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1644 - 1694 - Des loups-garous en Angoumois : la justice s’en mêle
samedi 18 janvier 2014, par , 690 visites.
Un humain se transformerait en loup (lycanthrope), sous l’influence du démon, par des pratiques magiques. Ce mythe a traversé les siècles en Europe. Quand la justice s’en mêle, cela peut devenir dramatique pour celui qui est accusé de cette pratique. Et les mots "loup-garou" et "sorcier" ne sont bien souvent prononcés que pour nuire à la réputation d’un voisin.
Nous avons extrait quelques exemples de procédures judiciaires sur ce thème dans les jugements du Présidial d’Angoumois, au 17ème siècle.
A lire avant de s’endormir ...
Voir aussi :
Un animal fantastique en Aunis et Saintonge : le loubron ou berou
1723 - 1725 - Sorcier, coureur de loup-garou et mangeur de chiens en Angoumois
Source : Archives Départementales de la Charente - Sénéchaussée et Présidial d’Angoumois - Transcription par Gabriel Delage – Association Généalogique de la Charente. - Texte numérisé par Pierre
Le loup-garou : une peur ancestrale |
Sénéchaussée et Présidial d’Angoumois – Archives Départementales de la Charente – B1 – 976 (1)
1644 – Vaux-Rouillac (Charente)
31 octobre 1644 - Interrogatoire de Théodore Massicot, maître chirurgien, demeurant au bourg de Rouillac, accusé, à la requête de Michel Maignen promouvant
interrogé où il était le 8e jour du présent mois
répond que venant ledit jour de Foussignac et passant par le bourg de Vaux, il aurait fait rencontre dudit Maignen, auquel il aurait demandé quelque argent qu’il lui devait, à quoi led promouvant aurait fait réponse qu’il ne lui devait rien…
Interrogé si ledit jour il serait allé dans la maison du nommé Renollet, hôtelier au bourg de Vaux
répond que passant par le bourg de Vaux à cheval, il aurait rencontré led Renollet au devant sa maison qui l’aurait invité à goûter de son vin. À quoi il aurait fait réponse que très volontiers il en goûterait.
Interrogé si ayant aperçu dans la maison dudit Renollet ledit Maignen, il se serait adressé à lui et se serait mis en colère, lui demandant 7 sols 6 deniers qu’il lui devait, auquel ledit promouvoir aurait fait réponse qu’il ne lui devait que 4 deniers, lesquels il était prêt de payer.
Alors, ledit répondant se serait d’abondant mis en colère, juré et blasphémé le saint nom de Dieu, lui disant qu’il avait menti
et qu’il était un sorcier, avait la marque du diable à la joue, et lui ayant donné un grand soufflet, lui disant qu’il courait le loup-garou et que si Tabourin [1] était au pays, il serait brûlé
et que le diable lui avait arraché la moitié du poil de la tête et s’étant mis derechef à blasphémer le nom de Dieu, il lui aurait dit qu’il lui arracherait le reste poil à poil.
Répond qu’ayant aperçu ledit promouvant en la maison de Renollet, lui demanda s’il lui voulait pas payer 7 sols qu’il lui devait dès le temps des fauches dernières, à cause de viande de mouton prise dans sa maison. À quoi il aurait fait réponse comme il a déclaré ci-dessus, qu’il ne lui devait rien, et que le nommé Resnier l’aurait payé,
lequel aurait fait réponse que lui, ni ledit Resnier, ne l’avaient payé.
À quoi ledit promouvant aurait fait réponse qu’il n’y avait que 6 sols 8 deniers.
Alors ledit répondant lui aurait dit : « Jure ta foy ; si cela est véritable, je te donne le tout ».
Lequel aurait fait réponse : « Je me donne au diable si cela n’est véritable »
alors, lui qui répond, lui aurait dit : « il y a longtemps que tu es à lui et que tu t’y donnes à bon marché, puisque ce n’est que pour 4 deniers »
là-dessus, led promouvant se mit à jurer, et à dire qu’il avait menti et se serait jeté à lui pour lui méfaire
ce que voyant ledit accusé se mit en défense et le repoussa…
Le promouvant se mit à l’appeler « méchant homme, affronteur, qu’il ne valait rien, n’avait jamais rien valu, et ne vaudrait jamais rien »
ledit répondant se mit à rire et lui aurait dit : « Tais-toi, tais-toi, Tabourin viendra dans peu de temps qui te châtiera bien car tu portes la marque de ceux qu’il cherche ».
Finalement le répondant dit qu’il tient et répute le promouvant pour homme de bien et d’honneur et non de la qualité des injures mentionnées en sa plainte.
1694 Bourg-Charente
Sénéchaussée et Présidial d’Angoumois – Archives Départementales de la Charente – B1 – 1020
9 mars 1694 - plainte au lieutenant criminel
par Jean Pierre, meunier, disant que David Vernou, aussi meunier, lui a impropéré depuis 8 à 16 mois en ça, plusieurs injures graves…
l’ayant traité en plusieurs divers endroits et en son absence,
de loup-garou, sorcier, et méchant homme,
à dessein de le perdre d’honneur et de réputation.
13 mars 1694 information par le juge de Saint-Même
Pierre Masson, 28 ans, marchand, demeurant au village des Prevost, paroisse de Mainxe
au mois de juillet dernier, il était à Segonzac chez le nommé Izaac Bousay, chapelier
comme ledit qui dépose et ledit Bousay voulaient se mettre à table pour faire collation, il y survint David Vernou qui demande audit qui dépose si chez eux donnaient encore la pochée [2] à Jean Pierre
et ledit qui dépose lui ayant dit que oui, ledit Vernou dit qu’il s’étonnait comme quoi il buvait avec Jean Pierre et qu’ils donnaient leur pochées parce que sa réputation était fort méchante, qu’il était un sorcier et même disait qu’il avait ouy dire qu’à la foire dernière de Jarnac, il avait pris un chien de nuit, au Bout des Ponts de Jarnac.
Pierre Martin, 22 ans, chasseron, demeurant au lieu de Berland, paroisse de Bourg Charente
il a ouï dire seulement que le dit David Vernou disait qu’il s’étonnait comme quoi Jean Rabit buvait avec Jean Pierre.
Jean Rabit, 35 ans, meunier, demeurant au lieu de Veillard, paroisse de Bourg Charente
depuis la St Jean-Baptiste dernière, ledit qui dépose était avec ledit Vernou, assis devant sa porte, où ledit Vernou accusé dit à celui qui dépose qu’il s’étonnait comme quoi il buvait avec le promouvant
et qu’il avait ouy dire par une fille qu’elle avait vu une peau noire large comme un manteau, sous son chevet de lit, et disait que c’était une peau de loup-garou.
David Treuillard, 30 ans, meunier, demeurant au moulin de Brelant, paroisse de Bourg Charente
depuis la Saint Jean-Baptiste dernière,, étant un jour chez David Vernou, à boire, ledit Vernou lui aurait dit en parlant de Jean Pierre qu’il aurait ouï dire à une fille qu’elle avait vue chez Jean-Pierre une grande peau noire, large comme son manteau, et qui avait le poil extrêmement long, qui était dur comme du fer. (Vernou aurait dit aussi que Jean-Pierre était un sorcier)
1er avril 1694 Audition à Angoulême
de David Vernou, 50 ans, meunier au moulin de Berlan, paroisse de Bourg Charente
il dénie tout.
[1] Expression à signification incertaine. S’agit-il d’un personnage mythique qui survient à l’improviste ?
Un « Dictionnaire Universel français et latin » de 1743 donne cette définition :
TABOURIN , ou Tambourin, f m. Petit tambour qui sert à faire jouer les enfans, à faire danser les gens de village & le peuple. Tympanulum. II n’y a pas long-temps qu’on ne dansoit qu’avec le rebec & le tabourin ; d’où l’on a fait ce proverbe, ce qui vient de la flûte s’en retourne au tabourin pour dire qu’on se ruine souvent par des voies semblables à celles, par lesquelles on s’est enrichi.
Tabourin , se dit aussi de celui qui joue du tabourin : & l’on dit proverbialement d’un homme qui survient à propos en quelque occasion, qu’il vient comme tabourin à noces. Tympanysta. On dit aussì d’un homme qui a beaucoup bu dans un repas, qu’il a bu tant que tabourin à noces.
[2] Sac de grain à moudre