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Herpes - Courbillac (16) - Le cimetière des Francs (6ème siècle)

vendredi 27 avril 2007, par Pierre, 15314 visites.

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En 1886, Philippe Delamain, négociant à Jarnac, fouilla de fond en comble un cimetière de l’époque franque (6ème siècle) situé à Herpes, commune de Courbillac (16).
Une découverte exceptionnelle, même si les méthodes archéologiques de Philippe Delamain laissèrent beaucoup à désirer sur le plan de la rigueur scientifique : voir ci-dessous : Archéologie ou pillage ?
Un riche trésor (armes, bijoux, monnaies, poteries et autres objets de la vie quotidienne des Francs) aujourd’hui en grande partie dispersé.

En savoir plus sur la dispersion du trésor du cimetière des Francs d’Herpes Voir aussi : Herpes - Courbillac (16) - Où sont les trésors du cimetière franc (VIème siècle) ?

Visite guidée par Philippe Delamain lui-même, avec de très nombreuses images en couleur.
Un document d’exception, car la collection des planches en couleurs (lithographies) qui illustre cette page est aujourd’hui quasiment aussi difficile à trouver que le trésor du cimetière lui-même.

Source : Bulletins et Mémoires de la Société Archéologique et Historique de Charente - Année 1890-91 et supplément annexe (planches)

Une vitrine du British Museum présentant les vases et verres décrits dans cette page

La dispersion du trésor du cimetière des Francs d’Herpes


- Episode 1

Bulletin de la SAHC - Année 1904-1905
Mr Mourier fait connaître à l’assemblée que les objets provenant des fouilles d’Herpes, collection Delamain, ceux en or exceptés, et en partie publiés dans le Bulletin de notre Société, ont été vendus le 18 mars dernier (1905), par Me Chevallier, commissaire-priseur, en l’hôtel de la rue Drouot.

- Episode 2

L’acquéreur de 1905 revend son acquisition. Date non connue.

Aujourd’hui, une partie de ce trésor se trouve au British Museum de Londres (voir cette page à titre d’exemple)

A noter : le catalogue du Musée de la Société Archéologique et Historique de la Charente (Angoulême), a été publié dans le Bulletin de l’année 1914. (à consulter en ligne). Ce musée a été essentiellement constitué avec les objets donnés par les membres de la Société et les communes du département.

Je n’y ai trouvé (sauf erreur de ma part) qu’un seul objet donné par Mr Philippe Delamain : il s’agit d’un moulage d’une statuette de Diane antique trouvée près de Saint-Fraigne (16).

Aucun objet provenant du cimetière d’Herpes ne s’y trouve. Etonnant !

Archéologie ou pillage ?


Les méthodes archéologiques de Philippe Delamain furent contestées par ses collègues de la Société Archéologique et Historique des Charentes (SAHC).

On peut lire par exemple dans la notice nécrologique publiée dans le Bulletin de la SAHC (1901-1902) lors du décès de Ph. Delamain en 1902 :

... il faudra à l’avenir :

- 1°- décrire séparément chaque tombe et figurer avec soin les objets s’y rattachant

- 2°- recueillir pour chacune d’elle les squelettes, pour en soumettre l’étude aux anthropologistes compétents

- 3°- donner un plan d’ensemble des cimetières avec un numéro pour chaque sépulture.

Quand une série de recherches faites dans ce sens aura été publiée, il sera possible de donner des conclusions basées sur des faits précis.

Une manière à peine voilée de dire que les fouilles faites par Philippe Delamain ont été faites d’une manière telle qu’une grande partie des informations qui auraient pu être recueillies avec un minimum de rigueur scientifique ont disparu sous les coups de pelle des fouilleurs.

Une fouille certainement plus proche d’un pillage que d’une démarche archéologique scientifique !

 LES SÉPULTURES BARBARES D’HERPES PAR M. PHILIPPE DELAMAIN

En janvier 1886, deux cultivateurs du village d’Herpes, commune de Courbillac, canton de Rouillac (Charente), m’apportèrent des objets qu’ils venaient de découvrir en nivelant un champ de luzerne. Ces objets consistaient en perles de verre, haches de forme bizarre et agrafes d’argent et de bronze. L’agrafe portant le n° 83, sur la planche XIII, faisait partie de cette première trouvaille.
Ces différents objets me frappèrent par leur similitude avec des objets de même nature trouvés à Marchelepot (Somme), et dont la Revue archéologique (1886, t. VII, p. 96) venait de donner des dessins. J’écrivis de suite à M. Lièvre, alors président de la Société archéologique de la Charente, et à M. Bertrand, directeur du Musée de Saint-Germain-en-Laye. Ils m’assurèrent que mes suppositions étaient fondées et que les bijoux, armes et ustensiles trouvés à Herpes, appartenaient à la bonne époque de l’art mérovingien. Ils m’engagèrent vivement à faire des fouilles dans les champs où avaient été trouvés ces objets et à noter soigneusement les conditions dans lesquelles les découvertes auraient lieu.
Je me rendis donc acquéreur d’une parcelle de terrain voisine de celle où avaient eu lieu les premières découvertes, achetai le droit de fouille à mes voisins et entrepris des fouilles méthodiques dans ce que je puis appeler maintenant le cimetière d’Herpes. Actuellement, j’ai exploré la presque totalité du terrain supposé devoir contenir des sépultures, et j’ai fait fouiller à fond environ 900 tombes. J’y ai trouvé plusieurs centaines d’objets de toute nature, armes, bijoux, vases en terre et en verre et perles de toutes formes.
Je dois déclarer ici que j’ai été activement et utilement secondé dans cette tâche par Lucien Marrot, d’Herpes, mon fidèle fouilleur, qui a fait à lui seul ce travail minutieux, et aux soins et à l’intelligence duquel je dois d’avoir pu obtenir intacts une foule d’objets fragiles que des mains maladroites ou brusques auraient tirés de terre brisés ou détériorés. Il m’a été du plus grand secours pendant toute la durée de ces fouilles, et il est juste de lui en laisser le mérite.
Nous annexons à la présente notice un plan des terrains fouillés, relevé sur le cadastre des communes de Courbillac et d’Herpes, réunies sous le règne du roi Louis-Philippe en une seule commune, qui donnera une idée exacte de la topographie de cet antique cimetière.

 EMPLACEMENT DU CIMETIÈRE.


Un chemin romain, pavé et bétonné, avec fossé de chaque côté, traversait le cimetière dans toute sa longueur, et les tombes étaient placées à droite et à gauche de cette route, sur un espace de 350 à 400 mètres de longueur sur 15 ou 20 de largeur. Ce chemin devait sans doute rejoindre la grande voie romaine de Saintes à Limoges, qui passe à trois kilomètres au sud du cimetière,- et la couper à angle droit se dirigeant sur Jarnac. Au nord, ce chemin va droit à Beauvais-sous-Matha : on le rencontre encore au lieu dit Les Brousses et exactement dans la direction de Beauvais.

 MODE DE SÉPULTURE

Le mode de sépulture est absolument uniforme : après une couche de terre végétale, qui varie entre 2 mètres et 0m 75 d’épaisseur, se trouve une sorte de marne grise, très compacte et dure ; c’est dans cette marne crayeuse, à des profondeurs très variables, que sont creusées les tombes.
Aucune bière n’a été employée. Les corps, enveloppés dans une étoffe grossière, dont j’ai souvent trouvé des fragments adhérents encore aux agrafes qui servaient à l’attacher, ont été déposés dans ces sortes d’auges creusées dans la marne, puis recouverts de terre. Presque toujours, à l’extrémité de la tombe se trouve une grosse pierre posée de champ qui sert de chevet au cadavre. Parfois la fosse entière est entourée de pierres posées de champ. L’orientation est rigoureusement observée : toujours les pieds sont à l’est et la tête à l’ouest.
Presque toujours, soit à droite, soit à gauche, se rencontre un vase de terre ou de verre ; deux ou trois fois le vase était aux pieds. C’est la très rare exception.
Plusieurs fois nous avons vu des enfants inhumés exactement au-dessus de leur mère..
Il est très facile de reconnaître les sexes des corps ensevelis ; d’abord, les hommes et les enfants n’ont jamais de bijoux ni d’ornements, tandis que les femmes ont toujours des bijoux plus ou moins ornés ensevelis avec elles : perles, agrafes, bagues et boucles d’oreilles.
Ensuite (et je laisse cette remarque à l’appréciation des savants spécialistes), Marrot m’a affirmé qu’il ne s’y trompait jamais et que l’arête du tibia des femmes était beaucoup plus vive et plus coupante que celle du tibia des hommes. J’ai mainte fois vérifié le fait, et je dois dire que jamais il ne s’est trompé. Ses prévisions, basées sur la forme du tibia, ont toujours été justes.
A part deux ou trois hommes de taille réellement extraordinaire (1m90, 1m93), les squelettes sont de dimension moyenne et ne dépassent pas la taille humaine actuelle. La forme des crânes est normale. Les dents sont très petites et fines et sont remarquablement belles et saines. La position du cadavre varie très peu : les jambes allongées, les bras placés parallèlement au corps ou les mains croisées sur le pubis, la tête légèrement inclinée soit à droite, soit à gauche. L’espace qui séparait les sépultures les unes des autres n’était quelquefois que de 40 à 50 centimètres.

 LES SÉPULTURES D’HOMMES

Les hommes portent presque toujours à la ceinture une grosse boucle de fer, de bronze ou d’argent. Cette boucle soutenait certainement une ceinture de cuir, qui supportait elle-même un et presque toujours deux couteaux ou poignards, dont on retrouve les lames à la hauteur de la hanche gauche ; les lames varient entre 0m 40 et 0m 25 ; elles étaient enfermées dans une forte gaine en bois et en cuir dont on retrouve encore les traces ; elles sont toujours à un seul tranchant et à poignée de bois dur encore très visible.
A droite est placée souvent soit une lance ou javelot de 0m20 à 0m75 de longueur, la douille comprise (ces lances à deux tranchants, très pointues, sont en fer), soit une hache.

 LES ARMES

- La hache. — Il y avait à Herpes quatre formes de haches : la première (n° 1 des planches) est la Francisque classique, exactement semblable à la hache trouvée à Tournay, dans le tombeau de Childéric, et à celles décrites par l’abbé Cochet dans son ouvrage sur cette sépulture historique (abbé Cochet, Tombeau de Childéric Ier, p. 119 et suivantes) ; le n° 2, plus massif et à plus grand tranchant ; le n° 3 et le n° 4, à tranchant en croissant tronqué aux deux extrémités, le côté opposé au tranchant formant marteau.

1 2
3 4

Ces quatre formes de haches sont, du reste, absolument identiques aux armes de même nature figurées dans les ouvrages de l’abbé Cochet et dans ceux de H. Baudot.
Ces haches étaient disposées à la droite des squelettes, à la hauteur du genou, et il est vraisemblable que le manche en bois, dont toute trace avait disparu, était placé dans la main du guerrier mort. Ces haches, ainsi que les armes portant sur les planches les numéros chiffrés de 1 à 12, sont reproduites exactement à moitié de leur grandeur réelle.
- La lance. — La lance se trouvait soit seule, soit avec la hache. Les nos 5, 6 et 9 en donnent la forme, qui, du reste, varie peu ; la douille est plus ou moins longue, le fer plus ou moins pointu, mais l’arme est toujours la même.

5
6
9

Elle était aussi placée à droite, tantôt la pointe à la hauteur de la tête, tantôt presque aux pieds, selon que l’arme avait été placée le fer en haut ou en bas dans la tombe du guerrier. Nous trouvons la même position dans les sépultures décrites par l’abbé Cochet (Tombeau de Childéric Ier, p. 130 et suivantes).
- Les couteaux. — Si les haches et les lances sont relativement peu communes dans les sépultures barbares d’Herpes, les couteaux sont excessivement répandus ; toutes les tombes masculines en ont. Comme je l’ai dit plus haut, ces couteaux sont à un seul tranchant ; quelques-uns, vu leur petitesse, peuvent n’avoir été que des ustensiles ; d’autres, qui portent encore des traces de gaines en cuir, étaient de véritables poignards (n° 8 et 11), et d’autres, enfin, représentent de véritables scramasaxes.

8 11

Nous trouvons des armes absolument identiques décrites dans l’ouvrage de l’abbé Cochet (Sépultures pratiques et normandes, p. 147, 149 et passim), ainsi que dans Baudot (pl. I et II). Le couteau n° 12 est un des plus petits qui aient été trouvés à Herpes.

12

Ces couteaux étaient très souvent par paires, un grand et un petit ; suspendus par des courroies à la ceinture, ils étaient toujours à la hauteur de la hanche gauche des squelettes ; les boucles qui servaient à les supporter varient à l’infini de forme, de taille et de matière.

27 21
29 24
32 26

La forme la plus répandue est celle affectée par les boucles n° 27, 29 et 32 ; les boucles n° 21, 24 et 26 se rencontrent moins souvent ; les plaques 13, 14 et 15 sont plus rares encore à Herpes. Enfin, les plus rares de toutes sont celles en fer damasquiné d’argent et d’or et ornées de grenats (n° 16, 17 et 19), dont l’oxydation a malheureusement détruit en grande partie la beauté.

13 14
15 16
17 19

Il aurait été trop long de reproduire toutes les formes des boucles ; il suffira de dire que la taille varie de 1 centimètre à 8 et 10 centimètres et que beaucoup sont en argent et en bronze finement ciselé et souvent ornées d’émaux aux vives couleurs et de grenats et verres de couleur. Les planches VII, VIII, IX et X de l’ouvrage de Baudot reproduisent des boucles absolument semblables à celles trouvées à Herpes par centaines.
Le mobilier des sépultures masculines comprend encore des quantités de boutons de métal et de clous en bronze et en argent d’une étonnante variété, qui servaient à fixer les courroies de cuir les unes aux autres ; ces clous, qui ont à leur base un tenon percé d’un trou et souvent deux tenons, se trouvent dans toutes les sépultures des guerriers, dont ils consolidaient et ornaient les ceinturons.
- Les boutons, en métal ciselé ou cloisonné et semé de grenats et de verroteries, sont aussi nombreux dans les sépultures des guerriers ; ils ornaient très vraisemblablement le cuir du baudrier et du ceinturon. Dans son ouvrage sur le tombeau de Childéric, pages 195, 230 et 280, l’abbé Cochet a fait dessiner des boutons, des clous et des fibules rondes exactement semblables à ceux d’Herpes. H. Baudot (pl. X et XI) en donne aussi de semblables. Les boutons trouvés à Herpes sont figurés planche VIII, sous les nos 34, 35, 36, 37, 38, 44, 45, 46 et 47.

34 35 36 37 38
44 45 46 47

Dans les sépultures masculines, nous trouvons encore à Herpes de grosses et fortes aiguilles de bronze, tantôt toutes droites, tantôt légèrement courbes. Ces aiguilles sont très pointues et sont percées d’un trou rond ou oblong à la tête ; les plus fortes ont 8 à 9 centimètres de long et un diamètre de 2 millimètres ; elles sont généralement ornées de stries à la tête et au milieu. Nous ignorons quel pouvait être leur usage, mais elles faisaient certainement partie des ustensiles des guerriers.
Les fers à cheval ont été aussi trouvés dans les tombes d’hommes à Herpes, mais ils sont rares ; je n’en possède que quatre. Ils sont très ordinaires de forme et se rapprochent beaucoup de nos fers à cheval modernes.
Une tombe d’homme nous a donné un bijou assez remarquable ; c’est un petit fer à cheval en argent, à planche, parfaitement fait et percé de ses trous. Ce bijou ligure clans les planches sous le n° 41.

41

Nous n’avons pas trouvé de mors intact, mais seulement des fragments et des boucles de mors en fer.
Une seule fois nous avons trouvé le bizarre sabot de cheval en fer décrit par l’abbé Cochet dans le Tombeau de Childéric, pages 152, 153, et étudié à fond par M. J. Quicherat dans son opuscule : La Question du ferrage des chevaux en Gaule, et appelé par lui hipposandale. L’hipposandale d’Herpes est exactement semblable aux figures données par les deux auteurs précités.
Pour en terminer avec les sépultures masculines d’Herpes, il nous reste à parler des globes de cristal taillé trouvés deux fois seulement et figurés sur nos planches sous les n° 107 et 108. Ces globes ne portaient, à Herpes, aucune garniture, ou du moins la garniture avait disparu ; ils étaient placés vers le cou.

107 108

Nous ne pouvons que mentionner leur découverte sans chercher quel pouvait être leur usage. Des globes similaires sont décrits dans le Tombeau de Childéric, de l’abbé Cochet, pages 299 à 307.
Des vases et des verres de différentes formes se trouvaient aussi dans ces sépultures. Nous en reparlerons plus loin.
Je mentionne que je n’ai trouvé à Herpes ni boucliers, ni angons, ni grandes épées.
Les tombes renfermaient des monnaies, parfois percées pour être suspendues, parfois placées dans la bouche, assez souvent à la hauteur de la ceinture, comme si elles avaient été placées dans une bourse en cuir dont toute trace avait disparu.

 SÉPULTURES FÉMININES

Le mobilier des sépultures des femmes est infiniment plus riche et plus varié. Si les bijoux sont rares dans les tombes d’hommes et se réduisent à des ornements se rattachant à l’équipement guerrier, il en est tout autrement des femmes. On semble avoir enseveli avec elles leurs plus belles parures et aussi les objets auxquels elles attachaient une valeur ou un intérêt d’habitude journalière.
Aux pieds, aux chevilles, on trouve des boucles minuscules en argent et en bronze, qui feraient supposer que les clames avaient les pieds entourés de bandelettes d’étoffe ou de fines courroies de cuir que ces petites boucles servaient à fixer ; aux genoux, on trouve souvent des débris de chaînettes en bronze ou en laiton auxquelles étaient suspendus des ciseaux (n° 7 des planches), des cure-dents, des cure-oreilles en bronze et en argent, et surtout énormément de pinces à épiler (n° 31). Nous ne donnons qu’une figure de ces pinces, mais la forme varie beaucoup, et presque toutes les dames en portaient.

7 31

Enfin, ces chaînettes soutenaient nombre de petits instruments d’un usage intime qui étaient suspendus à droite, à la ceinture, et pendaient jusqu’aux genoux, comme ce que nos dames appellent maintenant une ménagère ou une châtelaine.
L’abbé Cochet, dans son ouvrage sur les sépultures franques et normandes, pages 115 à 119, a fort exactement décrit et figuré ces curieux petits objets, que nous avons retrouvés à Herpes absolument semblables.
Aux mains, qui sont ou placées à droite et à gauche du corps ou croisées sur le ventre, nous trouvons les bagues auxquelles nous avons consacré deux planches entières (n° IX et X) et dont M. Deloche, de l’Institut, a donné ci-après une savante description, il nous reste à ajouter qu’un très grand nombre de ces bagues a été brisé ; elles étaient en argent et d’un métal si fragile et souvent si mince qu’en voulant les nettoyer elles tombaient en poussière ; d’autres ne sont qu’un simple anneau ou ruban de bronze auquel, quelquefois, est soudé un petit bronze impérial romain formant chaton. C’étaient les bagues des femmes pauvres. Ces monnaies romaines sont presque toujours des Tétricus, des Postumus, des Galliénus et des Constantin. Presque toujours la bague se portait à la main droite, le contraire est l’exception ; parfois, mais rarement, il y avait deux ou trois bagues à la même main et de plus au même doigt.

Planches IX et X

Les bagues en or sont la très grande rareté. Sur 900 tombes environ, je n’ai trouvé que cinq bagues en or ; toutes les cinq sont figurées sur la première planche des bagues.
Aux bras, nous trouvons les bracelets ; — les bracelets en métal sont rares à Herpes ; je n’en ai trouvé que cinq, tous en argent ; trois d’entre eux sont figurés sous les n° 69, 70 et 71, pl. XI ; les deux autres sont semblables.

69
70 71

Les bracelets, composés de perles de toutes formes et de toutes matières, étaient beaucoup plus communs : les perles sont le plus souvent en verre et en émail, tantôt rondes, tantôt carrées, tantôt oblongues, souvent en pâte de verre opaque et même noir ornée d’incrustation de pâte de verre d’une couleur différente ; ces perles sont figurées dans nos planches sous les nos 72 à 82, pl. XII.

Planche XII

Quelquefois la matière employée est l’ambre rouge du Nord, mais ces perles d’ambre sont rendues très fragiles par leur long séjour dans la terre, et quoiqu’elles soient très communes, il est assez difficile de les trouver intactes ; j’en possède cependant des colliers et des bracelets bien complets.
Les sépultures barbares trouvées en Normandie et à Charnay, en Bourgogne, renfermaient des perles absolument semblables (Baudot, pl. XVI, et l’abbé Cochet, pages 64, 65 et passim).
La portion du corps comprise entre la ceinture et le cou est de beaucoup la plus riche en bijoux ; c’est là, en effet, que nous trouvons les agrafes de toutes formes et de toutes dimensions qui retenaient et ornaient les étoffes dont les cadavres étaient revêtus. Ces agrafes, à Herpes, n’étaient jamais affrontées ; elles étaient presque toujours par paires et placées les unes au-dessus des autres sur la poitrine ; il y en a souvent quatre sur une seule personne, deux petites et deux grandes, presque toujours deux, et quand on n’en trouve qu’une, c’est très probablement parce que l’autre a été détruite par l’oxydation.
Ces agrafes, épinglettes et fibules, sont certainement les bijoux qui offrent le plus d’intérêt dans nos fouilles, car nous avons trouvé à Herpes des agrafes de presque tous les modèles connus en Europe et même en Asie.
Nous avons, en effet, à Herpes les fibules de Crimée et du Caucase, telles qu’elles sont décrites et figurées dans l’ouvrage de M. le baron de Baye sur l’art chez les Barbares (l’Anthropologie, 1890, t. I, n° 4, p. 1 à 16) ; numéros de nos figures : 20, 22 et 25, pl. VI.

20 22 25

Celles décrites et figurées par le même savant auteur dans son ouvrage : Industrie anglo-saxonne, fibules à têtes carrées, pages 53 à 57 et pl. III, qui se rapprochent d’une façon étonnante des nôtres, portant les n° 83, 87 et 89, pl. XIII et XIV. Celles décrites et figurées par le même auteur dans l’Industrie longobarde, pages 40 à 45 et pl. V. Enfin, celles décrites et figurées par J. Pilloy (Sépultures dans l’Aisne), H. Baudot (Sépultures de Bourgogne), l’abbé Cochet (la Normandie souterraine, le Tombeau de Childéric, etc.), qui figurent sur nos planches sous les nos 84, 85, 86, 91, 92 et 93.

83 87
84 89
86 85
91 92
93

M. le baron J. de Baye a, du reste, dans un travail qui accompagne cette notice, étudié cette question d’étonnante similitude, avec la science et l’autorité qui lui sont propres.
Quelle que soit à cet égard l’opinion des savants, il n’en reste pas moins absolument étonnant de trouver à des centaines et des milliers de lieues de distance des bijoux que l’on pourrait croire sortis du même atelier et même de la main du même ouvrier, et de rencontrer à Herpes des modèles de fibules exactement semblables à celles que l’on trouve au Caucase, en Italie, en Angleterre, en Scandinavie et dans toute la France du Nord ; et ce que nous disons ici à propos des fibules, qui forment le groupe le plus nombreux des objets trouvés à Herpes, nous pouvons le dire des armes, des bagues, des boucles d’oreilles, des perles de toute nature et de toute dimension, des poteries, des verres de toute sorte. En somme, nous pouvons dire que la collection d’Herpes comprend des échantillons de tout ce qui fut l’art des Barbares.
A côté de la grande fibule, soit à tête carrée, soit digitée ou à -rayons, soit à tête semi-circulaire pleine, nous avons deux sortes de petites fibules qui accompagnent très souvent les grandes ; ce sont les petites fibules à têtes d’oiseaux rangées en cercle par trois ou quatre têtes, les fibules pleines et rondes, et enfin les petites fibules en forme de perroquet ou d’oiseau, de cheval ou de salamandre (n° 42, 43, 48, pl. VIII, et 94 à 104, pl. XV.

42 43 48 Planche XV

Une seule fois nous avons trouvé la fibule en forme de poisson (n° 90, pl. XIV), qui, du reste, est fort rare. Baudot n’en figure qu’une (pl. XIII, fig. 8), et je n’en trouve pas de description dans les autres ouvrages que je possède.

90

Ces petites fibules, presque toujours par paires, se trouvaient à Herpes, un peu plus haut que les grandes, vers le cou ; un grand nombre d’entre elles, très minces, ont été détruites par l’oxydation.
De même que les grandes, elles sont ornées de grenats, soit en cabochon, soit lapidés à plat, parfois de cabochons et de plaques de grenat sur le même bijou, comme la fibule carrée n° 39 de nos planches, qui est la seule de ce genre que nous possédions.

39

Nous n’en avons trouvé aucune en or ; presque toutes sont en argent, quelques-unes seulement en bronze doré ; très souvent l’argent a été fortement doré, et si solidement que la couche d’or est encore très visible. Très souvent aussi elles ont été finement émaillées d’émail noir qui forme sur l’argent de fort jolis petits dessins ; très souvent, enfin, cet émail a presque entièrement disparu, et il n’en reste que des traces (n° 84, 86, pl. XIII ; 91 et 93, pl. XIV).

84 86
91 93

L’aiguille a aussi, presque toujours, été rongée par l’oxydation, et il est rare que son ressort soit intact.
Bien souvent des fragments d’étoffe conservés par l’oxydation sont encore adhérents à la surface interne des fibules. Cette étoffe semble être de la toile assez fine quelquefois, quelquefois très grossière.
- Les colliers. — Immédiatement au-dessus de l’agrafe, nous trouvons le collier. Un grand nombre de femmes sont pourvues de cet ornement. Nous n’en avons jamais trouvé en métal ; tous sont ou en perles de terre cuite émaillée, de pâte de verre de diverses couleurs, ou en perles d’ambre rouge. Le plus souvent ces colliers’ sont composés de petites perles enfilées, comme le montre la planche XII ; quelquefois une grosse perle de verre émaillé ou d’ambre est seule suspendue sur la poitrine (pl. XVI, n° 109 à 118).

109 à 118

Une seule fois nous avons trouvé une énorme perle en pâte de verre émaillé, suspendue par une bélière d’argent (pl. V, fig. 18).

18

Ces colliers sont identiques à ceux trouvés en Bourgogne, dans l’Aisne et en Normandie (voyez Baudot, pl. XVI ; l’abbé Cochet, Tombeau de Childéric, p. 314 et 315).
A la tête nous avons les boucles d’oreilles, figurées planche XI. Il existe à Herpes cinq modèles différents ; le plus commun (n° 68) consiste en un fil d’argent ou de bronze tordu et soutenant une perle en ambre, en verre ou en terre cuite ornée. Ce fil était quelquefois très distendu et laissait pendre la perle assez bas, d’autres fois il retenait la perle tout près de l’oreille.

64 à 68

La seconde forme est celle du n° 66. Il consiste en une boule de métal, argent ou bronze, taillée à facettes, formant le bouton de la boucle d’oreille et suspendu par une tige du même métal non soudée au bouton de l’autre côté, ce qui fait que la boucle pouvait se mettre ou s’ôter à volonté. Cette sorte est également commune ; nous en avons trouvé de toutes les dimensions, depuis 1 centimètre et demi jusqu’à 4 centimètres de diamètre.
La troisième forme est à peu près semblable, mais le bouton de métal est creux, très bien travaillé et orné de grenats et de verres de couleur sertis dans les facettes du métal. Ces boucles, très élégantes (n° 64 et 65), ont 4 à 5 centimètres de diamètre.
La quatrième forme est absolument identique à la précédente, mais l’anneau est fermé et soudé, et le bouton est mobile autour de la tige ; dans ce cas, la boucle d’oreille était fixée à demeure et ne pouvait pas s’enlever. Le bouton est également taillé à facettes et des plaques de grenat et de verre y sont serties.
Ces quatre premières formes sont communes à presque tous les cimetières barbares, et nous les retrouvons figurées dans l’ouvrage de l’abbé Cochet (Sépultures franques et normandes), pages 158, 173, 180, et dans Baudot (pl. XXVI).
La cinquième sorte est de beaucoup la plus élégante ; elle n’a été trouvée que deux, fois à Herpes : une fois en argent, avec cabochon en verre bleu, mais brisée en cinq ou six morceaux, et la seconde fois en or, intacte ; elle est figurée sur nos planches sous le n° 67. Cette paire de boucles d’oreilles, d’une forme presque moderne, est en bel or jaune et dans un état de conservation remarquable.
Nous aurons terminé la revue méthodique du mobilier funéraire d’une dame barbare d’Herpes, en commençant par les pieds pour terminer par la tête, quand nous aurons ajouté que trois ou quatre fois nous avons trouvé autour du crâne des fils d’or pur très légers, qui semblaient avoir été tissés avec une étoffe que le temps et l’humidité ont détruite ; ils devaient orner un voile qui entourait la tête de la morte.
De semblables fils ont été trouvés en Normandie et en Angleterre dans des conditions identiques,- et l’abbé Cochet, qui, dans ses Sépultures franques et normandes, les décrit et en donne un dessin (p. 180), leur attribue le même usage.
Nous ne parlons pas ici des vases et verres, qui étaient le complément presque constant des sépultures féminines aussi bien que des sépultures des guerriers, et qui méritent, par leur variété de formes et de dimensions, une description particulière.

 LES VASES FUNÉRAIRES

Presque toutes les sépultures d’Herpes contenaient un vase funéraire, placé tantôt à gauche, tantôt à droite du sommet de la tête. Ce vase est ou en verre ou en terre ; la forme varie beaucoup, les dimensions également. Je n’ai trouvé que deux fois le vase funéraire placé aux pieds ; c’est donc la très rare exception.
Les vases en terre sont plus communs que les vases en verre, mais cependant ce choix n’a rien à voir avec la richesse des sépultures ou le sexe du cadavre. J’ai trouvé de fort jolis vases et burettes en verre dans des tombes très pauvres en autres objets, et des vases en terre des plus grossiers et sans ornement dans de très riches sépultures. Un seul exemple : la dame qui avait au doigt la superbe bague d’or n° 49, la bague d’argent n° 58, les deux belles fibules à tête d’oiseau n° 84, les deux salamandres n° 102 et les boutons n° 44, c’est-à-dire la plus riche sépulture que j’aie découverte, avait pour vase l’écuelle informe n° 127, tandis que la charmante petite buire n° 140 était clans une tombe renfermant seulement quelques débris de fer sans intérêt.

49 102 84
58 44 127

Mais je dois observer que les verres et les vases semblaient localisés. Ainsi, clans un espace de 100 mètres carrés, il arrivait de ne trouver que des vases en terre, et dans un autre espace voisin de même étendue, on avait une série de sépultures avec vases en verre, comme si certaines familles n’eussent employé que le verre, et d’autres que la terre.
Deux vases seulement sont en bronze ; les vases en métal étaient donc peu employés à Herpes.
- Les vases en terre [1]. — Les vases en terre sont presque toujours noirs ; sur une soixantaine de vases intacts que je possède, cinq ou six seulement sont en terre jaune pâle ; un seul (n° 126), très petit, en terre rouge. Les petits vases noirs affectent trois formes distinctes quoique se ressemblant assez (pl. XVII, n° 119, 120 et 121). Les grands vases avec ou sans anse sont de deux formes (pl. XVIII, n° 122 et 123).

126 119
120 121
122 123

Tous ces vases noirs sont ornés à la partie supérieure de dessins à la roulette variant à l’infini, tantôt en damier, tantôt imitant des feuilles de fougère ou d’autres plantes ; ces dessins sont tous différents, et sur plus- de cent vases intacts ou brisés, je n’en ai pas trouvé deux pareils : autant de vases, autant de dessins différents ; mais l’ornementation consiste toujours dans l’agencement varié des petits carrés, des petits triangles ou des petits ronds qui composent les divers dessins.
La poterie noire trouvée à Herpes s’est aussi rencontrée en Bourgogne (Baudot, pl. XXIII), en Normandie (abbé Cochet, Sépultures franques, p. 349 et 350), avec des dessins à peu près identiques, et en Belgique, comme le démontre l’ouvrage spécial à ce sujet de M. Désiré Vanbastelaër : Les Vases de forme purement franque et leurs ornements à la roulette (Charleroi et Liège, 1891 ; pl. I, II, III et IV).
Les vases jaunâtres ou gris d’Herpes sont d’une autre forme et presque toujours sans aucun ornement (pl. XIX, n° 124, 125, 126 et 127).

124 125
126 127

Les deux vases en bronze trouvés à Herpes sont figurés sur la planche XX : le premier, très lourd et épais, est figuré de grandeur naturelle ; le second (n° 129), très mince, est figuré au tiers seulement de sa grandeur réelle.

128 129

Il est possible que ces vases aient été, comme nous le verrons pour les vases en verre, remplis d’un liquide quelconque ; mais ce liquide, dont les traces étaient parfaitement visibles dans les vases en verre, n’a laissé aucune trace clans les vases en terre, probablement à cause de la porosité de ces vases ; la couleur noire a été ajoutée. Ces vases sont solidement teints en noir, mais si on les frotte longtemps, et encore mieux si on les place dans un four de verrier chauffé à 5 ou 600 degrés, cette couleur noire disparaît et la terre grisâtre ou jaunâtre reste nue. C’étaient donc des vases de deuil, et teints en noir pour servir d’urnes funéraires, et réservés à cet usage.
- Les vases en verre — Ces vases, qui occupent nos planches XXI à XXVI, sont tous figurés de grandeur naturelle ; ils se divisent en trois sortes : les verres proprement dits, les fioles ou buires et les soucoupes.
Les verres proprement dits sont de deux sortes, avec ou sans pied ; les verres à pied sont de beaucoup les plus rares, je n’en possède que deux du même modèle (n° 137) ; tous deux sont ornés de filets d’émail blanc.
Les vases sans pied sont ou le simple cornet, quelquefois très orné (n° 130), où le cornet à filets blancs, ou le cornet tout uni ; c’est le modèle le plus répandu (n° 134).
Un autre vase sans pied a une forme plus élégante et est terminé par un bouton d’émail blanc (n° 131) ; cette forme est beaucoup plus rare.
Une troisième sorte, également sans pied a la forme d’une tulipe et est ornée d’un dessin en relief figurant une croix (n° 132 et 133).

137 130
134 131
132 133

Tous ces verres, dont la couleur varie du vert pâle au jaune clair, sont d’une excessive fragilité et aussi légers et aussi minces que nos verres mousseline les plus délicats ; c’est presque un miracle que quelques-uns, une dizaine, soient restés absolument intacts, et à peu près autant assez peu brisés pour être raccommodés, après tant d’années passées à cette profondeur dans la terre sans que rien ait été mis pour les protéger, du moins en apparence.
Tous ces vases de terre étaient enduits à l’intérieur d’une substance d’un rouge foncé, comme s’ils avaient été placés là pleins d’un liquide rouge qui se serait desséché peu à peu, laissant des adhérences aux parois du verre. Cette matière, qui tient solidement au vase, finit par s’enlever par écailles. Je n’ai pu jusqu’ici la faire analyser assez sérieusement pour pouvoir hasarder une opinion sur sa nature ; je crois même que cet enduit, qui a été trouvé clans les verres des autres sépultures barbares en France, n’a pas été déterminé jusqu’à ce jour.
Les fioles sont plus rares que les verres ; elles étaient aussi revêtues à l’intérieur de cette matière rougeâtre ; elles sont également en verre mince, et il y en avait de quatre différentes formes (n° 135, 136, 138, 139, 141 et 142).

135 136 138
139 141 142

Je compte à part la charmante petite buire à anse n° 140, qui était unique dans son genre à Herpes et dont l’élégance est remarquable, et quoique l’abbé Cochet, H. Baudot et M. Pilloy en aient décrit et figuré d’à peu près identiques, elle ne le cède à aucune.

140

Les tasses sans anse et soucoupes figurées sous les n° 143 et 144 étaient assez rares à Herpes et presque toujours brisées. Je n’ai pu conserver que ces deux exemplaires intacts.

143 144

Les verres de toutes sortes trouvés à Herpes sont absolument semblables à ceux trouvés en Normandie (abbé Cochet, Sépultures franques, p. 125, 171, 174) et en Bourgogne (H. Baudot, p. XXI).

 MONNAIES

Nous avons trouvé à Herpes un très grand nombre de monnaies, mais jusqu’au dernier moment, à notre grande surprise, toutes étaient des monnaies impériales romaines, grands bronzes, moyens bronzes, petits bronzes, argent et or. Dans une des dernières sépultures fouillées, nous avons eu la bonne fortune de découvrir, dans la main droite d’un homme, onze monnaies barbares, grossières imitations de monnaies romaines, mais ayant leur caractère propre ; ces monnaies d’argent ont fait l’objet d’une savante étude de M. Maurice Prou, attaché au cabinet des médailles à la Bibliothèque nationale, et dont le travail sur ce sujet est annexé à la présente notice. Je me garderai donc d’en faire la description, une plume autorisée s’en étant chargée.

Quant aux monnaies impériales, elles portent des dates bien différentes : la plus ancienne est de Tibère, est en argent et appartient au Ier siècle de notre ère ; la plus récente est de Justinien, qui régnait en 565 ; les plus répandues sont : Postumus, Galliénus, Tétricus et les trois premiers Constantin. Aucune n’est rare ; beaucoup sont percées et ont dû servir d’amulettes ; d’autres, comme je l’ai dit plus haut, ont été soudées sur des rubans de bronze et ont fait l’office de chatons de bagues.

Quelques objets ont été fort difficiles à classer. Je ne sais quelle attribution donner à une plaque de jade nuageux (pl. XVI, n° 112), à une perle absolument blanche et ressemblant à s’y méprendre à de la porcelaine (même planche, n° 113), aux objets en bronze doré figurés planche VII, n° 30 et 33, et enfin à la curieuse figurine en bronze autrefois doré, qui porte le n° 88 de la planche XIV. Cette figurine, repliée en forme de tuile, qui devait être fixée par deux clous à une tige ronde, représente une femme avec nimbe ou auréole. Est-ce une sainte Vierge ? Est-ce une impératrice byzantine ? Je laisse cela à décider aux archéologues compétents.

112 113 30 33
88 100 106

La belle épingle et les trois petits bijoux en forme de trèfle qui portent sur la planche XV les nos 100 et 106 sont aussi difficiles à attribuer. L’épingle est-elle une épingle à cheveux ? Ce serait la seule trouvée à Herpes, et cependant je ne vois pas à quoi elle aurait pu servir autrement. Elle est en argent et représente un oiseau formé de dix plaques de grenat, d’une plaque de nacre et de deux plaques de verre sertis dans le métal.

En terminant, je puis mentionner que j’ai trouvé plusieurs fois des objets et des bijoux en forme de croix ou ayant la croix comme sujet d’ornementation. Nous pouvons en conclure qu’il y avait déjà une population chrétienne à Herpes à l’époque de ces sépultures ; d’autre part, des monnaies souvent trouvées dans la bouche prouvent que cet usage païen était encore en vigueur. Je laisse à des personnes plus autorisées le soin de conclure. Je me bornerai à hasarder mon opinion personnelle sans insister sur mes timides conclusions.

 DATE PRÉSUMÉE DES SÉPULTURES.

Deux opinions ont été émises sur l’époque de ces sépultures. Il est incontestable qu’elles appartiennent à l’époque mérovingienne ou plutôt barbare ; mais les Franks étant venus en grand nombre dans l’Aquitaine à deux reprises, la première avec Clovis allant combattre les Visigoths, en 507, et la deuxième avec Charles Martel poursuivant les Sarrasins vaincus, en 732, il s’agit de savoir à laquelle de ces deux époques, chacune suivie d’occupation franque, il faut rattacher le cimetière d’Herpes. Je n’hésite pas à croire que la première date est la vraie, et je me base pour établir cela sur les faits suivants :
- 1° A la date de 732, on eût trouvé des monnaies franques. Les deux cents années de rois mérovingiens auraient fourni des monnaies à leur nom. Au contraire, si nous adoptons le règne de Clovis, le fait des monnaies exclusivement romaines ou pseudo-romaines, imitant grossièrement les monnaies impériales de Constantinople, est tout naturel, ces monnaies étant encore les seules ayant cours en Gaule.
- 2° M. Bertrand m’a écrit que, selon lui, les bijoux appartenaient à la belle époque de l’art mérovingien. Or, en 507, on devait, en effet, avoir encore des bijoux ayant le vrai caractère mérovingien, tandis qu’en 732 l’art mérovingien avait dû perdre son caractère germanique ou plutôt barbare, puisque de récentes découvertes semblent prouver que cet art, dit mérovingien, a été commun à toutes les peuplades qui ont envahi l’Occident à la chute de l’empire romain.
- 3° J’avais appelé l’attention de M. Bertrand et de M. Salomon Reinach sur le nom singulier d’Herpes, si curieux dans notre contrée, et M. Reinach m’écrit à ce sujet : « Je suis porté à voir dans Herpes un nom germanique. On trouve, en effet, en Allemagne des villes appelées Herpa, Herpley, Herpel, Herper, Herpesdorf, Herpf. Vous auriez donc eu à Herpes une population franque assez importante. »
Or, il est facile d’admettre que des Franks ayant suivi Clovis, et ayant encore présents à la mémoire les noms des villes qui avaient été le berceau de leurs familles, que quelques-uns même avaient pu habiter, aient donné à leur centre d’occupation dans notre pays le nom de leur ancienne résidence, tandis qu’il est invraisemblable que les compagnons de Charles Martel, qui habitaient le nord de la France et l’Ile-de-France depuis deux cent quarante ans, aient songé à baptiser leur nouvelle résidence d’un nom de ville oublié depuis des générations.
- 4° Les monnaies trouvées dans la bouche indiquent qu’il y avait encore à l’époque de l’inhumation un certain nombre de païens, tandis que les bijoux en forme de croix démontrent qu’il y avait aussi beaucoup de chrétiens. Or, en 507, il y avait encore, sans doute, des païens, tandis qu’en 732 il semble certain que tout le monde était chrétien dans ce pays-ci.

Conclusion, que je ne donne que sous toute réserve, mais qui me semble fondée : Le cimetière d’Herpes date du VI° siècle et de la première invasion franque en Aquitaine sous Clovis.


[1Ces vases sont figurés sur les planches moitié de grandeur réelle.

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