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Enfants trouvés, colonisation et utopie

Étude d’un comportement social au XIXe siècle

lundi 18 avril 2016, par Pierre, 1106 visites.

Cet article de la Revue historique, publié par Yves Turin en 1970, est au cœur de notre sujet : les enfants abandonnés de Charente-Inférieure et la colonisation de l’Algérie.
Nous le publions intégralement.
Il fait apparaître en particulier que les enfants de la Vallade (Rétaud 17) et de Ronce-les-Bains (La Tremblade 17) envoyés à Medjez-Amar constitueraient un cas presque unique dans l’histoire de la colonisation de l’Algérie.
Les mêmes causes ayant produit les mêmes effets, l’incapacité de Jean de Luc et de l’abbé Landmann a gérer leur établissement algérien a fait tourner l’utopie apparemment généreuse en débâcle et en maltraitance.

Sujet marginal, à propos d’êtres vivant aux frontières d’une société dont ils sont, par hasard les bavures. Anecdote d’un monde occupé à de grands projets, qui laisserait soupçonner chez l’historien qui s’y intéresse un penchant pour l’histoire anecdotique. On pourrait croire, en effet, que les occasions de s’émouvoir ou de s’apitoyer colorent essentiellement pareille matière. Une page ajoutée aux deux volumes de Sans famille.

La première réponse, celle qui vient des sources, surprend, mais elle est significative le visage des enfants n’apparaît presque jamais dans les textes. Pas un récit personnel, aucun drame humain commenté, l’intérêt des adultes pour ces déshérités commence au moment où la société se trouve encombrée par des êtres dont la place n’est pas prévue. Ceux-ci vivaient jusque-là à l’intérieur du champ clos de la charité, pour finir souvent, dans le monde non moins séparé des prisons. La société les avait peu connus lorsqu’ils la quittaient. Elle n’avait guère été pour eux qu’un ensemble d’interdits. Pour adoucir ces contacts sévères, quelques interventions privées. « Cet essai, commencé il y a treize ans sur les orphelins de l’Algérie même, n’avait pour objet, d’abord, que d’enlever au vagabondage les enfants que les circonstances diverses laissaient sans parents, abandonnés à la charité publique. C’était une institution de charité, vivant de la charité ». Un effort individuel, adapté à des cas particuliers, pour résoudre des difficultés passagères. L’abbé Brumauld commente, aussi, pour l’empereur, en 1855, le sens initial de son oeuvre [1].

Limitée à cette intention, l’étude d’un mouvement charitable n’est pas sans intérêt. Mais, pendant le second tiers du xixe siècle, par suite d’un ensemble de circonstances intérieures et extérieures à la France, l’intention se transforme, momentanément tout au moins, en un vaste projet d’aménagement national, qui résoudrait à la fois le sort des surplus sociaux en France, et celui de la présence métropolitaine sur des terres nouvelles. Solution miracle, s’il en fût, à deux difficultés obsédantes et ceci à une époque où les écrits des réformateurs politiques multiplient les images de sociétés idéales protégées des erreurs anciennes par l’éloignement et les bienfaits d’un recrutement sans racine historique.

Mémoires, projets, rapports se multiplient expédiés aux Chambres, au souverain, offerts à l’opinion publique. Après le roi, l’empereur lui-même s’intéresse à la question devenue désormais affaire publique. Mais tous restent aussi indifférents au sort individuel d’êtres nés sans espérance humaine. De la charité justifiant elle-même sa propre démarche on est passé à d’autres mobiles d’actions, de l’aide à quelque individus malchanceux au soin et à la protection de l’ordre social.

Sujet mineur en soi, par le nombre restreint des êtres concernés. Mais la façon dont la société en traite, éclaire d’un jour cru un comportement où se superpose, comme dans les techniques, des âges historiques divers. M. Foucault a étudié la manière dont la communauté réagit à l’égard du fou, appréhendé comme incapable de s’adapter aux lois du groupe de même, les tentatives de réponse à l’interrogation posée à cette communauté par des êtres qui, dès leur naissance en sont exclus, révèlent, dans ce cas précis, la manière d’être d’un monde qui n’a pas dépouillé, en tout, un comportement médiéval.

Quel est le contexte historique et quels sont les épisodes de ces manifestations, demeurées limitées, mais pleines d’intérêt ?
« Après les événements de 1848, où Dieu a montré d’une, manière si inespérée, la protection qu’il accorde à la France, la pensée des économistes se tourna vers la recherche des causes qui rendraient les révolutions si faciles et ils constatèrent, sans peine, que les enfants trouvés prêtaient un recrutement continuel aux émeutes, comme aux prisons et aux bagnes enfin, qu’après avoir été dans leur enfance à la charge des communes et des départements, ces enfants se retrouvaient encore, plus tard, à la charge de l’État et continuaient à prélever sur le service de répression, les secours qu’ils avaient d’abord reçus de l’assistance publique. » Le fondateur de l’orphelinat de Ben Aknoun, l’abbé Brumauld cherche, par cette réflexion
1. A. N., F 80. 1639. Rapport à l’Empereur, 1855. Abbé Brumauld.

un peu synthétique, à grandir un projet pour lequel il sollicite l’appui de l’État. Mais il a certainement conscience de traduire, en même temps que la sienne, une inquiétude beaucoup plus générale. Le conseiller du Haut-Rhin, Zuber, qui remet, en 1852, un rapport au ministre de la Guerre sur le même sujet, s’exprime de la même manière ces enfants peuplent les prisons, les bagnes, les établissements de charité, « et propagent dans tous les cas la lèpre du paupérisme, ce ver rongeur des sociétés ». Zuber ajoute cette note précise « Les administrations départementales se préoccupent sérieusement de l’envahissement croissant du paupérisme et accueilleront favorablement toute proposition tendant à diminuer les progrès du mal, même au prix de certains sacrifices [2]. » Quel étonnement pour cet homme de se sentir contraint à la générosité, au sacrifice. La charité deviendrait-elle impérative ? Voici que les conditions sociales obligent à aider les indésirables. Où va-t-on ? On sent l’inquiétude, sinon la crainte, dans la remarque de Zuber. Son offre comptée et restrictive situe bien le problème. Il semble, en effet, que l’attention des pouvoirs publics ait été attirée, pour des raisons d’ordre et de police, par un phénomène nouveau le nombre croissant des enfants trouvés ou abandonnés en France depuis le début du siècle, mais surtout après 1830. Voici quelques chiffres donnés par l’Inspecteur général des établissements de bienfaisance, André de Watteville, dans un rapport au ministre de l’Intérieur, daté de 1842. Ces chiffres, dit-il, ont été calculés d’après les renseignements que sa fonction lui permet de connaître

1819  99 346 enfants trouvés
1825 117 035 enfants trouvés
1830 118 073
1833 129 699

soit une augmentation de un quart en quatorze ans [3].

Quelles furent les réactions de la société face à cette montée de vagabonds en herbe ?

Comme le fou, l’enfant abandonné est sans moyens de défense. Aucune possibilité de protestation, d’organisation ne lui appartient. Il n’est que la crainte d’un désordre futur. Fixer son sort, on n’ose pas dire le faire disparaître, avant l’âge adulte, résoudrait le problème, et pourrait éviter « certains sacrifices ».

Il faut connaître les mesures prises pendant les premières années du XIXe siècle pour comprendre l’espoir que l’on mit, un moment, dans l’envoi des enfants trouvés vers l’Algérie. La première fut le décret du 19 janvier 1811. « Titre IV, article 3 Le prix de la pension décroîtra chaque année jusqu’à l’âge de douze ans, époque où les enfants mâles, en état de servir, seront mis à la disposition du ministère de la Marine. » « Titre VI, article 16 Les dits enfants, élevés à la charge de l’État, sont entièrement à sa disposition et quand le Ministre de la Marine en dispose, la tutelle des commissions administratives cesse » [4]. Il y a donc, au xixe siècle, des êtres qui, de par la loi, à cause de leur naissance, peuvent vivre dans une sorte de servage étatique l’État, en les entretenant, a, d’une certaine manière, acheté leur liberté, il en « dispose entièrement ».

Le besoin de recruter des mousses plus que l’inconvénient d’entretenir des enfants sans ressources, dicta vraisemblablement la mesure prise par Napoléon, mais le texte resta et l’esprit qui l’animait aussi. Le problème s’aggrava. Sans doute le nombre absolu d’enfants trouvés augmenta-t-il sous la Restauration, mais il est probable aussi que l’industrialisation du pays jette un jour plus cru sur une tare ancienne que le contexte de la vie paysanne résolvait plus facilement. 1830, 1834, l’agitation sociale, les émeutes, la société est mal payée des « sacrifices » qu’elle s’impose 130 000 enfants à sa charge, les dépenses augmentent. Il faut réagir. « L’autorité supérieure convaincue qu’un grand nombre d’enfants légitimes étaient à la charge des départements, et qu’un grand nombre de filles-mères connaissaient la résidence de leurs enfants, prit la résolution de faire cesser ces abus, de changer les enfants de nourrice et de transporter dans le sud les enfants placés dans le nord et vice-versa ». Quarante-sept conseils généraux approuvèrent la mesure, vingt-cinq furent sans opinion, quatorze la blâmèrent dont neuf seulement imposèrent leur point de vue [5]. La France de 1834 vit donc se déplacer d’un département à l’autre, en chariots, charettes, etc, de 50 000 à 100 000 enfants dont on s’efforçait de rompre plus complètement les attaches familiales. Singulier spectacle qui passa, cependant, en plein XIXe siècle, presque inaperçu. « On opéra le déplacement des enfants successivement dans soixante départements » [6]. Le rapport de Watteville comporte un tableau de ces déplacements. Mais cette pratique ne pouvait suffire à faire disparaître le mal. On passa à des mesures beaucoup plus radicales. « 185 hospices dépositaires avec tours furent supprimés dans l’espace de cinq ans, pour éviter l’accroissement de la dépense ». « Ces mesures eurent pour résultat de réduire le nombre des enfants trouvés qui, en 1838, ne s’élevait plus qu’à 95 624, chiffre inférieur à celui de 1819, quoique la population se fut singulièrement accrue pendant cet intervalle » [7]. Ces textes sont pénibles à commenter. En somme, la société faisait disparaître en silence, en diminuant leur chance de survie, avant qu’ils grandissent et puissent se plaindre, de futurs gêneurs. On obtint, par ces moyens catégoriques, des chiffres stationnaires et limités, enfin, aux « dépenses » prévues et aux « sacrifices consentis ». La dépense avait mesuré la vie. Les choses rentraient dans l’ordre. Il n’y a plus que 96 788 enfants abandonnés en 1845, date à laquelle on commence à parler de leur transfert en Algérie [8].

Encore l’avantage si sèchement et si parcimonieusement mesuré n’était-il guère plus qu’un sursis. L’évocation du rapport Valbruche (Rapport général au Conseil des Hospices) n’est supportable que dans sa nudité. En vingt-deux ans, de 1816 à 1827, l’hospice de Paris a reçu 112 625 enfants, sur ce nombre 30 055 sont morts à l’hospice, 55 641 sont morts à la campagne soit 85 696 morts sur 112 525 ou 76% - ce qui fait dire à de Watteville que l’espérance de vie pour ces enfants est de quatre ans La mortalité enfantine moyenne en France, citée à titre comparatif par Valbruche, est de 1 sur 5,25 [9]. Sur un fond d’hymnes à la liberté, le temps du servage donnait ainsi la main à l’univers concentrationnaire.

Le rapport du conseiller du Haut-Rhin, spécialiste de ces questions en France, animateur de l’expérience de Cernay [10], et envoyé spécialement au Sud de la Méditerranée par le Ministère de la Guerre, en 1852, pour enquêter sur les possibilités de réception accueil serait déplacé d’enfants abandonnés en France, procède du même esprit. Il se limite au mode d’emploi de cette marchandise particulière nombre d’enfants disponibles, capacité de travail suivant l’âge. Tout un paragraphe traite « Des moyens et des conditions les plus convenables pour se procurer des enfants ». De l’accès à une vie d’homme, de liberté, qui ne s’occupe en ces années 1830, 1848 ? Mais la liberté ne peut être un droit pour ces indésirables. Partout, au contraire, la majesté de l’ordre social. « Heureux d’avoir pu contribuer par l’expérience que nous avons acquise, à éclairer la marche à suivre pour résoudre un des plus grands problèmes humains qui occupe aujourd’hui l’État, à savoir de combattre le paupérisme par l’éducation agricole » [11].

C’est là un des aspects du contexte métropolitain. Il y en a d’autres.

Si ceux qui détiennent le pouvoir cherchent un moyen simple pour diminuer le nombre des vagabonds, d’autres voix saint-simoniennes socialistes s’élèvent pour présenter des solution moins sommaires. Parmi elles, quelques catholiques. Peu appréciés dans leur milieu, ceux-ci font, cependant, des adeptes et il semble bien que cette affaire de la colonisation de l’Algérie par les enfants trouvés en France soit un remous autour du catholicisme social. Et cela de deux façons d’une part, le développement des orphelinats dans un cadre national, et non plus seulement charitable, assurerait une solution permanente et stable à un problème qui l’est aussi, d’autre part, on pourrait trouver là l’occasion de mettre à l’épreuve les principes d’association et d’exploitation coopérative dont les disciples catholiques de Saint-Simon ou de Fourier attendent les plus grands bienfaits.

C’est, vers 1848, que la colonisation des terres françaises en Afrique semble adoptée par une large opinion comme une solution inattendue, inespérée et qui semble, de surcroît, radicale au problème des enfants trouvés. Une vraie panacée. Comment le lien s’est-il opéré entre ces deux idées ? Quel est l’inventeur d’un remède aussi efficace et sans douleurs ?

Vers 1841, deux hommes peuvent se côtoyer à Alger, fort différents, animés de principes d’action très dissemblables, bien que prêtres, l’un et l’autre. L’abbé Brumauld on ne l’appelait point « Père », car la Compagnie de Jésus étant interdite en Afrique, les premiers de ses membres qui pénétrèrent dans la colonie se firent passer pour de simples séculiers et en portèrent les titres - semble être ce représentant solitaire, envoyé par l’Ordre, en août 1840, pour « préparer l’établissement ». « Ame intrépide, cœur dévoué, tempérament actif, entreprenant, hardi », rien de cela n’était de trop pour envisager la conversion de l’Algérie, en 1840. Son biographe ajoute « Ferdinand Brumauld passait parmi ses confrères pour un religieux quelque peu impatient des disciplines communes et incapable de s’en tenir aux chemins battus ». [12]Serait-ce une allusion à un penchant, peu goûté, pour des théories considérées, comme voisines de l’hétérodoxie ? Un autre indice, tout aussi ténu, une confession du Père lui-même, en 1855. « Cédant à notre insu aux idées en vogue, nous aussi avons cru tous nos enfants également aptes à diriger un jour un ensemble d’exploitations. Là, encore, l’expérience est venue nous démontrer que nous faisions fausse route et que nous méconnaissions les voies de la Providence [13]. » C’est trop peu pour affirmer que ce jésuite avait été tenté par le catholicisme social. Et cependant ?

Aucune hésitation, par contre, à l’égard du personnage agité, imbu de lui-même, écrivassier inlassable, qu’une humeur aventureuse avait inquiété, dès 1835, dans la petite ville de Sélestat où il exerçait le ministère. Dans un ouvrage intitulé « Les fermes du Petit Atlas, ou colonisation agricole, religieuse et militaire du nord de l’Afrique », publié à Paris en 1841, l’abbé Landmann explique que, voyant six ans plus tôt partir des colons pour l’Amérique, l’idée lui vint que ces hommes seraient plus utiles en Afrique. Il obtint, de son évêque, dit-il encore, de se consacrer entièrement à son projet, voyagea en Suisse, en France, en Italie pour se documenter sans doute sur le nombre de colons disponibles, sinon on ne voit guère le lien. Dans ses pérégrinations, il rencontra le Prince de Mir, personnage trouble, noble polonais en quête de fortune et qui s’était fait attribuer, dans les environs d’Alger, à la Ressauta, un immense domaine qu’il devait payer et exploiter alors qu’il ne faisait ni l’un ni l’autre. L’imagination aidant, prince et abbé, rédigèrent un prospectus « Annonce d’une compagnie chrétienne pour la colonisation agricole et la civilisation du nord de l’Afrique. » 1838. Ne perdant point de temps, l’abbé Landmann, en 1839, gagne l’Afrique, afin d’y implanter la Compagnie Chrétienne. « Je ne fus pas longtemps sans me convaincre que le moment favorable à mon œuvre. n’était pas encore venu ». On ne pouvait dire moins. Il retourne donc à ses premières activités, redevient curé cinq mois à Bougie, en 1840, puis à Constantine, où il remplace l’Abbé Suchet, devenu Vicaire Général.

Les agissements de ce personnage secondaire seraient sans intérêt, s’ils n’éclairaient, d’une façon précise, un type d’émigrant de la première heure qui ne fait pas défaut, même dans les rangs du clergé, s’ils ne jetaient, en même temps, un jour, moins serein, sur certaines listes de sociétés bien pensantes, où l’on veut espérer qu’il est l’exception. L’abbé Landmann figure, en effet, en bonne place parmi les membres de la nouvelle « Société d’économie charitable », fondée par Armand de Melun, en 1846, et cités par M. Duroselle [14]. Le même auteur nous avertit que, déjà en 1842, Buchez annotait les Fermes du Petit Atlas [15]. Melun, Buchez, ce sont des références. Voici l’abbé Landmann classé parmi les figures désintéressées d’un mouvement novateur et qui réussit à se faire recevoir par Louis-Philippe lui-même, en 1842. Dans la brochure offerte, le souverain pouvait lire quelques réflexions dont voici un échantillon « On a remarqué que le défaut d’occupation nuit au moral du soldat, le conduit à cette maladie redoutable, connue sous le nom de nostalgie, maladie qui est trop souvent mortelle et qui, il y a un an, a fait périr à Milianah, 700 hommes sur 1100 [16]. « Découverte digne d’attention. Landmann n’en obtint pas moins une lettre du Président du Conseil, signalant au gouverneur général de l’Algérie, les talents de cet abbé philanthrope. Sans doute personne n’avait-il lu il faut le souhaiter l’ouvrage. Phénomène déconcertant que cette audience inattendue dans la capitale de personnages insolites, mais phénomène qui s’élabore presque spontanément dans les milieux extra-métropolitains, et que tous ceux qui les ont observés, même lorsque le contexte colonial a disparu, connaissent bien. Hiatus dans l’information qui n’est plus contrôlée par la rumeur publique.

Compromettant ou non, cet abbé inventif appartient, malgré tout, au catholicisme social. Il en connaît les inquiétudes et se propose d’en expérimenter les théories, sans négliger toutefois une marge d’adaptation substantielle à ses intérêts propres. « La Société nationale de colonisation de l’Afrique française a pour but de former une colonie en même temps agricole, religieuse et militaire, par la voie d’association tant entre les colons, qu’entre les colons capitalistes fondateurs [17]. » Mieux renseigné que le Président du Conseil, Bugeaud répond, le 28 décembre 1841 « J’ai lu votre brochure, j’y ai trouvé de bonnes idées, celles surtout relatives au travail en commun par association. (Des terres seront disponibles), lorsque vous aurez trouvé des hommes. » Plus circonspect aussi, le ministre de la Guerre ajouta « Une telle organisation qui nous ferait remonter aux anciens âges suppose l’acceptation volontaire et durable des travailleurs eux-mêmes elle suppose l’unité d’intervention, la soumission constante, l’esprit de paix, qualités bien difficiles à rencontrer en même temps chez un certain nombre d’hommes ». La sympathie du ministre se dit, cependant, d’autant plus grande que la tâche entreprise est plus délicate [18]. On voit que la pensée de l’abbé Landmann ne mérite d’être citée que parce que les contemporains eux-mêmes l’ont prise au sérieux et qu’elle valut à son auteur, outre les protections déjà évoquées, le titre de « Membre correspondant de la Société royale et centrale d’agriculture de Paris » et, finalement, la charge de l’orphelinat de Medjez-Amar, près de Guelma, dans le département de Constantine.

Il y eut d’autres directeurs d’orphelinat que les abbés Brumauld et Landmann. Mais nous ne savons rien des responsables de l’orphelinat protestant. Quant aux Frères de l’Annonciation, chargés de la maison de Misserghim, près de Tlemcen, la nature de leurs soucis laisse peu d’illusions sur leur niveau intellectuel. Rien ne pouvait leur être plus étranger que le catholicisme social on n’ose pas dire le catholicisme tout court.

A cela s’ajoute l’intérêt diffus de l’époque pour les fondations de sociétés égalitaires et idéales, dont la réussite est d’autant plus certaines que leurs contacts avec la société établie sont plus rares. Plus les racines sont neuves, plus l’espoir est permis. La création des orphelinats algériens a quelque ressemblance avec les tentatives de Victor Considérant ou celles des bords de l’Orénoque. Leurs fondateurs espéraient en faire la cellule exemplaire d’un monde nouveau, la formule parfaite de la colonisation.

L’influence de Rousseau, enfin, n’est pas étrangère à ces essais d’éducation totale heureuse l’innocence de l’enfant préservé de la contagion d’une histoire. Les orphelins seraient, à ce titre aussi, des êtres privilégiés, on pourrait presque dire des êtres de choix, pour tenter l’expérience d’une éducation originelle. Les allusions de l’abbé Brumauld aux déceptions de son métier d’éducateur semblent bien se rapporter à ce souvenir.

Voici donc des réalisations, plus intéressantes par ce qu’elles nous apprennent des adultes, que par l’aide qu’elles apportèrent aux enfants sans famille.

Il est temps d’en suivre le fonctionnement et de voir comment ces différentes tendances s’y sont, peu à peu, révélées malgré l’échec total.

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On peut dégager l’inspiration des hommes qui s’y consacrèrent. Aucune de ces fondations, cependant, n’a d’abord été conçue comme l’expérimentation d’une théorie.

Le premier embryon d’orphelinat naquit à Alger des nécessités quotidiennes, dès 1837. On est stupéfait de voir des parents déplacer toute une famille, avec l’espoir de faire fortune, à cette époque, dans ce camp retranché. Il est, néanmoins, vrai qu’il y a, dès les premières années des immigrants au berceau. Il arrive que ce soit les enfants qui survivent. Les soldats morts au combat, laissent aussi, parfois, de petits vagabonds. Et puis, il y a tous ceux dont les pères et mères n’ont vécu qu’une brève rencontre. Dans cet amas de déracinés aucun parent, aucun ami pour les recueillir. Le 18 décembre 1837, Mgr Dupuch, invite les femmes des officiers supérieurs à une « assemblée de charité » et prêche en faveur des orphelines. Il faut, au moins s’occuper des filles qui courent les plus grands risques. L’établissement des « pauvres orphelines des colons » est créé. Confié aux Soeurs d’Émilie de Vialar, il est installé, en 1839, dans l’ancien consulat du Danemark, où vivent bientôt une soixantaine d’enfants. En 1843, après les démêlés de l’évêque avec mademoiselle de Vialar et l’expulsion des Soeurs de Saint-Joseph, l’orphelinat est transféré à Mustapha Supérieur que dirigent les Soeurs Saint-Vincent-de-Paul. En même temps, en 1842, une douzaine de garçons sont confiés à l’abbé Brumauld [19]. Voici le point de départ.

Mais, dès 1843, le problème de la charité locale est dépassé. L’intention n’est plus seulement de soustraire des enfants malheureux à l’exploitation et de les préparer à une vie meilleure, on se propose de faire oeuvre de colonisation, « colonisation par la jeunesse à l’instar du reboisement par les pépinières ». L’abbé Brumauld aime cette image dont il est l’auteur. A elle seule, elle est tout un programme. Il vaut mieux, évidemment, planter de jeunes arbres que de vielles souches, mais la comparaison peut signifier aussi que les êtres humains se manipulent comme les plants d’une concession nouvelle. Or, c’est à peu près cela. Il faut, comme en France, retrouver l’ambiance de ces années 1840 à Alger, pour comprendre le cheminement du projet.

La colonisation individuelle libre est anarchique. Elle pose autant de problèmes qu’elle en résoud. Une immigration contrôlée et progressive serait bien plus efficace. Bugeaud propose les colonies militaires. Les soldats sont sur place, mais ils sont, en général, célibataires et les femmes manquent. Le général se préoccupe de trouver des compagnes à ses subordonnés, et voici comment. En 1842, l’abbé Coural, aumônier de la « Solitude de Nazareth, maison religieuse et industrielle. dans le but de recevoir les jeunes filles libérées des prisons et des maisons centrales du royaume », reçoit du gouverneur général une lettre dont il rend compte dans la brochure annuelle de la maison, 1843. « Il nous reste à parler, dit-il, d’un projet qui nous est soumis par M. le Gouverneur général de l’Algérie, et dont la réalisation promet un bien immense à la métropole et à la colonie. Il est des personnes qui ne peuvent trouver la vertu que dans le mariage. Ces jeunes filles de par leur passé en sont presque exclues en France. Autrefois pour peupler un pays conquis on d’adressait au rapt, aujourd’hui le général Bugeaud pense à d’autres méthodes. Ayant compris la portée régénératrice de la fondation, c’est à elle qu’il demande des femmes [20]. » L’idée de Bugeaud est, semble-t-il, la première formule de transplantation collective. Mgr Dupuch servit sans aucun doute d’intermédiaire à ces tractations. Or, l’évêque d’Alger avait une imagination toujours en éveil et les projets de toute nature y croissaient abondamment. A la même époque, l’abbé Landmann était curé de Mustapha, il administrait donc les orphelines des Soeurs Saint-Vincent-de-Paul, autre « pépinière » possible, et il n’était pas homme à calmer les esprits. Reste l’abbé Brumauld, plus raisonnable et plus soucieux des enfants dans le malheur. En 1843 on ne trouve pas encore trace dans les écrits du père jésuite de l’utilité ou des bénéfices qu’il y aurait à importer de France des orphelins. Le 1er janvier, il rédigea une feuille circulaire, puis une lettre destinée à émouvoir les souscripteurs (parmi lesquels Bugeaud, le Comte Guyot, l’Amiral de la flotte, Mgr Dupuch, etc.) et à obtenir leur appui. II y explique « un projet longuement médité et que le moment semble venu de réaliser : Former des hommes utiles à la colonie par leurs vertus et leur industrie », c’est-à-dire, ayant reçu une éducation morale et professionnelle, « et préparer d’excellents citoyens et les colons les plus assurés pour l’avenir à tous égards », comprenons insensibles à l’esprit de retour [21].

Tout cela est assez serein. Mais comment échapper entièrement aux enthousiasmes locaux ? Il est certain que l’abbé Brumauld eut l’occasion de débattre de ces choses avec Mgr Dupuch, l’abbé Landmann, Bugeaud même qu’il rencontra. Coloniser le mieux possible était le souci de tous mais, pour ces ecclésiastiques, coloniser « chrétiennement », c’est-à-dire avec des éléments chrétiens, c’est-à-dire encore avec des hommes et surtout des femmes sortant d’établissements religieux, était la meilleure garantie. Dès lors, l’imagination entre en jeu quand on pense aux orphelines ? Des bras, c’est bien. Des ménages solides, c’est mieux encore. La colonie en a le plus grand besoin. Le scandale est partout. Il faut lire la Lettre annuelle des pères jésuites ou la correspondance des S ?urs de la Doctrine Chrétienne, pour constater combien chacun se lamente sur le dérèglement qui fait loi. Un des pères de la Compagnie de Jésus s’est même donné spécialement pour tâche d’amener devant le prêtre les ménages irréguliers. C’est ainsi, sans doute, que s’élabore la lettre adressée à Bugeaud par l’évêque d’Alger, le 16 octobre 1843. « Mariés les uns aux autres et dotés par nous, ils formeront des familles religieuses, honnêtes véritablement et uniquement françaises, n’ayant d’autre avenir que l’Afrique française. 100 orphelins et 100 orphelines que le gouvernement unirait parles liens d’un mariage assorti et qui composeraient de vraies familles algériennes. En France, et dans chaque département, combien d’enfants dont l’état a tout à la fois la disposition et la charge qu’on nous permette de choisir 100 garçons et 100 filles, qu’on nous donne ici une maison et qu’on nous aide à agrandir un peu celle des orphelines à Mustapha. et j’ose répondre d’un prompt, utile et beau succès [22] ». Le cas échéant, les orphelines fourniraient aussi « des compagnes pour nos chers et vaillants soldats ». On voit que l’image de la « pépinière » est plus réaliste qu’elle ne paraissait.

Désormais, l’idée est dans l’air. Elle cheminera, avec plus ou moins de fortune, jusqu’à la fin de l’Empire 100 000 enfants, en France, sont « à la disposition de l’État », c’est beaucoup plus que la marine n’en peut occuper. Pour la satisfaction et le profit de tous, ils rendraient les plus grands services à l’œuvre de la colonisation. Il est donc utile de mettre sur pied l’organisation qui permettra de les transporter en Algérie.

Que l’on réfléchisse un moment aux effectifs de l’armée de Bugeaud, 63 000 hommes à son arrivée, une centaine de mille à son départ, et l’on comprendra l’immensité de l’entreprise. Rien d’étonnant qu’il y faille intéresser le roi, puis l’empereur et qu’une commission sénatoriale en assure l’étude. Ce qui est plus surprenant, c’est la tranquillité avec laquelle chacun se réfère, en ce milieu du XIXe siècle, aux droits de l’État sur ce lot indifférencié d’êtres humains. Sans les inconvénients de la « dépense », il est probable que l’opération aurait pu ressembler à celle de 1834 en France. Ce furent, uniquement, les frais engagés qui en limitèrent l’application car, chaque ministère, Guerre, Intérieur, souscrivait volontiers au projet si l’autre en faisait les frais. Il n’y eut jamais le moindre doute, ni la moindre discussion sur la validité de l’opération. Mais revenons à la vie plus quotidienne des orphelinats.

On ne peut retenir un mouvement de surprise, quand on retrouve la réalité qui inspire ce monde imaginé l’abbé Brumauld a réussi à loger ses douze enfants à Mustapha. Leur nombre augmente, ils sont une soixantaine en 1844, on les abrite provisoirement au camp de Dely-Ibrahim. En somme, ils n’ont même pas de toit quand leur évêque songe à les multiplier indéfiniment ou presque. Cette inconséquence semble bien la marque de Mgr Dupuch, si apte à se détacher du réel. L’abbé Brumauld, plus simplement, commence à se demander ce qu’il fera des plus grands. Il lui faut obtenir les moyens de les préparer à un métier, sinon l’œuvre est dépourvue de sens et sa maison ne serait qu’un asile. « J’ai fait un nouvel appel en France auquel il m’a été répondu avec une grande confiance, et, ces jours derniers, j’ai pu acquérir une propriété exceptionnellement convenable, non seulement pour recueillir tous les enfants de la colonie à mesure qu’ils tomberont dans le malheur, mais pour les élever dans la connaissance et la pratique des professions industrielles les plus utiles au pays [23]. » Nous trouvons là l’annonce de la fondation de Ben Aknoun, achetée en 1844, et le résumé de ce qui, jusqu’à la fin, justifiera, aux yeux du père, son utilité. En 1845, les enfants s’y installent. Ils sont, en 1850, 319 dont 213 Français, 75 Allemands et Alsaciens, 18 Espagnols, 5 Maltais, 8 Arabes, exemple de la variété d’une population, sans qu’il soit possible de donner aux chiffres une valeur proportionnelle. 132 petits enfants sont incapables de travailler, les autres, dont 79 ont plus de quinze ans, apprennent les métiers de cultivateur, forgeron, menuisier, ferblantier, cordonnier, couturier, boulanger, blanchisseur, aide-cuisinier, autrement dit, ils aident à l’entretien général de la communauté qui vit en petite autarcie [24]. L’orphelinat est également une école, la plupart des enfants qui en ont l’âge savent lire et écrire. Les différentes inspections, dont celle de 1851, ont toujours été favorables et, même si elle n’était pas un modèle d’économie, la maison disposait d’un personnel sûr et conscient de sa charge [25]. Elle se voulait une famille plutôt qu’une institution. Protestant contre la paperasserie que lui impose l’administration, l’abbé Brumauld laisse paraître quelques-uns de ses sentiments et donne le ton de la maison « Je vous prie, en grâce, dit-il au préfet, de diminuer plutôt que d’aggraver mes obligations de ce côté-là. Je conduis, depuis huit ans, ma maison en père de famille, avec plein succès, et le jour où je serais transformé en administrateur-comptable, non seulement je ne suffirais plus à ma besogne, mais le charme serait rompu, et je devrais m’attendre à échouer autant que j’ai réussi. L’illusion de la paternité m’est essentielle. Elle est pour moi une source inépuisable de courage, de patience et d’industrie, et, bien loin d’y porter imprudemment atteinte, il faut au contraire la compléter par une assimilation aussi parfaite que possible 3. » Tels sont les traits permanents de ce petit monde jusqu’à sa disparition.

Mais, dans la mesure où celui-ci était incapable de vivre de ses ressources, dans la mesure où il avait fallu emprunter pour acheter où, enfin, on décidait de jouer un rôle dans le peuplement de l’Algérie, le recours aux pouvoirs publics était indispensable. L’autorité algérienne et le ministre de la Guerre, d’autre part, étaient conscients do la nécessité sociale d’une oeuvre qui répondait à un besoin permanent. Le dialogue s’engage alors, qui donne une seconde dimension à l’entreprise.
L’administration d’Alger, aux prises avec l’imprévu constant de la nouveauté, avec nombre d’esprits étonnamment fertiles en projets aussi insolites que peu désintéressés, avait acquis une grande prudence. Les archives abondent en réflexions de bon sens qui calment les ardeurs parisiennes. On s’émerveillait beaucoup moins vite à Alger qu’à Paris des espérances offertes par tel dossier rédigé, et l’on y trouvait moins facilement des appuis. Toutefois, l’abbé Brumauld était connu, il avait la confiance, de Bugeaud, qui découvrit un jour en lui, avec surprise, un père jésuite et sa personnalité n’était pas en cause. Mais, si son ?uvre devait être le point de départ d’un grand nombre d’expériences similaires, il fallait y regarder de près et ne pas engager l’administration dans une affaire qui pouvait devenir un tonneau des Danaïdes. D’où la correspondance suivie et étoffée qui s’établit entre le gouvernement général, le ministère de la Guerre, celui de l’Intérieur et l’intéressé lui-même. Le 10 août 1845, un projet de traité est établi dont la discussion dure deux ans [26]. Le gouverneur général avoue n’avoir pas d’expérience en la matière et se renseigne. Le ministre de la Guerre s’adresse à son collège de l’Intérieur Que sont les « colonies agricoles » d’orphelins en France ? Comment fonctionnent-elles ? Quels résultats ont-elles donnés ? Quels exemples peuvent-elles offrir à l’Algérie ? Pour simplifier les circuits, le ministre met directement en rapports les services d’Alger et le préfet de Saône-et-Loire qui, dit-il, anime à Montbellet l’expérience la plus réussie en France. Flatté, le préfet répond abondamment son ambition consiste à faire des enfants trouvés « d’honnêtes valets de ferme [27] ».

Tout serait assez simple si l’on ne voulait réserver, à Alger, la place des enfants recrutés en France. Sur ce chapitre, tout le monde est d’accord l’opération est excellente, elle est rentable pour tous, la seule difficulté est de préciser la part financière de chaque service en fonction des bénéfices qu’il en retire. L’abbé Brumauld reprend, cette fois, l’idée à son compte. Il écrit en ce sens à Bugeaud. Il faut avouer qu’on ne comprend pas très bien pourquoi une oeuvre qui vit difficilement, qui sollicite aumône sur aumône, éprouve le besoin de s’agrandir par un recrutement aussi lointain. Sans doute chacun est-il atteint par la manie de la colonisation, mais il est bien plus vraisemblable que les responsables ecclésiastiques, même après le départ de Mgr Dupuch, espèrent implanter de cette manière, sur la terre d’Afrique, de meilleurs chrétiens que les soldats du général. Le sens de l’intérêt qu’ils portent à la colonisation est là favoriser la présence d’une population chrétienne, qui le sera s’ils l’éduquent eux-mêmes. Or le fondement d’une telle population, ce sont les ménages chrétiens. On s’écarte donc, peu de ce que pensait le premier évêque de la colonie, qui ne faisait, d’ailleurs, que reprendre à son compte la pensée classique. C’est sous une forme, adaptée aux circonstances, que le père Brumauld explique à Bugeaud, dans une lettre de huit pages, dont le brouillon est conservé à l’archevêché d’Alger, profitant d’ailleurs de l’occasion pour démontrer au gouverneur général les inconvénients et les insuffisances de ses projets matrimoniaux offrir six mois de congé à des soldats pour aller prendre femme en France, c’est d’abord donner à leurs chefs l’occasion de se débarrasser des plus mauvais sujets, lesquels reviendront après avoir choisi pour compagnes la lie de la population féminine. Quelle société va-t-on créer ainsi ? Le père jésuite insiste sur la nécessité de préparer les futurs époux « à la vie qui les attend », il envisage même de « préparer au mariage » les futurs soldats-colons et surtout leurs compagnes. « Libérer un établissement militaire pour y recueillir, avec les orphelines, toutes les filles nubiles qui se présenteraient comme aspirantes au titre avantageux de femmes de colons militaires », là on les préparerait à s’occuper du linge, à tenir la maison, la basse-cour, etc. On leur donnerait, surtout une solide éducation morale [28]. Ne croyons pas qu’il y ait là sujet à vaudeville, chacun parle très sérieusement.

Sans aller jusque là, Bugeaud n’est pas hostile au principe : le désordre des mœurs ne profite à personne. Désormais duc d’Isly, il répond personnellement au nouvel évêque d’Alger, Mgr Pavy. Son avis sera repris par tous ses successeurs jusqu’à ce que l’idée fasse long feu, d’où l’intérêt du projet la lettre est également conservée à l’archevêché d’Alger [29]. En voici l’essentiel

« J’ai lu avec un bien vif intérêt la lettre de l’abbé Brumauld. Elle témoigne de son zèle ardent et intelligent pour l’humanité et pour les progrès de notre œuvre. Je ne crois pas que son projet ait toute la portée qu’il lui suppose. Il nous faut des mesures plus grandes, et surtout plus promptes dans leurs effets, pour résoudre le problème actuel qui consiste à libérer (en dix ou quinze ans) la France du grand fardeau politique et financier qui pèse sur elle. Il s’agit de lui rendre le plus promptement possible la liberté de ses allures politiques en Europe. Pour atteindre ce but, il faut faire rapidement le cadre énergique d’une colonisation nombreuse. On ne peut trouver les éléments de ce cadre que dans l’armée. n

« Les enfants du père Brumauld peuvent être un accessoire fort utile à la colonisation militaire et civile, et je crois que nous ne devons pas négliger ce moyen. Mais vous comprendrez que ces heureux résultats se feraient longtemps attendre, et que l’attente ne peut répondre à nos nécessités. Quoiqu’il en soit, je suis très décidé à proposer au ministre de donner suite aux propositions de l’abbé Brumauld. Ce sera très prochainement l’objet d’un mémoire. » La lettre continue en insistant sur le fait que le recrutement des enfants ne résoudra pas tout, « qu’il faudra encore que l’abbé Brumauld nous procure pour les diriger des hommes comme lui, ou approchant de lui. Car dans ces choses là, tant vaut l’homme, tant vaut la chose. Ces hommes devront être « religieusement zélés, intelligents et actifs » (on voit que Bugeaud, s’il fut franc-maçon, savait tempérer ses opinions), et le duc d’Isly considère déjà le père jésuite comme « l’inspecteur général de ces établissements, afin de leur donner uniformément le même régime, la même administration, la même direction morale et matérielle. » Il envisage donc, lui aussi, ces déplacements sur une grande échelle. A seize ans les enfants trouveraient à s’employer et pourraient entrer dans « la société coloniale ». « Ils y seraient indifférents au souvenir d’une autre patrie [30]. » Et voilà, peut-être, ce qui donne à ces enfants un attrait particulier, ce pourquoi on s’en occupe si longuement. Découvrir des colons sans patrie, des êtres aussi neufs que s’ils sortaient du Paradis terrestre. Combien cela simplifierait les choses pour ces administrateurs aux prises avec une population multicolore, pour des religieux gratifiés, malgré eux, du troupeau le plus incommode. « Il faut créer des pépinières de colons, et préparer à l’Algérie une population chez laquelle n’existe pas l’esprit de retour [31]. » C’est le conseiller Dutrône, de la Cour royale d’Amiens, chargé d’une étude sur les institutions de bienfaisance en Algérie, en février 1848, qui parle. « Aucun de ces enfants, une fois dépaysés et acclimatés, n’auraient l’esprit de retour qui tourmente parfois tant de familles [32]. » Le général Daumas, de la Direction des affaires algériennes, considère, lui aussi, que ce serait un bien grand avantage ? L’instabilité de la population européenne d’Algérie est un des fardeaux les plus lourds de toute administration civile ou religieuse. Ces petits orphelins, sans souvenirs, sans liens, sans histoire mais à qui la société reproche de n’en pas avoir sont, semble-t-il, plus que tous autres, adaptés à la mise en place d’un monde nouveau. Leur histoire à eux, commencerait en même temps que celle de la colonie. L’Afrique seule serait leur terre. Ainsi se dessine, dans l’esprit des adultes, une sorte d’affinité entre l’état d’orphelin et celui de colon.

Il faut ajouter à celui-là un autre avantage encore. La main-d’oeuvre est rare en Algérie à cette époque entendons la main-d’oeuvre européenne. Tous les colons propriétaires se plaignent de son coût élevé. L’abbé Brumauld avoue tout simplement avoir fait ce raisonnement les enfants abandonnés trouvent difficilement du travail en France, chacun répète qu’ils peuplent bagnes et prisons. Les bras manquent en Algérie la colonie peut donc leur offrir l’occasion d’une vie plus digne et plus intégrée à un milieu social. « D’obstacle qu’ils sont, ne peut-on les transformer en moyens et en ressources ? [33]. L’administration est du même avis. « Vous jugerez, comme moi, M. Le Maréchal, dit la note du secrétariat général du 17 janvier 1854, que les dépenses ainsi divisées sont bien peu de chose en comparaison des avantages que trouverait la métropole dans l’écoulement d’une population incommode et dangereuse, et la colonisation de l’Algérie dans un surcroît de population qui se façonnerait promptement aux travaux agricoles du pays et qui assurerait, dans un proche avenir, aux cultivateurs ce qui leur manque le plus une main d’œuvre exercée », « et à bon compte » a été barré, sur ce brouillon [34]. L’intention de l’abbé Brumauld était droite, celle de l’administration utilitaire, mais la découverte d’une main-d’œuvre entièrement gratuite, ou imaginée comme telle, fit surgir une multiplicité de candidats à la direction de fermes-modèles ou écoles d’apprentissage, puisque tel était finalement le nom attribué par Bugeaud à la maison de Ben Aknoun. La tentative de l’abbé Landmann à Medjez-Amar et celle du père Abram à Misserghim relèvent de cette dernière catégorie.

Pour achever de recréer le contexte, pour comprendre la pression à laquelle l’administration dut faire face, il faut avoir sous les yeux, regroupée, la série de projet d’établissements, que les archives ont recueillis au hasard sans compter ceux qui ont été perdus. Des terres presque données, une main-d’oeuvre gratuite, des subventions justifiées par le service rendu à la société, nombreux furent ceux qui crurent découvrir ainsi la clé de la fortune. Plus le nombre d’enfants que l’on se proposait d’instruire était grand, plus vaste l’étendue des concessions réclamées 1 000, 3 000 hectares Un véritable trafic d’enfants pouvait s’organiser. Il faut rendre hommage à la perspicacité et à la sagesse de l’administration qui renvoya les solliciteurs, résista jusqu’en 1849 aux instances renouvelées de l’abbé Landmann, et ne céda pas plus tôt à celles du père Abram.

L’abbé Brumauld et la hiérarchie se préoccupaient du meilleur moyen si déconcertant soit-il d’implanter surplace une société chrétienne, le nombre d’ecclésiastiques en quête de prospérité et de gloire terrestre, qui proposaient leurs services n’étaient pas fait pour leur faciliter la tâche. Sous les dehors charitables et, les titres édifiants, il fallait déceler les instinct spéculateurs. Les ecclésiastiques n’étaient pas seuls, bien sûr, et le précédent de Ben Aknoun explique, sans doute, leur nombre, six sur douze candidats (dossiers conservés) à « l’extinction de la mendicité » ou du « paupérisme », selon les appellations les plus courantes des futures sociétés, de 1848 à 1850. Parmi les autres, un avoué, cinq propriétaires dont certains se sont associé un architecte, un banquier, un instituteur [35]. En plus de l’exemple du père jésuite, l’époque n’est sans doute pas étrangère à cette prolifération une société se présente expressément, comme « société coopérative », l’abbé Landmann adopte aussi, théoriquement, cette formule. Les autres mémoires évoquent avec plus ou moins de précision le travail en commun. Cela n’est pas sans susciter dans l’administration algéroise une véritable exaspération.Prendrait-on l’Algérie pour la terre d’expérience du socialisme ? On ne peut trop désirer, en effet, que le directeur de la ferme en soit le propriétaire note le conseiller de la préfecture en l’absence de son chef, à propos du projet de M. Bouvier qui compte bien garder la propriété de la Ferme Saint-Charles, tout en employant des enfants et en recevant des maîtres appointés par l’état. En effet, le propriétaire devant chercher à améliorer sa chose, offre une garantie de bonne direction qu’il cherchera à imprimer aux travaux [36]. » A vrai dire, il est rarement question dans ces textes d’un partage des bénéfices. Leurs auteurs seraient plutôt enclins à bénéficier du travail de la communauté.

Néanmoins, en novembre 1849, le conseiller du gouvernement Chauvy, chargé du rapport sur le projet Lafont-Rilliet, décide d’aborder le problème au fond et de donner à son intervention une portée générale. L’analyse complète de ce texte, fort intéressant dans son ensemble, dépasse notre sujet. En voici cependant le ton « L’extinction du paupérisme, voilà un mot bien ambitieux » Chauvy rappelle que ni Napoléon avec toute sa puissance, ni la riche Angleterre n’ont pu venir à bout de la misère. « Ainsi conclut-il, l’on commence par promettre des palais aux pauvres, l’on élève des enfants trouvés au rang d’enfants de la patrie, et une fois dans cette voie, on arrive aux ateliers nationaux et l’on finit par les journées de juin [37]. » Même si l’allusion communautaire n’était qu’un prétexte, l’administration d’Alger restait sur se gardes. L’intention dissimulée de toutes ces bonnes volontés était d’ailleurs si transparente que la réponse était facile l’examen du dossier serait repris lorsque l’auteur disposerait de moyens financiers suffisants et sûrs. Finalement, pour mettre un terme aux sollicitations constantes qui, toutes proposaient l’éducation des enfants trouvés au moyen de leur emploi dans les fermes, le ministre de la Guerre, le 19 septembre 1851, arrêta qu’aucune ferme-école ne serait créée en Algérie, l’état précaire de l’agriculture ne le justifiant pas [38].

Il nous reste, maintenant à écrire l’histoire des trois modestes projets réalisés, nous efforçant d’oublier qu’ils sont l’apparence vécue d’un rêve d’adultes proposé à des enfants. L’ironie deviendrait, à Medjez-Amar et à Misserghim, insupportable.

Parmi les dossiers examinés, après 1848, l’administration, malgré ses réticences, en avait, cependant retenu deux. Ce n’était pas inconséquence de sa part. Les signataires offraient des garanties financières, leur état religieux semblait un élément favorable, mais surtout l’orphelinat d’Alger était incommode pour les départements d’Oran et de Constantine. Habituée à l’uniformité administrative, l’autorité préférait doter chaque département de son propre orphelinat, et puisque ces établissements devaient être une « pépinière » de colons, il était sage, aussi, que chaque département eût la sienne.

Faute d’autres qualités, l’abbé Landmann avait au moins celle de tenir à ses idées. Depuis 1839, il importunait ministre et gouverneur général et réclamait une concession pour sa société agricole, religieuse et militaire. En 1842, le projet qu’il remettait au roi, ne faisait aucune allusion à l’emploi des orphelins. C’est en 1845 que ceux-ci apparaissent dans sa communauté 25 familles plus 50 orphelins des deux sexes formeront le noyau de ses futures cc colonies ». Les difficultés de recrutement aidant, l’abbé philanthrope en vint à se limiter au rassemblement des enfants abandonnés. Les mémoires qu’il adresse, en 1846 et en 1848, aux députés et à la Chambre des Pairs insistent sur leur utilisation. L’intérêt de ces textes, dûment imprimés, est uniquement de montrer l’assise officielle de ces projets. A la même époque, l’abbé Landmann rencontra enfin l’être simple qui mit une fortune à sa disposition. M. Deluc dirigeait, près de Saintes, la colonie d’enfants trouvés de Notre-Dame de Vallade. A cette oeuvre, il avait voué sa fortune, mais n’ayant aucun sens de l’administration, celle-ci ne semblait pas y suffire. L’abbé Lendmann lui suggéra une solution à eux deux, ils obtiendraient une concession de 3000 hectares en Algérie et, s’inspirant de l’exemple des trappistes à Staouéli, ils y installeraient une colonie agricole qui pourrait être le point de départ d’un nouvel ordre religieux. Les enfants qu’on y instruirait entretiendraient l’exploitation. Le général Bedeau, commandant la Province, reçut en juillet 1847, une demande de concession, renouvelant une première tentative faite en 1845. Il répondit que l’armée ne disposait pas de 3 000 hectares, que le lieu choisi, Medjez-Amar était trop malsain pour y placer des enfants, l’eau y manquait et la fontaine la plus proche était à dix minutes en été et à vingt minutes de trajet en hiver [39]. L’abbé Landmann n’eut pas plus de succès auprès du duc d’Aumale. Mais en 1849, à la faveur des changements de personnel, à la suite aussi de l’épidémie de choléra, l’administration céda sous la pression du ministre de la Guerre « Ce projet, qui a été auprès de mes prédécesseurs l’objet des plus honorables recommandations, leur a toujours paru, ainsi qu’à moi-même, mérité d’être encouragé. Son utilité est devenue plus évidente, depuis la fondation de nouvelles colonies agricoles, car un certain nombre d’enfants placés dans ces colonies sont malheureusement destinés à devenir orphelins [40]. »

Les régimes passaient, mais l’abbé Landmann gardait ses appuis. Fin 1849, une trentaine d’enfants sont réunis à Medjez-Amar. La première inspection, déjà, est défavorable la nourriture est insuffisante, le directeur bat les enfants !. L’année suivante, la situation s’aggrave. Plus de chaussures, à peine des paillasses, ou couche par terre, pas la moindre éducation. Officiellement, le nouveau directeur fait l’éloge de son œuvre, en privé, il écrit à l’abbé Brumauld « Dites-moi un peu ce que je dois faire pour empêcher mes enfants de se déchirer toutes les six semaines une paire de pantalon et une veste. (On se doute de ce que pouvait être la vie quotidienne pour aboutir à de pareils dégâts !) Je ne puis y suffire et plusieurs vont en lambeaux. On me dit que vous leur faîtes des pantalons avec de la toile de voiles et de tentes. Est-ce bien vrai ? Je crois que cela n’est pas mal et que je ferai bien d’en faire autant. Donnez-moi donc quelques bons conseils à ce sujet et encore d’autres que votre bon coeur et votre vieille amitié vous dictera [41]. » Comme les bienfaits de l’association coopérative sont loin ! Les perspectives offertes par le matériel agricole ne sont pas meilleures « La dernière fois que j’eus le bonheur de vous voir, vous me fîtes connaître que souvent vous achetiez par remonte et à bon compte des voitures, des tombereaux, des harnais. Vous devez être depuis longtemps amplement pourvu de tous ces objets, peut-être même en possédez-vous plus qu’il ne vous en faut. Dans ce cas, ne pourriez-vous pas me céder une ou deux voitures ? Si elles étaient à quatre roues, ce ne serait que mieux, je n’en ai que deux à deux roues. Un ou deux tombereaux me sont indispensables, ne pourriez-vous pas me les céder au prix de revient, vous me rendriez le plus grand service. De simples roues même nous seraient très utiles. Je n’aurais osé vous solliciter, si je ne savais par expérience combien vous aimez à rendre service [42]. » Voici le directeur de Medjez-Amar peint par lui-même. L’intérêt de ces lettres est de permettre la confrontation de la plus pauvre des réalités avec ses théories ambitieuses. Il est rare de pouvoir le faire aussi brutalement : deux voitures à deux roues pour cultiver 1 000 hectares [43] « Une incapacité fabuleuse », dit le lieutenant-colonel Périgot, commandant du cercle [44].

A partir de 1851, la situation se dégrade plus encore. Saint-Arnaud, qui protégeait l’abbé Landmann, quitte la commandement de la Province. Le lieutenant-colonel Périgot ne craint plus, dès lors, d’étaler la vérité l’orphelinat est couvert de dettes, le directeur a loué ses terres à des khamès et cultive le reste avec cinq fellahs. « Tout est brisé, perdu, faute de réparation », les enfants sont en guenilles et affreusement sales. C’est le moment où M. Deluc, homme bon, mais « ayant plus besoin d’être protégé que de conduire », imagine de mettre fin à ses difficultés en France, en évacuant sur l’Algérie ses trente pensionnaires. Dispute avec l’abbé Lamdmann qui rentre à Paris emportant, dit-il, sa part d’un argent qu’il n’a jamais versée. Il osera même réclamer par la suite 39 000 francs pour « les usines que j’ai établies, les défrichements que j’ai opérés (!) [45] ». Tout cela ne serait que malversations si l’on ne se souvenait des intentions et des appuis du personnage. Pour le dédommager sans doute, l’ancien directeur est devenu, en 1853, curé de la Casbah

Le reste du personnel ne fait pas meilleure figure. Le commandant du cercle se plaint encore de ce que cet établissement « sert de refuge à tous les ecclésiastiques qui ne peuvent pas se maintenir dans leur cure. J’ai transmis récemment mes plaintes pour obtenir le renvoi de l’un d’eux, l’abbé Mihlau, ex-desservant de Mondovi ». Chassé par son évêque, ce prêtre a été recueilli par l’abbé Landmann ainsi que deux séminaristes remerciés par leur supérieur. Le Vicaire général de Strasbourg s’est même débarrassé ainsi d’un de ses clercs ivrognes [46]. Enfin, l’abbé Rostan, qui fait fonction d’aumônier sans traitement, ne vaut guère mieux. « Aujourd’hui, malgré ma défense, dit encore le commandant de Guelma, il s’est fait délivrer à titre de prêt, diverses denrées qu’il donne en paiement aux arabes qui travaillent à sa concession. Il s’est emparé pour la deuxième fois de graines qui vont nous manquer et cela de sa propre autorité. Enfin, il a détourné un militaire du travail de la maison et l’a employé deux jours de suite à la concession, toujours à la dérobée, sans autorisation ». Le commandant a hésité à porter plainte. « Une pénible émotion m’a arrêté un moment. Sa misère [47] il est sans ressources. D’un autre côté, la crainte que ces principes ne fussent suivis par les enfants m’a décidée » L’orphelinat de Medjez-Amar ressemblait de plus en plus à un repaire : l’autorité militaire était seule à se souvenir des enfants.

Le général de Salles, commandant de la Province, tira la conclusion théorique et pratique de l’expérience les orphelins, dans tout cela n’ont été qu’un prétexte, les jouets de l’avidité d’un homme « dont le but unique est de faire triompher des théories générales rêveries nébuleuses et théories socialistes qu’il énonce dans ses ouvrages, c’est l’ambition de l’écrivain et de l’utopiste. Enfin son but, avoué par lui-même, est la représentation nationale et l’œuvre de Medjez-Amar n’est pour lui que l’instrument de son ambition [48] ». Il ne parvint pas, cependant, à la députation. Le 1er janvier 1852, le général confia la gestion de l’orphelinat à un officier. « Cela est triste à dire, remarque le nouveau commandant de cercle, le colonel de Tourville, mais en Afrique comme à Rome, nos soldats sont plus religieux que les prêtres [49]. » La religion, par les uns et les autres, étaient, en fait, bien malmenée.

Il fallut deux expériences malheureuses pour que le ministre se décidât enfin à supprimer l’établissement. L’abbé Plasson prend la charge, en 1852, de quatre-vingt-cinq enfants. Ceux des Charentes, un moment à Ben Aknoun, sont à nouveau à Medjez-Amar. La vie de ces orphelins ne manquait pas d’animation. Dès la fin de l’année, le frère de la Croix, de la Congrégation de Poncin dans l’Ain, renonce il l’entreprise. Tout son personnel est malade [50]. La régie militaire reprend sa place jusqu’à 1854. A cette date, Mgr Bagnoud, abbé des Augustins de Saint-Maurice de Valais, évêque de Béthléem signe un traité d’exploitation. Les brutalités sont telles que les enfants se mutinent. Les maux d’yeux, la teigne ont envahi la maison. Un frère vend le vin aux enfants un franc la bouteille. Le cuisinier, lui, vend le pain aux arabes et tient auberge avec absinthe et autres alcools. L’inspection de 1851 constate que la direction ne songe qu’à tirer profit de la situation et du travail des enfants pour ses intérêts temporels. L’instruction et même l’éducation religieuse sont laissées à l’abandon et ces malheureux resteraient « à croupir dans la saleté et dans la misère, sans la surveillance constante de M. le commandant d’Auribeau [51] ». En 1856, le Procureur général doit venir enquêter, il semble qu’il s’agisse d’un assassinat, la moitié des enfants lui paraît atteinte d’idiotisme. Ce qui n’empêche la direction de réclamer constamment, au nom des charges qu’elle assume, le paiement de ses dettes. Il faut attendre 1857 pour que le ministère, plusieurs fois avisé, finisse par réagir et demande à l’évêque d’Alger la démission de l’Abbé de Saint-Maurice, tout en prenant soin d’ajouter « l’expérience, l’aptitude et les moyens d’action ont fait à la fois défaut à leur zèle et te leurs bonnes intentions que je suis loin de méconnaître [52].

Pourquoi se croire obligé de dire d’aussi gros mensonges, si officiels soient-ils ? Medjez-Amar est enfin évacué.

A Misserghim, aucune confrontation avec l’utopie. Il n’y en eut jamais trace. Peu d’archive également, le père Abram n’agite pas les ministères. N’était le scandale qui y éclata, la misère des orphelins aurait laissé peu d’indices. En 1848, le père Abram dépose à Alger un projet inspiré des réalisations de l’abbé Brumauld. Consulté par l’administration, celui-ci semble peu enthousiaste. « Le père Abram dispose-t-il du personnel suffisant, capable et désintéressé nécessaire [53] ? » En mai 1849, en tout cas, l’affaire est conclue sept frères s’installent sur une propriété de cinquante hectares qu’ils ont achetée, et signent, avec le préfet d’Oran, un traité concernant l’emploi des enfants trouvés. L’espace étant trop réduit, en 1851, le père se voit concéder l’emplacement du camp militaire voisin et reçoit la charge de la pépinière départementale, quitte à fournir 40 000 arbres par an a l’administration. On mesure l’étendue. Le centre devient en même temps une véritable maison religieuse avec dix-sept profès, neuf novices et huit postulants ou présentés comme tels en 1854, sans qu’on sache d’ailleurs d’où viennent les nouveaux membres [54]. Il ne semble pas, cependant, que Misserghim soit, comme Medjez-Amar, un asile pour insoumis, ce qui ne veut pas dire que le recrutement soit plus choisi. 180 enfants trouvés y sont rassemblés quand éclate le scandale le 7 septembre 1855, un jeune arabe est assassiné dans des circonstances atroces par Frère Ange et un juif marocain employé dans la maison. Le général commandant de la Province rend compte au gouverneur général, mais laisse faire la justice. Frère Ange est condamné à cinq ans de travaux forcés, ayant bénéficié des circonstances atténuantes [55]. La presse s’empare de l’affaire pour dénoncer l’incurie de l’administration. Le ministre de la Guerre que l’on avait évité d’avertir, apprend l’affaire par les journaux. Colère de Paris. « Les faits d’ignorance crasse et de brutalité sauvage qui ont été constatés publiquement à la charge de plusieurs frères de l’Annonciation et de leurs élèves, accusent dans l’organisation de l’orphelinat des vices et des abus qui n’auraient pas dû échapper si longtemps à la surveillance de l’autorité locale, si cette surveillance avait existé [56]. » II faut bien dire que l’indulgence de Paris ne la facilitait pas. Ces « pépinières de colons », qui devaient être un havre d’innocence, le germe épuré d’un monde nouveau, des centres « d’acclimatation de la civilisation », comme disait l’abbé Landmann, prenaient triste visage. Elles inspirent même quelque effroi, si l’on pense à l’usage que des adultes pouvaient faire des enfants dans un contexte très officiel. A la suite de cette affaire, le ministère déclencha une vague d’inspection dans les orphelinats, talonna les administrateurs locaux (le préfet d’Oran, Majorel, exige un règlement intérieur pour les enfants de Misserghim, le père Abram propose quinze heures de lever par jour huit de travail, trois et demie d’études, instruction religieuse comprise, trois heures pour les repas et les récréations, une demie heure pour l’habillement, l’hygiène, le nettoyage et la prière, etc.), mais il n’obligea pas le directeur à démissionner ! En 1857, l’inspection est encore déplorable les enfants sont à l’état sauvage « dans ce vaste camp où presque rien n’a été fait, où rien n’a changé », et cependant le ministre songe encore à concéder aux frères de l’Annonciation de nouveaux espaces. Que fallait-il donc pour instruire Paris ? Il semble, cependant, que l’orphelinat disparut, avant 1860. Les enfants les plus âgés furent remis à des familles, les autres regroupés à Ben Aknoun.

Tant de péripéties pourraient laisser croire que les 100 000 orphelins, disponibles en France, avaient été oubliés. Medjez-Amar n’en reçut pas d’autres que ceux de Notre-Dame de Vallade, l’autorité militaire de Guelma y mit bon ordre.

Il n’en fut pas de même ailleurs. La vie de Ben Aknoun se développait plus normalement, le centre s’agrandissait. L’abbé Brumauld, craignant de placer dès l’âge de quinze ans ses enfants dans les familles, obtint, en 1851, la concession pour vingt ans, du Camp d’Erlon désaffecté, dans la commune de Bouffarick à une quinzaine de kilomètres de Ben Aknoun. Cette « maison d’apprentissage pour les jeunes français destinés à la colonisation de l’Algérie », avait adopté pour devise « Cruce et aratro ». Dans un médaillon, remplaçant l’épée, une croix enveloppée d’une gerbe dominait une charrue, symbole de cette société chrétienne et pacifique que le père jésuite défendait déjà auprès de Bugeaud [57]

La croissance n’allait d’ailleurs pas sans protestation. L’abbé Brumauld était, il faut le reconnaître, difficile à satisfaire. Dès 1852, il sollicite une concession nouvelle pour y établir, cette fois, ses protégés adultes. « Il faudra bientôt que toute la plaine leur appartienne », écrit Randon. Mais l’ensemble était bien tenu, les enfants, soignés, propres, allaient en classe. Un médecin était même attaché à Bouffarick, qui constate une situation sanitaire bonne l’infirmerie est souvent vide [58]. Les déboires de Medjez-Amar ne pouvaient donc influencer le directeur de Ben Aknoun. En juin 1852, il est à Paris et se fait remettre 200 enfants par le département de la Seine. Il semble d’ailleurs qu’à cette époque ce soit de France que l’affaire ait été relancée. Saint-Arnauld est ministre de la Guerre. Il faut le croire convaincu par l’expérience de Medjez-Amar, car c’est lui qui consulte Randon, le 11 février 1852, sur les possibilités actuelles de placement des enfants trouvés français en Algérie. « Je m’empresse de vous faire connaître qu’en principe je ne puis que m’associer hautement aux vues de votre département »3 [59] répond le gouverneur général. Randon prend, cependant, soin d’ajouter les avantages étant particulièrement grands pour la métropole, qui verra diminuer ses frais de justice et d’hospices, le coût de l’opération doit être assumé pour moitié au moins, par le ministère de l’Intérieur, le reste par la guerre et la charité publique. Le gouverneur général offre, lui, sa bonne volonté. L’accord de principe obtenu, l’abbé Brumauld est suivi en France, par le père Abram, tandis que Zuber, conseiller du Haut-Rhin, arrive en Algérie et confirme la possibilité d’accueil d’un premier contingent de 1000 enfants. Le Moniteur algérien s’intéresse à la question et suggère à chaque conseil général de fonder en Algérie un établissement « comme celui du père Brumauld [60] ». A Paris, on favorise les contacts et le père Abram rentre à Misserghim accompagné, lui aussi, d’une cinquantaine d’enfants. A la demande du ministre de la Guerre, le ministre de l’Intérieur consulte les préfets afin de généraliser l’entreprise Quel est, dans chaque département, le nombre d’enfants disponibles ? A quelles conditions financières accepterait-on le transfert ? Plusieurs départements répondent, dix font des offres précises, mais aucun accord n’est conclu. Les exigences financières d’Alger sont trop grandes. Dans la métropole, un enfant trouvé ne coûte rien après douze ans. « Quelques brillantes que puissent être les espérances qu’on peut faire entrevoir aux administration départementales, en faveur de leur pupilles, écrit le ministre de l’Intérieur, elles ne pourraient détourner l’attention des conseils généraux de la véritable question, la seule qui les touche réellement, celle de la dépense [61] ». En 1853, 1854, il y eut de nouveaux sondages. La Seine-Inférieure, la Manche reviennent à la charge. Chacun voudrait bien, sans trop le dire, se débarrasser de futurs gêneurs mais à condition qu’il n’en coûte rien. Une plume a noté, en marge de la lettre du ministre « L’avenir de ces malheureux enfants qui ont presque toujours en perspective les hospices et les prisons, est cependant bien quelque chose aussi. » Remarque insolite dans un contexte qui, jamais, ne pose le problème sous cet angle.

Il n’y eut, cependant, pas d’autres envois, mais la question reste à l’ordre du jour. L’abbé Brumauld s’emploie à l’y maintenir. C’est l’époque où Napoléon III, le Sénat s’en occupent, où le Rapport à l’Empereur insiste sur le rôle de plaques-tournantes de la colonisation assuré par des établissements où les enfants venus de France, pas avant douze ans désormais, se prépareraient pendant trois ans à leur vie nouvelle. Rien n’y manque horaire quotidien, programme d’enseignement, variété des formations, etc., mais tout échoppe sur les conditions du « marché », comme dit le Secrétariat général d’Alger commentant le départ des deux cents enfants remis par la Ville de Paris à l’abbé Brumauld « M. l’abbé Brumauld vient de conclure un marché dont les résultats peuvent être excellents dans l’avenir pour la prospérité de la colonie 200 orphelins. [62] » En ces temps de bourgeoisie conquérante, personne, même en ces circonstances, ne peut renoncer au profit, et l’on ne débat d’absolument rien d’autre.

Là-dessus éclate le scandale de Misserghim, les difficultés financières du père Brumauld grandissent « la maison de Bouffarick a dû, dernièrement, manger ses boeufs de travail pour conserver ses effectifs [63] », le provincial des jésuites commence à s’inquiéter [64]. La presse change de ton à quoi bon des maisons d’apprentissage ? Pourquoi les enfants abandonnés en France ne seraient-ils pas simplement expédiés, dès douze ans, et remis aux colons qui les demanderaient ? On étonnerait beaucoup M. Bourget de l’Akhbar, si on lui reprochait les relents d’une pensée esclavagiste [65]. Rien de plus normal que d’expatrier, à douze ans, des enfants dans des familles étrangères. Pas une hésitation, pas une protestation. Il est vrai qu’après avoir travaillé jusqu’il vingt-cinq ans, ces êtres humains, s’ils en réchappaient, recouvreraient leur liberté. Ce fut le père provincial des jésuites qui tira plus rapidement que l’administration, les conclusions de l’affaire en 1859, il rappela en France le père Brumauld. L’orphelinat de Ben Aknoun subsista, bon an mal an, jusqu’en 1872. Son fondateur mourut à Mende en 1863. Pas plus que l’abbé Landmann, il ne put d’ailleurs renoncer à son rêve. En 1859, le Sénat reçoit encore une pétition en faveur de la colonisation de l’Algérie et de la jeunesse malheureuse de France qu’il a rédigée [66]. Mais les jeux sont faits l’administration a renoncé à la colonisation idéale de l’Algérie et au transfert des 100 000 enfants abandonnés en France. Ce mythe, pendant vingt ans, avait cependant occupé les plus hautes autorités.

Il faudrait, avant de conclure, dire quelque mots de l’orphelinat protestant de Dely-Ibrahim. Fondé en 1852, il ressembla plus à Medjez-Amar qu’à Ben Aknoun [67]. Il fut destiné, à l’époque des grands projets, à recevoir les enfants protestants de France. En 1853, une cinquantaine d’orphelins et d’orphelines s’y abritent dans deux édifices différents [68].

Il y eut aussi page importante les orphelinats de filles, ces futures compagnes pour soldats et colons assagis, qui avaient si fortement occupé l’imagination des premiers responsables de la colonisation. Mustapha Supérieur élève 413 fillettes en 1853, sans qu’on ait besoin remarquons-le d’aller les chercher en France [69]. Dans le site même de Misserghim, les Soeurs Trinitaires ont rassemblé, depuis 1854, 85 enfants [70]. Enfin à Bône, Mère Ursule Jacquot, des Soeurs de la Doctrine Chrétienne, dirige l’orphelinat agricole, créé sous l’impulsion du préfet en 1854, et pour lequel il lui a été concédé 10 hectares 39 ares. On voit la différence avec les immensités confiées à ses collègues masculins [71]. Les femmes ne sont pas faites pour les grandes entreprises. Une vingtaine de jeunes filles s’éduquent à Bône. A toute cette activité, à peine quelques allusions dans les archives officielles. Le silence de la tranquillité. Il est certain que les projets de ce sexe imaginatif ne se haussent, pas en Algérie, au niveau des intentions raisonnables, comme on a pu le voir, de leurs partenaires masculins. Ni soucis de colonisation, ni société coopérative, ni même réforme des structures sociales, ces femmes se contentent d’élever à la mode du temps, bien sûr les enfants qui leur sont confiés. L’histoire n’y trouve peut-être pas son compte, mais les fillettes en tirent profit.

Quelques mots, cependant, sur la maison de Bône dont la Mère Ursule jusqu’en 1866 et son assistante Soeur Bernard Ancher, ont fait « une des plus belles exploitations de l’Algérie [72] ». C’est l’Indépendant de Constantine qui, apprenant que Mère Ursule est gravement malade, veut lui rendre l’hommage de la province. Cette exploitation a obtenu « trente-cinq médailles, la plupart en or et en argent ». Femme de tête, Mère Ursule conduit sa maison avec rigueur, elle construit de ses propres deniers, cultive le mûrier, les arbres fruitiers, les orangers. Elle expose ses produits jusqu’en France, « à l’exposition d’Alger, j’ai obtenu cinq médailles et cinq mentions honorables. Mes produits ont été on ne peut mieux accueillis, comme vous pourrez le voir par la lettre de M. le Directeur du Musée d’exposition et d’histoire naturelle [73] ». Le directeur général voudrait même l’entraîner dans un projet de magnanerie modèle, dont il lui payerait à 80 la rente des 20 000 francs ». C’est plus que la maison mère n’en peut accepter. Faut-il pousser à l’extrême un raisonnement trop logique et dire que ces femmes ont un comportement social moins archaïque, et plus efficace que celui de leurs compagnons ?

Le sujet valait-il la peine d’être traité ? Il n’expose que projets avortés, échecs évidents, illusions inquiétantes. Mais chaque époque n’a-t-elle pas les siennes aussi significatives que ses réussites qui l’occupent et s’intégrent à son existence ? La presse contemporaine n’est-elle pas, autant qu’information, le palmarès de solutions possibles et si confortablement bonnes, à des problèmes qui s’obstinent à durer ? Un monde rêvé résolu.

Les 100 000 enfants disponibles, malléables comme aucun immigrant ne l’a jamais été, sont pour les imaginations les plus prudentes, ou qui se croient telles, un appât irrésistible, l’occasion, sans doute, d’échapper un moment au présent moins docile. Personne ne résiste au mirage, ni à Paris, ni à Alger, ni les administrateurs, ni les religieux. Pourquoi Bugeaud, Daumas, la Commission du Sénat impérial, l’évêque d’Alger lui-même n’auraient-ils pas eu besoin de croire, quelquefois, aux solutions miracles ? Une société parfaitement stable, parfaitement chrétienne, parfaitement adaptée, quel repos Ces enfants sont, pour les grandes personnes, le prétexte à un rêve réconfortant ou sordide, sans qu’il soit jamais réellement question d’eux. Un psychanalyste trouverait sans doute bien des significations à ce comportement tout s’y mêle, la dureté de l’adulte, absolument occupé de lui-même, unie aux résidus d’une imagination enfantine. Ce qui le marque, pour un historien, c’est l’indifférence presque totale aux êtres qu’il met en jeu et la distorsion profonde entre des valeurs partout proclamées et leurs réalités vivantes. Les nouveautés, mêmes éclatantes, s’assimilent lentement. Peut-être, en ce domaine, le XIXe siècle est-il le plus inhumain, débarrassé des protections de la société ancienne sans avoir encore inventé d’autres modérateurs. Dans le présent, il est implacable l’espoir de cette société romantique pour les enfants les plus misérables.

En tout cas, l’intérêt politique et économique soulevé par les enfants trouvés disparut aussi complètement qu’il avait, un moment, occupé l’administration. Il est possible, cependant, que sous une forme bien différente, ce souvenir subsiste dans l’action de Mgr Lavigerie.

Y. TURIN.


Voir en ligne : Revue historique dirigée par MM. G. Monod et G. Fagniez - 1970


[1A. N., F 80.1639.

[2A. N., F 80. 1639. Rapport à Zuber, 25 décembre 1852.

[3Rapport de Watteville à M. le Ministre de l’Intérieur sur la situation administrative morale, financière du Service des enfants trouvés et abandonnés en France. Paris, 1849, p. 6

[4Rapport de Watteville, p. 15.

[5Rapport de Watteville, p. 22.

[6Rapport de Watteville, p. 22.

[7Rapport de Watteville, p. 22. De Watteville note qu’à la même époque la Belgique adopte les mêmes mesures.

[8A cette date, de Watteville précise 25 239 expositions par an, « ce qui, dit-il, indiquerait une vie moyenne de quatre ans »

[9Annales de la colonisation algérienne, 1852, p. 85 (article de E. PÉRAIRE).

[10Expérience de « colonie agricole pour vagabonds, réalisée dans le département du Haut-Rhin sur le modèle suisse.

[11A. N., F 80. 1639.

[12BURNICHON, Histoire d’un siècle, t. III, p. 326.

[13A. N., F 80. 1639. Rapport à l’Empereur.

[14J.-B. DUROSELLE, Les débuts du catholicisme social en France, jusqu’en 1870, p. 222.

[15Ibid., p. 110. Buchez semble n’avoir jamais compris à quel aventurier il avait à faire. A propos d’un vote de 50 M. débattu à l’Assemblée Constituante le 19 septembre 1848, Buchez appuie son intervention de cette remarque « Je prie, M. le Ministre de la Guerre, en grâce, de ne pas demander qu’on retire du décret le mot d’association quand ce ne serait que pour permettre à l’abbé Landmann, que je connais fort bien, de faire son essai de colonisation. » C’est peu de temps après cette déclaration que l’abbé Landmann obtiendra l’autorisation de fonder Medjez-Amar. Le Moniteur universel, 20 septembre 1848,

[16Les fermes du Petit Atlas. p. 104.

[17Ibid., p. 119., C’est sans doute à propos de ce texte que Ch.-A. Julien (Histoire de l’Algérie contemporaine, t. I, p. 244) parle de « Communautés paysannes de l’abbé Landmann fondées sur l’association et la religion qui, ne bénéficiant pas du soutien que reçurent les trappistes, n’eurent aucun succès ». Ces Communautés n’ont jamais existé.

[18Lettres publiées par l’abbé Landmann lui-même dans son « Appel à la France pour la colonisation de l’Algérie A. N., F 80, 1639.

[19A. N., F 80. 1647. Archives de Paray-le-Monial, des Pères Jésuites de la Province de Lyon, t. II, p. 2 Archives de l’archevêché d’Alger (A. A. A.) 10.5.1.

[20A. N., F 80. 1647. La citation vaut d’être complétée « C’est elle seule qui peut lui envoyer des jeunes filles, qu’une faute et le malheur ont souillées sans doute, mais qui déjà sanctifiées par la Religion, pourront s’élever aux vertus de la famille, et retrouver enfin la paix sous d’autres cieux. Cette pensée, qui promet à la France la possession plus facile d’une vaste contrée si utile à son commerce, doit encore purger son sein de jeunes filles dont la faiblesse aurait succombé aux séductions d’une société corrompue (pour cet abbé la société coloniale a quelque chose de l’auréole du bon sauvage), elle sauve aussi des infortunées qui s’étaient perdues dans le monde et qui se réhabiliteront au désert, par la toute puissance de la Religion, du travail et des devoirs doux et saints du foyer domestique P. Suivent les modalités d’exécution établissement de transition à Alger, où par l’entremise de la Supérieure, l’information d’un délégué, on s’efforce d’assortir les caractères, le tout se concluant, par une entrevue de quelques minutes, à condition que le futur conjoint soit « d ?âge mûr, bon citoyen, bon époux, bon père qui pourrait donner son passé comme exemple, et ses actes comme conseils ».

[21A. N., F 80. 1644.

[22A. N., F 80. 1644.

[23Archives Paray-le-Monial, t. II, p. 169. Lettre de A. Brumauld pour demander des secours.

[24A. N., F 80. 1642. Rapport de juillet 1850 par l’Abbé Brumauld.

[25Voici le texte de l’inspection médicale de 1851 « C ?est un grand établissement, presqu’entièrement construit à neuf sur un plan adapté à sa destination. Il est situé sur un plateau accidenté à quelques kilomètres du fort l’Empereur. entouré de toutes parts de beaux jardins, en plein rapport et par des cultures riches et avancées. Des salles d’études pour les divers degrés d’instruction élémentaire, des ateliers pour l’apprentissage des arts mécaniques sont disposés autour d’une vaste cour. » ? D’autre part, le père Burnichon commente, ainsi, les talents d’administrateur du père Brumauld « Avec sa nature généreuse, l’abbé Brumauld répugnait aux calculs qu’exige l’entretien d’une grosse maison qui n’a pas de ressources assurées. » Histoire d’un siècle, t. III, p. 326.

[26A. N., F 80. 1732.

[27A. N., F 80. 1732.

[28A. A. A., 10. 5.4.

[29A. A. A. 10. 5. 4. Lettre du 16 décembre 1846.

[30A. N., F 80. 1644. Lettre du gouverneur général au ministre de la Guerre, août 1847.

[31A. N., F 80. 1650. Mission Dutrône, février 1848.

[32A. N., F 80. 1639. Note du secrétariat général, 14 janvier 1848.

[33A. N., F 80. 1639. Rapport à l’Empereur 1855, mais l’idée est bien antérieure.

[34A. N., F 80. 1639.

[35A. N., F 80. 1650.

[36A. N., F. 80 731,

[37A. N., F 80. 1630. Rapport du 20 novembre 1849.

[38A. N., F 80. 731.

[39A. N., F 80 1643.

[40A. N., F 80 1643.

[41Archives Paray-le-Monial, t. II, p. 679 ; Lettre autographe, 24 juin 1850.

[42Archives Paray-le-Monial, t. II, p. 680 Lettre autographe, 5 juillet 1850.

[43A. N., F 80 1643.

[44A. N., F 80. 1643. Rapport du cercle du Guelma. Commandant Périgot au général de Salles.

[45A. N., F 80. 1643. Rapport du cercle de Guelma, juillet 1851.

[46Ibid.,

[47Lettre du commandant du cercle de Guelma, capitaine Lagache, au commandant supérieur du cercle, A. A. A., 10. 5. 13.

[48A. N., F. 80. 1643, de Salles au gouverneur général, le 12 décembre 1851. Périgot avait écrit de son côté « Pouvons-nous confier des enfants à l’ambition d’un homme qui ne semble avoir revêtu l’habit du prêtre que pour mieux arriver à ses fins ».

[49A. N., F 80 1643. Le même colonel ajoute « Ce n’est pas la première fois, mon général, que j’ai à m’occuper des établissements d’orphelins en Algérie. Cette question, je l’ai étudiée au Comité de l’Algérie et permettez moi de vous dire que l’impression qui m’est restée de mes investigations n’a nullement été favorable même à Ben Aknoun, ni aux autres lieux. La vérité est déguisée, on a produit des résultats fictifs". ».

[50A. N., F 80 1643.

[51A. N., F 80 1639. F 80 1639. Inspection en décembre 1855 par le général commandant la province.

[52A. A. A., ’10. 5. 38. Le Ministre de la Guerre à l’évêque d’Alger, 16 février 1857.

[53A. N., F. 80 1645.

[54A. A. A., 10. 5. 20.

[55A. N., F. 80 1645.

[56A. N. F., 80 1639. Paris 16 novembre 1855.

[57A. A. A., 10. 1. 1. A. N. F. 80 1678.

[58Archive du Val-de-Grâce, 70.50 et 70.37.

[59A. N., F., 80 1639.

[60Archives de Paray-le-Monial, t. X, p. 99.

[61A. N., F. 80 1639, Le ministère de l’intérieur au ministre de la Guerre, Saint Arnaud, le 20 août 1853.

[62A. N., F. 80 1639. Alger, 30 juin 1852.

[63Archives Paray-le-Monial, t. II p. 1489. « La plus intolérable des politiques est d’être entre la vie et la mort comme nous le sommes depuis cinq ans. » Pour la seule année 1856 30.000 fr. ont été accordés. A. N., F 80 1639.

[64« Ne serait-il pas préférable de vendre ? » Archives Paray-le-Monial, t. II, p. 1083.

[65Archives Paray-le-Monial, t. II, p. 980, 21 novembre 1855.

[66Paris, Imp. de C. La Lure, 1859. L’abbé Landmann faisait encore de même en 1862.

[67A. N., F. 80 1642 F 80 1639. Les inspections sont très défavorables.

[68A. N., F. 80 1642 F 80 1639.

[69A. N., F. 80 1645.

[70A. N., F. 80 1053 F 80 1645

[71Archive de la Doctrine Chrétienne Nancy A. N., F 80 1642.

[72Indépendant de Constantine, 9-10 septembre 1864. Archives de la Doctrine chrétienne. Nancy.

[73Archives de la Doctrine chrétienne. Nancy. Lettre du 17 septembre 1862.

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