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1789 - Beauvais-sur-Matha (17) : cahier de doléances de la paroisse

lundi 11 septembre 2006, par Pierre, 1721 visites.

Le cahier de doléances d’une importante paroisse, qui va même devenir d’ici peu (mais pour un temps limité) chef-lieu de canton.

Source : AD17/C263 - Cahier de doléances de Beauvais-Sur-Matha - Le texte du cahier est présenté ici dans sa version brute, sans modernisation.

La retranscription de ce document microfilmé a été réalisée par Michelle Jean-Louis et Bruno Veillon qui l’ont très aimablement mis à disposition du site Histoire Passion.

Parroisse de Beauvais sur Matha

Ressort de la senéchaussée et election de Saint Jean d’Angelly, Genérallité de La Rochelle

Cahier de plaintes doléances et remontrances dressé dans l’assemblée du tiers état de la commune de Beauvais sur Matha aujourd’hui onzième mars 1789 pour être présenté par leurs députés à l’assemblée du tiers état qui se tiendra devant M. le lieutenant général de Saint-Jean d’Angély le seize du courant.

Depuis longtemps cette paroisse gémit sous le poids des impôts en tout genres dont elle est accablée ; ils sont portés à un taux si excessif que les tailles, capitation, impositions accessoires, vingtième et sol pour livre forment au moins le quart des revenus de toutes les propriétés foncières de la paroisse. On ne peut pas croire que la taille appelée personnelle et qui dépend non de la propriété territoriale mais des autres facultés des contribuables, ait pu former un prétexte légitime à cette surcharge , parce que cette paroisse par son éloignement très considérable des villes et l’inaccessibilité de ses chemins étant privée de toutes les ressources qu’offre le commerce, n’est peuplée que de malheureux cultivateurs qui ont peine à se procurer l’absolu nécessaire .

L’une des principales causes de cette surcharge vient d’un vice inhérent à la forme admise jusqu’à ce jour pour la répartition des impôts .

Les brèves pour l’imposition des tailles capitation et impositions accessoires sont adressées de la part du ministre, au commissaire départi, celui-ci procède à leur répartition sur les différentes paroisses de la généralité, et pour cette opération, il ne consulte que ses subdélégués et les officiers des élections . Pour la forme, il est accompagné d’un officier du bureau des finances .

Les officiers des élections devraient chaque année faire des chevauchées et visiter en général les paroisses dont leur ressort est composé ; ils devraient le régler par districts ou cantons et le distribuer entre eux, de manière à ce que, par la fréquence des visites, ils puissent acquérir une connaissance exacte de l’étendue des revenus de chaque paroisse , afin de former entre elles pour la répartition des impôts une balance exacte et dictée par l’équité.

De leur côté, les subdélégués auraient dû être chargés par les intendants de faire à l’insu des officiers des élections les vérifications particulières de quelques paroisses pour s’assurer de l’exactitude des rapports des élus et former une base sûre dans la répartition des impositions.

Mais l’expérience n’apprend que trop combien les uns et les autres ont négligé leurs devoirs sur ce point essentiel et combien les élections et les paroisses les mieux à portée d’être connues par ces différents officiers sont par eux favorisées.

Le commissaire départi protège d’abord l’élection du chef-lieu de sa généralité, les élus et les subdélégués protègent les paroisses où eux, leurs parents et leurs amis ont des propriétés foncières et la décharge que ces manœuvres illicites opèrent forme une surcharge pour les paroisses qui n’ont pas le bonheur d’être à portée de l’heureuse influence du voisinage des personnes qui coopèrent avec le commissaire départi à la répartition des impôts .

Les vingtièmes ont pour base une opération aussi défectueuse. Elle est le résultat de déclarations rendues par les propriétaires à un officier connu sous le nom de contrôleur des 20è ; L’expérience prouve que cet officier choisi dans l’état commun de la société n’est pas exempt des différentes passions qui contrarient l’esprit d’impartialité, sa grande liaison avec les principaux contribuables, qui se disputent à l’envi le droit de le fêter dans ses tournées, le force par égards ou par reconnaissance à les ménager dans la taxe qui ne se fait jamais que sur son rapport, et comme les tournées et nouvelles vérifications n’ont lieu qu’à des époques très éloignées, ceux qui ont le bonheur de captiver la bienveillance du contrôleur des 20è jouissent au moins vingt ans de la diminution qu’ils se sont procurée par cette voie .

Indépendamment des surcharges que les abus en tous genres qu’on vient de relever font éprouver aux délibérants, ils s’aperçoivent que les besoins de l’état et le déficit des finances exigent de la part de tous les sujets de sa Majesté de nouveaux sacrifices pécuniaires et malgré la détresse ou les délibérants sont réduits, ils se portent volontiers à donner au meilleur des Rois cette marque de patriotisme et de leur attachement. en conséquence ils se soumettent à contribuer proportionnellement à leurs facultés territoriales à l’augmentation d’impôt consentie et accordée dans l’assemblée des états généraux qui s’ouvriront à Versailles le vingt sept avril prochain .

Mais sa Majesté est suppliée de considérer ce nouveau sacrifice de la part de ses fidèles sujets comme un effort de leur amour pour son auguste personne, et ils espèrent que comme leur père et leur protecteur il daignera veiller à ce qu’on apporte dans l’administration des finances toute l’économie et les grandes réformes dont elle est susceptible et telles qu’elles seront présentées et sollicitées par les états généraux,

Aux différentes assemblées d’états généraux tenues dans les siècles passés, le tiers état (cette classe la plus nombreuse ) dont le travail et les sueurs fournissent la subsistance aux deux autres ordres et qui à ce titre semble mériter leurs égards, a néanmoins toujours été réduit à un état de nullité accablant par la prépondérance qu’on y donnait aux deux autres ordres. Cet objet vraiment digne de la plus sérieuse attention a fixé celle de notre auguste monarque et il a cherché à remédier au mal qui en résultait en accordant au tiers état un nombre de députés ou représentants égal à celui des deux autres ordres réunis .

Mais ce ne serait encore là qu’un avantage illusoire et absolument nul si dans les questions qui se discuteront dans l’assemblée des états généraux, on comptait les voix des différents députés, par ordres et non par têtes ;

En conséquence les délibérants supplient sa Majesté de donner une nouvelle preuve de sa justice de sa bonté et de son attachement pour ses fidèles sujets du tiers état , en réglant définitivement que les voix des députés ou représentants des trois ordres dans l’assemblée des états généraux seront comptées par tête .

On a déjà dit que les tailles, impositions accessoires et capitation ont jusqu’à présent été réparties arbitrairement non seulement entre les contribuables d’une même paroisse mais encore entre les différentes paroisses d’une même élection et même entre les différentes élections d’une même province ou généralité.

Pour remédier à cet abus dont l’injustice doit frapper toutes les âmes honnêtes, il est d’absolue nécessité de changer le régime de cette partie importante de l’administration en ôtant aux commissaires départis et aux élus la répartition des impôts , et en établissant dans toutes les parties du Royaume des états provinciaux, dont les membres choisis, un quart dans l’ordre du clergé, un quart dans l’ordre de la noblesse, et moitié dans l’ordre du tiers état, seront seuls chargés de la répartition et levée des impôts .

Mais ce ne serait encore là qu’un premier pas vers le bien et on ne peut se flatter d’atteindre ce but si en même temps les ordres du clergé et de la noblesse voulaient conserver les privilèges qui jusqu’à ce jour les ont exemptés de contribuer aux charges pécuniaires de l’état. Il ne faut que les simples lumières de la raison pour comprendre que ces privilèges sont injustes et abusifs. La qualité de citoyens qui s’imprime sur leurs têtes dès l’instant de leur naissance, et qui est indépendante des distinctions que l’ordre social a rendues nécessaires, les assujetit à contribuer comme le tiers état à toutes les charges pécuniaires nécessaires au soutien de la monarchie et à la splendeur du trône. Le clergé et la noblesse doivent d’ailleurs être pleinement satisfaits des distinctions, des honneurs et des dignités auxquels leur naissance et leur rang leur donnent droit d’aspirer sans aggraver encore l’ordre le plus pauvre par l’exercice de privilèges désavoués par la raison et qui ne doivent leur origine qu’à la barbarie et à l’ignorance des siècles passés, et surtout à l’impuissance de se faire entendre à laquelle le tiers état était réduit.

Les abonnements particuliers dont jouissent quelques villes et même des provinces entières à l’aide desquels elles ne payent rien ou qu’une somme très inférieure en proportion de celles que supportent les villes et provinces non abonnées , sont encore des abus dont la réforme doit être demandée. Il en est ainsi des abonnements particuliers des vingtièmes adoptés par l’arrêt du conseil du 31 mars 1788 parce que tout abonnement, toute exception toute faveur accordée à une classe particulière de citoyens est un abus et une injustice envers la société en général. En effet la raison dit que chaque citoyen, chaque individu, doit contribuer proportionnellement à ses facultés aux charges pécuniaires de l’état, puisque les impôts ne sont dûs qu’en raison de la protection que le monarque doit à tous ces sujets en général et à chacun d’eux en particulier.

Les abonnements dont nous parlons ne pourraient être justes et légitimes qu’autant que toutes les provinces soumises à l’administration de la monarchie française jouiraient de la même faveur, et encore cesseraient-ils d’être justes s’ils n’avaient pour base une proportion relative aux propriétés territorialles et aux revenus fonciers des provinces comparées entre elles et ce n’est qu’à cette condition que les abonnements actuels pourraient subsister.

Mais avant de solliciter des abonnements pour les provinces qui jusqu’à ce moment ont été privées de cette faveur, il est important de connaître l’étendue des propriétés territoriales et des revenus fonciers dont elles sont composées, et cette connaissance ne peut s’acquérir que par les moyens qu’on va indiquer.

- 1° Il faut que les rôles des tailles et autres impositions de chaque paroisse soient précédés de déclarations exactes et détaillées des biens de chaque contribuable indistinctement qu’ils soient ecclésiastiques, nobles ou roturiers, et d’une estimation des revenus fonciers qu’ils produisent, afin que l’imposition soit proportionnée à l’étendue des propriétés et aux revenus de chacun. Ces déclarations seront reçues de gré à gré par la municipalité de chaque paroisse ou communauté dans une assemblée à laquelle chaque membre de la commune aura droit d’y assister et de contredire les déclarations qu’il connaîtra inexacte, en cas de contestation les déclarations seront vérifiées par un commissaire nommé par l’administration des états provinciaux, et après l’opération achevée, elles serviront de base non seulement à l’imposition des tailles accessoires et capitation , mais encore à celle des vingtièmes et des corvées royales, et pour éviter la multiplicité des rôles et faciliter le recouvrement des impositions, il serait plus avantageux et plus simple de les réunir dans un seul rôle ou cahier, mais par autant d’articles qu’il y a d’impôts différents

- 2° Qu’on révoque la permission accordée par la déclaration du dix sept février 1728 aux contribuables de se faire imposer dans le lieu de leur domicile pour les biens qu’ils exploitent dans d’autres paroisses de la même élection , la raison qui sollicite la révocation de ce privilège est qu’il ne peut se concilier avec la fixation proportionnelle des contributions de chaque paroisse et qu’il n’offre qu’une ressource injuste à ceux qui cherchent à alléger leur portion contributaire des impositions.

- 3° Qu’en érigeant chaque province en états provinciaux, il soit formé des arrondissements ou districts à peu près sur la division actuelle par élections, chaque district serait administré par un nombre suffisant de membres des trois états qui, sous les ordres de l’administration des états provinciaux, seraient chargés de la répartition des impôts sur les paroisses de son territoire, et qui, après la confection des cahiers des déclarations territorialles de chaque paroisse du district, en feraient la comparaison pour fixer entre elles la portion qu’elles devraient supporter des impositions de tout le district proportionnellement à l’étendue et valeur des revenus fonciers de leurs territoires respectifs.

- 4° Que la même comparaison ait lieu entre les différentes assemblées d’élection ou de district soumises au régime de la même administration d’états provinciaux, afin d’établir une juste balance entre elles pour la répartition des impôts.

- 5° Que dans toutes les provinces et généralités du royaume il soit fait pareilles opérations que celles proposées aux quatre articles précédents afin que, de provinces a provinces, on puisse faire la comparaison des propriétés et revenus fonciers dont elles sont composées, et fixer entre elles une contribution égale aux charges de l’état

- 6° Indépendamment de la taille réelle et de la taille d’exploitation qui, après le résultat des opérations qu’on vient d’indiquer, peut aisément se répartir sur des principes fixes, il existe encore une taille appelée personnelle et qui dépend non des propriétés territoriales mais de l’industrie et des autres facultés des contribuables. La fixation de celle-ci d’une manière juste et équitable, quelques modifications et quelque moyen qu’on veuille employer, est absolument impossible, puisqu’elle ne peut avoir pour base qu’une opinion plus ou moins éclairée, et qu’il est physiquement au-dessus des forces humaines qu’on acquière sur ce point la certitude sans laquelle cet impôt devient absolument arbitraire. Or il faut regarder comme contraire à l’ordre social et au bonheur public tous les impôts dont la mesure et les proportions sont arbitraires, parce-qu’ils dégénèrent bientôt en vexation, et cette raison seule suffirait pour opérer la suppression de la taille personnelle, mais puisque les besoins de l’état s’opposent pour le moment à cette suppression en attendant que les épargnes et les économies que notre auguste monarque espère des réformes dans l’administration des finances permettent la suppression de cet impôt et une diminution sur plusieurs autres déjà trop multipliés et trop considérables, au moins est-il nécessaire de dénaturer celui dont nous nous occupons maintenant, et en le conservant, il est un moyen bien simple de le rendre uniforme, c’est de le joindre à la taille réelle et de l’imposer à proportion des propriétés territoriales. De cette manière tout arbitraire disparaîtra et dès que les citoyens de toutes les classes indistinctement seront assujettis à la taille en raison de leurs propriétés et revenus fonciers, les droits de tous seront conservés et personne n’aura à se plaindre .

- 7° En sollicitant l’établissement d’états provinciaux pour toutes les provinces, il faut que, pour leur organisation, on se donne garde de tomber dans l’inconvénient que présente l’organisation des états provinciaux établis depuis peu d’années, par exemple le règlement du 12 juillet 1787 rendu pour l’administration provinciale du Poitou présente des abus dignes d’une prompte réforme ; en effet l’art. 6 du titre des assemblées municipales n’y admet que ceux qui payent dix livres et au-dessus d’imposition, l’article 11 exclut de l’administration municipale tous ceux qui payent au-dessous de 30 livres d’imposition, et l’article 4 du titre des assemblées d’élection en exclut les fondés de pouvoir des seigneurs, à moins qu’ils ne soient nobles et qu’ils possèdent 1000 livres de revenus fonciers dans l’étendue de l’élection.

Des dispositions de ce règlement qu’on vient d’analyser, il semble résulter qu’on n’espère trouver des lumières et de la probité que dans les grands propriétaires et que ces qualités estimables sont leur partage à l’exclusion du pauvre. S’il en était ainsi, les individus de cette dernière classe seraient doublement malheureux, puisque de leur infortune résulterait un espèce d’avilissement ! Cette observation suffit seule pour démontrer la nécessité de la suppression de ces trois articles du règlement ci-dessus cités.

Dans les municipalités, ainsi que dans toutes autres parties de l’administration des états provinciaux, il ne faut que des hommes d’un esprit sage, éclairé et d’une probité reconnue. Ces qualités sont les seuls titres pour y être admis, et comme elles peuvent se rencontrer dans toutes les classes de citoyens indistinctement, il est contre la raison de réserver ce choix dans une certaine classe et d’en exclure les autres, car tant que les richesses et les honneurs seront pour le petit nombre, et pour la multitude la pauvreté, l’avilissement et les charges, en un mot tant que l’opinion et la loi protègeront de toutes leur puissance une partie des citoyens sans daigner s’occuper de l’autre, il est impossible qu’il y ait de patriotisme, et tout le monde sait que le patriotisme est l’un des principaux liens de l’ordre social et le plus ferme appui des empires .

- 8° Nous avons parlé plus haut (n° 1er ) des municipalités de chaque paroisse : il convient d’expliquer ici l’idée qu’on alloue à ce mot.
La municipalité serait composée du curé et du seigneur, soit noble ou roturier ( qui en seraient perpétuellement membres ) et de trois notables pour les paroisses ou communautés de cent feux et au-dessous, de six notables pour les communautés de 200 feux et de neuf pour toutes celles au-dessus.

La municipalité serait en outre composée d’un syndic qui aurait voix à toutes les délibérations qui intéresseraient la communauté et qui présiderait en l’absence du seigneur et du curé. Enfin elle serait composée d’un greffier secrétaire, lequel serait chargé de rédiger sous la dictée du président toutes les délibérations qui seraient transcrites dans un registre relié.

La municipalité se renouvellerait dans l’espace de trois ans, c’est-à-dire que, chaque année, il sortirait un tiers des notables qui serait remplacé par un pareil nombre de nouvellement élus dans une assemblée générale à laquelle tous les membres de la commune, à quelque taux qu’ils soient imposés, aurait droit de voter ,

Le syndic serait changé tous les ans et ne pourrait être reélu que de son consentement et pas avant cinq ans de cessation d’exercice, le greffier qui serait toujours un des membres de la commune serait révocable à volonté et par le corps municipal seulement.

- 9° La police relative à l’entretien et la propreté des rues des bourgs et village de chaque paroisse, ainsi que celle pour l’entretien et propreté des chemins vicinaux conduisant de bourg à bourg et de village à village, étant un objet d’ utilité journalière, serait confiée aux municipalités des paroisses chacune dans son district. Les seigneurs haut justiciers à qui ce droit appartient devraient d’autant moins se refuser d’en faire l’abandon que, d’un côté, ils présideraient eux-mêmes les séances où ces sortes d’affaires seraient jugées, puisque la connaissance des contraventions serait portée devant la municipalité où elles s’instruiraient sommairement sur papier libre et sans frais - le syndic y exercerait dans cette partie les fonctions du ministère public, d’un autre côté les seigneurs doivent d’autant moins être jaloux de ce droit qu’il est de fait que l’exercice en est absolument négligé par leurs officiers et que d’ailleurs dans les juridictions étendues et qui ont une certaine quantité de paroisses il serait impossible que le procureur fiscal, seul chargé de ce soin, puisse surveiller toutes les branches de la police. Au surplus, si les seigneurs ne voulaient pas se prêter à ce léger sacrifice, au moins ne devraient-ils pas s’opposer à ce que la police des rues et chemins soit accordée aux municipalités en concurrence avec les officiers des seigneurs et que la connaissance en demeure dans ce cas dévolue par droit de prévention aux plus diligents. Si par là on parvenait à réveiller l’activité des officiers des seigneurs, il en résulterait un très grand bien pour le public, et sous ce point de vue il serait peut-être à désirer que la concurrence et même le droit de prévention soit accordée aux municipalités non seulement relativement à cet objet, mais même pour toutes les autres branches de la police.

Mais relativement aux chemins, il ne serait pas suffisant d’en accorder la police aux municipalités. Il faudrait qu’elles soient autorisées à faire élargir les chemins dans l’étendue de leurs territoires respectifs, c’est-à-dire tous les chemins vicinaux conduisant de bourg à bourg et de village à village, afin de leur donner dix-huit pieds de largeur entre les fossés, et, dans toute leur étendue, l’espace nécessaire pour cet élargissement serait pris d’abord sur les domaines de ceux qu’on reconnaîtrait y avoir fait des empiétations, le surplus serait pris moitié sur les domaines de chaque côté du chemin qu’on alignerait le plus qu’il serait possible, et l’on aurait soin de faire abattre tous les arbres et haies qui seraient jugés nuire à la voie publique.

- 10° Les administrations provinciales seraient chargées de la construction et de l’entretien des grandes routes, digues, ponts et chaussées de leur territoire, dont les deniers seraient imposés au marc la livre de la taille sur tous les revenus fonciers de la province. Les travaux et l’imposition seraient dirigés d’après les ordres de l’administration provinciale par l’assemblée d’élection ou de district.
L’administration provinciale veillant aux réparations, entretien et reconstruction des églises presbytères et autres édifices publics des paroisses et communautés soumises à son régime, à cet effet chaque assemblée municipale serait tenue un mois avant la tenue des états provinciaux d’adresser à l’assemblée d’élection dans le district de laquelle elle serait située, le procès-verbal par elle fait de l’état des églises, presbytères et autres édifices publics à la charge de la commune, qui serait mis sous les yeux de l’assemblée des états par l’assemblée d’élection, et celle-ci serait chargée par la première de faire procéder au bail au rabais des ouvrages. Après les affiches, le montant de l’adjudication serait reporté sur la communauté qui y aurait intérêt toujours proportionnellement aux propriétés territoriales et aux revenus de chaque contribuable.
Mais si, comme on l’a proposé plus haut, l’ordre du clergé contribue proportionnellement à ses propriétés et revenus fonciers (ce qui comprend les dîmes) aux charges pécuniaires de l’état, ainsi que cela parait juste et que l’on a lieu de l’espérer, l’équité exige qu’à l’avenir l’on ne fasse plus de distinction entre les réparations usufruitières et les grosses réparations des presbytères ni de celles de la nef d’avec celles du chœur et cancel des églises et alors toutes les réparations et entretien que ces différents objets indistinctement fourniraient formeraient une charge commune.

- 11° chaque paroisse ou communauté d’habitants sera tenue à l’entretien des chemins vicinaux de son territoire, mais dans le cas où ces chemins formeraient une communication également utile à deux ou plusieurs paroisses, quoique situés sur le territoire particulier de l’une d’elles, et que leur entretien ou les réparations dont ils auraient besoin forment un objet extraordinaire et trop conséquent pour en charger seulement la paroisse territoriale, dans ce cas la dépense en serait répartie en proportion sur les paroisses qui auraient intérêt à la réparation, cette question serait décidée par l’administration des états sur le compte que lui en rendrait l’assemblée du district.

- 12° Les offices de jurés priseurs vendeurs de meubles sont extrêmement à charge au public en ce qu’ils sont exercés par un seul titulaire qui fixe sa résidence dans le chef-lieu de la sénéchaussée, de là il résulte que lorsque son ministère est nécessaire dans les paroisses éloignées, et souvent pour des opérations de peu d’importance, les frais de transport sont plus coûteux que l’opération en elle-même. Ce serait rendre un grand service au public si sa majesté se déterminait à supprimer ces charges en remboursant l’investissement aux différents titulaires et faisant percevoir à son profit les quatre deniers pour livre des ventes mobilières qui leur sont attribués. Par ce moyen, les notaires et les huissiers, tant des villes que des campagnes, continueraient de faire les opérations attribuées privativement aux jurés priseurs comme ils le faisaient avant la délivrance de ces offices. Mais si Sa Majesté ne peut se déterminer à en ordonner la suppression il serait au moins avantageux pour le public que dans chaque sénéchaussée la réunion en soit faite aux offices de notaires et sergents et que ceux-ci remboursent de leur investissement ceux qui avaient été pourvus de ces offices. Pour ce remboursement, les notaires huissiers et sergents y contribueraient chacun au prorata du budget de leurs offices suivant l’évaluation qu’ils en ont faite en exécution de l’édit de 1771. On est persuadé que par le seul amour du bien public plutôt que par intérêt personnel, les notaires huissiers et sergent feraient le sacrifice de cette augmentation de finance dans l’espoir de voir éteindre à jamais les offices de jurés priseurs qui sont d’autant plus à charge au public que dans les inventaires ils tiennent lieu d’experts pour l’estimation du mobilier, et l’expérience prouve que le plus communément ces officiers n’ont aucune connaissance de la valeur des objets qu’ils apprécient.

- 13° Le contrôle des actes et droits qui dans l’origine semblait n’avoir été établi que pour prévenir des abus et assurer une date certaine aux actes, mais que dans le besoin de l’état, l’astuce des traiteurs à qui il a été affermé pendant longtemps a transformé en une nouvelle ressource fiscale par les différentes interprétations que les préposés ont donnée au tarif qui en fixe la perception , est devenu par là un droit extrêmement onéreux pour le peuple. Les contrats de mariages, les testaments qui sont des actes dans lesquels la qualité des parties fixe très communément le droit à percevoir, sont ceux où les commis des domaines exercent le plus leur imagination fiscale et le code du contrôle et de l’insinuation se sont tellement accrus et multipliés par les commentaires et décisions compliquées des domainistes que les contribuables ne peuvent juger avec connaissance ce qu’ils doivent payer. Les employés du domaine ne le savent eux-mêmes qu’après de longues études ! Il y a longtemps que de toutes les provinces les plaintes retentissent contre les vexations qui résultent de la perception presque arbitraire qui résulte du chaos dans lequel le code du contrôle et de l’insinuation est enveloppé, il y a longtemps qu’un ministre sage éclairé et doué de toutes les qualités nécessaires au chef des finances d’un grand royaume a senti la nécessité d’une réforme et l’utilité d’un nouveau tarif qui établisse une proportion plus juste entre les actes qui concernent les riches et ceux qui intéressent les pauvres, et où surtout toutes les distinctions entre les diverses classes et la société et la nature des actes soient plus simples et plus sensibles, de manière que chaque contribuable puisse facilement être instruit de son obligation. On ignore par quelle fatalité, ce projet de réforme qui était annoncé n’a pas eu son exécution. Mais comme les abus qui résultent de la perception actuelle rendent absolument indispensable une réforme dans l’administration de cette partie, l’assemblée des états généraux est invitée à insister sur cet objet important.

- 14° Les droits de traite et péages présentent un obstacle permanent au commerce intérieur du royaume. Il est contre la nature, contre la raison, que les sujets d’un même empire ne puissent pas faire entre eux l’échange de leurs productions territoriales ou industrielles sans que de province à province ils soient exposés a des visites en des bureaux qui entraînent des retards dont on ne sort jamais sans payer. Les droits se sont tellement accrus et multipliés qu’il est difficile de trouver une denrée ou une production industrielle qui n’y soit assujettie, de là cette multitude de bureaux de visite afin d’exiger les droits établis sur toutes les marchandises qui sortent de n’importe laquelle de ces provinces pour entrer en d’autres , de là cette légion de commis de brigades qu’il a fallu armer pour empêcher la fraude et surveiller ceux que la cupidité ou le besoin entraîne à faire ce qu’on appelle la contrebande, de la cette guerre intestine entre les commis d’une part et les fraudeurs de l’autre qui fait répandre tant de sang, remplir nos galères de forçats, enlever à l’agriculture et aux manufactures des bras forts et vigoureux, et qui au fond produit très peu à l’état, parce que les gages ou appointements des employés absorbent une grande partie des récoltes. Toutes ces raisons, et tant d’autres qui se lèvent contre une constitution aussi barbare, démontrent la nécessité de rendre la circulation intérieure dans tout le royaume absolument libre. Le commerce, l’échange des productions territoriales et industrielles, ne doit être combattu par aucun obstacle et les droits contre lesquels nous nous élevons ici sont contraires à la fraternité et à l’égalité qui doit régner entre tous citoyens d’un même empire.

- 15° Les droits d’aides présentent encore des inconvénients tels que ceux relevés au précédent article. Il est inconcevable combien les délibérants sont molestés depuis plusieurs années par les employés préposés au recouvrement de ces droits, et ils ignorent par quelle fatalité leur bourg, qui est peu considérable, a été assujetti à des droits d’inventaire pour tous les vins et boissons qu’ils recueillent chaque année, de manière qu’aussitôt la récolte finie une troupe d’employés ou commis aux aides viennent visiter leurs chais et caves et leur font payer ...!* !... sols pour chaque barrique de vin, et même jusqu’à la dernière boisson qui n’est différenciée de l’eau que par la teinte que la râpe lui donne, et il est témoins combien les employés ( qui par zèle réitèrent leurs visites) ont fait de procès à des malheureux pour avoir mouillé leur peu de râpe pour augmenter leur mince provision de boisson et qui était déjà trop chère par le transport de l’eau qu’ils sont obligés d’aller puiser à une distance éloignée de leur bourg. Et cela sous prétexte de la part des commis que ces malheureux n’avaient pas tout déclaré lors de leurs premières visites ou tournée et qu’à chaque fois ils ont été forcés de terminer avec les employés moyennant des sommes qui valaient six fois la valeur de leurs boissons pour s’éviter un procès au siège de l’élection qu’ils n’étaient pas en état de soutenir par leur peu de facultés.

Mais ce n’est pas tout. Les délibérants ne peuvent tirer aucun parti de leurs récoltes en vin parce qu’ils sont trop éloignés des villes et des rivières portant bateau de leur province. Ils sont donc obligés de le vendre en Poitou, province de laquelle ils sont limitrophes, mais à une lieue de leur domicile où est posté un bureau, on leur fait payer vingt livres par tonneau de vin pour un droit qu’on appelle traite de Charente de manière que ce droit, celui d’inventaire et les frais de transport absorbent aux trois quarts la valeur de leur vin .

Les délibérants ne peuvent dissimuler que, quelque plan, quelque parti qu’on puisse adopter, il n’en est aucun qui ait la perfection désirable et qui satisfasse parfaitement. Cependant, celui le moins susceptible d’inconvénient serait, après que toutes les provinces seront érigées en pays d’état, qu’elles fassent des abonnements proportionnés à leur population, dont le produit total équivaudrait à celui que l’état tire maintenant du produit net de ce droit. Chaque administration provinciale ferait des abonnements particuliers avec les villes et bourgs de son ressort, et les municipalités des villes et des bourgs feraient le recouvrement, chacun dans son district, du montant de leur abonnement particulier en percevant un droit sur les vins, eaux-de-vie et autres boissons consommées chez les cabaretiers et détaillants avec chacun desquels elle pourrait même faire des abonnements particuliers annuellement. Par cette réforme la foule de commis que la perception de ce droit rend nécessaire deviendrait inutile, et ceux-ci, forcés de prendre un autre état, donneraient à l’agriculture, aux manufactures et au commerce de terre et de mer des bras qui périssent dans la mollesse et l’oisiveté.
Les délibérants auraient encore une foule d’autres réformes à proposer, mais la brièveté du temps ne leur permettant pas de le rédiger par écrit, ils sont forcés de donner verbalement et sur tous ces points les instructions préliminaires à leurs députés afin que ceux-ci en rendent compte à l’assemblée du tiers état de la sénéchaussée de St-Jean D’Angély le --- !* !--- du courant et que, de concert avec les autres membres de la dite assemblée, ils s’occupent soit en commun ou par des commissaires choisis entre eux de la rédaction en un seul cahier de toutes les plaintes doléances et remontrances des gens du tiers état de la dite sénéchaussée.

Fait et asserté le dit jour onze mars 1789 dans l’assemblée générale tenue au dit Beauvais sur Matha, et lecture faite, tous les délibérants y ont persisté et ont signé à la réserve de ceux qui n’ont su le faire.

Jean NEAUD
ROBIQUET - GAROS - L POUGNIEAUD - J. DEZILLE
ANDRE - LACROIX - BAREAU - L. DURAND
CABAUD - F. DURAND - POUGNIAUD - J.B. ROBIQUET
J. NOMEN - L.PINEAU - R. CABAUD
P. DURAND - L. FAVEREAUD - J. BLANCHARD
J. CHERPANTIER - Antoinne CAILLIE - Ch GAUTREAU - DURAND
L. ROCQUET - J. MAREY - P MOYRER ??? - Jcque VIAUD
Mathurin BESSON - Abel MOREAU - F. AUDOUIN
AUDOUIN - BOURDEAU - VERDON A - R. AUDOUIN

SEBILLEAU Procureur fiscal
de la commanderie de Beauvais sur Matha

Nota = sur les photocopies, pas de trace de quantité ou de date ?
payer... !* !... sols
le --- !* !--- du courant

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