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Nos ancêtres les Troyens...

lundi 13 mars 2017, par Christian, 1350 visites.

La croyance en une origine troyenne des Francs, dénommés d’après Francus ou Francion, fils d’Hector, apparut au VIIe siècle, sous la plume de Frédégaire et de ses continuateurs. Elle se perpétua avec maintes variantes et plus ou moins de conviction jusqu’au XVIe siècle, la Franciade de Ronsard en marquant à peu près la fin en 1572 [1]. Dans cet intervalle de quelque neuf cents ans, nombre de grandes familles, de provinces et de villes reprirent cette légende à leur compte ; ainsi les Normands par le truchement de Dudon de Saint-Quentin (vers 1020) et de Benoît de Sainte-Maure (vers 1175), ou les « Bretons » à travers Geoffrey de Monmouth (vers 1135) et Wace (le Roman de Brut, 1155). On se réclama qui de Francus, qui de Pâris, de Brutus, de Rhemus, d’Agenor (Agen) ou de Turnus (Tours). Dans notre région, la fable trouva deux points où se fixer : Saintes et la côte (Didonne et Royan).


Cela se retrouve chez Louis Audiat qui, pince-sans-rire un peu maladroit, moquant les généalogies gauloises d’Armand Maichin au début de son Épigraphie santone et aunisienne (1870), peut sembler ne pas répudier totalement comme ce dernier [2] le mythe de l’ascendance troyenne :

« On a cru longtemps que la capitale de la Saintonge avait été surtout brillante pendant l’occupation romaine : les monuments de cette époque qui nous restent encore semblaient en attester la population et l’importance ; c’était une erreur. Il faut remonter beaucoup plus haut. Ce pays, en effet, colonisé par les Troyens fugitifs qui y importèrent les vocables indigènes – Saint-Georges de Didonne, en mémoire de Didon ; Xainctes, en souvenir du fleuve Xanthe ; Royan, ROIANUS, qui ressemble tant à TROIANUS, Trojan, évêque de Saintes, qui a donné son nom à une paroisse de l’île d’Oleron [3], – ce pays, disons-nous, ne devait pas tarder à faire refleurir les arts, les lettres, les sciences et la civilisation si avancée de la métropole détruite par les féroces Achéens. Aussi est-ce sans surprise que nous lisons dans Armand Maichin ce passage significatif : « La Ville de Saintes a eu sa naissance sous les premiers Roys des Gaules, et le lustre de sa grandeur et de sa puissance a principalement éclatté du temps d’Ambigat, qui tenait le Siege de son Empire dans la Ville de Bourges, du temps de Nabuchodonosor, Roy des Babiloniens, et de Tarquin le Vieil, Roy de Rome. Sa gloire a continüé long-temps après ; mais elle n’a pas esté du tout si vive ny éclatante du temps des Romains. »
Malheureusement l’historien, qui sait la généalogie des quarante-deux rois Gaulois, depuis l’an 283 après le déluge jusqu’à Ambigat, l’an 3388 de la création du monde, qui connaît leurs faits et gestes, a négligé de nous dépeindre la splendeur de Saintes, 2062 avant Jésus-Christ. Cette lacune est regrettable dans son livre si neuf. Et, comme il ne nous reste de l’époque gauloise que quelques dolmens, menhirs [sic] dispersés çà et là, et quelques médailles qui ne semblent pas prouver l’apogée de l’art numismatique, comme surtout je n’ai trouvé aucune inscription qui se rapportât à ces siècles florissants, je me vois forcé de passer de suite à la ville romaine, sans mentionner autrement la ville celtique ou troyenne. Quelque antiquaire futur sera peut-être plus heureux ; je le lui souhaite, sans jalousie. »

De quand dater l’extension de ce mythe à notre région ? Nous n’avons pas découvert de sources primaires (les auteurs de la latinité tardive mentionnés ici ou là ne semblent nulle part associer Troie et Saintes) et il a fallu se contenter d’allusions remontant au mieux au XVIe siècle, alors que l’incrédulité l’emportait déjà. Ainsi, vers 1570, Nicolas Alain (De Santonum regione) attribue au « vulgaire » la relation faite entre les noms de Didon et de Didonne :

« On peut voir à proximité les ruines du très antique château de Didonne, enseveli dans un profond oubli. Le vulgaire raconte que cette citadelle fut fondée par Didon exilée. »

On a vu qu’à la même date Élie Vinet dénonçait, lui, la fantaisie de clercs oisifs qui avaient cru beau

« que les Saintongeois eussent pris leur nom de la rivière de Troie nommée Xanthus »

– le nom divin du Scamandre, que Virgile fait donner par Helenus à un maigre ruisseau d’Épire (Énéide, III, v. 349-350) –, d’où la graphie Xantonia. Cette orthographe et cette filiation mythique ayant selon toute apparence partie liée, on peut supposer que la légende remonte en ce qui concerne la Saintonge à l’époque où se fixa l’usage du X, soit au XIIe siècle au plus tard, peut-être dans un milieu influencé par « l’idéologie Plantagenêt » : le précepteur en Anjou du futur Henri II était un certain maître Pierre de Saintes (de Xanctonis, Xanctonensi), auteur vers 1130-1140 d’un poème sur la chute de Troie et qui a pu connaître l’œuvre de Geoffrey de Monmouth. En tout cas, cette période fut celle où le mythe troyen connut peut-être sa plus forte expansion. Et, de même, si l’étymologie par Didon se rapportait avant tout au château de Didonne, peut-être la légende nous renvoie-t-elle aux premiers seigneurs du lieu, avant la destruction de leur forteresse au cours de la guerre de Cent Ans.

Au XVIIe siècle, André Du Chesne (Les Antiquitez et recherches de la grandeur et majesté des roys de France, 1609, vol. 2, chap. V, "Du pays de Xainctonge", p. 88-89) fait état d’une « commune opinion » qu’il combat comme Vinet en s’appuyant sur l’orthographe des Anciens :

« Il ne faut point faire de doute que les Xainctongeois ne soient fort antiques & renommez comme presque tous les autres peuples de la Gaule. Ceux qui estiment la plus part de nos contrées ne tenir leur ancienne noblesse que des reliques des Troyens, font courir cette commune opinion, qu’il en parvint une bande jusques à eux : & qu’ayans par leur venuë embelly la plus grande part de leur pays, ils le nommerent Xainctonge, en memoire de leur gros fleuve de Phrygie, qu’ils appelloient Xanthe. Mais quant à moy je ne fais aucun doute que ce peuple ne soit vrayement Gaulois, & qu’il n’ait pris son nom de quelque raison telle que la trop esloignée antiquité nous en fait perdre la cognoissance. Quoy que c’en soit les vieux Autheurs les nomment Santones, non pas Xantones, qui me fait croire, qu’il faudroit aussi escrire en notre langue Saintongeois, & Saintonge. »

Quant à Jacques (de) Charron (Histoire universelle de toutes nations, et spécialement des Gaulois ou François, chez Thomas Blaise à Paris, 1621, p. 218-219), après avoir repris pour l’essentiel les chroniques du Hainaut, il ajoute Saintes à une longue liste et généalogie en faisant cette fois de Xanthus un homme :

« Priam [deuxième du nom] fils de Sicamber, commença à regner en Pannonie & Autriche sur les Sicambriens (par aucuns appellez Gaulois Orientaux) apres le trespas de son pere, environ l’an du monde 2310, qui estoit 1052. ans devant l’Incarnation de nostre Sauveur : Puis augmenta beaucoup son Royaume vers la Tartarie & Scythie. Et ce pendant plusieurs Princes & Ducs, regnoient en diverses contrees de Gaule. Entre lesquels aucuns disent que Bavo Brunon (ou le Brun [...]) regna encores à Belges ou Bavay en Haynault, & qu’il eust un fils nommé Brunehault ou Bruneheldis qui luy succeda : puis vainquit Ebrancus Roy de la grande Bretagne, & encores apres Brutus surnommé Vert-escu son fils, lesquels estoient entrez en armes dans son pays. Puis ayant assemblé une puissante armee, s’assubjettit toutes les Gaules : & surmonta encores apres les Saxons, Sueves, Danois, Norveges, Prussiens, Esclavons, & autres divers peuples, comme les Chroniques de Haynault racontent le tout fort amplement, sans tesmoignage toutesfois d’aucun ancien Autheur, & avec un meslange de plusieurs choses, en toutes lesquelles il y a beaucoup plus d’apparence d’une vraye fable, que de la verité d’une Histoire. Puis venant à mourir fort vieil, laissa deux ou trois fils ; desquels l’un nommé Bruno luy succeda, & conquesta encores (comme disent les mesmes Chroniques) non seulement toute l’Isle de la grande Bretagne, chassant hors d’icelle Leirus qui y regnoit ; ains encores l’Isle d’Irlande qu’il se feit tributaire : Mais finalement fut noyé par une tourmente de mer, & luy succeda un sien fils ou frere nommé Aganippus. Et un autre fils dudit Brunehault, nommé Belgion, ayant esté esleu par sort, Duc des Treviens, aucuns ont supposé qu’il fonda une ville qu’il nomma Belgis ; du nom de laquelle, ou du sien, ceux de Treves & autres peuples de la Gaule Belgique, furent surnommez Belges : vray est que n’y ayant aucun ancien Autheur, ny apparente raison qui en puisse rendre tesmoignage, il n’y a apparence d’y adjouster beaucoup de foy, suivant ce qui en a esté desja remonstré cy devant. D’autre costé Agesinatus (qu’aucuns nomment Agenor ou Agenidas, en le voulant faire descendre sans aucune apparence de raison, des Grecs ou Troyens) fonda la ville d’Agen Capitale du pays d’Agenois ; dont sera fait ailleurs plus ample mention. Un autre nommé Batzievus, imposa selon aucuns son nom au pays de Batzigny ou Bassigny, duquel a esté parlé cy devant, et y regna : puis venant à mourir, son fils Connolmarus, fut heritier de son Royaume. Et un autre appellé Xanthus donna commencement, ou du moins amplifia la ville de Xainctes, qu’aucuns escrivent Saintes (jadis nommée Mediolanum Santonum ou Xantonum, & depuis Oppidum Santonium) Capitale du pays de Xainctonge, auquel y a encores de present plusieurs autres belles villes & bourgs, telles que S. Jean d’Angely, Blaye, Marans, Soubise, Ponts ou Ponas, Bourg sur Mer, Barbesyeux, & autres : entre lesquelles S. Jean d’Angely, Xainctes, Blaye, & Ponas sont estimees les plus fortes. Et sont toutes riches, pour estre situees en pays fort fertile & abondant en bleds, vins, & plusieurs autres sortes de commoditez. Mais principalement en bleds, que les marchands Espagnols leur viennent achepter tous les ans, ou que les habitans du pays transportent eux-mesmes en Espagne, Angleterre, & autres lieux circonvoisins, avec grand profit... »

Bien plus tard, sous un titre, Légendes des origines (4e éd., 1864, p. 355-356), autorisant à ramasser toutes les fantaisies passées sans la moindre préoccupation de sources, Collin de Plancy a publié ceci, qui est de la même veine :

« Mais si on [...] préfère la version de ceux qui prétendent que Francus était fils d’Hector, nous dirons qu’Hector était fils de Priam, roi de Troie, lequel, par diverses générations avérées, descendait du vaillant Hercules-Ogmius, notre vingt-deuxième roi, et que les Troyens ne furent dans l’origine qu’une émigration de Gaulois, qui se retrouvent partout.
Francus épousa donc Rhème, fille unique du roi Rhémus, et bâtit la ville de Troyes en Champagne, qu’il fortifia de trois châteaux, lesquels furent autant cause de son nom que le souvenir de la ville de Priam. Il eut à guerroyer contre divers princes qui s’étaient fortifiés dans les Gaules, sous le faible règne précédent. Oscus s’était emparé du Berry, Lemovix du Limousin, Gergester de l’Auvergne. Francus les défit et prit la ville de Limoges, que Lemovix avait bâtie. C’est depuis Francus Ier que les Gaulois commencèrent à être appelés Francs. Il porte pour armes trois diadèmes, parce qu’il régna en Asie, en Pannonie et en Gaules.
Ici va commencer la dynastie des Sicambres, dont Sicamber fut le chef. Fils de Francus, il ne régna que sur une petite partie des Gaules, savoir sur les Parisiens et les Champenois. C’est depuis ce monarque que nos aïeux ont aussi porté le nom de Sicambres. Malgré les victoires du roi précédent, il y avait sous ce règne plus de douze rois en Gaule. L’Italien Brutus, fils du roi des Albains, était même venu y chercher des conquêtes. Mais il fut obligé de passer en Angleterre et donna son nom au pays ; quoique, si l’on en croit Pierre de la Ramée, la Grande-Bretagne n’ait été appelée ainsi que parce qu’elle fut peuplée de Gaulois-Bretons.
Sicamber monta sur le trône vers l’an 1114 avant Jésus-Christ et mourut après plus de soixante ans de règne. Il porte pour armoiries trois croissants d’argent sur champ d’azur.
Priam Ier. C’est au souvenir de la guerre de Troie qu’on doit les noms qui vont suivre. Priam, fils de Sicamber, régna quatre-vingts ans et ne gouverna, comme son père, qu’une partie des Gaules, alors partagées entre plusieurs souverains. C’est sous ce règne que divers princes fondèrent Clermont en Auvergne, Moulins en Bourbonnais, Thérouenne, Poitiers, Tours et plusieurs autres villes. Xantus fonda Xaintes ou Saintes et fut roi de Saintonge. Agen fut bâtie aussi par un petit roi nommé Agénidor.
Hector, fils de Priam le Sicambre, a fait moins de bruit que l’autre, quoiqu’il ait régné quatre-vingt-dix ans. Il bâtit, dit-on, la ville de Vienne en Dauphiné, pendant que Bassiève, roi de Langres, imposait son autorité au Bassigny... »

Revenant à l’ordre chronologique après cet excursus, on découvre ensuite deux auteurs du cru qui substituent à ce Xanthus Anténor, jusque là plus connu comme fondateur légendaire de Padoue ou, chez Dudon de Saint-Quentin, comme ancêtre des Danois et Normands. Le premier, Jacques Pichon, lieutenant général et président du siège présidial de Saintes (et qui prenait saint Eutrope pour un Xerxès) commence ainsi sa notice sur les Antiquités mémorables de Xaintes [4] datée de 1678 (Archives historiques de Saintonge et d’Aunis VIII, 1880, p. 438) :

« On prétend que Xaintes soit une colonie des Troyens, fondée par Anténor, après le siège de la ville de Troyes, appellée Xaintes, du nom du fleuve Xantus, qui passoit soubs les murailles de cette ville désolée ; mais ce qui est de constant c’est que Xaintes est une des plus anciennes villes de l’Europe. Elle s’appeloit autrefois Mediolanum Xantonum. Strabon, Pompée, César dans ses Commentaires, et Tacite, livre dixiesme de ses Annales, en font mention. Elle estoit très grande et très puissante, située sur les hauteurs où sont à présant les couvants des cordeliers et des filles Nostre-Dame, la citadelle et la maison de la mission. Strabon, lib. quart., de sa Géographie, et le présidant de Lestang, au premier livre de son Histoire [5], asseurent que sous Belloveze, nepveu d’Ambigat, roy des Gaulles, qui régnoit six cent treize ans avant la naissance de nostre Seigneur, les Xaintongeois conquirent une partie de l’ltalie, qu’ils fondèrent la grande et célèbre ville de Milan, et qu’ils l’appellerent de ce nom, pour laisser à la postérité un titre qu’elle était une colonie du Milan des Xaintongeois.
La descadence de Xaintes a commencé soubs Clovis, lequel la prit et la saccagea après la victoire qu’il remporta sur Alaric, à la journée de Civaux, en Poitou... »

Puis, en 1739, dans son Nouveau traité des élections, Pierre Vieuille, « lieutenant général au siège de l’élection en chef de Xainctes », ne dit pas autre chose, comme s’il recopiait son prédécesseur :

« La Ville de Xaintes est aussi l’une des plus anciennes Villes du Royaume. Il y en a qui prétendent qu’elle est une des Colonies des Troyens, fondée par Antenor après le Siège de Troyes, dénommée Xaintes, du nom du fleuve de Xante, qui passoit sous ses murailles. »

Anténor semble ensuite s’effacer, mais des compilateurs permettent à la fable de survivre jusqu’à la veille de la Révolution, sous sa forme la plus réduite.
En 1783, l’académicien Antoine-René Voyer d’Argenson, dans ses Mélanges tirés d’une grande bibliothèque, vol. XXXVI (Mm), p. 126-127 est le seul à identifier les fleuves Charente et Xanthe, mais ce beau progrès logique est un peu gâté par des faux - il fait dire à trois auteurs latins ce qu’ils n’ont jamais dit :

« Les vieux Annalistes, qui veulent absolument faire venir les François des Troyens, disent que ceux-ci arrivèrent dans ce port de Saintonge, &, étant entrés dans la Charente, trouverent qu’elle leur rappeloit le fleuve le plus considérable de leur patrie, le Xante, & qu’ils lui donnèrent ce nom, d’où est venu celui de Saintonge, que tous nos vieux Auteurs écrivent par un X, Xaintonge. Je ne répéterois pas cette ridicule étymologie, si elle ne paroissoit pas avoir été adoptée par Ammien Marcellin, Historien estimé, qui avoit été Secrétaire de Julien l’Apostat ; par Ausone, Sidonius Apollinaris & autres, qui font descendre les Saintongeois des Troyens. »

En 1789, dans une note de sa Description des principaux lieux de France, troisième partie – Aquitaine, p. 253, Jacques-Antoine Dulaure est beaucoup plus sobre :

« Plusieurs Ecrivains modernes ont écrit Xaintes, Xaintonge. Cette orthographe a été introduite par la fable qui fait descendre les Saintongeois d’une colonie de Troyens qui habitoient les bords du fleuve Xantus. Dans les Commentaires de César, dans tous les Historiens des six premiers siècles, qui font mention de la Saintonge, ce mot est toujours écrit par une S, & non par un X : ainsi il faut écrire Saintes & non Xaintes. »

En raison de cette survivance de la fable, fût-elle chaque fois assortie de démentis vigoureux, il n’est pas surprenant qu’en 1793, le goût de l’antique venant au secours de la déchristianisation, la ville ait été « rebaptisée » Xantes, nom dont le conventionnel Garnier s’empressa de se parer. On avait bien sûr écarté le c, qui eût été fâcheux dans ce contexte.
Indice le plus récent suggérant que, même combattues ou dépréciées, les légendes poursuivent une vie souterraine : ne faut-il pas voir un effet de celle-ci plus que de la paronomase ou du souvenir de tel prêcheur d’indulgences [6] dans le jumelage de Saintes avec Xanten, en 2003 ? Cette ville de Rhénanie (en pays franc) avait été fondée par Trajan et son premier nom de Colonia Trajana fut déformé en Colonia Trojana ; puis la dénomination Ad Sanctos, liée au culte des reliques de saint Victor et de ses compagnons de martyre, fut ensuite transformée en Xanten, sous l’influence encore de l’Énéide. On retrouve là tous les ingrédients qui, comme l’expliquaient Élie Vinet et Charles Dangibeaud, se trouvaient réunis contre nature dans la graphie Xainctes.


[1Pour un historique complet (moins la Saintonge), on peut consulter en ligne, outre Wikipédia, un très long article de Joachim Leeker sur "La légende de Troie au Moyen Age" (accessible à partir de son site en III, 61).

[2On trouvera sur ce site même le texte de Maichin (Histoire de Saintonge, Poitou, Aunis et Angoumois, Saint-Jean d’Angely, 1671, pages 98-99), qui préfère faire descendre les Gaulois de Noé, de Japhet son fils et de Gomer son petit-fils. Quant à Ammien Marcellin, invoqué en faveur de l’ascendance troyenne, il met sur le même plan, dans son livre XV (IX, 5-6), le mythe de l’Hercule gaulois – sans jamais mentionner la Saintonge du reste.

[3Royan dépendait du château de Didonne. Quand à saint Trojan, curieusement, Audiat est le seul à le mentionner à notre connaissance. Il eût pourtant fait une belle prise mais peut-être a-t-il vécu à une époque trop tardive. Les variations sur son nom (Trogien, Urgent) ont aussi pu faire obstacle à sa mobilisation, de même que la légende qui lui attribuait une double origine juive et mauresque.

[4Manuscrit de la collection Baluze, t. 26, fol. 382.

[5Antoine de Lestang, Histoire des Gaules et conquestes des Gaulois en Italie, Grèce et Asie, 1648.

[6Saintes : plus de 2000 ans d’histoire illustrée, SAHC, 2001, p. 369.

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