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1789 - Saint-Front (16) : cahier de doléances de la paroisse

mercredi 18 février 2009, par Pierre, 711 visites.

Un cahier très revendicatif, original, où les habitants ne mâchent pas leurs motifs de mécontentement. Grands maux et grands mots

Saint-Front, aujourd’hui commune du canton de Mansle ; en 1789, sénéchaussée, élection et diocèse d’Angoulême, duché-pairie de la Rochefoucauld. (P. Boissonnade, Essai sur la géographie historique de l’Angoumois, p. 105-148.) — Sur sa situation économique, voir un rapport de subdélégué (1763). [Arch. dép. Charente, C 30.]

Taxée en 1789 à 2,215 livres de taille, 1,180 livres d’accessoires, 1,230 livres de capitation, 1,474 livres de vingtièmes.

Source : Cahiers de doléances de la Sénéchaussée d’Angoulême et du siège royal de Cognac pour les États généraux de 1789 - P. Boissonnade - Paris - 1907

 Procès-verbal d’assemblée de la paroisse de Saint-Front.

(Orig. ms., 2 p., in-folio. Arch. mun. Angoulême, AA 21)

Réunion le 10 mars, au devant de la porte et principale entrée de l’église paroissiale. Président : Jean Quillard-Lagrange, procureur fiscal de la châtellenie d’Aunac, dans laquelle la paroisse de Saint-Front est située, « pour l’absence du juge sénéchal ordinaire de la châtellenie ». Comparants : Gille-Guillaume Albert. Jean Saunier, sr de Châtelut ; Louis Rousseau, Jean Quillard, officiers municipaux et syndic de la paroisse ; Jean Gautier, Joseph Foucaud, François Félix, Jacques Fromentin, Jacques Tardat, Pierre Boulet, Antoine Viollet, Pierre Ganty, François Chapaignat, Pierre Boullet, François Coirad, Pierre Bertonneaud, François Gautier, Jean Arnaud. François Suraud, Mathieu Perducat, Marie Quillard, Jean Guionet, Magdelaine Suraud, Catherine Tison. Jacques Ménard, Antoine Foucaud, Pierre Guionnet, Léonard Epardaud « et plusieurs autres habitants ».

La ville, bourg, village et communauté compte 146 feux. 2 députés : Gille-Guillaume Albert et Jean Saunier. 7 signatures ; les autres comparants ne savent signer.

 Cahier de doléances de la paroisse de Saint-Front.

(Orig. ms., 4 p., in-folio. Arch. mun. Angouléme, AA 21.)

Le cahier, rédigé en forme de procès-verbal, contenant la date, le nom du président, le lieu de l’assemblée, la mention de la comparution des habitants et de la publication des pièces relatives à la comparution, l’indication des noms et des pouvoirs des députés, se poursuit par l’énoncé des doléances.

Les habitants ne sont accablés d’impôts que parce qu’ils se trouvent placés dans une province où l’autorité des intendants a ci-devant établi le système injuste et meurtrier de la taille tariffée, où la Noblesse et le Clergé, sous prétexte de différents privilèges, le plus souvent même usurpés, possèdent les plus grands biens sans presque rien payer, pendant que le malheureux cultivateur, réduit à la plus médiocre fortune, paye presque tout, et encore parce que les ministres et leurs agents, tant dans l’administration que dans la finance, sans aucun respect pour eux-mêmes ni pour les sujets du Roi, sans égard aux lois du royaume qui veulent que les Français ne puissent être taxés que de leur consentement, ont insensiblement écarté et renversé tous les obstacles et augmenté jusqu’à l’excès, par l’effet de leur seule volonté, la charge du peuple, dont ils ont dissipé le produit ; que pour s’assurer à l’avenir la jouissance de leurs biens, ils veulent et entendent :

- Art. 1er. Qu’aucune partie de leurs propriétés ne puisse leur être enlevée par des impôts, s’ils n’ont été préalablement consentis par les États généraux du royaume composés, ainsi que le veulent la raison et la loi, des députés librement élus par tous les cantons, sans aucune exception, et chargés de leurs pouvoirs ;

- Art. 2. Que, suivant les intentions du Roi manifestées dans le résultat de son Conseil du 27 décembre 1788, les ministres soient à l’avenir responsables de l’emploi de toutes les sommes levées sur le peuple ;

- Art. 3. Qu’attendu que les impôts non consentis n’ont été payés jusqu’ici que par la crainte des emprisonnements arbitraires ou de quelques coups d’autorité qui ont arrêté toutes les réclamations, lesdits habitants veulent et entendent que personne ne puisse être arrêté ni emprisonné, pour aucun motif, qu’en vertu des lois du royaume.
Seront tenus lesdits députés de faire insérer la déclaration des volontés desdits habitants dans le cahier du bailliage d’Angoulême, et chargent spécialement lesdits habitants ceux qui seront élus par l’assemblée dudit bailliage d’Angoulême de la faire valoir aux États généraux, et de ne consentir à la levée ou prorogation d’aucun subside, avant que ladite déclaration ait été adoptée par eux et solennellement proclamée

- Art. 4. Leur donnent néanmoins pouvoir de représenter que le vœu de la présente paroisse serait aussi que l’on supprime plusieurs impôts, tels que les aides et autres de même espèce, parce que les régies étant exercées par des employés dont l’intégrité est très souvent suspecte, la fortune des citoyens se trouve tous les jours exposée à la merci de leur mauvaise foi ; qu’ils forment tous les jours sans aucune cause des procès à plusieurs victimes de leur cupidité, afin d’en retirer des amendes exorbitantes, de faire leur cour à leurs supérieurs par de semblables preuves de leur zèle pour le bien de la ferme et se procurer leur avancement dans l’emploi. Ces sortes de sangsues publiques sont d’autant plus dangereuses dans l’État, qu’ayant foi en justice, ils deviennent juges et parties dans leur propre cause et par conséquent des arbitres de la fortune du citoyen ;

- Art. 5. Que de semblables impôts mettent les plus dures entraves à la liberté du commerce, font de la Nation française, qui devrait être un peuple libre, un peuple d’esclaves, et ôtent à la majeure partie des individus du royaume les moyens qu’ils auraient de faire valoir leurs industries, qui sont pour un très grand nombre les seules ressources qui leur restent pour subsister, ainsi que les malheureux exposants vont le prouver.

- Art. 6. Et pour cet effet :

Ils observent que leur paroisse est, de toutes celles de la généralité, la plus chargée d’impositions ; qu’ils payent au Roi plus qu’ils ne retirent de ressources de leurs biens ; que tandis que les paroisses circonvoisines payent 5 et 9 sols par livre de l’estimation de leurs revenus, ils en payent, dans cette paroisse, jusqu’à 16 s. 6 d., ainsi qu’ils comptent par des bordereaux et les états que tiennent MM. les commissaires aux tailles : que les vingtièmes et autres impositions absorbent le reste ; qu’une grande partie de leurs domaines ne sont pas moins chargés de rentes et agriers que de tailles, non compris les dîmes ; que, chargés de tant de redevances, ils ont cependant passé trois ans sans percevoir presque de récolte, ce qui les a réduits dans la plus grande misère ;

- Art. 7. Qu’en 1786, ne leur restant plus rien pour subsister et après avoir vendu tout leur mobilier, ils ont été forcés de parcourir dans les provinces voisines pour y chercher le plus nécessaire à la vie, et que ce qui leur restait de meubles leur a été enlevé par les collecteurs, ainsi qu’ils comptent par 7 à 8 rapports d’exécution que lesdits collecteurs ont fait faire pour se procurer de l’argent ; ce qui n’a pas empêché que les uns n’aient été emprisonnés et que les autres n’aient vendu leurs domaines pour sortir de la recette.

- Art. 8. D’après ce qui vient d’être observé, il s’ensuit que ladite paroisse est réduite à un si grand excès de pauvreté qu’il sera à jamais impossible à un grand nombre d’habitants de s’en retirer, parce que une grande partie, après avoir vendu leurs bœufs, sont obligés de cultiver leurs terres à force de bras et de les laisser presque toutes incultes ; si, parfois, ils peuvent trouver à en faire ensemencer quelques pièces par des bœufs, c’est aux conditions de donner le tiers du produit aux laboureurs ; s’ils en empruntent la semence, ils ne perçoivent plus que le tiers du revenu de leurs terres, sur lequel tiers il leur faut payer les.rentes qui font plus que de l’absorber, et il leur reste encore à en payer au Roi le produit en entier, soit en tailles ou en dîmes.

- Art. 9. Que s’il leur était permis de rechercher la cause de tant de maux, ils croiraient la trouver :

  • 1° Dans la quantité, de seigneurs qui possèdent dans cette paroisse des fiefs d’une très vaste étendue et qui sont au nombre de quatre principaux ;
  • 2° Dans les rentes excessives qu’une grande partie des habitants payent à leur seigneur ;
  • 3° Dans l’abonnement qui a été fait de leur paroisse où on a forcé les possessions des habitants, en leur attribuant une plus grande quantité de domaines qu’ils n’en possédaient, en exagérant la qualité de la terre et la déclarant meilleure qu’elle n’était, en exagérant de même son produit et la supposant donner le double de récolte qu’elle ne produit en effet, car cette paroisse est un pays de groies et fort pierreux en grande partie, abondant en collines, où les eaux entraînant les sels de la terre, en laissant les autres sèches, arides et même brûlantes, où les fruits ne peuvent venir en maturité que dans les années les plus tempérées ; il est vrai qu’il y a quelques bons prés, et c’est ce qui cause l’oppression du peuple, parce qu’ils en payent la taille et que les seigneurs en jouissent. C’est à tout quoi MM. les abonneurs et arpenteurs auraient dû faire la plus scrupuleuse attention en opérant l’abonnement, et à laquelle il paraît qu’ils n’en ont fait aucune, parce qu’elle n’avait rien de commun à leur intérêt ; qu’étant payés par journaux, il leur importait de faire voir beaucoup de travail pour recevoir beaucoup de rétribution, dont s’ensuivait peu d’exactitude dans la fixation du terrain de chaque particulier, qu’ils déclaraient contenir plus que moins. Ils en apportaient encore moins dans la qualification, car pour en décider, ils montaient sur quelques tertres ou éminences, dont ils jugeaient d’un coup d’œil de la qualité de plusieurs milliers de journaux de pays, tandis qu’il y a tant de terres dont la qualité et la nature changent à chaque pas, ce qui,ne peut être connu que par la culture de plusieurs années ;
  • 4° De ce qu’il a échappé à MM. les abonneurs qu’une terre, de quelque excellente qualité qu’on la suppose, perd de sa valeur et de son produit à proportion de la rente dont elle est chargée : qu’un journal de terre, par exemple, qui est estimé du revenu de tu sols, | ne] doit être proposé à la taille que pour 14 sols, s’il paye 7 sols de rente au seigneur.

- Art. 10. Que Sa Majesté veuille bien s’interdire la liberté de ne porter aucunes nouvelles lois qui portent établissement d’impôts, sans le concours et le sentiment unanime de la Nation en général ;

- Art. 11. Que l’on ne puisse jamais dans aucun cas attaquer la liberté française ; qu’à cet effet toutes lettres de petit cachet soient à jamais proscrites ;

- Art. 12. Qu’il serait intéressant de réunir tous les impôts, tels que tailles, capitation, impositions, accessoires, dixièmes, vingtièmes, corvées et autres impôts, sous une même dénomination quelconque, pour ne plus former qu’une seule imposition ;

- Art. 13. Qu’il serait à propos de s’occuper des abus qui régnent dans l’administration des grandes routes, sur lesquels il est très facile d’avoir les plus grands éclaircissements.

- Art. 14. Lesdits habitants chargent de plus les députés de requérir et demander des Etats provinciaux pour la province d’Angoumois, vu le mal qui résulterait d’être joint à d’autres provinces.

Au surplus, lesdits habitants donnent pouvoir auxdits sieurs députés par eux cejourd’hui nommés de proposer, remontrer et aviser et consentir tout ce qu’ils croiront à propos ; A cet effet, leur avons remis le présent cahier, en outre déposé une double minute à leur greffe.

Fait et arrêté au lieu ordinaire d’assemblée, les jour, mois et an que dessus.

7 signatures comme au procès-verbal d’assemblée,

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