans, & les Ouvrages qui s’y font en montrent bien la grandeur. Il y a quatre Magasins propres à contenir dix-huit cent milliers de Chanvre, il en peut entrer quatorze cent milliers dans un seul. Il y en a trois autres où l’on peut mettre des Cordages à proportion, & deux où l’on peut ranger dix-huit cent Barriques de Goudron. On en voit encore un, assez spacieux pour y faire la coupe des Manoeuvres qui doivent servir à la garniture des Vaisseaux. Il y a deux Goudroneries, l’une en dedans voûtée & l’autre en dehors. Hors de ces Atteliers on voit une Chaudière de Fonte qui pese environ six mille cinq cent livres, & qui contient vingt-deux Barils de Goudron de deux cent livres chacun.

Deux grandes Galeries, placées l’une sur l’autre, règnent dans toute l’étendue de ce magnifique Bâtiment. Celle d’en-bas sert à mettre le Fil en Cordage, & celle d’en-haut sert au Filage. Dans les grands mouvemens on a employé dans cette Corderie jusqu’à seize cent milliers de Chanvre par an, & on a fait jusqu’à cent soixante milliers de Cordages par mois.

Voici l’Inscription que l’Abbé Boutard a faite pour être, mise au Frontispice de cette Corderie.
Cannabis in varios properat se vertere funes
His viden immota ? his volitare rates.

C’est-à-dire :
Le Chanvre déguisé sous différentes formes
Compose dans ces lieux, après mille travaux,
Les Cordages divers, l’âme de nos Vaisseaux.
Car l’un tient en repos ces machines énormes,
L’autre à son gré les fait voltiger sur les eaux.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document

Rechercher dans le site

Un conseil : Pour obtenir le meilleur résultat, mettez le mot ou les mots entre guillemets [exemple : "mot"]. Cette méthode vaut également pour tous les moteurs de recherche sur internet.