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1778 – Enfants abandonnés : Mr de Bonnegens (St-Jean d’Angély) répond à l’enquête de Necker

samedi 20 novembre 2010, par Pierre, 519 visites.

Plan général de cette étude Références et bibliographie

Voir les réponses de Cognac (16) au même questionnaire

En 1777, le ministre Necker lance une enquête nationale sur les établissements capables d’accueillir des enfants abandonnés. Son questionnaire est transmis par voie hiérarchique aux intendants des Généralités (équivalent moderne : préfecture), puis aux subdélégations (équiv. : sous-préfecture). Les réponses permettent de se faire une idée d’un problème de société déjà ancien, mal résolu.

20/01/1778 – Réponse de Mr de Bonnegens (Election de St-Jean d’Angély) à l’enquête du ministre Necker sur les enfants abandonnés

La question des enfants abandonnés vue par de Bonnegens, administrateur de l’élection de Saint-Jean d’Angély, quelques années avant la Révolution. Un document un peu long et ampoulé, sur un problème de société révélateur d’une mauvaise conscience collective. On y trouve matière à réflexion :
- sur la misogynie ambiante (ces enfants, « preuve de la faute des mères »),
- sur l’hypocrisie du clergé (« De leurs réponses, il semble résulter que la dissolution dont on se plaint tant, ne règne point dans ce pays cy, que tous les habitans y vivent dans la plus grande innocence, et ne doivent tous leur origine qu’à l’alliance la plus légitime. »),
- sur la courte vue d’un administrateur, plus soucieux de l’intérêt économique de sa ville que d’une véritable solution du problème social. Cependant, les propositions de De Bonnegens sur le mode de recrutement des nourrices (question n° 9) ne manquent pas d’intérêt.
- sur l’absence totale de statistique sur le nombre d’enfants exposés, résultat d’un silence unanime des acteurs concernés.
Ces réponses à l’enquête lancée par Mr Necker ne vont probablement guère l’aider à trouver des solutions à ce lancinant problème de société.
Ce document contient également de nombreux éléments intéressants sur l’histoire des hôpitaux de Saint-Jean d’Angély.

Source : AD17 - C212 - Transcription par Pierre Collenot

Monseigneur,

Je n’ai pas répondu plus tôt à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, le premier du mois dernier, concernant les établissemens que le ministre se propose de faire pour fixer les enfans trouvés dans le lieu de leur naissance, par la quantité des détails dans lesquels il a fallu entrer, à cet égard, et le soin que j’ai apporté à seconder les vües sages et infiniment utiles de l’administration, surtout dans un siècle où la dépopulation n’est que trop évidente dans toutes les parties. Je suivrai, dans ma réponse, la forme que vous m’avez prescrite.

1° Le désordre ou l’indigence produisent-ils, dans votre département, beaucoup de ces êtres malheureux qui ne savent à qui ils doivent le jour ?

Pour me mettre à même d’instruire votre relligion, à cet égard, j’ai adressé des lettres circulaires à tous MM les curés de ce département, leurs registres des baptêmes devant leur donner connoissance de la naissance de ces enfans, comme des légitimes. De leurs réponses, il semble résulter que la dissolution dont on se plaint tant, ne règne point dans ce pays cy, que tous les habitans y vivent dans la plus grande innocence, et ne doivent tous leur origine qu’à l’alliance la plus légitime. Ce seroit cependant s’abuser beaucoup que de tirer cette conclusion de la réponse de Mrs les pasteurs : elle prouve au contraire l’existence du mal que le ministre veut prévenir, su Mrs les curés baptisent peu d’enfans trouvés, dans cette partie de votre généralité, Monseigneur, c’est que les mères attentives à se cacher et intéressées à éloigner d’elles la preuve de leurs fautes, au lieu de faire porter leurs enfans à l’église, les envoïent à Saintes ou à Rochefort, où il y a des hopitaux ouverts à ces tristes victimes, d’une réputation qu’on s’efforce de conserver, même après le crime. C’est ce qui fait que les registres des baptêmes sont très peu, ou point du tout chargés de la naissance de ces enfans. Le mal n’en existe pas moins et l’état n’est pas moins intéressé à remédier aux suites qui en résultent. Le transport,de cette ville et des paroisses circonvoisines, à Saintes, à Angoulême ou à Rochefort, fait ordinairement de nuit, et dans toutes les saisons,de ces enfans qui, par ce moyen, passent presque toujours au moins deux jours sans être allaités, ne peut qu’en faire périr un grand nombre. L’affliction même qu’en peut ressentir la tendresse maternelle, est bien compensée par la facilité du dépôt dans ces trois villes, où l’on a pris les moyens nécessaires pour en ôter toute connoissance au public.

2° Y a-t-il des enfans abandonnés par des pères et mères connus ?

Cette question étoit aussi la seconde de celles contenues dans mes lettres circulaires, et je vois, par tous les renseignemens pris, que ce refus entier des soins paternels, cet oubli de tous les sentimens qu’inspire la nature, ne peut être mis au nombre des crimes que notre province ait à se reprocher.

3° Vériffier les loix et la coutume qui régissent votre pays, et voyez si ce sont les seigneurs haut justiciers ou les seigneurs féodaux moyens et bas justiciers qui sont tenus de cette charge.

Les seuls seigneurs haut justiciers sont, par un usage constant, et autorisé par différents arrêts, chargés, dans ce pays-cy, de la nourriture des enfans trouvés ou exposés et réputés tels, et ce dans quelque partie de leur haute justice qu’ils soient trouvés, attendu qu’eux seuls ont le droit de leur succéder, et qu’il sont regardés comme une épave passive, ils les font nourrir et élever jusqu’à sept ans, alors quelques uns les abandonnent à leur mauvais sort, d’autres les placent.

4° Met-on quelque différence entre les enfans exposés dont les pères et mères sont inconnus, et ceux abandonnés par des parents connus, qu’on pourroit mettre au rang des pauvres, dont la subsistance est à la charge des communautés ?

Les enfans exposés dont les pères et mères sont inconnus sont mis au nombre des bâtards et par conséquent éprouvent leur sort, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous l’observer, Monseigneur,sur la seconde question. Nous ne connoissons point icy d’enfans abandonnés par des parens connus, on les feroit reprendre par leurs parents. Il faut cependant observer qu’il est quelques cas particuliers et assez fréquents, où il arrive que sans que cela puisse s’imputer aux sentimens des pères et mères, ou les décharger de leurs enfans, pour les mettre sur le compte de l’hopital, qui alors leur donne 48 £ par an, ou les nourrit : et cela a lieu lorsque la pauvreté des pères et mères, ou du survivant d’eux, et l’impossibilité où ils sont, par leurs infirmités, et leurs enfans, par leur âge, de mendier leur pain, sont constatées suffisament à Mrs les administrateurs de l’hopital, qui, alors font participer ces malheureux aux distributions et aumônes de l’hopital, et par ce moyen, remplissent l’esprit des fondations. Cecy répond à la question, pourvu que vous ne compreniez pas, Monseigneur, dans la dénomination d’enfans abandonnés par des pères et mères connus, ceux qui ne pouvant recevoir de leurs parents le pain nécessaire à leur vie, sont, par eux envoyés pour le mendier, de porte en porte, dans le lieu de leur domicile, ou aux environs, et reviennent, tous les soirs, coucher sous le toit paternel. Ceux-cy sont en très grand nombre, la disette continuelle que nous éprouvons depuis 12 ans, et l’augmentation successive des impositions royales produisent ces tristes effets par deux sources : 1° le pauvre est écrasé – 2° le grand propriétaire, ruiné lui même ou très gêné, ne peut faire travailler comme de coutume, et encore moins être charitable.

5° Que deviennent ces enfans, les envoie-t-on à Paris, ou y a-t-il une maison pour les recevoir ?

Les enfans exposés dans les campagnes, dans l’étendue des hautes justices, sont élevés aux frais des seigneurs haut justiciers ; ceux exposés dans cette ville, sont portés à l’hopital, appellé de St Louis ; ceux auxquels leurs parents ne peuvent donner du pain, et que leur âge ne permet pas d’en demander, sont également placés à l’hopital par un de Mrs les administrateurs.

6° Par qui cette maison est elle tenüe ? Quels sont ses revenus ? Sont-ils suffisans ? Est-elle bien administrée ? Quel est l’ordre qui y règne ?

Notre hopital de Saint Louis fut établi par arrêt du conseil privé du 2 7bre 1695 pour substituer activement et passivement les quatre anciens hopitaux fondés en différens tems par des citoyens de cette ville, mais entiérement détruits par les guerres civiles dont notre province a été longtemps le théâtre, et dont elle se ressentira toujours. Ses fonds ont aussi augmenté par les réunions de plusieurs fondations, dans les paroisses circonvoisines, en faveur des pauvres, appellées aumôneries et consistant en distributions de bleds, pain, légumes, &c.
Le feu Roy, par sa déclaration du 18 juillet 1724, ayant prohibé la mendicité publique et réuni toutes les aumônes distribuées aux hopitaux du ressort dans lequel les maisons qui les devoient étaient situées, Mrs les administrateurs de l’hopital St Louis firent la recherche de toutes les fondations qui avoient pour objet l’entretien des pauvres, et par arrêt du conseil du 2 mars 1785, il fut dit qu’il seroit payé, tous les ans, à l’avenir, à compter du 1er janvier précédent, entre les mains du trésorier de l’hopital St Louis, par les religieux bénédictins de l’abbaye de cette ville, une somme de 1100# pour tenir lieu des aumônes publiques qu’ils avoient continué de faire, les vigiles de certaines fêtes particulièrement annoncées par un arrêt du parlement de Bordeaux, du 23 avril 1523. Cet arrêt du conseil ayant été signifié à Mrs les Bénédictins, ils présentèrent requête à M. l’intendant et lui exposèrent qu’ils n’étoient tenus qu’à l’acquit de 21 aumônes par an, qu’en ayant distribué 16 à l’époque de la condamnation portée par l’arrêt du Conseil, et n’en devant plus par conséquent que cinq ou le quart de la totalité, ils ne devoient non plus payer à l’hopital St Louis que le quart de la somme qui représentoit ces aumônes, et par conséquent offroient seulement 250# et demandoient qu’au moyen du paiement qu’ils offroient faire à l’avenir, ils fussent déchargés de recevoir les enfans trouvés et d’entretenir l’hospital dans ladite aumônerie. Cette requête communiquée à MM les administrateurs, ils contestèrent toutes les demandes des religieux, dirent qu’aux termes d’un arrêt du parlement de Bordeaux du 23 avril 1523, ils étoient chargés de faire 44 aumônes au lieu de 21 qu’ils alléguoient, en conséquence demandoient restitution des 23 par an qui n’avoient pas été servies, qu’en outre, ils fussent, conformément audit arrêt, obligés d’élever trois des quatre enfans trouvés et portés dans la ville, le quatrième devant être à la charge de l’hopital, appellé Notre Dame des Halles, servant aujourd’hui de palais et réuni, quand aux fonds et charges, à celui de Lupseault, réunis tous deux depuis à celui de St Louis, par le susdit arrêt du conseil privé du 2 7bre 1695 ; d’entretenir aussi l’hospitalité dans l’Hôtel Dieu dont ils étoient chargés et d’y avoir, pour cet effet, 20 lits garnis, si mieux ils n’aimoient abandonner tous les biens et revenus affectés audit Hôtel Dieu, qui étoit de fondation royale.

Sur ces contestations, M. l’Intendant rendit son ordonnance provisoire, portant que les dits religieux payeroient la somme de 1100# à quoy avoient été évaluées les aumônes publiques, en quatre termes égaux, entre les mains du receveur de l’hopital St Louis, sans néantmoins qu’ils puissent se dispenser des autres charges portées par ledit arrêt du parlement de Bordeaux du 23 avril 1523, tant par rapport à la nourriture des enfans trouvés, qu’à l’hospitalité à entretenir dans l’Hôtel Dieu, et, sur le surplus des demandes, envoya les parties à se pourvoir au Conseil. Les Relligieux se rendirent appellans de cette ordonnance, mais, le 2 8bre 1725, le Roy, dans son Conseil d’Etat, rendit un arrêt portant que l’hospitalité seroit rétablie dans ledit Hôtel Dieu, conformément à l’Arrêt du Parlement de Bordeaux, d’avril 1523, à l’effet de quoy ledit Hôtel Dieu, ensemble tous les revenus en dépendant, seroient, à l’avenir, régis et gouvernés par le bureau de direction que ledit arrêt établit, à l’effet de quoy les religieux y rapporteroient tous les titres, baux à ferme, censifs &c. servans à constatter les revenus dudit hopital : de tous les biens en dépendans, délaisseroient la libre profession et jouissance aux dits administrateurs.
Les religieux se rendirent opposans à cet arrêt, opposition sur laquelle intervinrent différentes et longues contestations, terminées enfin, après 12 ans d’instructions, par une transaction passée entre MM les administrateurs de l’hopital St Louis et MM les Bénédictins, le 18 may 1748, par laquelle les religieux rentrent dans la possession et jouissance de tous les biens appartenants indistinctement à l’Hôtel Dieu, et saisis à la requête de MM les administrateurs, en vertu de l’arrêt du conseil, du 2 8bre 1725, sont deschargés du paiement des 1100# auxquel ils avoient été assujetis par celuy du 2 mars précédent et l’ordonnance de M. l’Intendant rendue en conséquence, sont affranchis de l’entretien de l’hospitalité dans l’Hôtel Dieu, ainsi que de la nourriture des trois enfans trouvés sur quatre, à quoy les obligeoit l’arrêt du parlement de Bordeaux du 23 avril 1523, obligations qui, en vertu de cette transaction, passent entièrement à la charge de l’hopital St Louis, auquel doit être et est payé, annuellement pour indemnités, par MM les Bénédictins, une somme de 2000# en quatre payemens de 500# à quoy les parties contractantes estiment la dépense annuelle des aumônes, exercice de l’hospitalité, entretien et nourriture des trois quarts des enfans trouvés, ont convenu, en outre, par l’article 10, que la boucherie de carême ou privilège exclusif de faire vendre de la viande pendant son cours (objet sur lequel il y avoit eü beaucoup de contestations, appartiendra, en totalité, au dit hopital St Louis.

Ces 2000#, la boucherie de carême, la réunion des fonds des hopitaux anciens de cette ville, celle des fonds des aumôneries de différentes paroisses circonvoisines, forment aujourd’huy le revenu entier de notre hopital de St Louis qui peut aller à 5000#.

Sa dépense accessoire, c’est-à-dire, en gages de domestiques, aumônier, greffier, acquit de rentes secondes et seigneuriales, réparations des bâtimens et entretien d’ustenciles va à près de 600# par an.

Sa dépense principale, c’est-à-dire, en nouriture et entretien des pauvres qui, par un règlement fait par MM les administrateurs avec les Dames hospitalières, est à raison de 6s par jour pour les hommes et femmes, et quatre sols six deniers pour les enfans, varie suivant les pauvres qui y sont placés.

MM les administrateurs, par une sage prévoïance, ont laissé accumuler une somme assez considérable, par l’excédent annuel du revenu sur la dépense, pour subvenir aux cas imprévus et besoins urgens de l’hopital, comme incendie ou autre accident de cette espèce et surtout la reconstruction de plusieurs des murs qui menacent ruine, ainsi que pour le renouvellement de presque tous les meubles qui sont entièrement usés, comme matelats, couvertes, lits, &c.

Cette somme s’est trouvée monter à 10000# d’après le compte rendu par le trésorier et a été laissée entre ses mains. Par un arrangement très utile à l’hopital, on l’a fait assigner en paiement de cette somme, on a fait, de concert avec luy, rendre une sentence qui l’y condamne, et aux intérêts qu’il sort en effet tous les ans.

Cette somme de 500# par an, ayant fait une augmentation dans les revenus de l’hopital, MM les administrateurs ont été moins sévères pour l’introduction des pauvres et surtout des enfans de parens dans une grande pauvreté, ce qui actuellement lui fait un excédent de dépense annuel sur ses revenus, qui cependant n’est pas considérable, au lieu qu’auparavant cet arrangement, il y avoit un petit excédent de revenu sur la dépense.

Comme vous l’avez pû voir, Monseigneur, par le récit dans lequel je suis entré, relativement aux revenus de cet hopital, ce sont des filles hospitalières qui sont chargées du soin des pauvres. Lors de l’établissement en 1695, M. l’Intendant et M. l’Evêque du diocèse traitèrent avec des filles de cette institution, et elles ont toujours continué depuis. Quant à l’administration des finances, par l’Art. 16 et dernier de la transaction de 1748, elle a été confiée à 10 administrateurs dont 6 inamovibles sont M. le lieutenant général du siège ou le plus ancien officier faisant ses fonctions, le procureur du Roy, le maire, le premier échevin, le curé de la paroisse et le prieur de l’abaye, les quatre autres amovibles, tous les 3 ans, doivent être choisis parmi les plus notables de la ville. Les qualités de ces administrateurs prouvent, par elles seules, la régularité et l’exactitude de l’administration.

7° A deffaut de maison destinée à élever les enfans trouvés, y a-t-il quelque hopital bien administré qui pourroit traiter avec le Roy, pour la nourriture et entretien de ces enfans ?

Il semble que ce que j’ay eü l’honneur de vous représenter cy-dessus, Monseigneur, ne me met dans le cas de faire à cette question d’autre réponse, sinon que l’hopital St Louis remplit tout ce qu’on peut désirer, à cet égard, qu’il ne me reste qu’à vous prier de le faire participer aux grâces de Sa Majesté, et aux fonds qu’elle destine pour l’entretien des enfans trouvés, à proportion des charges que pourra luy procurer l’établissement que vous pourriez désirer y faire. Plus d’une raison pourroit vous y porter, Monseigneur, 1° la salubrité de l’air et la bonté des eaux, vous savez que ces avantages naturels ont mérité à notre ville, pour l’établissement de l’hopital militaire des convalescens, la préférence sur celle de Saintes, La Rochelle et Rochefort. Les objets de consommation y sont beaucoup moins coûteux que dans ces trois villes, et les nourrices à meilleur marché. D’ailleurs notre ville, par sa position, offre des débouchés faciles pour mettre les enfans trouvés dont le Roy aura bien voulu se charger, à même de reconnoitre cette bienfaisance et rendre, par leurs services à l’Etat ce qu’ils en ont reçus. Les ports de Rochefort et de La Rochelle, les fabriques de salpêtre et les nitrières artificielles qui vont s’établir dans notre ville, présentent des moyens pour occuper avantageusement ces enfans, lorsqu’ils seront en âge de se rendre utiles.

8° Quelles seroient les conditions du traité que le Roy pourroit faire avec la maison qu’il chargerait de la nourriture des enfans trouvés ?

Ces conditions devant être relatives à la forme que Sa Majesté voudroit établir et dépendra du nombre des enfans qui y afflüeroient, ainsi que du tems pendant lequel l’hopital en seroit chargé, ne peut être fixé, dans ce moment. MM les administrateurs intéressés au bien public, comme à celui de l’hopital qui leur est confié, ne demanderoient vraisemblablement que des rétributions proportionnées à la cherté des vivres et aux circonstances une fois connües de l’établissement.

9° Combien en coute t-il communément, dans votre pays, pour la nourriture et l’entretien d’un enfant, pendant qu’il est en nourice, et après qu’il est sevré ?

Cette question étoit la quatrième de celles que j’ay faites à MM les curés. Je vois d’après l’état que j’ai dressé, sur leur réponses, que le plus bas prix en nourice, est de 50# par an, et le plus haut de 100#, ce qui fait par conséquent, pour prix moyen, 75#. Pour un enfant sevré, le plus bas prix est 80 # et le plus haut 160#, ce qui fait par conséquent 120# par an, prix moyen.
Lorsque l’établissement seroit une fois formé, on auroit soin de faire connoître dans les différentes paroisses de l’arrondissement, le prix que Sa Majesté offre aux nourices. Les femes enceintes viendroient dans cette ville, où on les feroit visiter par le médecin de l’hopital, celles qui seroient jugées bonnes nourrices, seroient inscrittes, par leur nom et leur domicile, sur un état tenu exprès par le greffier de l’hopital, lequel prendroit aussi leur déclaration asur le tems auquel elles prévoyeroient accoucher. Il seroit nécessaire d’entretenir au tour de l’hopital, une certaine quantité de femmes qui serviroient, pour le moment, et auxquelles on donneroit une petite rétribution proportionnée au tems qu’elles auroient gardé l’enfant, prise sur la somme accordée à la nourice qui en seroit chargée, pour tout le tems ordinaire : cette seconde étape de nourice seroit pour subvenir au besoin instant, et lorsqu’un enfant seroit apporté, on le mettroit entre les mains d’une d’elles, jusqu’à ce qu’on eût fait venir celle de la première classe qui, suivant l’ordre du tableau, se trouveroit dans le cas de la préférence, par sa santé ou l’époque de son accouchement.

10° Enfin quel seroit le lieu le plus propice à y transporter et faire élever les enfans trouvés de votre département, et qui peut recevoir, au même lieu, tous ceux d’un certain arrondissement de pays assez voisins, pour que le transport fût facile et à portée de ceux que des raisons particulières obligent à exposer leurs enfans ?

Je ne vois point de lieu plus propice à former l’établissement que le ministre a en vüe, que cette ville. L’administration nécessaire à ces sortes d’établissemens, ne peut être confiée qu’à des gens connus et en état de la diriger, ce qui est beaucoup plus commun dans les villes que dans les campagnes, la facilité des secours spirituels et temporels, celle de recevoir et faire exécuter les ordres des ministres, la plus grande quantité des choses, soit de consommation, soit d’entretien, nécessaires à un hopital, semblent ne laisser aucun doute sur la préférence düe aux villes. St Jean d’Angély, par sa position,est dans le cas de former un arrondissement suffisant pour réunir une certaine quantité d’enfans trouvés, qu’on porte au grand préjudice de la population, pendant la nuit, et les plus mauvais tems, à Rochefort, à Saintes et à Angoulême. Si même on avoit le soin de faire placer icy des boëttes de dépôt, pour les enfans trouvés, de sorte qu’on les pût déposer, sans passer par les lieux les plus fréquentés, il n’est pas douteux que, de tous les lieux circonvoisins, on prefèreroit les apporter icy plutôt qu’à Rochefort et à Angoulême, quy, ayant des portes fermantes, ne sont pas aussi commodes que St Jean, ou à Saintes qui est une ville plus peuplée que la nôtre, et l’essentiel, dans ce cas, est la facilité du mistère.

Voilà, Monseigneur, les renseignemens les plus exacts, et les solutions les plus satisfaisantes que m’ont procurés des recherches auxquelles j’ay apporté le zèle et le travail dignes de l’objet et des vües bienfaisantes du ministre.

Je suis avec respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.

De Bonnegens

St Jean d’Angéli le 20 janvier 1778

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