Accueil > Grands thèmes d’histoire locale > Commerce intérieur et extérieur > 1783 - Le commerce du port de la Rochelle : produits, origine et (...)
1783 - Le commerce du port de la Rochelle : produits, origine et destination, tarifs, etc.
mercredi 26 décembre 2007, par , 4015 visites.
Difficile de trouver plus complet que cet article de l’Encyclopédie Panckoucke sur l’activité du port de La Rochelle : les produits, les pays d’origine et de destination, les tarifs des droits, etc.
Un étonnant parcours dans les réseaux économiques régionaux, nationaux et internationaux, tissés autour du port de La Rochelle, à la fin de l’ancien régime.
Au bas de cet article : un glossaire de mots et produits oubliés mentionnés dans la page.
Commerce de La Rochelle, Pays d’Aunis, Xaintonge &c.
Le principal négoce de cette ville si célèbre par sa puissance & par sa chute se fait du côté de la mer. Les navires destinés pour le Canada & les Colonies du nord partent dans les mois de mai & de juin & font leurs retours en décembre
Les productions des provinces & pays qui composent la généralité, sont des sels, des vins, des eaux de vie, des chanvres.
On y élève aussi quantité d’excellens chevaux.
Les armemens & cargaisons des Rochellois se font ordinairement pour les isles Françoises de l’Amérique, celle de Cayenne, la côte de S. Domingue, dans ce qui n’est pas de la concession de la compagnie établie en 1698, le Canada, la côte de Guinée, les isles Açores & le Portugal
Avant le traité d’Utrecht, ils en faisoient aussi pour la baye d’Hudson & l’Acadie, mais l’une a été restituée & l’autre a été cédée aux Anglais par ce traité.
La charge des vaisseaux qui partent pour les Colonies Françoises des isles Antilles, consiste en tout ce qui est nécessaire pour l’habillement & la nourriture des habitans, comme des vins, des eaux-de-vie, de la farine, du bœuf d’Irlande, des toiles & de toutes sortes de marchandises seches. On y ajoute, pour le Canada, de la quincaillerie, de la meгcerie, des haches, des couteaux, des armes, des aiguilles, de la poudre & du plomb.
On retire de ce commerce diverses marchandises, suivant qu’elles se cultivent dans ces différens lieux ;
Des isles Antilles, du sucre brut & blanc, du cacao, du rocou, du gingembre, de la casse, des cuirs, des bois de Bresil, du bois de campêche, du bois de citron, du carrer, ou écaille de tortue & quantité de fruits confits.
Saint-Domingue fournit de la cochenille, du quinquina, du cacao, du carraque, de la vanille, même des perles, des émeraudes & des piastres ; mais comme tout cela provient des prises des flibustiers, on n’y compte pas comme sur un commerce réglé. Ses marchandises sont, les cuirs, le tabac, & quelques bois pour la teinture & la marqueterie.
Le Canada & les Colonies du côté du nord donnent de la morue verte & seche, du stockfiche, du saumon & des anguilles salées, de l’huile de poisson, des mâts & toutes sortes de pelleteries ; mais celles-ci ne sont que pour la compagnie des castors.
« Tout ce qui se charge a la Rochelle pour les Colonies ne paye aucuns droits de sortie ; mais ce qui en revient & toutes les marchandises qui s’y chargent pour tout autre endroit, payent à l’entrée & à la sortie les droits des cinq grosses fermes, & généralement tous les nouveaux droits, même quelques droits particuliers, tels que celui de la prévôté, qui est de 4 deniers pour livre de l’estimation. »
Le nombre des vaisseaux que les marchands de la Rochelle employent au commerce des isles est environ de cinquante bâtimens, depuis quatre-vingt jusqu’à cent cinquante tonneaux. Ces vaisseaux partent dans les mois de novembre & de décembre pour les vins nouveaux & de temps en temps pendant le cours de l’année pour les autres marchandises. Ils reviennent aussi en tout temps.
On va seulement ajouter ici les prix ordinaires des principales marchandises qui font les retours des vaisseaux de La Rochelle, & de quelques unes qu’on y envoie.
Le sucre brut se vend vingt-trois à vingt-cinq liv. le cent ; le sucre blanc, cinquante à soixante ; l’indigo six francs la livre ; le rocou, vingt sols ; le cacao, quatorze à quinze sols ; le coton cent & cent cinq livres le quintal ; le gingembre, trente à trente cinq livres aussi le quintal. Il ya des pelleteries de tout prix. Pour le castor, il n’y a que la compagnie qui en puisse vendre.
Le bœuf d’Irlande se vend depuis quinze jusqu’à vingt livres le baril ; le suif du même pays, trente livres le quintal ; & le beurre aussi d’Irlande, depuis seize jusqu’à vingt-cinq livres le cent.
Il faut remarquer que ces prix changent quelquefois, augmentant & baissant suivant les conjonctures ; mais l’on a pris une estimation moyenne à laquelle ils ont coutume de toujours revenir.
En temps de guerre, les Suédois & les Danois viennent à la Rochelle charger des vins & des eaux-de-vie.
Pendant la paix, les Anglois & les Hollandois y en chargent pareillement ; à quoi ils ajoutent du papier d’Angoulême, des toiles de Barbesieux, des serges de Poitou, des syrops, de l’indigo de Saint-Domingue & des castors de la compagnie.
On envoie aussi de la Rochelle des eaux-de-vie en Normandie & en Picardie ; en Portugal, des soieries de Tours & de Lyon & des étoffes d’Amiens & de Saint-Maixent ; & en Espagne, du cacao des Colonies Françoises de l’Amérique.
Le commerce que les marchands de la Rochelle font à la côte d’Afrique, leur fournit du morfil, des cuirs, de la cire & de la poudre d’or. Celui de Portugal de la moscouade du Bresil, du chocolat, de l’éсоrсе de citron, des oranges & du tabac de Bresil. L’Angleterre, du plomb & de l’étain. L’IrIande, du bœuf salé pour les Colonies, des beurres, des suifs & des cuirs. Enfin la Hollande, des épiceries, des fromages & des huiles de baleine.
Le commerce d’Afrique, d’Espagne & de Portugal n’étant pas réglé, les Rochellois n’y destinent pas un certain nombre de vaisseaux, se contentant d’en armer suivant les conjonctures. Pour celui d’Angleterre, de Hollande & du Nord, il se fait le plus ordinairement par les navires de ces nations, qui viennent elles-mêmes charger les marchandises qui leur conviennent.
Les raffineries de la Rochelle sont très-considérables & c’est là que sont raffinés tous les sucres bruts qui viennent des isles par les retours des vaisseaux.
Les sels policrètes & anodins que les droguistes de la Rochelle préparent, sont propres pour l’Espagne & le Portugal, où l’on en fait quelques envois.
Isle de Rhé
C’est dans l’isle de Rhé que se fait cette excellente fenouillette, ou eau-de-vie d’anis, qui a une égale réputation en France & dans les pays étrangers, particulièrement parmi les nations du Nord.
Cette isle est fort abondante en vins & en sel. Le vin y est médiocre, mais il est excellent pour en faire de l’eau-de-vie ; on prétend qu’année commune, il s’en enlève près de quarante mille barriques, que les habitans font brûler.
On ne parlera pas des pêches abondantes de toute sorte de poissons frais, qui se font le long des côtes du pays d’Aunis & de Xaintonge, ni de celle des sardines qui se nomment sardines de Royan, qui se fait aux mois de juin & de juillet à l’embouchure de la Gironde, parce que le débit n’en est que pour les provinces de la généralité, ou quelques unes qui en font voisines, & que d’ailleurs à l’égard des sardines salées, il en est parlé à un endroit particulier. Voyez SARDINE
On se contentera même d’indiquer en cet endroit que c’est des marais salans de Brouage, de Marennes & de l’isle de Rhé, que se tire cette quantité extraordinaire de sel qui suffit presqu’à tout le royaume, & qui en fournit encore en abondance aux étrangers ; ce commerce qui fait la plus grande & la plus solide richesse de cette généralité, méritant un article particulier.
Marchandises auxquelles on accorde de la tare au Bureau Général de La Rochelle
Entrée
Généralement toutes les drogueries venant des ¨pays étrangers, lorsqu’elles sont dans des boucauds, barils, bariques, caisses ou tierçons, ont la tare à proportion des futailles.
Le poivre en balle, 10 sols par chacune balle.
Le sucre de Bresil qui vient toujours dans des caisses, 20 pour cent.
Les sucres & moscouades des isles Francoises de l’Amérique ; sçavoir :
- Pour les cinq grosses fermes & 40 sols du domaine d’occident, 14 pour cent
- Les sucres & moscouades de Cayenne, lorsqu’ils sont dans des caisses, 20 pour cent, & dans des bariques, 14 pour cent.
- Et pour les droits de 3 pour cent, tant en caisses qu’en barils, 17 pour cent
Le tabac de Saint-Domingue, 4 livres par rôle.
Le coton en laine, 6 livres par balle.
L’indigo, carret, госоu & autres marchandises venant des Colonies Françoises, soit en futaille ou emballage, à proportion desdites futailles & emballages ; mais seulement à l’égard des trois pour cent.
Sortie
A l’égard de la sortie, il ne se donne aucune tare que sur les soiries, que l’on fait aussi à proportion de ce qui les contient.
Marchandises qui arrivent ordinairement à la Rochelle, tant des pays étrangers que des provinces du royaume, avec les lieux de leur débit & consommation.
Sçavoir :
Des Colonies Françoises de l’Amérique
De l’indigo, de la casse filtalle, du coton, des sucres bruts, du carret, des sucres rafinés, de la caouanne, du rocou, du chocolat, de la cochenille, du cacez ou cacao, du campêche, des cuirs, des cuirs du Cap verd, de la mitraille, du morphile, du cascarille ou quinquina, des confitures, du tabac de Saint-Domingue, du jus de citron.
Les rafineurs de la Rochelle consomment partie des moscouades dans leurs rafineries ; & les sucres qui en proviennent, aussi bien que ceux qui y arrivent tout rafinés des isles, se dispersent dans le Poitou, l’Aunix, la Saintonge, l’Angoumois, le Limosin, le Perigord, le Maine, la Touraine, l’Anjou & Orléans.
Les moscouades se portent aussi à Rouen pout y être rafinées & quelquefois en Hollande, suivant que les marchands y croyent trouver leur compte.
Les mélasses ou syrops qui sortent des sucres sont portés en Hollande & ne payent aucun droit suivant l’arrêt d’exemption.
L’indigot, le carret, le coton, la cochenille, sont portés à Paris, à Lyon, & sortent par acquit à caution pour ces lieux ; mais lorsqu’on en charge pour Bordeaux, ce qui est rare, ou autres lieux où les droits sont dûs, on donne des acquits de paiement
De Canada
Des castors, des peaux d’orignaux en poil & apprêtées, toutes sortes de pelleteries communes non apprêtées, comme sortes. Renard, loutre, fouine, pitois, peaux de loups-marins, peaux de loups de bois, peaux d’ours &c, chiens, chats & autres, des bleds & des pois
La compagnie des Indes a le privilège exclusif du castor, avec la faculté de le faire transporter par tout le royaume sous acquit à caution. On envoie partie des orignaux en Hollande & à Bayonne par acquit de paiement ; & partie des orignaux sont portés dans le Poitou & à Paris où ils sont apprêtés, & sortent par acquit à caution. Toute la même pelleterie va à Paris & à Lyon
De Provence et Languedoc
Des huiles d’olives, des savons, des olives, des capres, des fruits secs comme raisins, figues, amandes, &c., des anchois, des noix de galles, du ris, du sené & autres marchandises du Levant.
Ces marchandises se consomment, partie dans le Poitou, la Touraine & l’Anjou, où on les transporte par passavant ou acquit à caution, suivant que la chose le requiert ; & partie dans le Limosin, le Perigord & la Saintonge : mais à l’égard de ces trois provinces, on donne des billets de paiement, parce que les droits y sont dûs.
De Bordeaux
Des vins & partie des marchandises ci-dessus nommées, de Provence & de Languedoc ; lesquelles ne venant pas directement à la Rochelle, descendent soit jusqu’à Bordeaux, & ensuite y font renvoyées dans des barques. Il y vient encore :
Des tuiles, de la brique, de la poterie de terre, et un peu de bois. Le vin ne sort point de la Rochelle & s’y consomme ; partie des autres marchandises se débitent comme ci-dessus.
De Bretagne
Du fer en verge, du fer en gueule, du fer en barre, des toiles royales à faire des voiles, des rabes de morue, des bois de merrain de toutes sortes, du poisson sec de la pêche Françoise, des sardines, des bariques en bottes.
La consommation s’en fait partie dans la ville & aux environs ; partie du fer s’envoie dans le bas Poitou, par acquit à caution ; mais il n’en sort guères pour les provinces où les droits sont dus, comme en Saintonge, parce qu’il y en vient des forges de l’Angoumois & du Périgord.
Presque toute la morue verte & sèche, qui entre à la Rochelle, y est apportée par des vaisseaux que les bourgeois de cette ville, & ceux des sables d’Olonne, envoient à la pêche.
Cette morue, outre la consommation de la ville, se distribue dans les provinces circonvoisines, ainsi que les autres denrées, & paie les droits lorsqu’elle va dans les provinces où ils sont dûs.
De Вayonne et du Pays d’Arcasson
Du bray gras & sec, du goultran, de la résine, des laines, de la réglisse, des jambons
Des huiles de baleine & fanons, de la pêche Françoise.
Le bray & le goultran se consomment, la plus grande partie, à la Rochelle, en radoub de vaisseaux ; les résines, les laines & l’huile de baleine se transportent dans les provinces voisines, aussi bien que la réglisse et les jambons : on en fait payer les droits quand ces choies vont dans des lieux où ils sont dûs.
D’Espagne
Du fer en barre & des laines
Ces deux sortes de marchandises se consomment dans le Poitou
De Portugal
Des tabacs de Bresil & de Marignan, des huiles d olives, des cassonnades, du bois de Bresil, du bois de crabe.
La plus grande partie des tabacs s’achète par le fermier, & est distribuée dans les bureaux de la ferme ; les droits d’entrée en sont payés par les marchands qui les vendent. Il en sort quelques rôles pour le Canada par acquit à caution, du bureau de la ferme du tabac, & à part, par un passavant du bureau des fermes du roi. On envoie les huiles, une partie dans les provinces où les droits sont dûs, & l’autre partie dans le Poitou & l’Aunis. Le bois de crabe se transporte à Tours, à Orléans & à Lyon ; & les cassonades du Bresil, à Tours & à Orléans
De Hollande et des Pays du Nord
Du lin, du chanvre, des fromages, des planches, des mâts, des toiles, du bray gras, du goultran, du fil d’archal, du fil de caret, du fil d’étoupes, de l’acier, des bordilles ou poêles à frire, du poivre, de la muscade, du gérofle, de la canelle, toutes sortes d’autres drogueries & épiceries, du fil de lin, du fil de chanvre, de la mercerie, de la quincaillerie, du cuivre ouvré, du cuivre en plaque, des pots de fer &c
La plus grande partie de ces marchandises se consomme dans la Rochelle même ; le reste se disperse dans les provinces voisines, & l’on en fait payer les droits dans les lieux où ils sont dûs.
D’Angleterre, d’Irlande et d’Écosse
Des beurres, des sardines, du plomb, du bœuf salé en barils, de l’étain, des flocons de terre, des harengs blancs & sorets, de la bierre
Nota. Que le boeuf salé se décharge à l’isle de Rhé, pour n’en point payer les droits.
Il faut encore observer que les étains & les plombs d’Angleterre, ouvrés & non ouvrés, ont été mis au nombre des marchandises de contrebande, par le règlement de 1701.
Les autres marchandises d’Angleterre, Ecosse & Irlande qui viennent à la Rochelle, s’y débitent comme celles de Hollande.
A l’égard des marchandises du cru du royaume & particulièrement du pays, dont les Rochellois font commerce avec les étrangers, ou dans quelques provinces de France ; les principales sont des vins, des eaux-de-vie, des toiles, des bas de laine & de soie, des étoffes des mêmes matières, du biscuit, &c.
Leur destination est quelques vins & eaux-de-vie pour la Hollande & l’Angleterre : mais beaucoup des uns & des autres, pour la Picardie & la Normandie, qui y vont sans acquit à caution ; les bas & étoffes de soie & de laine, s’envoient la plus grande partie à Lisbonne & à Madère, & paient les droits suivant le tarif, & encore сеux de la prévôté.
... à suivre ...