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Histoire du château de Bouteville (16) par Paul de Lacroix (1906)

mercredi 5 septembre 2007, par Pierre, 8845 visites.

 

 

Le château de Bouteville, par une "nuit blanche en pays jaune d’or"
Photo : P. Collenot - 08/2007

 

C’est une des plus belles positions de l’Angoumois, et aussi l’une des plus riches en souvenirs historiques, par l’importance et la multiplicité des évènements qui s’y sont accomplis.

On dirait que les gloires de toutes les époques s’y étaient donné rendez-vous.

Le poète et l’historien, qui s’en vont glanant à travers les souvenirs de notre histoire, trouveront à Bouteville toute une résurrection de siècles évanouis, et on peut leur prédire à coup sûr de grandes et fécondes impressions !

Source : Les anciens châteaux des environs de Cognac par Paul de Lacroix, bibliothécaire de la ville de Cognac. - Cognac - 1906

Situé tout au haut d’une colline, dominant de riches vallées, le château de Bouteville occupe une des plus belles positions de l’Angoumois. Son antiquité est attestée par tous les documents de notre histoire, et l’imagination se plaît à se remémorer les rudes assauts qui furent donnés contre ses murailles, et à admirer le courage guerrier de ses possesseurs. Du haut de ses tours gothiques, au milieu de sa place d’armes, on apercevait les remparts d’Angoulême !e clocher da Matha et celui de Cognac, et par des signaux on pouvait communiquer avec ces villes.

le château de Bouteville
Source : Statistique monumentale de la Charente - Abbé Michon

Avant que Bouteville n’eût un château, il y avait dans ce lieu, tout porte à le croire, quelque villa édifiée par les Romains pendant leur occupation, et qu’ils appelèrent Bota villa, dont les Francs ont fait Bouteville. Bâti non loin de la voie qui reliait Périgueux à Saintes, vulgairement appelée Chemin Boisné, cette habitation de quelque proconsul était merveilleusement située pour être à portée de Condate (Merpins) et d’Engolisma (Angoulême).

Dès les premiers temps de la monarchie française, Bouteville eut un château, élevé pour se défendre contre les Normands qui avaient envahi l’Angoumois. Pendant qu’on guerroyait contre eux Landry, comte de Saintes, s’empara du château de Bouteville, et une fois en sa possession, il ne voulut plus le rendre, prétextant qu’il faisait partie de son territoire II appuyait sa prétention sur ce que Bouteville était du diocèse de Saintes. Mais le comte d’Angoulême, Emenon, qui l’avait occupé comme gouverneur militaire de l’Angoumois voulut le ravoir. Il provoqua Landry en un combat singulier : ils se battirent à cheval le 14 juin 866. Emenon tua son ennemi sur le champ de bataille, mais lui-même fut blessé mortellement ; il expira huit jours après et fut enterré dans l’abbaye de St-Cybard d’Angoulême.

Quelques années après, le château de Bouteville était possédé par Maynard, dit le Riche, seigneur d’Archiac qui avait épousé Ildegarde, dont les parents habitaient le château.

Guillaume Taillefer II, héritier des comtes d’Angoulême, maria son second fils, appelé Geoffroy, avec Pétronille, fille du seigneur de Bouteville et d’Ildegarde. Par ce mariage, les terres de Bouteville et d’Archiac étaient passées dans la maison des comtes d’Angoulême.

Isabelle Taillefer, héritière du comté, épousa en premières noces le roi Jean d’Angleterre, puis Hugues de Lusignan.

La seigneurie de Bouteville suivit le comté d’Angoulême dans les mains du dernier Lusignan mort en 1307, et qui légua son comté à Philippe-le Bel, roi de France. Réuni aux domaines de la couronne l’Angoumois en fut détaché en faveur d’apanagistes d’abord de Jeanne de Navarre, puis du duc de Berry, frère du roi Charles V. Pendant la guerre de Cent ans, les Anglais s’emparèrent du château de Bouteville et s’y fortifièrent. Le maréchal de Sancerre fut envoyé en Angoumois pour reprendre les châteaux-forts occupés par eux. Celui de Bouteville fui l’occasion d’un siège. Les Anglais avaient pour chef Guillonnet de Sainte-Foix. Ayant refusé de se rendre à la sommation faite par le maréchal de Sancerre, Celui-ci l’assiégea et ne prit le château que quelques temps après. Le château fut ensuite démantelé.

Le 6 octobre 1394, le comté d’Angoulême fut donné en supplément d’apanage à Louis de France, duc d’Orléans. Ce prince étant mort en 1407, ce fut le plus jeune de ses fils qui eût le comté d’Angoulême. Pendant sa minorité, le comté fut administré par son frère aîné, qui le fit partir pour l’Angleterre en 1412, comme otage du traité de Bourges, et où il resta trente-deux ans.

En 1445, le comte Jean d’Orléans, de retour dans sa patrie, fit solennellement son entrée à Angoulême, accompagné des plus grands seigneurs du pays. Il s’unit bientôt à Marguerite de Rohan, puis partit pour la guerre qui eût lieu en Guienne contre les Anglais, et qui prit fin par leur défaite à Castillon, Bordeaux et Blaye. Ce fut la fin de leur invasion (1453).

Le comte Jean, surnommé le Bon, améliora le sort de ses vassaux et agrandit ses domaines. Plusieurs chartes témoignent de ses visites aux châteaux de Bouteville et de Châteauneuf qu’il releva de leurs ruines. Celui de Cognac, qu’il habitait de préférence, lui dut sa reconstruction et ses agrandissements. Etant au château de Bouteville, en 1453, il y perdit son fils aîné nommé Louis, âgé de trois ans, et duquel le roi Charles VII avait été parrain.

Le comte Jean mourut en 1467, au château de Cognac, laissant un fils et une fille de son mariage. Charles d’Orléans, comte d’Angoulême après son père épousa, à Paris, Louise de Savoie, fille aînée de Philippe II. Les époux habitèrent souvent, pendant la belle saison, le château de Bouteville. Charles mourut à Châteauneuf le 1er janvier 1496. Deux enfants héritèrent des terres du duché d’Angoulême : François, né à Cognac le 12 septembre 1494, et Marguerite, née à Angoulême deux années auparavant, devenue, plus tard, reine de Navarre.

Louise de Savoie se relira au château de Cognac, où elle s’occupa de l’instruction de ses enfants. Louis XII, qui les avait pris en affection, à cause de leur parenté, les faisait souvent venir à sa cour qu’il tenait à Blois. Il donna pour précepteur à François Ier le chevalier de Gouffier-Boissy, et pour apanage le duché de Valois. A l’âge de six ans, il le fiança à Claude de France, sa fille aînée, mais le mariage ne se fil que le 18 mai 1514. Le roi Louis XII étant mort peu de temps après, François Ier fut nommé son successeur au trône.

A peine roi, François Ier songea à manifester sa reconnaissance envers sa mère. Par lettres-patentes données à Compiègne, il érigea l’Angoumois en duché-pairie en sa faveur. Louise de Savoie, vivement préoccupée d’augmenter les biens de la châtellenie de Cognac, qui lui avait été attribuée pour douaire par contrat de mariage, ne négligea pas Bouteville. Elle remboursa à Guy de Mortemer, seigneur de Roissac, une homme de huit cents livres, dont garantie lui avait été assignée sur Plessac et sur les acquêts faits dans les châtellenies de Bouteville et de Châteauneuf.

Louise de Savoie faisait de fréquents voyages dans les seigneuries de son duché d’Angoulême. Elle visitait souvent les La Rochefoucauld à Barbezieux, les Montbron à Archiac, les Chabot à Jarnac. Un jour, écrit-elle dans son journal, « je partis de Cognac, pour aller à Angoulême et coucher à Jarnac ; et mon fils, démonstrant l’amour qu’ii avait pour moi, voulut aller à pied et me tenir compagnie. » Bouteville eut sans doute leur visite à l’aller ou au retour. Ceci se continua jusqu’à sa mort, arrivée en 1531.

Les longues et ruineuses guerres que François Ier eut à soutenir contre Charles-Quint, avaient grevé le trésor public. Les impôts pouvant rarement suffire, souvent en engagea partie des biens de l’Etat. Après la mort de Louise de Savoie, le duché d’Angoulême fut de nouveau réuni au domaine de la Couronne. Le roi François 1er fit bientôt distraction de la terre et seigneurie de Bouteville, et l’engagea, sous faculté de rachat, à Claude de Monfmorency, seigneur de Fosseux, son ancien conseiller et maître d’hôtel ordinaire, alors lieutenant-général de la marine.

La maison de Montmorency, la première de France dans la hiérarchie des barons grands feudataires du royaume, doit au rang qu’elle a toujours tenu dès le dixième siècle le surnom de premier baron de France comme elle doit à sa haute antiquité et à ses vertus celui de premier baron chrétien.

Claude de Montmorency, qui avait épousé Anne d’Aumont, laissa plusieurs enfants, entr’autres François de Montmorency, premier du nom de la branche de Bouteville.

François de Montmorency et Jeanne de Mondragon, sa première femme, se contentèrent d’habiter l’ancien château de Bouteville, vieille forteresse du moyen-âge, relevée de ses ruines par le comte Jean d’Orléans, et qui se trouvait un peu à l’ouest du château actuel.

Pendant la révolte de la gabelle, en 1548, le château de Bouteville fut assez bien gardé pour ne pas être forcé d’ouvrir ses portes aux furieux qui marchaient au nombre de 4.000 sur Châteauneuf.

Bientôt les guerres religieuses apparurent et dévastèrent la contrée (1562). Les protestants, maîtres de Cognac, commirent plusieurs déprédations, mais réduits par la force, la ville ouvrit ses portes au seigneur d’Ambleville. Angoulême se rendit à Prévôt de Sansac, son gouverneur. Tout semblait pacifié pour le moment.

Pendant ce temps, François de Montmorency-Bouteville guerroyait en Languedoc avec son cousin Damville.

Après l’édit de pacification de janvier 1563, la reine-mère, Catherine de Médicis, entreprit de visiter les provinces, accompagnée de Charles IX, du duc d’Anjou, de sa sœur Marguerite et de toute sa cour. Elle se trouvait au château de Cognac au mois d’août 1565. Mais ce voyage ne put guère la fixer sur une paix durable. La prise d’Angoulême par les protestants, en 1568, et la bataille de Jarnac qui eut lieu l’année suivante, attirèrent encore les armées en Angoumois.

Ce qui résulta de ces luttes diverses, ce fut la destruction de presque tous nos monuments, le pillage et l’incendie des monastères. A Bouteville, le prieuré s’étant écroulé, les bénédictins ne purent y continuer le service religieux. Trop de passions poussaient les partis pour que la paix de Saint-Germain (1570) put avoir quelque durée. La guerre recommença, guerre plus politique que religieuse, car il s’agissait alors pour les réformistes, ayant à leur tête le jeune roi de Navarre, d’arracher du front de Henri III la couronne des Valois ; pour les autres, de défendre la royauté menacée dans la légitimité de ses droits séculaires, l’Angoumois ne demeura pas étranger au mouvement des partis ennemis. Le château de Bouteville fut encore une des premières positions occupées par les réformistes de ce pays. Ceux-ci se réunirent pendant la nuit du carnaval 1573, et se concertèrent pour surprendre la garnison catholique campée dans le château. Protégés par l’obscurité, ils gravirent silencieusement la colline, escaladèrent les murs, pendant que la garnison se livrait à la joie d’un festin. Les catholiques, pris ainsi à l’improviste, furent obligés de se rendre après une faible résistance.

Louis de Montmorency-Bouteville, pendant que Henri IV était attaché au siège de Paris, fit des prodiges de valeur à l’attaque de Senlis. Ensuite il leva un régiment de vingt compagnies, à la tête duquel il se signala dans toutes les expéditions de cette guerre. Ce fut lui qui entra le premier dans Paris à la tête des lansquenets, lorsque le comte de Brissac ouvrit les portes de la capitale à Henri IV. Il servit avec le même zèle aux sièges de Laon, de La Fère et d’Amiens. Le roi voulant enfin récompenser ses longs et pénibles services, l’honora de la dignité de vice-amiral de France.

Lors du mariage du jeune roi avec Anne d’Autriche, Louis de Montmorency-Bouteville y parut avec grande magnificence dans un carroussel qui eut lieu sur la place Royale, en l’honneur de cet hyménée. Bouteville servait de maréchal de camp à son jeune cousin le duc de Montmorency.

Il mourut cette même année, à l’âge de 55 ans. De Charlotte de Luxe, sa femme, il laissa cinq enfants, dont François de Montmorency, seigneur de Bouteville, comte souverain de Luxe, né en 1600, qui montra un grand courage aux sièges de St-Jean-d’Angély, de Montauban et de La Rochelle.

La grande bravoure de ce seigneur lui fut fatale. A cette époque, la fureur des duels était tellement invétérée que les édits successifs du roi n’avaient pu la déraciner. Le comte de Bouteville tua en duel le comte de Thorigny et se battit contre Henri de Clermont d’Ambroise, dont il causa la mort. Arrêté avec son cousin des Chapelles qui lui avait servi de second, il fut condamné et exécuté place de Grève (1627)

La terre de Bouteville était passée déjà, depuis plusieurs années, dans d’autres mains. Dès le commencement du règne de Henri IV, ce prince avait ordonné la revente du domaine, messire Béon de Massès s’étant présenté pour acheter la dite châtellenie, messieurs les commissaires députés pour la revente, et, autorisés à cet effet, lui accordèrent l’engagement, avec faculté de rachat perpétuel de la châtellenie et terre de Bouteville, moyennant la somme de 50, 577 écus 53 sols, payable vingt mille écus comptant, 4.000 écus que M. de Béon ferait employer en améliorations, et les 26.000 écus restant à rembourser le précédent engagiste. (Archives nationales, Q. 112, Titres domaniaux).

Le procès-verbal de l’état de la terre de Bouteville fut dressé le 7 août 1598, par Desbarreaux, et duquel il appert qu’il n’y avait alors aucun bâtiment (le château ayant été évidemment ruiné dans les guerres de la Ligue).

La prise de possession de la terre el seigneurie de Bouteville eut lieu le 4 octobre suivant, par le sieur Le Meusnier, au nom et comme fondé de procuration de M. de Béon du Massès.
Bernard de Béon du Massès, chevalier, puîné de sa maison, avait épousé, en 1572, Gabrielle de Saintrailles, veuve de Jean de Saint-Lary ; elle mourut vers 1585, laissant postérité.

Quelques années après, M. de Béon épousa en secondes noces Louise de Luxembourg, fille aînée de Jean de Luxembourg, comte de Ligny et de Brienne. Etant à Angoulême, au mois de mai 1598, M. de Béon transigea avec son beau-fils, Gabriel de St-Lary, pour les droits de celui-ci dans la succession de sa mère. Dans cet acte, M. de Béon est qualifié seigneur de Bouteville, gouverneur et lieutenant général pour le roi en Angoumois, Saintonge, La Rochelle et Aunis, en l’absence de M. le duc d’Epernon.

Le 29 août 1602, M. du Massès reçut les hommages de quelques tenanciers de fiefs relevant de Bouteville. Il maria sa fille Jeanne, issue de son premier mariage, avec Louis de Rochechouart.

Bernard de Béon du Massès et Louise de Luxembourg firent bâtir le château actuel de Bouteville, au commencement du dix-septième siècle. Le château s’éleva sur une vaste plate forme quadrangulaire, entourée de larges douves, que l’on franchissait sur un pont à deux arches. La construction de ce nouvel édifice comprenait trois ailes, une à l’est, et deux autres au nord et au sud. La façade principale, qui a vue au levant, était flanquée de deux énormes tours, dont l’une, celle du sud est, renfermait la chapelle à son premier étage. Un crénellement continu, surmontant les toits de tout l’édifice lui donnait de loin l’aspect d’une forteresse, mais on s’apercevait bien vite que ces créneaux n’étaient qu’un ornement gracieux. La grande salle des chevaliers, qui touchait à la tour du sud-est, était ornée d’une immense cheminée sur laquelle le sculpteur avait épuisé tout le luxe de la décoration. Des cariatides sortant d’une gaine formant pilastre étaient entourées de fleurs et de fruits. Au centre de cette cheminée était l’archange Saint-Michel terrassant le démon. Les armoiries des possesseurs de Bouteville étaient peintes sur un écusson qu’entouraient le cordon de l’ordre de Saint-Michel et celui du Saint Esprit. Les appartements étaient beaux, le mobilier d’une richesse en harmonie avec la fortune des possesseurs.

Ce qui donnait principalement à Bouteville son intérêt d’art, c’était le développement grandiose, la pureté des lignes, la noble simplicité de l’ensemble. Les sculptures y étaient employées avec sobriété. La tour du sud-est, qui était la plus ornée, avait le couronnement de sa cheminée au-dessus des combles finement travaillé et ornementé avec goût. Partout on y trouvait cette délicatesse artistique de la Renaissance alors que les plus grandes familles de la France tenaient à perpétuer les traditions d’art et d’urbanité de leurs aïeux. M. du Massès et Louise de Luxembourg eurent pour enfants :
- 1° Charles de Béon, qui joignait à son nom patronymique celui de sa mère, et fut titré marquis de Bouteville. Il épousa Marie Amelot de Chaillou, née en 1603, fille du Conseiller d’Etat de ce nom. M. de Béou-Luxembourg fut mestre de camp d’un régiment d’infanterie.
- 2° Louise de Béon du Masses, mariée en 1623 à Henri-Auguste de Loménie, comte de Brienne et de Montbron, secrétaire d’Etat, morte à 63 ans, le 2 septembre 1665.

Charles de Béon de Luxembourg est de son mariage avec Marie Amelot, Messire Jean-Louis de Béon de Luxembourg, marquis de Bouteville, qui épousa vers 1649, Marie de Cugnac de Dompierre. De cette union vinrent :
- 1° Charles de Béon de Luxembourg, marquis de Béon et de Bouteville, colonel d’infanterie, mort sans postérité ;
- 2° Antoinetle-Louise-Thérèse de Béon-Luxembourg, mariée à Louis Bétault de Chemault, colonel d’infanterie.

M. le marquis de Béon-Bouteville étant décédé sans postérité, la moitié de sa succession revint à ses petites-nièces, Mesdemoiselles de Chemault.

Le roi Louis XIV, par une ordonnance du 20 mai 1653, signée Le Tellier décida « qu’il serait mis et établi en garnison dans le château de Bouteville jusqu’à vingt-cinq hommes de pied, y compris un sergent, pour être employés à la conservation et défense d’icelui ». Cette garnison devait être sans doute composée des soldats du roi, car le droit de guet et garde afférent à la châtellenie de Bouteville et auquel plusieurs communes des environs étaient assujetties, ne venait que comme supplément.

C’était au lendemain des guerres de la Fronde, cette mesure de mettre garnison au château de Bouteville était dictée en souvenir des événements antérieurs de deux années, sage précaution qui paraissait n’être pas inutile : Prévoir, c’est le talent de ceux qui gouvernent.

III

Un arrêt du Conseil, du 13 mai 1724, ordonnait la revente des domaines du roi, et déclarait qu’à cet effet toutes offres, enchères et surenchères seraient reçues en rentes, à la charge de rembourser en argent comptant les finances dues aux engagistes. « Cet arrêt donna lieu à François de Gélinard, comte de Varaise et seigneur de Malaville, de faire au Conseil ses offres et soumissions de rembourser en argent comptant audit marquis de Béon la finance qui se trouverait avoir été par lui baillée, et de payer à Sa Majesté un supplément de deux mille livres de rente foncière sur le même domaine de Bouteville. A quoi il fut reçu et ses offres acceptées par un arrêt du 30 janvier 1725, pour l’exécution duquel on renvoya à M. d’Orsay, intendant de la Généralité de Limoges, quoique Bouteville fut dans la Généralité de La Rochelle, apparemment parce que cette terre est mouvante du château d’Angoulême. Les publications furent faites en conséquence, mais l’adjudication ne fut pas livrée. »

Ce système d’aliénation du domaine du roi était fort mauvais. Pendant qu’on attendait la conclusion de l’affaire de Bouteville, décidée entre le comte de Varaise et les héritiers de feu Béon de Luxembourg, il ne se présentait plus de nouveaux engagistes ; la crainte d’être dépossédé soi-même éloignait les prétendants, car il fallait mettre aux enchères pour faire la dépossession forcée d’un engagiste. Cependant la terre de Bouteville passa à M. de Bruzac-Hautefort, major des gardes du corps, qui devint engagiste dudit domaine, suivant contrat du 31 janvier 1726, sur la requête présentée au roi, en son conseil, par ledit messire de Hautefort, seigneur de Bruzac, lieutenant-général des armées du roi, major des gardes du corps de Sa Majesté, la terre de Bouteville, avec les fiefs de Plassac et Tourteron, les droits de justice, nomination aux offices, les droits de greffe, de chasse, de pêche et d’échange aux mutations, et généralement tout ce qui dépend de ladite châtellenie, le tout moyennant la somme de soixante mille livres payable au Trésor royal, deux mille livres de rente au profit du domaine de Sa Majesté, et le remboursement des finances payées par l’ancien engagiste.

Un arrêt du Conseil, du 25 mars même année, liquida les finances qui devaient être remboursées à la succession de Béon par le nouvel engagiste : elles s’élevaient à la somme de2i9 293 livres 13 sous, faisant avec celle de 6,000 livres, qui devait être retenue du consentement de la dame de Beaumont par M. de Bruzac pour être employée aux réparations du château de Bouteville, la somme de 225,293 livres 13 sous. Une stipulation expresse du contrat disait : « Ne pourra ledit de Bruzac être dépossédé dudit domaine de Bouteville, qu’en le remboursant au préalable, tant de la somme de soixante mille livres par lui payée au Trésor royal, que de ladite somme de 225,293 livres 13 sous, en justifiant par lui du paiement d’icelle et du paiement des arrérages de la rente de 2,000 livres par lui due au domaine de Sa Majesté. » Archives nationales, Q 112.

Antoinette-Thérèse de Béon-Luxembourg, sœur de M. de Béon, mourut le 7 décembre 1740 ; elle s’était remariée à M. Hippolyte de Beaumont, mestre de camp de cavalerie, frère de M Léon de Beaumont, évêque de Saintes.

La Châtellenie de Bouteville était, comme Châteauneuf, une terre domaniale ; elle comprenait vingt-deux paroisses, situées dans le meilleur pays d’Angoumois. On prétend que cette terre a valu, certaines années, jusqu’à 16,000 livres de revenu. Le domaine du roi se réservait les droits de lods et ventes, les amendes et restitutions, une chapelle appelée le Tombeau des Comtes, attenante à l’église paroissiale, et un bâtiment ruiné servant d’hôpital. La châtellenie de Bouteville fut érigée à une certaine époque en prévôté royale. Sa juridiction comprenait les paroisses de Malaville, Nonaville, Viville, Ladiville en partie, Jurignac, Eraville, Saint-Palais-du-Né, Saint-Preuil, Segonzac en partie, Gensac et Lapallue, Touzac, Mainxe en partie, Lignières en partie, Criteuil en partie, Angles, Ambleville en partie, Bonneuil, Péreuil en partie, Mainfonds en partie, Etriac en partie, Sonneville et Saint-Fort-sur le-Né. La paroisse de Bouteville, chef-lieu de la châtellenie, contenait environ cent soixante dix feux.

En 1607, la prévôté royale de Bouteville était composée de M. Guillaumeau, juge-prévôt ; Joubert, procureur du roi, et Jean Quantin, greffier ordinaire. En 1726 et années suivantes, un monsieur Texier était juge-prévôt royal ; de 1760 à 1780, M. Paul-Pierre Texier de la Pégerie fut prévôt royal de la même terre. Il paraît probable qu’un autre Texier exerça cette magistrature de 1740 à 1700.

L’engagement de la terre et seigneurie de Bouteville ayant eu lieu au profit de Jean Louis de Hautefort, comte de Vaudre, marquis de Bruzac, baron de Marquessac, major des gardes du corps du roi, celui-ci en prit possession. Il avait épousé récemment demoiselle Anne-Marie de la Beaume-Forsat.

Les de Vaudre descendaient de l’ancienne maison de nom et d’armes de Hautefort, dont la terre patrimoniale est dans le diocèse de Périgueux. Jean-Louis de Hautefort-Bruzac, engagiste de Bouteville, était fils d’Antoine de Hautefort de Vaudre, troisième du nom, et de Jeanne de Hautefort, sa cousine, mariés le 30 avril 1693. Il eut pour oncle maternel Henri de Hautefort, comte de Bruzac, lieutenant-général des armées du roi, gouverneur de quelques villes d’Alsace, qui lui légua tous ses biens par testament.

Le 29 octobre 1753, Jean-Louis de Hautefort, étant en Angoumois et visitant les seigneurs voisins de Bouteville, se trouvait au château de Lignières avec la marquise, sa femme. Invité à tenir un enfant sur les fonts baptismaux avec Mme Judith Poussard, comtesse de Plas et dame de Lignières, il consentit à être le parrain du jeune Marot. fils de Jean-François Marot, vérificateur des domaines, et de dame Marie Boisson de Rochemont. Le baptême fut fait dans l’église de Lignières, par le curé Dutillet, en présence du chevalier de Plas ; de MM La Roque de Mons ; Le Roy de Saint-Georges et de Lenchère ; Jacques Guillaumeau de Flaville et sa dame. Mme la comtesse de Plas mourut quatre ans après, le 1er septembre 1757, âgée de 77 ans.

Mademoiselle Marie de Hautefort de Vaudre et Bouteville, fille de Jean-Louis et de Marie de la Beaurne, épousa à Versailles, suivant contrat signé par le roi et la famille royale, le 18 août 1773, Abraham-Frédéric, vicomte de Hautefort, né le 16 avril 1748, colonel en second du régiment de Flandre, infanterie, créé brigadier le 1er juin 1784 et maréchal de camp le 9 mars 1788. Le vicomte de Hautefort fut une des victimes de la Révolution ; il fut condamné à mort avec son épouse le 7 juillet 1794. Il laissait trois enfants, dont le comte Amédée de Hautefort, marié depuis à Julie de Choiseul-Praslin.

Maintenant il nous faut remonter à l’année 1773, pour voir la terre de Bouteville passer des mains du marquis de Bruzac à un prince du sang royal.

En effet, par édit du mois d’octobre 1773, le roi Louis XV donna le duché d’Angoulême en apanage à Charles-Philippe de France, comte d’Artois, son petit-fils, avec le droit de nommer aux bénéfices consistoriaux situés dans les diocèses de Saintes et d’Angoulême. Des commissaires furent chargés par le roi de procéder à l’évaluation des revenus et charges des différentes terres du duché. Des procès-verbaux furent rédigés par eux de 1774 à 1776. Pendant ce temps, M. Elie de Beaumont, avocat à Paris, intendant des finances du Cte d’Artois, visitait le duché d’Angoulême. Le 20 novembre 1775 il était à Cognac, ainsi que le constate un acte des archives de St-Léger, témoignant qu’à cette date il fut parrain avec demoiselle Henriette Saulnier de Pierre - Levée. Lorsqu’il vint à Bouteville visiter celte châtellenie au nom du comte d’Artois, le syndic (maire) et les habitants adressèrent au célèbre avocat un compliment en vers patois, qu’on a trouvé depuis dans les papiers de feu M. Castaigne des Essarts, ancien procureur du roi de Bouteville, qui avait succédé dans cette fonction à M. Roy d’Angeac ; M. Tabuteau étant juge-prévôt royal.

Bouteville, compris dans l’apanage du comte d’Artois avec Angoulême, Cognac et Châteauneuf, ne fit point immédiatement retour au domaine du prince. Il y avait des questions financières à régler qui demandèrent encore quelques années, pendant lesquelles M. de Bruzac-Hautefort resta en possession de la châtellenie. Cependant une ordonnance royale du 16 mars 1786 autorisa le comte d’Artois à rentrer dans l’engagement de ce domaine, mais les choses traînèrent en longueur, et le remboursement de la finance n’était point encore intégralement fait à la fin de 1787.

Le comte d’Artois rentra en possession de Bouteville vers 1788. Il possédait depuis peu cette châtellenie lorsque la Révolution éclata. Le 26 mars 1791, M. Bernier, son administrateur, écrivait de Bouteville à M. Elie de Beaumont : « Monsieur, si un avenir plus heureux peut vous faire oublier la triste souvenir de la situation des finances de Monseigneur, j’espère que vous ne désapprouverez pas mon zèle de veiller à ses intérêts. Mes opérations, depuis la confiance qui m’a été accordée, consistent à dévoiler les objets qui ne paient aucuns devoirs et qui dépendent du château de ce lieu. J’espère ainsi que le petit avantage qu’elles présentent vous déterminera à les appuyer, si Monseigneur est conservé dans la jouissance du domaine de Bouteville. Signé : Bernier. »

En 1791, le comte d’Artois ayant émigré à l’étranger, ses biens furent mis sous séquestre et régis par un administrateur. Le 9 mai 1792, une opposition fut pratiquée entre ses mains, au préjudice du comte, à la requête du procureur-syndic du district de Cognac. Une défense expresse de « ne rien payer à M. Charles-Philippe ou à ses représentants. » suivit de près cette opposition (18 mai 1792). Le directoire du département de la Charente autorisa l’administrateur à continuer ses fonctions. Cet arrêté fut bientôt rapporté, et les domaines en question durent être administrés par les préposés de la régie nationale jusqu’au moment de leur démembrement en 18u4. Ce fut, en effet, à cette époque que M. Marcombe acheta le château de Bouteville et les terres qui l’environnent de l’administration de l’Etat. Depuis il est constamment resté dans la famille Marcombe, qui y fait sa résidence.

Le mamelon de Bouteville, isolé de tous côtés, et au sommet duquel a été bâti le château, contient une étendue superficielle de dix journaux, soit trois cent quarante-cinq ares soixante centiares. De tous les points de la plate-forme on jouit d’un magnifique coup d’œil On aperçoit Angoulême, Matha, Cognac, etc. C’est une des plus belles positions de l’Angoumois, et aussi l’une des plus riches en souvenirs historiques, par l’importance et la multiplicité des événements qui s’y sont accomplis. On dirait que les gloires de toutes les époques s’y étaient donné rendez-vous. Le poète et l’historien, qui s’en vont glanant à travers les souvenirs de notre histoire, trouveront à Bouteville toute une résurrection de siècles évanouis, et on peut leur prédire à coup sûr de grandes et fécondes impressions !

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