Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1789 - La Rochelle (17) - Cahier de doléances de la noblesse de la Sénéchaussée

jeudi 15 février 2007, par Pierre, 1386 visites.

Qui trop embrasse, mal étreint ...

On ne peut pas dire que la noblesse d’Aunis a recherché la concision ! Le texte est parfaitement rédigé, mais on se lasse un peu d’un exposé aussi minutieux. Les fonctionnaires royaux ont-ils résisté à l’assoupissement pendant sa lecture ?

Source : BNF - Archives parlementaires de 1787 à 1860 : recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises. Première série, 1787 à 1799. Tomes deuxième-sixième, États généraux. Cahiers des sénéchaussées et bailliages.

Photos - La Rochelle - Sculpture, cour de l’Hôtel de Ville et décoration de porte cochère - P.
Collenot 2006.

Cahier des remontrances, plaintes et doléances de l’ordre de la noblesse de la ville et gouvernement de La Rochelle, arrêté le 26 mars 1789

Du sein des malheurs de l’Etat un prince bienfaisant appelle ses sujets à travailler avec lui à la régénération de la France, et il existe pour elle un grand motif d’espérance, c’est qu’elle n’a besoin que de faire revivre sa propre constitution, pour remédier aux maux qui l’assujettissent.
Les Français sont si attachés à leur Roi, si convaincus de l’étendue des pouvoirs qu’ils lui ont confiés qu’ils ne se sont jamais permis d’élever le moindre doute sur l’autorité dont ils l’ont revêtu ; mais ils n’ont pas oublié qu’entre les pouvoirs du souverain et les droits de la nation il n’existe aucune incompatibilité, quoique ces droits, longtemps méconnus, soient imprescriptibles de leur nature et portent sur ce principe constitutif, que l’intérêt général est la première loi de toute société.
L’intérêt général s’étend sur trois objets :
- 1° La conservation de l’existence ;
- 2° La conservation de la liberté ;
- 3° La conservation des propriétés, suite naturelle et unique moyen de jouir de l’existence et de la liberté. ,
Tel est l’unique but auquel doivent atteindre les lois de tout gouvernement.
Celles qui existent parmi nous sont de trois sortes : les premières de constitution et de police, les autres fiscales et relatives à l’impôt, les dernières de simple administration, c’est-à-dire nécessaires, pour l’exécution des premières, et c’est ce qu’on appelle parmi nous le pouvoir exécutif.
Le principe fondamental de la monarchie est que les lois constitutives résultent du consentement du peuple et de l’adhésion de la volonté du Roi : [Lex fit consensu populu et constitutione regis.] Nous ne craindrons point d’invoquer ce principe. C’est celui qui a élevé te trôné, et qui, pour le bonheur des Français, assure le sceptre entre les mains de nos augustes souverains.
Il est une seconde vérité consignée dans notre contrat social et gravée dans tous les monuments de notre histoire, c’est qu’aucune loi fiscale ne peut être exécutée si elle n’a été préalablement consentie par les contribuables légalement convoqués et assemblés, et adoptée par le prince.
Les lois d’administration appartiennent au pouvoir exécutif, et nous avons remis ce pouvoir entre les mains du monarque. Ces lois ne doivent être que l’exécution des premières et l’expression de la volonté générale. Ces lois sont promulguées par le prince, et l’exécution en est confiée aux tribunaux et aux magistrats, lesquels prononcent que telle est la disposition de la loi relative à telle circonstance.
Mais pour que les magistrats soient l’organe fidèle des lois, ils ne doivent dépendre que d’elles ; n’être punis ou récompensés que par elles ; ils doivent avoir le dépôt des lois, sans pouvoir les soumettre à aucune interprétation ; ils doivent en être les dépositaires comme ils en sont les organes ; d’où il suit que, dans aucun cas, un tribunal ne doit être créé pour juger une affaire particulière, parce que l’intention du pouvoir qui en enlèverait la connaissance aux tribunaux compétents ne pourrait être que de faire prononcer suivant sa volonté et non selon les vœux de la loi.
Tels sont les véritables principes de la constitution française ; s’ils n’avaient été oubliés ou méconnus, nous n’aurions pas à gémir des maux qui nous affligent et qui ne proviennent que des atteintes portées successivement à notre constitution : pour s’en convaincre, il suffit de porter rapidement nos regards sur la nation, sur les magistrats, sur chaque citoyen, et sur le gouvernement lui-même.
Nous verrons des impôts de tout genre enlever arbitrairement nos propriétés, des privilèges exclusifs anéantir toute activité, des lettres de cachet enchaîner la liberté, sauver souvent le coupable et mettre l’innocent dans les fers, des commissions suspendre les lois et intervertir le cours de la justice ; chaque ministre renverser l’ordre établi par ses prédécesseurs, les prodigalités s’étendre, les profusions s’établir, des pensions considérables prostituées à toutes personnes, et les plus simples durement refusées à d’anciens et zélés serviteurs, les déprédateurs publiquement protégés, des administrateurs et des ministres flétris dans l’opinion publique, récompensés avec un éclat d’autant plus insultant pour la nation, qu’elle ne pourra plus rien offrir aux héros et aux sages qui auront bien mérité d’elle ; les finances du royaume réduites à l’état effrayant où elles sont aujourd’hui, enfin un déficit énorme qui ne laisse que la cruelle alternative de manquer sans pudeur aux engagements les plus sacrés, d’annuler la parole royale de nos souverains, de déshonorer la nation aux yeux de l’univers, de perdre tout crédit, ou de lutter pendant de longues années contre la plus dure des adversités, et de sacrifier la plupart de nos moyens, peut-être même une part de notre subsistance, pour combler l’affreux abîme où nous allions être précipités ; l’honneur si cher à notre nation, l’amour qu’elle a toujours porté à ses souverains, la générosité, l’exemple du monarque, cette antique et franche loyauté du bon Henri, ses sentiments qui l’animent ; le digne et vertueux ministre qui a mérité sa confiance et la nôtre, ne nous permettent pas d’hésiter sur le choix. Le moindre doute serait plus cruel et plus offensant pour nous que le mal qui nous presse.
Grâces soient rendues au souverain, qui, suivant ses paroles remarquables des arrêts de son conseil des 8 août et 5 octobre dernier, veut rétablir la nation dans l’entier exercice de tous les droits qui lui appartiennent, qui sent le prix estimable du concours des sentiments et des opinions ; qui veut y mettre sa force, y chercher son bonheur et seconder de sa puissance les efforts de tous ceux qui, dirigés par un véritable esprit de patriotisme, seront dignes d’être associés a ses vues bienfaisantes.
C’est pour répondre aux vues bienfaisantes du monarque, que l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de la ville et gouvernement de La Rochelle a arrêté et arrête ce qui suit et charge son député aux États généraux :

DEMANDES GÉNÉRALES.

- 1° De déclarer que la nation ne peut être imposée sans son consentement ; que ce consentement est absolument nécessaire et que rien ne peut le suppléer. Que les impôts et les contributions publiques ne pourront jamais être délibérés et accordés qu’après que tous les actes de législation, tous les articles de la constitution nationale auront été décidés par les États généraux et sanctionnés par le Roi.

- 2° Que le terme des impositions et contributions quelconques soit fixé à cinq ans, et que sous aucun prétexte il ne soit prorogé au delà sans une nouvelle assemblée des États généraux. Ceux-ci supplieront Sa Majesté de vouloir bien régler aussi leur périodicité, et regarder cette périodicité comme constitutionnelle.

- 3° Que les États généraux vérifient et constatent le montant de la dette publique ; une des premières occupations de l’assemblée est de consolider cette dette ; qu’ils garantissent au nom de la nation que les rentes, les intérêts et, arrérages de la dette ainsi reconnue, ainsi que les remboursements stipulés à terme fixe, seront désormais et à perpétuité acquittés ponctuellement au jour même de chaque échéance, sans que, pour aucune raison, ni dans aucune circonstance quelconque, il puisse être apporté le moindre retard aux payements.

- 4° L’ordre demande que la nation déclare nuls tous emprunts qui pourraient être faits dans la suite sans le consentement formel des États généraux.

- 5° Que les États généraux votent toutes les sommes qui seront nécessaires au Roi pour l’entretien de sa maison, pour ses dépenses particulières, pour la distribution des grâces et pensions, pour le maintien d’un grand empire et pour la splendeur du trône qu’ils fixent celles qu’il conviendra d’accorder à chaque département pour son service annuel ; que, conformément aux intentions de Sa Majesté, ils prennent les moyens les plus efficaces pour prévenir les maux que pourrait produire à l’avenir l’inconduite ou l’incapacité des ministres, qui seront responsables de leur gestion à la nation, par la publicité du tableau ou compte général et détaillé des finances, recettes et dépenses de leurs départements, à la fin de chaque année.

- 6° Que les impositions de toute nature soient supportées par tous les ordres de l’Etat : que celles qui porteront sur les biens-fonds deviennent réelles et proportionnelles et nullement personnelles.

- 7° Que la construction et l’entretien des chemins, les réparations des églises et presbytères et autres ouvrages publics et tous les travaux quelconques soient confiés exclusivement à l’administration particulière des Etats provinciaux ; que toutes les discussions contentieuses relatives à ces objets ou à la répartition des impositions, qui ne pourront être terminées par la médiation des Etats provinciaux, soient portées aux tribunaux compétents, ou sièges royaux. L’ordre déclare que son vœu est d’être gouverné par la loi, et jamais par une commission, de quelque nature qu’elle puisse être.

- 8° Les vrais citoyens ont toujours vu avec surprise, dans les comptes publics de l’administration des finances, qu’on y comprenait une somme de près de 7 millions, uniquement employée en aumônes, en secours donnés à l’indigence, en construction d’églises, etc, etc. ; ils sont persuadés que la première et véritable destination des biens ecclésiastiques est de pourvoir à ces pieuses libéralités. L’ordre demande qu’on avise aux moyens de prélever sur ces biens les sommes qui seront nécessaires pour de pareilles dépenses. Il croit qu’on y réussirait par la réduction des bénéficiera majeurs aux trois quarts, aux deux tiers ou à la moitié de leurs revenus, sur l’évaluation des baux, après la mort de ceux qui les possèdent aujourd’hui. En continuant cette réduction, ou trouverait peut-être les fonds nécessaires à l’amortissement successif de la dette du clergé dont il importe essentiellement, à l’Etat que le clergé se libère. L’ordre désire en même temps que l’on prenne les précautions les plus sages et les plus sûres pour engager et obliger les ecclésiastiques à soigner et administrer, à l’instar des bons pères de famille, les biens et domaines qu’ils possèdent ; qu’on veille strictement à l’exécution des règlements publics à ce sujet, et qu’on fasse enfin cesser cette odieuse inquisition, qui, après la mort des évêques, des abbés et des prieurs commendataires, suscite à leurs familles une foule de procès, et porte partout le désordre et la confusion.

- 9° L’ordre demande que les portions congrues des curés, et que les cures d’un modique revenu soient augmentées et portées à 1,500 livres au moins. Pourquoi les curés, ces pasteurs de droit divin, seraient-ils privés de la subsistance légitime qui leur est due ? Ils portent seuls le poids du jour et de la chaleur, c est-à-dire toutes les peines du ministère, et c’est à des bénéficiers éloignés, à des monastères riches, qui ont peu de relation avec le peuple, que le cultivateur porte les premiers fruits de son travail et de ses avances.

- 10° Que les pensions des vicaires soient fixées à 750 livres, et que la quête leur soit interdite : ce serait compromettre le saint ministère que de réduire ceux qui y coopèrent dignement à la fâcheuse nécessité de mendier leur subsistance.

- 11° Que les religieux mendiants qui sont les plus utiles et qui rendent encore de grands services, soient suffisamment rentés, et les fonds pour ce nécessaires, pris sur cette foule de monastères immensément riches, habités par trois ou quatre religieux, hors d’état, par leur petit nombre et par l’abondance dans laquelle ils vivent, de remplir les vœux de leur ordre et de leur fondation.

- 12° Que les bénéficiers simples jouissant de I.500 livres de rentes et au-dessus, sans distinction de rang et de qualité, qui ne seront point employés dans l’administration des diocèses, soient tenus de résider dans leurs bénéfices, au moins, six mois de l’année. Ils y apprendront à connaître leurs pauvres et à les secourir ; le mauvais état de leurs maisons les forcera de les reconstruire, et à l’exemple des anciens religieux qu’ils ont remplacés, encourageant les paysans par leurs soins et par de légères avances, ils feront renaître l’agriculture presque éteinte dans leurs vastes domaines.

- 13° L’ordre demande que les États généraux prennent sur l’administration et disposition des domaines du Roi et de la couronne, le parti qu’ils jugeront le plus favorable à l’accroissement des produits nationaux, l’extension de la culture, l’amélioration des revenus et la libération de la dette publique ; qu’ils fassent même, s’ils le croient utile, l’aliénation perpétuelle des biens domaniaux aux conditions et pour les destinations qui leur paraîtront les plus avantageuses.

- 14° L’ordre demande que l’on prenne les moyens les plus prompts pour la réforme du Code criminel ; qu’en attendant cette réforme utile, il soit provisoirement accordé un conseil et un défenseur à l’accusé, qui l’obtiendrait en matière civile ; que l’instruction soit publique, que tous les arrêts soient motivés ; enfin que les avantages ou inconvénients de la forme actuelle soient, démontrés par l’expérience.

- 15° L’ordre demande aussi le changement de la forme civile, surtout relativement aux directions ; que les droits onéreux de contrôle, de présentation, sceau et autres innombrables perceptions fiscales, relativement aux droits du fisc, soient modérés, vu qu’ils entraînent souvent un déni formel de justice ; il croit qu’il serait à propos que la justice fût rapprochée du justiciable par une ampliation accordée aux présidiaux, jusqu’à la somme de 6,000 livres, par les appels des jugements de la juridiction consulaire et de l’amirauté, jusqu’à cette concurrence, et par l’extension du jugement des causes sommaires jusqu’à 100 livres.

- 16° Il importe, essentiellement à l’ordre public et au maintien des propriétés que l’édit du Roi sur l’établissement des bureaux des hypothèques, soit modifié et clairement expliqué dans plusieurs articles. L’établissement de ces bureaux, .très-favorable aux acquéreurs, peut opérer, par la succession des temps, beaucoup de procès et de pertes considérables, au préjudice réel des seigneurs et autres propriétaires. L’ordre pense qu’il faudrait proroger le délai à six mois, et excepter des oppositions les arrérages des cens, rentes, devoirs de fruits dus aux seigneurs et établis par un même contrat ; les rentes foncières, droits de quint et requint, droits de lods et ventes et autres droits échus avant la vente. L’ordre propose que les acquéreurs, par leurs lettres de ratification sans opposition, ne puissent être déchargés que des rentes non payées depuis trois ans.

- 17° L’ordre demande qu’il soit statué par une loi, que tout débiteur qui fournira caution suffisante, agréée par son créancier, ou, à son refus, par le magistrat, ne puisse plus être détenu dans les prisons, et que les anciennes formes, qui gênaient à ce sujet la compatissante sensibilité du juge, soient abrogées.

- 18° L’ordre demande qu’il soit établi par les Etats généraux que tout privilège de corps, corporation ou communauté, toute attribution particulière, toute évocation contraire à la constitution nationale, seront abolis, sauf l’indemnité qui pourra être accordée à ceux dont la propriété se trouverait lésée par celte suppression.

- 19° L’ordre demande que les règlements faits en différents temps, pour prévenir, examiner, suivre, discuter et juger les faillites, soient de nouveau examinés et fondus en une loi nouvelle, claire et précise, qui puisse détruire les abus dont on a à se plaindre, en prévenir les causes et bannir les fraudes, ces pitoyables ressources de la mauvaise foi qui déshonorent et décréditent le commerce. Ces différents objets de considération, si importants pour le maintien des propriétés, fixeront les vues du Souverain et des Etats généraux, et détermineront à établir que les lettres de surséance ne pourront plus, sous aucun prétexte, être prorogées au delà d’an an.

- 20° L’ordre demande qu’il soit également statué, par une nouvelle loi, que nul citoyen ne puisse reconnaître un avantage quelconque par son contrat de mariage, sans avoir justifié des fonds ou de la propriété sur laquelle il asseoit lesdits avantages.

- 21° L’état le plus important, de la société, celui dont les membres jugent de nos biens, de notre honneur et de notre vie, exige nécessairement une étude et des connaissances préliminaires ; il importerait essentiellement qu’il ne fût, accordé aucune dispense d’étude de droit, d’âge, où autre à ceux qui s’y destinent ; qu’au contraire, on exigera d’eux une étude approfondie de la loi et un jugement cultivé par six ans au moins d’exercice dans la profession de jurisconsulte, ou par une assiduité constante au barreau.
Le terme de cette espèce de noviciat serait abrégé de moitié pour les fils de maître, et pour ceux qui, appelés dès leur naissance à la magistrature, auraient reçu une éducation analogue à cet état. Il est également à désirer qu’il ne soit plus accordé de lettres de compatibilité pour exercer des offices dans deux tribunaux différents.

- 22° L’ordre croit seconder les vues bienfaisantes du Souverain, et suivre le vœu de son cœur, en demandant l’abolition des lettres de cachet ; il désire qu’aucun Français ne puisse être arrêté par ordre du gouvernement,.qu’autant que, vingt-quatre heures après, il sera remis ès-mains des juges ordinaires, qui le jugeront suivant les lois du royaume. Il supplie Sa Majesté de choisir, dans les différents tribunaux des juges pour visiter les prisons d’Etat et renvoyer les détenus à leurs juges ordinaires.

- 23° L’ordre demande que toutes lettres et écrits de confiance soient, dans les bureaux de poste, un dépôt sacré et inviolable ; que toute inquisition tendante à porter la moindre atteinte, directe ou indirecte, à ce dépôt soit à jamais abolie ; et que les dépenses secrètes des postes soient employées à des objets utiles.
L’ordre supplie Sa Majesté d’accorder la liberté de la presse, modifiée par la sagesse des lois.

- 24° L’ordre demande qu’il n’y ait plus de charges ni offices qui donnent le privilège de la noblesse ; que les Etats généraux puissent présenter au Roi, pour être, suivant son bon plaisir, déclarés nobles ceux qui, par des services rendus dans les armées, dans les tribunaux, dans les arts, l’agriculture, le commerce, les sciences, ou par des découvertes utiles, auront bien mérité de la patrie. Les Etats provinciaux adresseront aux Etats généraux la liste des citoyens dont ils auront vérifié les droits à cette distinction ; les Etats généraux la présenteront à Sa Majesté, qu’ils supplièrent d’accorder cette grâce, qui sera d’autant plus éclatante qu’elle ne sera donnée qu’au mérite, de l’aveu du Souverain, sur la demande-de la nation. L’ordre propose que soixante ans de services effectifs, de père en fils, dans les armées en qualité d’officier, et soixante ans effectifs d’exercice dans les fonctions de la magistrature, remplis avec éclat et distinction dans les présidiaux de finance, puissent donner un titre pour prétendre à cette grâce. Les charges et offices supprimés seront remplacés sur le pied de la finance aux titulaires, qui conserveront la jouissance des privilèges qui leur avaient été accordés.

- 25° La rareté du bois se fait sentir dans presque toutes les provinces du royaume, le prix en est considérablement augmenté dans celles qui en sont les mieux pourvues, et il est excessif dans celles qui n’en ont pas. Il importe essentiellement aux Etats généraux de vivifier cette branche importante de l’agriculture. Nous ne manquons point de lois sages sur cette partie, mais l’exécution en est confiée à des tribunaux dont le défaut ordinaire est la négligence de leurs devoirs. Les propriétaires des bois aiment mieux supporter les délits énormes qui s’y commettent, que de traduire les délinquants devant ces tribunaux, où les frais qu’ils occasionnent ne peuvent se calculer... — L’ordre propose aux Etats généraux de supprimer les tribunaux des eaux et forêts et d’y suppléer, par l’attribution, aux justices seigneuriales, des délits commis sur les faits des bois, chasse et pèche, dans l’étendue de leur ressort, et par l’appel aux justices royales dont elles relèvent. L’aménagement, l’amélioration et conservation des bois seraient sous l’inspection immédiate des États provinciaux. — Le pays d’Aunis étant la province du royaume où le besoin du bois se fasse le plus sentir, vu la nécessité de convertir ses vins en eaux-de-vie, il est à désirer qu’on s’y occupe sérieusement du ,rétablissement du peu de bois qui reste encore dans cette province ; il faudrait engager, encourager les propriétaires à cultiver des semis et plantations dans plusieurs paroisses, qui ont une quantité de terres incultes où le bois réussirait, en appropriant à la nature du sol l’espèce qui y serait la plus propre. Il serait juste d’exempter de tout impôt, pendant quelques années, les terres employées à cette culture. Celui qu’elles supporteraient dans vingt ans, et la diminution survenue dans le prix du bois, indemniseraient la province du déficit momentané résultant de cette exemption.

- 26° L’ordre demande la suppression de l’administration actuelle des haras, et qu’elle soit remplacée par celle que les États provinciaux jugeront la plus convenable dans leur district. Il demande aussi que les États provinciaux soient chargés de l’administration des postes aux chevaux. Les sommes que le gouvernement donne aux maîtres de postes, sous prétexte d’indemnité, sont un objet considérable de dépense, et les exemptions d’impôt qu’on leur accorde, une surcharge pour le peuple. Les États provinciaux surveilleraient de plus près cette partie ; ils n’accorderaient que le nécessaire, pour soutenir ces établissements utiles, et les voyageurs seraient infailliblement mieux servis.

- 27° L’ordre est intimement convaincu que les États généraux ne pourront pas tout faire dans leur première assemblée, quelle qu’en soit la durée. Le plus dangereux des abus serait de vouloir remédier dans le même temps à tous ceux dont on se plaint. Le bon choix des choses à exécuter sur-le-champ, de celles qu’il faudra seulement préparer, sera le trait le plus frappant de la sagesse que la nation attend d’une si auguste assemblée.
L’ordre désire que les États généraux veuillent bien recevoir leur vœu sur les abus dont ils croiront devoir différer la réforme ; qu’ils déposent, pour ainsi dire, leurs pensées dans le sein des États provinciaux ; qu’ils les chargent de méditer leurs idées, de développer les projets, d’avancer les travaux et de consulter l’opinion publique.

DEMANDES RELATIVES AUX LOIS DE FISCALITÉ

- 1° L’ordre demande que les États généraux fixent la somme générale des impositions qui sera répartie par les États provinciaux ; que cette somme ne puisse être augmentée, soit par des impositions nouvelles, soit en changeant la forme de la perception, jusqu’aux prochains États généraux.

- 2° Que les droits d’aides soient supprimés, et convertis en un autre droit, représentatif, tel qu’il conviendra à la sagesse et à la prudence des États généraux, afin de sauver les frais d’une perception ruineuse, et d’échapper, au régime d’une administration encore-plus intolérable que le droit lui-même,....Que les droits des traites et des fermes soient .convertis en un droit d’entrée et de sortie, et les barrières portées aux frontières du royaume.

- 3° L’ordre demande à connaître la somme effective que la province verse dans les coffres du Roi, pour les droits et impositions de toute nature, afin que les États particuliers du pays avisent aux moyens de lever ladite somme, ou telle autre arrêtée par les États généraux, de la manière la moins onéreuse et la plus analogue aux facultés des contribuables.

DEMANDES PARTICULIÈRES

- 1° L’ordre demande des États particuliers pour le pays d’Aunis, indépendants de toute autre province.

- 2° L’ordre demande que le nombre de ses représentants aux États généraux soit désormais en raison double de celui du clergé, que les députés des trois ordres soient, à l’avenir, dans la proportion suivante : le clergé, un ; la noblesse, deux, le tiers-état, trois. Il demande que cette proportion soit exactement suivie dans la formation des États de la province.

- 3° L’ordre demande que le gouvernement rembourse aux habitants de cette province les sommes qu’ils ont payées pour les réparations et constructions du palais et des prisons de cette ville, ou qu’il leur en soit tenu compte sur les impositions qu’ils auront à payer. Ces sommes ont été perçues sur deux simples arrêts du conseil du Roi des 15 janvier et 16 octobre 1784, qui avaient ordonné une imposition de 145,350 livres, payable en deux années par tous les justiciables possédant fonds dans l’étendue du ressort du présidial et autres juridictions royales de la ville de la Rochelle, exempts ou non exempts, privilégiés ou non privilégiés sans aucune exception. Les réclamations générales qu’excitèrent ces deux arrêts, l’injustice évidente de l’impôt qu’ils établissaient, déterminèrent Sa Majesté à les révoquer par un arrêt de son conseil, du 25 janvier 1786, et à imputer dans les charges du domaine la somme de 129,314 livres, qui, avec celle de 16,036 livres payée à compte, en vertu des deux arrêts précédents, formait le total de 145,350 livres : il serait de la dernière injustice que ceux qui ont obtempéré aux deux arrêts de 1784 fussent les victimes de leur zèle et de leur obéissance, et qu’ils fussent privés du bienfait que la bonté du Souverain a étendu sur leurs concitoyens.
4° L’ordre demande la suppression des arrêts du conseil du 24 août 1788, portant établissement d’un emprunt de 600,000 livres, et une augmentation des droits d’octroi pour la ville de Rochefort aux fins de pourvoir a la reconstruction du pavé et autres dépenses.
Cet arrêt, évidemment surpris à la religion de Sa Majesté, ruinerait infailliblement tous les habitants de cette ville. Le sursis qu’on a obtenu à l’exécution de ces arrêts a prouvé la nécessité de leur suppression.

- 5° L’ordre supplie Sa Majesté et les États généraux de prendre en considération le besoin extrême où sont les habitants de Rochefort d’une église paroissiale, et l’impuissance réelle où ils sont d’en faire les frais. Louis XIV s’en était occupé dès la fondation et l’établissement de cette ville. Il y avait même destiné l’abbaye de Saint Jean d’Angély ; sa mort et les dépenses énormes dans lesquelles l’Etat s’est trouvé engagé depuis, n’ont pas permis de remplir ses intentions. Il est réservé à la sagesse, à la piété et à la religion de notre auguste souverain de pourvoir à un établissement aussi utile et aussi nécessaire.

6° L’ordre se croit obligé de représenter au Roi et aux États généraux l’énormité des charges que la province supporte pour le loyer, l’entretien et l’ameublement de l’hôtel destiné au gouverneur et commandant en chef, pour les différents objets de fourniture dont la ville est tenue pendant leur séjour, pour leurs compagnies de gardes et celles du commandant en second, pour le payement en argent du logement de cet officier général, des généraux divisionnaires, des officiers supérieurs et autres des régiments, de l’artillerie, du génie, de l’état-major de l’armée, des commissaires des guerres, du gouverneur particulier de la ville, du lieutenant général de la province, n’y résidant jamais, du médecin des hôpitaux, etc., etc. Le nombre des officiers employés augmente depuis quelques années, les nouveaux changements ordonnés dans les casernes, l’augmentation dans la fourniture des lits militaires, les sommes exigées pour la construction d’un arsenal ont nécessité et nécessitent tous les jours une augmentation considérable dans les octrois de cette ville, qui sont déjà excessifs. L’ordre de la noblesse supplie Sa Majesté de réduire le nombre de ses Officiers généraux et autres employés dans cette province, autant que le bien de son service et les vues de l’ordre public pourront le permettre. L’ordre de la noblesse, s’il lui est permis de s’expliquer librement, osera proposer que le traitement accordé a des places qu’on ne voit jamais remplies par la résidence, soit destiné a maintenir l’activité de ceux qui résident, et que l’armée morte entretienne en partie l’armée vivante.

- 7° L’ordre de la noblesse, frappé des dispositions et de l’effet de quelques articles des dernières ordonnances de la constitution militaire, croit devoir représenter à Sa Majesté combien il est nuisible a son service, à celui de la patrie, et affligeant pour une portion de ses sujets, de voir borner d’une manière humiliante, l’avancement d’une classe d’excellents officiers, connue sous la dénomination d’officiers de fortune ; ce qui, en portant le dégoût, le découragement et l’apathie dans la classe la plus nombreuse du militaire français, ne peut qu’avoir les suites les plus funestes.

- 8° L’ordre n’est pas moins affligé de voir la différence marquée que les mêmes ordonnances établissent entre les gens de la cour, ou présentés, et la noblesse qui habite la province, le grade de major en second affecté d’une manière positive à la portion des gens à crédit qui, sans avoir encore mérité, obtiennent les régiments et réduisent dans le fait le reste de la noblesse de la nation à la perspective du grade de lieutenant-colonel, tout espoir au delà de ce grade devenant illusoire, ce qui dégoûte un grand nombre d’anciens officiers, aussi précieux par leurs connaissances que par leurs exemples, occasionne une mutation effrayante dans les troupes, prive les régiments de la classe la plus intéressante de leurs chefs, au moment où ils commencent ou pourraient continuer à leur rendre les plus grands services, et répand un découragement général parmi tous les officiers qui n’envisagent que les bornes d’une carrière aussi limitée à parcourir. L’esprit militaire, ne pouvant être soutenu que par la gloire et l’ambition, doit nécessairement se perdre ; lorsqu’on afflige l’un par des distinctions humiliantes et qu’on borne l’autre à un grade très-subordonné.
Il est de l’essence du militaire de ne pas envisager de terme à son avancement, pour n’en pas mettre à son courage et aux actions les plus grandes et les plus périlleuses. La noblesse des provinces, qui, par un défaut de fortune, par des principes de sagesse et par l’éloignement du luxe, a conservé des mœurs antiques comme sa naissance, s’est tenue dans ses châteaux, a fait fleurir l’agriculture, n’a pas ruiné ses créanciers, a secouru et protégé ses vassaux, et a servi avec distinction dans les armées. A-t-elle moins mérité de sa personne que la noblesse de cour, qui, à elle seule, absorbe depuis longtemps une grande partie des fonds de la guerre ?

- 9° Que Sa Majesté soit aussi suppliée d’ordonner une forme de constitution militaire aussi sage qu’éclairée et qui puisse être permanente, à l’avenir : les changements perpétuels sont ruineux à l’État, découragent les troupes et ne forment jamais qu’une milice nouvelle.

- 10° La noblesse s’en rapporte aux vues bienfaisantes du Roi pour le choix des officiers des différents grades et armes, qui, joignant une grande instruction de détail a un dévouement patriotique, peuvent seuls opérer une heureuse révolution dans la composition et l’esprit de notre armée et détruire une infinité d’abus trop longs à décrire dans les bornes de nos demandes, tels que le trop grand nombre de généraux et ce qu’ils coûtent, l’arbitraire des inspecteurs et des colonels, la composition presque exclusive de ces derniers, les infractions perpétuelles aux ordonnances, l’insuffisance de la solde du soldat, les punitions peu analogues à notre génie national, a très-grande mutation des hommes dans les régiments, surtout dans les troupes à cheval, la composition de cette dernière arme qui, par le caractère de notre nation, devrait être la première de l’Europe, et qui n’est pas ce qu’elle était sous Louis XIV et sous Louis XV, la composition des capitaines de cavalerie et de dragons, la multiplicité des commissions qui ôtent tout espoir aux officiers subalternes, etc., etc., etc. Le vœu du souverain et celui de la nation sera sans doute de régénérer enfin et de mettre sur le pied le plus solide et le plus imposant une armée de laquelle dépend la sûreté, la prospérité et la gloire de la patrie.

- 11° La noblesse a reconnu les vues bienfaisantes du Roi dans l’établissement du conseil de la guerre, mais elle représente que ce conseil, loin de servir d’échelon à la fortune de chacun de ses membres, ne devrait être composé que de maréchaux de France et d’anciens lieutenants généraux qui n’ont plus rien à demander ; que le rapporteur devrait toujours être un homme de robe sans voix délibérative, et qui, y arrivant sans esprit de système, n’aurait d’autre emploi que de présenter au conseil les projets qui lui auraient été remis et de rédiger les arrêtés du conseil.

- 12° L’ordre de la noblesse croit devoir aussi supplier Sa Majesté d’accorder, à l’avenir, une décoration militaire à ceux des officiers français non catholiques de ses armées, qui auront mérité cette grâce par l’ancienneté de leurs services, ou par des actions distinguées à la guerre. Il est de la grandeur et de la justice du meilleur des rois de faire cesser des distinctions qui ne tendent qu’à perpétuer un esprit d’éloignement entre des sujets qui, après des temps malheureux, sont parvenus à l’heureuse époque où ils doivent vivre ensemble comme une seule et même famille. Il est de sa générosité de récompenser une portion d’officiers, dont les ancêtres ont peut-être beaucoup contribué à faire reconnaître les droits de la branche auguste du monarque qui nous gouverne, qui ont servi la plupart avec gloire et fidélité, et qui n’ont que mieux mérité de la patrie par une délicatesse de principes, sûr garant de la manière dont ils ont rempli leurs devoirs.
La France peut se rappeler que la différence des opinions religieuses n’a pas mis d’obstacles aux talents et au patriotisme ; qu’une religion étrangère lui a fourni plusieurs hommes célèbres, depuis le grand Sully jusqu’à l’époque d’un ministre qui, par ses lumières, ses vertus et son courage, seconde avec un éclat au-dessus de nos éloges les vues bienfaisantes et paternelles d’un second Henri.

- 13° L’ordre de la noblesse ose espérer que les mêmes motifs qui ont déterminé Sa Majesté à fixer, par l’article 16 du règlement pour l’exécution des lettres de convocation, le rang des nobles ayant la noblesse acquise et transmissible, la détermineront à leur accorder l’entrée à son service, et qu’ils ne seront plus exclus de l’honneur qu’ils sollicitent d’être utiles à la patrie et de sacrifier leur sang comme leur fortune pour sa défense, et celle du souverain.

- 14° L’ordre supplie également Sa Majesté de ne point accumuler ses grâces sur les mêmes sujets et en réunit plusieurs qui suffiraient pour récompenser plusieurs lieutenants généraux des armées ; en les divisant, Sa Majesté étendra ses faveurs sur un plus grand nombre et diminuera la masse des pensions qu’elle avait été forcée de créer pour suppléer au défaut de places à donner qu’avec regret qu’il éprouve depuis quelques années. Ces variations prouvent assez le peu d’ordre, de, suite et de réflexion qui existèrent dans les motifs qui déterminèrent la conduite du ministre qui, le premier, a osé renverser son ancienne constitution, et qui se sont maintenus dans celle de ses imitateurs ; il a vu avec surprise que, dans ce département, on y avait tellement mis à l’écart les principes de toute constitution militaire, que les grades et les décorations y sont accordés à des gens qui par état, n’ont aucune fonction militaire à remplir ; que l’avancement des officiers y était, entièrement livré à l’arbitraire d’un ministre, que de fréquents exemples prouvaient que les ministres regardaient les droits acquis par des services antérieurs au temps de leur administration comme prescrits, quels qu’ils fussent, même en temps de guerre ; qu’ils n’avaient aucun égard pour des talents véritablement reconnus ; et que l’opinion particulière, l’estime générale du corps, vrais titres qui paraissent donner des droits aux grâces et à l’avancement, éloignaient celui qui en était revêtu de la faveur et de l’opinion ministérielle. L’établissement du conseil de marine devrait, sans doute, faire espérer la réforme de tous les abus et de tous les vices de l’administration de ce département ; mais la constitution de ce conseil, vicieuse par elle-même, donne tout lieu de craindre que la France ne retire pas de cet établissement les avantager qu’elle pouvait et devait s’en promettre.

à suivre ...

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