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1596 - Tombeau en prose pour ma dicte Dame d’Aubeterre, par Brantôme

mardi 22 janvier 2008, par Pierre, 1534 visites.

L’émouvant panégyrique, dans la belle langue du XVIème siècle, d’une jeune morte de 30 ans.

Source : Œuvres de Pierre de Bourdeille [dit Brantôme], Seigneur de Brantome - André Bourdeille – Londres – 1779 – Books Google

Après ce document, une notice sur David Bouchard d’Aubeterre, décédé 3 ans avant sa femme.
A voir aussi : 1631 - 1765 - La famille Bouchard d’Aubeterre dans la Gazette de Th. Renaudot

 Tombeau en prose pour ma dicte Dame d’Aubeterre

Le tombeau des seigneurs d’Aubeterre
Eglise troglodyte d’Aubeterre-sur-Dronne - Photo : P. Collenot - 2005

PASSANT, je te voy tout pensif, comme un qui veut sçavoir de qui est ce sépulchre, & quel noble corps il peut enclorre. Je te le vais dire, pour t’en oster d’esmoy.

Je suis icy gissante, en mon temps ceste belle RENÉE DE BOURDEILLE, issue du costé du pere de ceste noble & ancienne Maison de Bourdeille, & de celle de Montbron touchée de mesme marque noble du costé de la mere.

Je fus femme de Messire David de BOUCHARD, Chevalier fort renommé, à moy pourtant peu esgal. Je luy fus très loyalle en mariage Je le fus encore en veusvage : car luy mort, je ne voulus le survivre, sans sa fille, qu’il me laissa en bas asge ; & pour l’amour d’elle je voulus maugré moy encore vivre trois ans, après lesquels je fus contente que la tristesse m’achevast & m’ostast de ceste vie ; bien que j’eusse assez de quoy pour la desirer, si j’eusse voulu : car on me donna le los en mon vivant d’estre l’une des plus accomplies Dames de la France, fust pour la beauté du corps, fust pour la beauté de l’ame, qui me firent fort desirer de plusieurs honnestes gens d’une recherche de second mariage. Je n’y voulus jamais entendre, pour reporter au Ciel à mon mary la foy à luy donnée, & si bien gardée en terre.

Adieu, Passant. Dis, en te retirant, à ceux qui t’enquerront de moy, que toutes les plus grandes beautez, & les belles graces, & toutes les perfections qui ont esté avec moy autresois, ne me sont rien au prix de la félicité dont maintenant je jouys. Je mourus en ma trentiesme année, le huistiesme de Septembre, l’an 1593 [1].

Je romps icy ma plume, & à jamais je ne trace plus de Vers, que j’avois quitté despuis vingt ans, comme il paroist à ma grossiere rime, & qui sent son antiquité à pleine gorge. Mais pour honorer la mémoire de ces honnestes Dames, je me suis advanturé d’escrire cecy tellement quellement. Aussi dès-lores je prends congé des Muses, & leur dis adieu pour jamais. Qui aura bien connu ces Dames, des belles & des honnestes du monde, (il faut que la vérité m’en fasse ainsi parler) pourra dire me sçavoir bon gré, si pour elles j’ay fait tels regrets.


 Notice sur David Bouchard d’Aubeterre

David Bouchard, vicomte d’Aubeterre, naquit à Genève où ses parents s’étaient retirés après avoir embrassé la religion réformée, et où François Bouchard son père, que le mal intentionné Brantôme accuse d’avoir incité Poltrot à l’assassinat du duc de Guise, avait été contraint, bien qu’il fust de maison, de prendre le métier de faiseur de boutons (Brantôme : vie de M. de Guyse le Grand).

François mourut en 1573, et David, à peine âgé de dix neuf ans, vint en France avec sa mère qui avait obtenu la restitution de leurs terres confisquées depuis plusieurs années au profit du maréchal de Saint André. A son arrivée dans sa patrie, le jeune vicomte d’Aubeterre fit abjuration du protestantisme, et il fut recueilli par André, vicomte de Bour deille, qui le prit en amitié, le facilita dans la prise de possession et dans la gestion de ses biens, le recommanda aux rois Charles IX et Henri III, et enfin le maria avec sa fille, Renée de Bourdeille, par contrat du 16 février 1579.

Depuis cette époque, sa faveur devint si rapide qu’il fut successivement nommé gentilhomme ordinaire du roi, capitaine de cinquante hommes d’armes de ses ordonnances, et conseiller en son conseil privé. Il succéda en 1582 à son beau père dans la charge de sénéchal et gouverneur de Périgord, et fut compris dans la promotion du 31 décembre 1585 de l’ordre du Saint Esprit. L’avènement de Henri IV à la couronne de France ne fit que consolider le crédit de David Bouchard, qui eut le bon esprit de se dévouer franchement au service de ce prince et de s’opposer de tout son pouvoir aux envahissements de la Ligue.

Il faisait sa résidence ordinaire à Périgueux, mais il habitait quelquefois son château d’Aubeterre qui avait beaucoup souffert dans les guerres de religion. Il y mourut le 10 août 1593, à l’âge de trente neuf ans, des suites d’un coup de mousquet qu’il avait reçu le 1er du même mois devant la place de l’Isle en Périgord, qu’il était allé reconnaître.

Les Biographies modernes qui lui consacrent quelques lignes placent sa mort par erreur en 1598. Renée de Bourdeille, sa femme, mourut trois ans après lui, et Brantôme composa pour cette dame deux Épitaphes : l’une en vers en forme de dialogue entre lui et sa nièce, et l’autre en prose. (Brantôme Opusc. XIII et XIV). Dans cette dernière, l’auteur fait prononcer à la défunte ces paroles inconvenantes « Je fus femme de David Bouchard, chevalier fort renommé à moy pourtant peu esgal. ». Ce procédé ne doit pas étonner de la part de Brantôme. On sait que, mortifié de n’avoir pu obtenir, malgré toutes ses démarches, la charge de sénéchal de Périgord qui, à la mort de son frère André de Bourdeille, fut accordée au jeune vicomte d’Aubeterre, il en conserva toujours contre ce dernier et contre sa maison une rancune qu’il manifeste en plusieurs endroits de ses écrits, jusques dans son testament.

Source : Lettres inédites de Henri IV - J.-F. Eusèbe Castaigne - Angoulême - 1844


[1Il s’agit probablement d’une erreur de typographie, car Renée de Bourdeille survécut 3 ans à son mari, David de Bouchard d’Aubeterre, décédé lui-même en août 1593.

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