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1572 - 1581 - 5 lettres d’Henri de Navarre aux maire et échevins de la Rochelle

mardi 5 janvier 2010, par Pierre, 931 visites.

Cinq lettres qui révèlent l’évolution de la personnalité du roi de Navarre : la première, écrite au lendemain de la Saint-Barthélemy, montre un Henri craintif. Dans les suivantes, alors qu’il se rapproche du pouvoir, le ton s’affirme. Et cependant, avec les Rochelais, la négociation est toujours de mise, et il faut plus qu’un roi - fut-il huguenot - pour les convaincre.

Source : Recueil des lettres missives de Henri IV - M. Berger de Xivrey - Paris - 1843 - Google Books

 10 septembre 1572

Imprimé.—Mémoires de l’Estat de France sous Charles neufiesme, t. I, fol. 515 verso, édition de Meidelbourg, 1578, in-8°.

Cette lettre, qui suit de si près la Saint-Barthélémy, porte la marque évidente de l’état d’oppression où était alors réduit le jeune roi de Navarre. D’Aubigné remarque qu’il l’écrivit en qualité de gouverneur de la province, et qu’elle était accompagnée d’autres lettres « du Roi, de la Roine, de Monsieur, plaines de courtoisies. » Voici, d’après les Mémoires de l’Estat de France, un extrait de celle de Charles IX : « Nous n’avons voulu délaisser de vous envoyer nostre cher et bien amé le sieur de Biron, chevalier de nostre ordre, capitaine de cinquante hommes de nos ordonnances, conseiller en nostre conseil privé et grand maistre de nostre artillerie ; lequel nous avons choisi, fait et créé capitaine et gouverneur de nostre ville de la Rochelle et pays d’Aunis.
Armand de Gontault, baron de Biron, grand maître de l’artillerie le 5 novembre 1560, fait maréchal de France en 1577, fut tué d’un coup de canon au siège d’Epernai, le 26 juillet 1592, à l’âge d’environ soixante-cinq ans.

Malgré cette exhortation, les Rochellois refusèrent à Biron rentrée de leur ville. De la une longue suite d’hostilités.

A MESSrs LES MAIRE, ESCHEVINS ET PAIRS DE LA VILLE DE LA ROCHELLE.

Messrs, Combien que je ne doubte nullement de vostre fidélité au service du Roy mon seigneur, et entière obéissance à ses commandemens, sy n’ay-je pas voulu laisser passer l’occasion qui se présente de vous escrire par monsr de Biron, depesché devers vous par Sa Majesté, sans vous faire la présente, pour vous prier, comme celuy qui désire votre bien et conservation autant que vous-mesmes pourriez faire, de vouloir, avec tout l’honneur et respect que les bons sujets doivent à leur prince, entendre ce que le sieur de Biron a en charge et commandement de vous dire, et vous renger et submettre si librement et franchement à l’intention de Sa Majesté, qu’elle puisse congnoistre que vous ne despendez que d’elle, et que vous n’avez volonté que la sienne seule. C’est, ce me semble, le moyen que vous avez à tenir pour [vous] conserver et maintenir, et pour vous relever et garantir des périls qui vous menassent si vous faictes aultrement. Considérez, je vous prie, que l’eslection que Sadicte Majesté a faicte dudit sr de Biron pour commander en vostre ville sous son authorité ne vous est pas peu favorable, et pour estre iceluy sr de Biron, comme vous le congnoissez, chevalier d’honneur, et tant désireux et amateur de la paix, qu’il se comportera avec vous en toute douceur et sans user de rigueur ne violence quelconque. L’asseurance que j’en pren me fait vous prier encores cette fois de rendre une prompte obéissance, et de ne doubter aulcunement de la bonté de Sadicte Majesté : envers laquelle, encores que je la trouve de bonne affection en vostre endroit, je m’employeray tousjours pour vous faire plaisir, d’aussi bon cœur que je supplie le Créateur vous tenir en sa saincte garde. De Paris, ce Xe de septembre 1572.

Vostre bien bon amy, HENRY.

 16 juin 1576

Cop. — Biblioth. de la Rochelle - Mém. historiques, Mss. de Baudoyn, membre du corps de ville en 1589. Transcription de M. le bibliothécaire. Envoi de M. le préfet

[A MESSrs LES MAIRE, ESCHEVINS ET PAIRS DE LA ROCHELLE.]

Messrs, Ayant receu vos lettres et entendu vos députez, je leur ay en particulier et à part faict response bien au long. Oultre laquelle, pour l’asseurance que je désire vous donner de ma bonne et sincère volonté en vostre endroict, je vous diray, Messrs, que je ne veulx aulcunement et n’entends diminuer en rien vos anciens privilèges, franchises et libertez ; au contraire je désire de [les] vous conserver de tout mon pouvoir. Mais aussy est-il bien raisonnable que je garde ce qui est de mon auctorité, comme le feu Roy mon père a faict [1]. Laquelle ne debvés aulcunement craindre qu’elle vous porte préjudice ; car tenant le rang que je tiens, il n’y a personne aultre, si ce n’est le Roy et Mon1 sieur, qui y puissent rien prétendre ; et où de mon vivant aulcun le vouldroit faire, je me sens assez fort pour l’en empescher trez bien, et y employer tous mes moyens jusques à ma propre vie. Estant donc à moy de vous conserver en cela et en ce qui vous est accordé par la paix, tenés-vous asseurés, Messrs, que je le feray, en sorte que l’on cognoistra plus tost l’union qui doibt estre entre nous tous, et l’affectionparticulière que je vous ay tousjours portée, quaulcune diminution de ce qui vous peut appartenir ; vous priant aussi garder de vostre part le respect qui m’est deub, et me faire incontinent response sur ce que vosdicts depputez vous diront plus particulièrement. Attendant laquelle, je prieray Dieu, Messrs, vous avoir en sa trez saincte et digne garde.

Escript à Niort, ce xvje jour de juin 1576.

Vostre bon amy, HENRY.

 26 juin 1576

Cop. — Biblioth. de la Rochelle, Mèm. historiques, Mss. de Baudoyn, membre du corps de ville en 1589. Transcription de M. le bibliothécaire. Envoi de M. le préfet.

« Le Roy de Navarre, dit d’Aubigné, voulut visiter la Rochelle, à quoy il y eut de grandes difficultés, pour ce que ce prince estoit accompagné de gens qui avoient joué du cousteau à la Saint-Barthélémy, et d’ailleurs que Fervaques, designé par là, avoit eu sur luy tant de pouvoir que de le faire vivre depuis trois mois sans religion. » (Hist. univers. T. 11, 1. III, chap. 1.) « On tient, dit Péréfixe, que ce fut lui-même qui, par des ressorts secrets, obligea les Rochellois à lui en demander l’expulsion. » (Hist. du roy Henry le Grand, 1e partie.) Cette explication semble faire allusion à ce passage de Davila : « Il est à croire que le prince de Condé, le mareschal Damville, et possible encore la Noue ou le seigneur de Rohan, ne l’auraient pas reconnu si facilement, si, outre son nom et sa qualité de prince du sang, ils n’eussent esté contraints de céder à 1’adresse qu’il avoit à commander........ Comme il se vit donc chef du party, et qu’il en estoit particulièrement obligé aux Rochellois, il voulut faire en sorte de leur oster tout sujet de mécontentement. Et d’antant qu’il connoissoit qu’eux-mêmes par-dessus tous les autres se deffioient de Fervaques, qu’ils tenoient pour un homme d’intrigue et peu asseuré..... il se servit de l’adresse que nous avons dit cy-dessus, pour luy donner occasion de se retirer. » (Hist des guerres civiles de France, 1. VI.)

Les habitants de la Rochelle avaient décidé de le supplier d’avoir agréable, auparavant que d’y entrer, promettre et signer qu’il garderoit leurs privilèges, et qu’il regleroit son train au nombre de cinquante chevaux, et les dispenser de recevoir quelques-uns de sa cour. » (Legrain, Décade du roy Henry le Grand, livre III.)

[A MESSrs LES MAIRE, ESCHEVINS ET PAIRS DE LA ROCHELLE.]

Messrs, Désirant vous aller visiter comme mes bons amys avant que je m’esloigne de ces quartiers, d’aultant que je suis contrainct d’aller bien tost en Guyenne, je ne veulx poinct que pour le présent vous me fassiés aulcune entrée, comme aussy je ne veulx ceste fois entrer comme gouverneur et lieuctenant general pour le Roy [2], encore moins vouldrois-je prejudicier aulcunement à vos privilèges ni aux traictez de la paix, soit par articles secrets ou aultres. Je n’entends aussy y establir aulcun gouverneur, mais visiter priveement, comme amy, avecques ma maison seulement, suivant la liste que je vous ay envoyée2. Et n’y meneray personne qui puisse estre suspect, et dont je ne responde. Et pour vous soulager, j’envoyeray les compagnies de ma garde vers Tonnay-Charente [3]. Partant, ne vous mettés pour le présent en peine, et me faictes incontinent response : priant Dieu, Messrs, vous avoir en sa saincte et digne garde. De Surgeres [4], ce XXVIe jour de juin 1576.

Vostre bon amy, HENRY.

 28 juin 1577

Cop. — Biblioth. de la Rochelle, Mémoires historiques, Ms. de Baudoyn, membre du corps de ville en 1580. Transcription de M. le bibliothécaire. Envoi de M. le préfet.

[A MESSrs LES MAIRE, ESCHEVINS ET PAIRS DE LA ROCHELLE.]

Messrs, Après avoir longuement travaillé et disputé pour parvenir à une bonne et seure paix [5], nous avons esté contraincts, voyant les difficultez que les depputez de la part du Roy nous ont faictes, de remettre encore la conferance au quinziesme du prochain, pendant lequel temps le sr de Villeroy iroit devers Sa Majesté luy faire nos raisons et demandes, et sur icelles nous faire desclaration de son vouloir et intention. Ce pendant nous avons advisé que les députez des Eglises et les vostres particulièrement s’en retourneroient pour faire entendre chascun à sa province comme toutes choses sont passées, et au dict temps prefîx rapporter sur icelles leurs advis avec plus ample pouvoir de conclure et mettre fin à ce qui sera trouvé le meilleur. A ceste cause, Messrs, et par ce que vous entendrés par les vostres bien amplement à quelles raisons nous nous sommes soumis, ne vous feray la présente plus longue, si n’est pour vous asseurer, au cas que les conditions ne se puissent accorder, et que nos adversaires nous veuillent forcer et contraindre à quicter ce que avec tant de sang, de peines et travaux, nos prédécesseurs ont acquis, je seray tousjours prest et appareillé d’y répandre le mien, et d’employer ma vie avec les moyens que Dieu m’a donnez pour maintenir une si juste querelle. Ce que je vous prie croyre, et qu’en tous endroicts où j’auray moyen de vous faire preuve de mon ancienne et bonne amityé en vostre endroict, je m’y employeray d’aussy bon cœur que sçauriés désirer soit au general soit au particulier, et de pareille affection que je prie Dieu, Messrs, vous avoir en sa trez saincte et trez digne garde.

Escript à Agen, le vingt huitiesme jour de juing mil cinq cent soixante dix-sept.

Vostre bien bon et affectionné amy, HENRY.

 10 février 1581

Cop. — Biblioth. de Tours, ancien manuscrit des Carmes, coté M, n° 50, Lettres historiques, p. 95. Communiqué par M. le préfet.

L’adresse manque dans le manuscrit. Toutefois le puissant effet que le roi de Navarre, en écrivant à cette ville, parait attendre de l’influence qu’elle exerce sur d’autres communautés protestantes, en même temps ses séjours parmi eux qu’il leur rappelle, semblent indiquer les Rochelois.

L’Histoire de la guerre civile en Languedoc, souvent citée par Dom Vaissète, sons le nom d’Anonyme de Montpellier, et imprimée par le marquis d’Aubais dam le tome II de ses Pièces fugitives pour servir à l’histoire de France, fait ainsi connaître l’objet et le résultat de cette mission : « Le vicomte de Turenne, envoyé par le roy de Navarre à Montpellier, ne put pas persuader aux habitans de l’accepter ( la conférence de Fleix), et ils ne la firent publier que le 14 de mai, après que le Roy leur eut accordé, en avril, une nouvelle abolition.

[A MESSrs LES MAIRE, ESCHEVINS ET PAIRS DE LA ROCHELLE]

Messrs, si vous n’estiez asseurez de la sincérité de mes actions, comme ayant séjourné parmi vous, et pour en estre certains et oculaires tesmoings, je m’arresterois à vous en discourir, et vous représenter la vérité d’icelles, soit en guerre soit en paix ; mais estant superflu, je vous diray seulement que ce que j’ay plus désiré a esté d’entretenir l’union et mutuelle intelligence d’entre nos esglises, de quelque province que ce soit, pour soubs icelle nous conserver et mettre peine de restablir et reedifier les anciennes ruines, qui ont esté causées par la malice du temps. A quoy voyant que la guerre estoit du tout contraire, cognoissant aussy les desordres et confusions quelle apportoit, si tost que les occasions se sont présentées d’entendre à une bonne paix, je ne l’ay poinct refusée ; et neantmoings n’ay jamais rien voulu traicter en icelle sans l’advis et consentement de tous ceulx que j’ay peu appeler, comme vous en pouvez respondre, et de combien elle nous estoit utile, avec les instantes requestes que vous m’en avez faictes. Mais d’aultant qu’il s’en pourroit présenter ez aultres provinces, comme de Languedoc et Daulphiné, qui, pour n’avoir esté presens en ce traicté, combien qu’ils y aient esté appellez, n’ayant peu y arriver à temps, à cause des dangers et incommodités, vouldroient mettre en controverse la resolution qui y a esté prinse, comme chose faicte sans eulx, et par ainsin troubler et altérer le repos de l’Estat, j’ay desliberé d’envoyer devers eux mon cousin, monsr de Turenne2, et ce pendant vous prier, Messrs, comme je fais par la présente, les certifier et leur escrire combien la paix nous estoit nécessaire, de quel pied on y a marché, pour les disposer à recevoir unanimement les articles d’icelle, et y obtempérer ; cognoissant le grand bien et utilité qui en peut réussir ; leur faire entendre aussy les nécessitez de ceste province, les desordres et désobéissances, le désir et l’affection que vous avez de recevoir un tel bien, afin d’empescher les impressions qui se pourraient concevoir par le rapport de ceulx qui blasment nos actions, imputans la cause d’icelles procéder d’aultre intention que du salut et commune conservation de nous tous, pour laquelle je n’espargneray, non plus que j’ay faict cy devant, mes biens, mes moyens et ma vie. Et en ceste volonté prieray Dieu, Messrs, vous avoir en sa trez saincte et digne garde. De Cadillac, ce Xe febvrier 1581.
[HENRY.]


[1En qualité de gouverneur de Guienne.

[2Le pays d’Aunis faisait partie du gouvernement de Guienne.

[3Petite ville de la Saintonge, aujourd’hui chef-lieu de canton dans la Charente-Inférieure. Elle appartenait à la maison de Rochechouart, qui la fit ériger en principauté sous Louis XIV.

[4Bourg considérable et très-commerçant de l’Aunis, aujourd’hui dans le département de la Charente-Inférieure.

[5A l’assemblée de Bergerac, dont il est question dans la lettre du 17 avril.

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