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Le Pays des Santons -2- Voies antiques : un réseau bien développé

lundi 3 décembre 2007, par Pierre, 12645 visites.

En 1844, l’abbé Lacurie, Secrétaire de la Société Archéologique de Saintes, expose, textes à l’appui, l’état des connaissances du temps sur les Santons, peuplade venue s’installer près de l’océan au VIIème siècle avant J.-C.

Un parcours guidé sur le réseau des voies antiques de Saintonge.

Source : Bulletin monumental - Tome 10 - 1844

En raison de son importance, l’article de l’abbé Lacurie a été découpé en 3 parties

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L’espace santon : un territoire qui a bien changé d’aspect

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L’île d’Andros, Portus Santonum, Promontorium Santonum : 3 lieux controversés

 Voir la carte des voies antiques du Pays des Santons

- IX. De nombreuses voies sillonnent le pays en tous les sens. Nous le disons à regret, l’étude de ces voies antiques a été fort négligée dans la Saintonge. On s’est contenté d’en citer deux ou trois d’après l’Itinéraire d’Antonin ou la carte de Peutinger, sans se mettre en peine d’en reconnaître les vestiges, sans paraître soupçonner l’existence des autres.

Aussi que de systèmes contradictoires, que de fausses conjectures pour concilier l’Itinéraire avec la carte dans la recherche des mansions Tamnum et Novioregum, points contestés depuis long-temps, et sur lesquels les travaux de nos antiquaires n’ont pu jeter de lumières ! On semble n’avoir pas compris que des documents aussi incomplets que l’Itinéraire et la table devaient jeter dans l’incertitude, et que les efforts tentés par plusieurs pour corriger l’un par l’autre ne pouvaient produire que trouble et confusion dans une question toute simple. C’est en suivant les traces encore existantes des anciennes voies que l’on peut sûrement arriver aux établissements romains. Ces traces sont indestructibles ; ni l’action du temps, ni ce que l’on appelle progrès n’ont pu la faire disparaître. A l’aide de ce fil d’Ariane nous arriverons à reconnaître plusieurs points importants ; car si nous rencontrons une localité traversée par plusieurs voies, nous serons en droit d’en conclure que ces voies n’auront pas été tracées à grands frais pour d’insignifiantes localités, ainsi que le fait si judicieusement observer notre honorable collègue, M. Biseul, en son savant mémoire sur les voies romaines de Bretagne.

- X. Avant de donner le tracé de nos anciennes voies, nous dirons en faveur de ceux qui voudraient travailler sur cette intéressante matière que, dans la recherche d’une voie antique, il faut particulièrement interroger la crête des coteaux, et la ligne de délimitation de nos communes actuelles, ces points nous ayant paru avoir été constamment choisis par les ingénieurs romains pour l’assiette de leurs routes, sauf quelques cas où des accidents de terrain trop marqués les forcèrent de suivre une autre direction. Nous rendrions peut-être notre pensée d’une manière plus exacte, en disant que les voies anciennes servirent souvent de délimitations aux fiefs d’où sont venus nos communes ; car il est à remarquer que, dans la circonscription des terrains assignés à chaque commune, on s’est peu écarté de l’étendue des juridictions seigneuriales, question fort importante à étudier, et d’où naîtraient d’intéressantes observations et de véritables découvertes.

Nous dirons en second lieu que toutes les voies antiques n’ont pas disparu avec la domination romaine ; on a continué de s’en servir dans les siècles suivants, et plusieurs sont encore en usage. Leur nom témoigne assez de leur antique origine : c’est le chemin Romain, la route de César, le chemin Ferré, la Chaussée, la Levée, le Perré, le chemin du Roi, de la Reine, de la Dame, de la Princesse, de Brunehault, de Charlemagne, l’ancien vieux chemin de tel endroit à tel autre, l’Estrée, l’Estrat, et autres dénominations analogues.

Nous devons aussi déclarer pour l’acquit de notre conscience, que nous avons dressé notre carte sur des notes prises par nous il y a 20 ans au moins, dans un temps où peut-être nous n’attachions pas une aussi grande importance aux études archéologiques ; et nous regrettons qu’il ne nous ait pas été possible de nous transporter de nouveau sur le terrain, pour contrôler nos renseignements et les compléter en quelques-unes de leurs parties. Toutefois nous ferons observer que, ne prévoyant pas alors qu’il nous serait donné un jour de traiter officiellement la question qui nous occupe, nous n’avions aucun motif pour voir en beau, et nous faire illusion ; notre esprit était libre de toute préoccupation.

 XI Voie de Mediolanum à Burdigala, n° 1

Mediolanum.
Novioregum.
Tamnum.
Blavia.
Burgus Leontii.
Burdigala.

Cette voie sort de Saintes par la porte qui donnait accès à l’amphithéâtre dont elle longe la façade occidentale, franchit le coteau de St.-Eutrope, et gagne Chadignac où de nombreux débris romains font soupçonner une villa ; passe aux Guillots où se remarquent quelques ruines, et où un embranchement se dirige vers Thérac, commune des Gonds, par Prévirac et les arènes, villa signalée au tome 3 du Cours d’antiq. monum. de M. de Caumont ; de là elle passe à toucher Chermignac et gagne, au sud-ouest le hameau le Moinard, qu’elle laisse sur la droite, tourne la commune de Rétaux par la Chapelle, Chatelliers, le hameau le Pillet, dont le nom laisserait soupçonner l’existence d’une de ces constructions massives qui se remarquent à Ebéon et à St.-Romain-de-Benet ; de là la voie gagne le Xeudre qu’elle devait traverser à un demi kilomètre au nord de Thaims et se dirige en droite ligne sur Cozes où le champ appelé Chemin-Romain atteste sa présence, passe à Théon où existait une villa considérable, si on en juge par les ruines éparses dans la campagne, traverse Arces dont le nom latin ferait supposer quelques points fortifiés sur les collines voisines, et longeant le versant oriental du coteau, arrive à la vieille ville, entre Talmont et Barzan, où des ruines considérables, s’étendant au loin dans la campagne, et la présence de deux autres voies attestent l’existence d’un établissement gallo-romain fort important.

Ce point est pour nous le Novioregum de l’itinéraire d’Antonin. On a beaucoup écrit sur la position présumée de cette station ; et ici, comme pour le Portus et le Promontorium, les opinions se combattent, chacun étayant la sienne de raisons plus ou moins spécieuses.

Banville place Novioregum à Royan, parce que le nom de Royan peut dériver de la dernière partie de Novioregum, « d’autant que l’effet ordinaire de l’altération des noms anciens, a été de les tronquer d’une manière ou d’autre. » Une seconde raison donnée par Danville est que « La position de Novioregum dans l’itinéraire fait circuler la route en s’écartant d’une voie directe » ; enfin, comme les distances entre Talmont et Royan, ne remplissent pas ce que paraît demander l’indication de l’itinéraire, il corrige l’itinéraire en substituant sept à douze « permutations souvent « nécessaires, dit-il, pour corriger une méprise de la part du copiste. »

Malgré tout le cas que nous faisons des connaissances du savant géographe, nous ne pouvons admettre de semblables preuves qui se réfutent d’elles-mêmes.

La Sauvagère pense trouver Novioregum au lieu occupé aujourd’hui par le village de Toulon ; et après avoir ainsi fixé la position de cette station, il cherche à la concilier avec les mesures anciennes. Pour cela il compte alternativement par mille et par lieue, dans le même itinéraire, et dans l’espace d’environ vingt lieues. La Sauvagère semble n’avoir pas connu ce texte d’Ammien Marcellin, parlant de la ville de Lyon : « Qui locus exordium est Galliarum, exindé non millenis passibus sed leucis itinera metiuntur. » Ce qui est confirmé par la table de Peutinger, d’où Bergier, dans son histoire des grands chemins de l’Empire, conclut que la mesure des chemins, par milliaires, n’était observée que jusqu’à Lyon en passant par la Provence.

Massiou et après lui M. Fleury, voient le Novioregum dans l’enceinte retranchée qui se trouve au sommet du terrier de Toulon, station militaire et permanente pour protéger le port des Santons et le commerce. Nous aurons à faire remarquer plus tard que rien ne nous semble Romain au terrier de Toulon ; la seule ruine qui se montre est une muraille qui n’offre aucun des caractères que présentent les constructions romaines.

Nos devanciers ont dû errer dans leurs recherches, par la raison que fixant d’avance la station, ils sont partis de ce point pour déterminer les distances ; et comme ces distances ne s’accordaient pas avec les indications de l’itinéraire, il a fallu supposer des erreurs de copiste, corriger les itinéraires. Une autre source d’erreurs doit être prise dans la position géographique de Tamnum que tous nos antiquaires ont fixée au Tallemont de nos jours, sur une ressemblance de nom qu’il est difficile de justifier, car bien évidemment Tallemont, Tallemundus est un nom du moyen âge.

L’itinéraire d’Antonin assigne une distance de 15 lieues gauloises, soit 33 kilomètres entre Mediolanum et Novioregum. La position géographique que nous assignons à cette station justifie pleinement cette distance qui se trouvera confirmée tout-à-l’heure par la position de Tamnum et sa distance de Blavia.

La voie sort de Novioregum par le sud-est, traverse la commune de Chenac, en tirant vers St-Seurin, où existait une villa dont M. de St-Seurin a levé le plan linéaire ; elle coupe la route départementale de Saintes à Mortagne, peu avant Boutenac, se confond sur plusieurs points avec le chemin actuel de St.-Thomas à Cozes, laisse Floirac et St.-Fort à un demi kilomètre sur la droite, coupe la route du port Maubert à Barbezieux, près du hameau de Chez-Bizet, commune de Cônac, passe près de Lorignac et gagne le village de Fonclair, après avoir fait un coude un peu au-dessus de Ste-Ramée. C’est ici que nous plaçons Tamnum de l’itinéraire, à 12 lieues gauloises, soit 26 kil. 694 m. de Novioregum, et 16 lieues gauloises, soit 35 kil. 592 de Blavia, distance indiquée par l’itinéraire. Des voûtes antiques, des pans de murs, des briques romaines éparses au loin dans la campagne, la proximité d’un port existant autrefois au bas du coteau, semblent être des indices certains de l’importance de cette localité dans les temps anciens. Toujours est-il que nous n’avons pas eu besoin de torturer les textes pour trouver nos distances.
Sortant de Tamnum la voie se dirigeait peut-être vers la butte sur laquelle s’élève le château de Cosnac ; nous ne l’y avons pas suivie, mais nous la retrouvons à Lamotte, près St-Ciers-de-Cosnac, sur les hauteurs de St.-Bonnet qu’elle touche à l’est. Gardant toujours le haut des collines qui dominent les marais, elle court parallèlement à la route royale de Bordeaux à St.-Mâlo, laisse St.-Ciers-la-Lande et l’Anglade à une très-faible distance à l’ouest, et arrive à Blavia se confondant avec la route actuelle de Bordeaux à la hauteur de St-Martin-la-Caussade.
De Blavia la voie se rend presque directement à St.-Ciers-de-Conesse ou se remarque un dolmen considérable décrit par M. Jouannet ; il est connu dans le pays sous le nom de Lou Castel de Las Stagues, château des Fées.

De là elle se rend à Burgus en touchant la Libarde.

 XII. Voie de Mediolanum au Portus Santonum, n° 2

Cette voie se confond avec celle de Burdigala l’espace d’un kilomètre ; là sous le nom de Chemin-Compagnon, parce qu’elle fut réparée par un seigneur de Thézac portant ce nom, elle passe à Changrelou, où l’on trouve des briques à rebords, gagne le bois de Chatenet, dans la commune de Restaud, après avoir traversé les villages du Puineuf, des Monroux, des Brochants v et laissé Varzay à 300 mètres environ sur la droite, traverse le domaine de Feuze, commune de Thézac, et vient se confondre avec la route de Saintes à Royan, au village de la Chapelle ; fait un angle vers le sud avec la route au village de Villeneuve pour se diriger sur la pile de Pirelonge ; se rapproche de la route de Saujon et va se confondre avec elle au village de Griffarin, passe à la gauche du terrier et arrive au Portus Santonum que nous croyons avoir été au village de Toulon, position que nous tâcherons de justifier tout-à-l’heure.

 XIII. Voie du Portus Santonum à Novioregum, n° 3

Sortant du village de Toulon, la voie se confond avec la route de Saujon, l’espace de deux à trois cents mètres, puis elle tire vers Pompierre, laissant sur la droite le domaine de La Grange. Elle traversait le Xeudre sur un pont dont il reste encore des vestiges à Pompierre ; de là elle coupe à travers les champs, tantôt cachée sous terre, tantôt visible, même pour des yeux peu exercés, et gagne Médis où des ruines nombreuses attestent une certaine importance. En cet endroit la voie fait un angle à peu près droit, et gardant le haut des collines elle arrive à Semussac, laissant entre Trignac et le domaine de La Vallade, des traces sensibles de son passage. De Semussac, suivant le versant sud-ouest des collines, elle débouche à Arces par le village de La Grosse-Pierre, et se confond avec la voie de Mediolanum, n°. 1.

 XIV. Voie de Novioregum au Sinus Aquitanicus, n° 4

Cette voie est la même que celle que nous venons de décrire Jusqu’à Médis. En cet endroit elle tire vers St.-Sulpice suivant le versant nord-est du coteau, gagne Breuillet par les moulins de la Breuille, le Mottis et Grille ; là elle fait un angle très-obtus pour se perdre dans la forêt d’Arvert à la hauteur de St.-Augustin-sur-Mer.

 XV. Voie de Semussac à Médis par Suzac, n° 5

Partant de Semussac, la voie passe à Chantier, touche une villa et un dolmen affaissé près d’un endroit appelé les Vignes, suit le versant sud du coteau et arrive à Suzac, sur la côte où de nombreux pans de muraille, et quantité de briques et de marbres répandus au loin, sembleraient confirmer les traditions locales touchant une ville appelée Cana que les Anglais auraient détruite. De là passant au-dessus de St.-George, la voie touche le domaine de Belmont où des voûtes antiques et des médailles romaines ont été trouvées, et suivant le côté droit de la route actuelle de Royan, presque parallèlement, elle arrive à Médis.

 XVI. Voie de Mediolanum à Fronzacum, n° 6

Mediolanum.
Gemozacum.
Mons Andronis.
Fronzacum.

Cette voie sort de Mediolanum par le pont des Monards, coupe la route de Saintes à Bordeaux, entre les Roberts et les Charriers, à la hauteur de Diconche, gagne les vignes de Paban où on la trouve presqu’à fleur de terre, coupe la voie des Guillots aux Arènes, à l’est du hameau de Prévirac, et se rend à travers les champs au bourg de Thenac, tire un peu à l’ouest pour toucher la Romade, commune de Thenac, sépare les communes de Tesson et de Rioux, laisse à peu de distance, à l’ouest, le village de St.-Simon-de-Pellouaille, et arrive à Gemozac en longeant l’extrémité orientale de la commune de Cravans, formant à son entrée à Gemozac un angle très-aigu avec la route départementale de Saintes à Mortagne. Sortant de Gemozac, la voie tirant au sud, gagne Salanzac, Bois-du-Mont, et franchit le Xeudre entre La-vallade et Bois-Pinard, coupe la route du Port-Maubert à Barbezieux, un peu au-dessus du hameau de la Roue, et arrive au Petit-Niort, commune de Mirambeau, par St-Ciers et Consac. Du Petit-Niort, la voie suivant la direction de l’est passe à Soubran, Salignac, Rouffignac où de nombreuses ruines se remarquent, et enfin entre à Montendre avec la route départementale de Mirambeau.
Montendre, Mons Andronis, offre des ruines très-considérables d’anciennes constructions gallo-romaines ; la montagne sur laquelle est bâti le château était pour les Romains un point fortifié commandant le pays. On y a découvert au siècle dernier plusieurs issues souterraines et un grand nombre de fers de lances, des médailles impériales, des fragments d’architecture, du plomb.

Sortant de Montendre, la voie s’échelonne par Corignac, Bussac, Bédenac, la Ruscade, Tizac, Juviniac, localités offrant des ruines plus ou moins nombreuses, et enfin elle gagne Fronsac, sur la rive droite de l’Isle.

 XVII. Voie du Petit-Niort à Cubzac, n° 7

Cette voie moins importante peut-être que la précédente et moins bien caractérisée, ne laisse pas que de se dessiner parfaitement sur plusieurs points. En sortant du Petit-Niort elle fait angle avec la précédente, passe au Maine, à Bois-Redon et gagne Marcillac, point important sous les Romains et se ralliant à Montendre, Bussac, Montlieu et Montguyon ; on la perd vers Régnac, elle apparaît quelque peu dans les Landes de St-Savin, se dirigeant vers Cavignac ; de cet endroit on la suit facilement jusqu’à Cubzac, où elle paraît continuer parallèlement à la Dordogne, jusqu’à Fronzac.

 XVIII. Voie de Mediolanum à Limonum, n° 8

Cette voie connue sous le nom de chemin d’Aquitaine, sort de Saintes parla porte Aiguière ; c’est la continuation de la voie de Burdigala. Elle se prolonge sous le sol de la. grand’rue, passait la Seugne aux rues basses et, traversant. la prairie envahie aujourd’hui par la Charente, elle passait sous l’arc-de-triomphe élevé à la mémoire de Germanicus, longeait le Pagus remplacé aujourd’hui par le faubourg des Dames, franchissait le Canentelos au Pont-Amillon et gagnait le coteau de la grève et celui de la Charloterie. On la suit assez facilement sur le côté droit de la route de St. Jean-d’Angely, qu’elle longe jusqu’à la Sausaie. Là elle prend à droite et court au nord-est par Escoyeux et Brisambourg, où l’on rencontre des pans de murs et des briques, touche le fanal d’Ebéon, traverse Varaize, où l’on remarque des ruines antiques que l’on croit être les restes d’une pile semblable à celles d’Ebéon et de Pyrelonge et vient se confondre avec la route royale de Saintes à Poitiers à mi-côte du versant nord des hautes collines que nous avons dit séparer les Pictons des Santons dans cette partie. Vainement on chercherait des ruines antiques au bourg actuel d’Aulnay. L’Aunedonnacum de l’itinéraire était plus à l’ouest, dans les parages de la magnifique église qui s’élève solitaire au milieu de ces vastes plaines. De nombreux débris révélés par la charrue, nous confirment dans notre pensée. D’Aulnay la voie s’écarte peu de la route actuelle avec laquelle elle se confond dans presque tout son parcours jusqu’à Briou, autre mansion connue sous le nom de Brigiosum. C’est à nos voisins de nous dire pourquoi Brigiosum n’est pas cité dans l’itinéraire, ou si d’Aulnay une voie plus directe ne se rendait pas à Rauranum.

 XIX. Voie de Mediolanum à Bernay, n° 9

Cette voie, embranchement de celle de Limonum, suit les coteaux qui bornent à l’est le bassin de la Charente, passe au-dessus de Bussac, se rapproche du fleuve au Pontreau où se voyait il y a peu d’années encore un dolmen dont la table a été enlevée pour faire un perron chez un propriétaire voisin, gagne la Grande-Porte où des briques à rebord et dès pans de murs annoncent une fabrique romaine. En cet endroit, un pont jeté sur le fleuve joignait les deux rives et offrait à travers la prairie une communication entre la Pommeraie et Dreux avec une autre voie que nous décrirons tout-à-l’heure. Les habitants affirment que dans les basses eaux on peut apercevoir encore dans la rivière les traces d’anciennes constructions que l’on croit être les piliers du pont, et que dans la prairie on remarquait il y a peu d’années plusieurs points symétriquement échelonnés où l’herbe ne croissait pas, ce que l’on attribuait à des maçonneries à fleur de terre. Nous n’avons pas vérifié ce fait De la Grande-Porte, la voie gagne St.-Vaise, où se rencontre quantité de briques romaines, puis côtoyant le fleuve, elle gagne le coteau de Taillebourg où nous n’avons rencontré jusqu’à présent aucun indice d’habitation romaine. De ce point, sous le nom de chemin de St.-Jean, elle suit les coteaux qui courent au nord-est et arrive à Mazeray où des ruines romaines, des arcades souterraines qui semblent avoir appartenu à un aqueduc, annonceraient une villa splendide. Mazeray n’a point d’eau, et l’on sait que les Romains n’épargnaient rien pour s’en procurer. A Mazeray, la voie se distingue du chemin actuel sous le nom de chemin de la Princesse, elle descend le coteau à l’est de Beaufief, et se perd avant d’avoir franchi la Boutonne, un peu au-dessus de St-Jean-d’Angely. On la retrouve à Fontorbe, se dirigeant vers la forêt d’Essouvert, qu’elle traverse, longeant une tombelle et laissant à l’est des ruines romaines au hameau du Pouzat ; passe au village de Malvaux, commune de St-Martin-de-la-Coudre, où se rencontrent des ruines imposantes, de belles mosaïques, un édicule, des monnaies impériales ; enfin elle arrive à Bernay où existe une immense mosaïque s’étendant sous toute la superficie du jardin du presbytère. A Bernay, nous avons perdu toute espèce de traces de la voie qui devait se prolonger dans le nord vers Frontenay, ou dans l’ouest, pour se rallier à la voie de Muro dont nous parlerons plus bas.

 XX. Voie de Varaize à St.-Martin-de-la-Coudre, n° 10

Cette voie d’autant plus importante qu’elle paraît mettre en communication les points fortifiés de la frontière, n’est presque plus reconnaissable à un kilomètre de Varaize. Elle passe à Vervant, et rien n’indique comment elle franchissait les divers bras de la Boutonne, si multipliés devant Antezant où elle se reconnaît, passe à la Chapelle-Bâton, à la Jarrie-Audouin et à Loulay, où se remarquent des ruines romaines ; de ce point elle se dirige dans l’ouest sur St-Martin-de-La-Coudre.

 XXI. Voie de Varaize à Sainte-Sévère, n° 11

Se dirigeant au sud-est, la voie traverse le bois Raquet, joint la route départementale de Périgueux à la Rochelle, à peu de distance, à l’ouest, de Maison-Neuve ; court parallèlement à la route jusqu’à Blanzac, côtoie la route à la toucher jusqu’à mi-chemin de Matha, traverse ce bourg où l’on trouve fréquemment des monnaies impériales, et prend la direction du sud ; passe à l’est de Thors, traverse le village de la Chaussée, commune de Sonnac, touche le village de la Voûte, à l’extrémité septentrionale de la forêt de Jarnac qu’elle suit du nord au sud, franchit la Sonnoire devant Maison-Neuve et arrive à une vaste enceinle formée de remblais offrant encore huit à dix mètres d’élévation sur le double de largeur. Cette enceinte paraît avoir fourni deux retranchements entourés de larges fossés protégés par des tours ou autres moyens de défense dont on trouve les ruines. Non loin de ce camp, dans un lieu appelé le fort de l’Abbatu, serait un tumulus qui se rallie à celui de Jarnac.

Cette station qui n’est point marquée dans les itinéraires ni dans la table, a dû être autrefois un point important, si nous en jugeons par les terrassements dont nous venons de parler et qui semblent ne pas appartenir en totalité au moyen âge.

 XXII. Voie de Mediolanum à Muro, n° 12

Cette vote encore en usage sous le nom d’ancien chemin de Taillebourg, suit la rive gauche de la Charente, et débouche à St.-James où un embranchement conduit à Taillebourg. La voie continue dans le nord-ouest, passe à St.-Saturnin-de-Séchaud, nom évidemment corrompu de Senéchal, les justiciers anglais, durant l’occupation, ayant là le siège de leur juridiction. St.-Saturnin offre les ruines d’un sacellum, et un tumulus recouvrant un dolmen, ainsi qu’on a pu s’en convaincre par une tranchée pratiquée à son sommet. De ce point la voie gagne Crazannes où se rencontre une redoute en terre et en pierrailles, que nous n’avons pas assez étudiée pour en assigner l’origine ; elle passe à l’ouest de Geay, et gagne le village de La Roche, commune de Lavallée. On la perd en cet endroit, mais quelques vestiges aux environs de St-Hyppolite feraient soupçonner qu’elle se dirigeait vers l’embouchure de la Charente et qu’elle aboutissait à un bac On ne la retrouve pas à Charente, sur la rive droite, du moins que nous sachions, mais à Moragne, le Chau, chemin ferré, et le Pillet bâti sur l’emplacement d’une pyle de construction romaine, révèlent sa présence. A Genouillé, la voie longe d’anciens retranchements formés de terrassements dont le moyen âge a tiré parti pour y asseoir de vieux castels. A Muron, des ruines considérables, des amphores, des tombeaux, des urnes cinéraires, des monnaies, des traces non équivoques de la voie, semblent témoigner de l’ancienne importance de ce point avancé qui devait commander le pays. De Muron, la voie se prolonge jusqu’à Angoulins par Ardillères, Ballon, Tairé et Mortagne. Rien ne nous a paru indiquer une voie romaine ; c’est un chemin fort ancien, peut être suivi par les Celtes, mais que nous ne pouvons caractériser. Dans notre pensée Muron pourrait se rallier à Bernay.

 XXIII. Voie de Mediolanum à Lugdunum, par Vesunna, n° 13

Mediolanum.
Condate.
Sarrum.
Vesunna.

Cette voie se confond avec celle de Fronzac jusqu’à Diconche ; là elle coupe à l’est, passe au village des Pins, laisse sur la gauche le bourg des Gonds, gagne Courpignac par le domaine de Thairac, remonte au nord par le lit entièrement pavé d’un petit ruisseau qui fait angle droit avec la rivière de Courpignac, débouche dans l’île de Courcoury, entre Gate-bourse et le Ga ; là elle traverse la prairie, au nord du bourg, reconnaissable par les blocs de terre cuite dont elle est formée ; à quelque distance courant à l’est, elle touche une villa dont les mosaïques annoncent l’antique splendeur, passe au-dessus de St-Sever et de Rouffiac, et arrive à Brives pour traverser le Né un peu au-dessous de Condate, station près de laquelle est un camp retranché d’où l’œil domine la plaine, et découvre au loin une perspective des plus belles. Ce camp n’est plus dans son entier ; on remarque encore le terre-plein et les deux jambages de la porte par laquelle on pénétrait dans les fossés. Les ruines romaines, les médailles impériales, des vases de sacrifices et la tradition constante du pays concourent pour voir dans Merpins le Condate de la table Théodosienne. Après avoir franchi le Né, à l’ouest de la commune d’Ars, la voie, sous le nom de Chemin-Boisné, passe à la Frenade, à Genzac, Mainxe, Eraville, Birac, à la forêt de Chardin, à Plassai, à Rouffiac, à Voulgezac et arrive à Sarrum, autre station portée dans la table Théodosienne et que l’on pense être Charmant, près la Vallette. Les ruines qu’on y rencontre s’accordent assez avec la tradition du pays et la présence d’une voie fort reconnaissable par sa construction qui offre un massif de cailloux mélangés avec du sable et de la chaux, surtout dans les parties qui traversent les rivières ; en d’autres endroits le pavé est en pierre de 20 à 25 centimètres de côté, assis sur un lit de sable et de chaux. De Sarrum, la voie tire vers Marsac, la Vallette, Rousenac et Blanzaguet Elle pénètre dans le département de la Dordogne par le Pas-de-Fontaine sur la Lizonne, gagne Cherval, la Tour-Blanche, Chadeuil, Lisle, la Chapelle-Gomaguet, l’abbaye de Chancelade et arrive enfin à Vezunna, conservant en plusieurs endroits de son parcours sur le côté gauche, des espèces de montoirs que les Romains disposaient de distance en distance pour la commodité des gens de cheval ; ces montoirs peuvent avoir 76 centimètres à peu près de hauteur actuelle, sur 35 à 40 de face.

 XXIV. Voie de Mediolanum à Augustoritum, n° 14

Mediolanum.
Ste.-Sévère.
N....
Cassinomagus.
Augustoritum.

Cette voie qui va directement dans l’est, sort de Saintes par le pont à Millon, touche le moulin de La Grille, laisse à peu de distance le village des Arsivaux qui dominé un vaste bassin, entre dans le département de la Charente par le village de Chez-Rateaux, commune de St.-Sulpîce, où se trouve une borne milliaire trop fruste pour qu’il soit permis de lire l’inscription, ce qui est d’autant plus fâcheux qu’entre Mediolanum et Augustoritum, nous ne connaissons que la seule station appelée Cassinomagus, et c’est la dernière. La voie franchit l’Antenne sur un pont, touche Cherves, Ste.-Sévère où elle joint la voie de Varaize, passe au sud de Plaissac et franchit le Canentelos au nord de Vars. De là elle se dirige sur Anais, qu’elle laisse à très-peu de distance sur la gauche, traverse la forêt de Braconne et gagne Agris qu’elle laisse un peu au sud, ainsi que Taponat ; courant toujours, à l’est, elle laisse Vitrac à quelques cents mètres au nord, et prend la direction du nord-est pour passer au-dessus de Mouzau et de Lésignac, et laisser Pressignac à deux on trois cents mètres au sud ; enfin, elle arrive à Cassinomagus, Chassenon, station importante comme point de frontière et où des ruines imposantes, des voûtes souterraines, des tombeaux, des médailles impériales semblent annoncer une population nombreuse et le long séjour des Romains.

 XXV. Voie d’Ebéon à Blavia, n° 15

Cette voie partant d’Ebéon, passe à St -Julien de l’Escap où se remarquent les ruines d’un édicule, gagne le Seure et Mesnac où de nombreux débris révèlent sa présence, coupe la voie de Mediolanum à Augustoritum, à l’ouest de la forêt de Jarnac, vis-à-vis Ste.-Sévère, passe près de l’abbaye de Gandaury, commune de Cherves, franchit la Charente, à l’ouest de Cognac, passe au village de Bellevue, commune de Merpins, où se trouve une colonne milliaire, près de Latour, commune de Gimeux, et pénètre dans le département de la Charente-Inférieure au Pas-de-Celles ; prenant la direction de l’Ouest, elle se dirige vers Bois, commune de St-Martial-de-Coculet, passe à Jarnac-Champagne, Neuillac, St-Martial-de-Vitaterme, Jonzac, où des médailles impériales et quelques tumulus autoriseraient peut-être à voir une station, à St-Simon-de-Bordes, Courpignac, enfin, à Marcillac, point fortifié, et se ralliant avec Montendre, Bussac, Montlieu et Montguyon. De là la voie gagne Etauliers et Blaye, dans la Gironde.

 XXVI. Voie de Mediolanum à Condate chez les Bituriges-Vivisci, n° 16

Cette voie se sépare de celle de Vesunna à Courcoury et suit, comme celle-ci, la direction de l’est jusqu’au pas de la Roche, commune d’Ars, où elle prend la direction du nord-ouest au sud-est. Elle passe près du bourg de Celles et de St-Martial-de-Coculet, où elle coupe la voie que nous venons de décrire ; passe au midi du bourg de Germignac, touche Archiac et Brie et gagne St.-Eugène, localité fort importante autrefois, si on en juge par les ruines nombreuses répandues au loin dans la campagne, et les traditions locales qui conservent le souvenir d’une ville romaine détruite par les Alains, dans le IVe siècle. Tout porte à croire, en effet, que cette commune a été le théâtre de grands événements, ainsi que semblent le rappeler les noms de Vignes des Batailles, de Champs des Batailles, que portent certains coteaux, où l’on trouve des briques, des vases antiques, des tombeaux, des ossements humains entremêlés d’armes et de débris. De St.-Eugène, la voie gagne St-Ciers-Champagne, St.-Maigrins, où l’on remarque des ruines, Baigne, Chevanceaux, le hameau des Roux, commune de St.-Palais-de-Négrignac, Montguyon, point retranché dont les ruines révèlent l’importance, ancienne métropole druidique où se remarque une sorte de chromlech ; de ce point, la voie gagne Corterate, Guitres et enfin Condate, sur la rive gauche de l’lsle, au confluent de cette rivière et de la Dordogne.

 XXVII. Voie de St.-Eugène à Condate des Bituriges, n° 17

Partant de St. -Eugène, la voie gagne Meux, où des vestiges de constructions romaines font soupçonner une villa ; à Fontaine-d’Ozillac, autrefois importante, si l’on en juge par les nombreux débris antiques, la voie fait un coude pour gagner Mulons où des tombeaux, des mosaïques, des briques, des pans de murs accusent une antiquité non douteuse ; de là, elle se dirige dans l’est vers St.-Palais-de-Négrignac. En cet endroit, elle fait un angle pour gagner Montlieu, dont le vaste château, dont on voit encore les ruines sur une hauteur, et la trace d’un camp retranché dans les landes, en tirant vers Bussac, font soupçonner un de ces points fortifiés qui commandaient le pays et en étaient comme la clef ! Un peu au-dessous de Montlieu, la voie, sous le nom de Chemin de Charlemagne, touche Clerac où se remarquent des briques, Cercoux, et enfin Guitres où elle se confond avec la voie de Mediolanum à Condate, n°. 16.

XXVIII. Nous trouvons dans nos notes l’indication de plusieurs autres voies plus ou moins importantes, mais dont nous ne pourrions donner le tracé, parce que nous n’avons pas assez bien examiné les localités. Il en est une surtout que nous prierons nos collègues de l’Angoumois de vouloir bien étudier ; nos indications se trouveraient confirmées par les registres de la Maison-de-ville de Xaintes, au XVIe siècle ; partant d’Angoulême, elle s’échelonnait par Cellefroin, Confollens, Bellac, le Dorat, St.-Benoît, Argentan, Charroux, Issoudun.

- XXIX. Nous nous plaisons à proclamer ici que nous devons beaucoup à l’obligeance de M. Blanchon, huissier à Salles, homme qui sait beaucoup, et qui a beaucoup vu, mais qu’une modestie, selon nous, fort mal entendue, tient à l’écart. Il a bien voulu nous donner le tracé des voies qu’il a reconnues dans l’Angoumois, et nous avons pu nous convaincre de la justesse des indications fournies par les registres de l’Hôtel-de-Ville de Saintes et de nos propres observations. Nous eussions vivement désiré trouver aussi de l’écho ailleurs, car le travail que nous avons entrepris ne peut pas être l’ouvrage d’un seul ; il y a dans les diverses contrées une foule de documents qui ne peuvent être aperçus à leur véritable point de vue, que par les hommes du pays ; et par le temps qui court, chacun semble jaloux de ce qu’il a pu recueillir, et le tient en réserve ; d’où il suit qu’avec la meilleure volonté il est difficile d’arriver à un travail complet Le but que se propose la Société française est d’opérer un échange réciproque d’idées et de documents : espérons que certaines susceptibilités, certaines vues individuelles céderont devant un but si éminemment patriotique.

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