Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

Accueil > Grands thèmes d’histoire locale > Institutions > Les généralités, leurs intendants, leurs élections > 1698 - Louis de Bernage : Mémoire sur la Généralité de Limoges > 1698 - Mémoire sur la généralité de Limoges - 1ère partie - Description (...)

1698 - Mémoire sur la généralité de Limoges - 1ère partie - Description géographique

dimanche 21 décembre 2008, par Pierre, 3363 visites.

Comme tous ses confrères, en 1698, sur la demande du roi, l’intendant Louis de Bernage rédige ou fait rédiger un long mémoire pour décrire sa Généralité. Quelques sujets sont pauvrement traités, mais les notes et commentaires qui l’accompagnent en font un tableau d’un intérêt certain.

Les notes de bas de page, nombreuses dans ce document, ont été transportées en colonne de droite, pour faciliter la lecture. Le plan, avec des liens, facilite la navigation.

Un document de grande taille, dont la publication sera faite progressivement.

Source : Documents historiques, bas-latins, provençaux et français : concernant principalement la Marche et le Limousin. - T 2 - Alfred Leroux, Emile Molinier et Antoine Thomas - Limoges - 1883-1885 - BNF Gallica

Carte des généralités (1709)
Cartographe : Nolin, Jean-Baptiste (1686-1762) - BNF Gallica

Plan du Mémoire

A - Description géographique

- Provinces dont la généralité est composée

- Confins du païs.

- Abrégé de l’Histoire du païs.

- Divisions de ce Mémoire.

I. - Province du Limousin.


- Rivières.

- Climat.

- Bois.

- Terres et fruits servant à la nourriture.

- Vins.

- Mines.

- Commerce.

- Foires de chevaux.

- Naturel et mœurs des habitans.

II - Province de Marche en général.

III.- Province d’Angoumois


- Rivières.

- Forests royales

- Climat

- Fruits

- Vins

- Eaux-de-vie

- Safran

- Bestiaux

- Mines

- Papiers et le commerce qui s’en fait

- Commerce du sel

- Naturel et mœurs des habitans.

- Religionnaires

B - État ecclésiastique
- I - Diocèse de Limoges

  • Chapitres
  • Abbayes d’hommes
  • Abbayes de femmes
  • Communautés régulières d’hommes
  • Communautés régulières de femmes
  • Paroisses

    - II - Diocèse de Tulle

    - III - Diocèse d’Angoulême
  • Chapitres
  • Abbayes
  • Communautés régulières d’hommes
  • Communautés régulières de femmes

C - Gouvernement militaire


- I - Limousin

  • Maréchaussées
  • Milice

    - II - Basse Marche

    - III - Angoumois

    D - Justices ordinaires


    - Présidial de Limoges

    - Présidial de Tulle

    - Présidial de Brive

    - Sénéchaussée d’Uzerche

    - Sièges royaux du Dorat et de Bellac

    - Présidial d’Angoulême

  • E - Finances


    - Bureau des finances de Limoges

    - Election de Limoges

    - Election de Tulle

    - Election de Brive

    - Election de Bourganeuf

    - Election d’Angoulême

    - Divers offices de finances

    - Impositions

    - Ustensile

    - Capitation

    - Aides, gabelles et autres droits

    - Domaine

    - Ponts et chaussées

    F - Villes, terres et seigneuries de la généralité


    - Ville de Limoges

    - Ville de Tulle

    - Ville de Brive

    - Autres villes du Limousin

    - Terres titrées du Limousin

    - Villes de la basse Marche

    - Terres titrées de la basse Marche

    - Ville d’Angoulême

    - Autres villes d’Angoumois

    - Terres titrées d’Angoumois

    Texte
    Notes
    A. — DESCRIPTION GÉOGRAPHIQUE
    Provinces dont la généralité est composée

    La Généralité de Limoges (1) comprend : la province et gouvernement du Limosin en entier, — la province et gouvernement d’Angoumois, à l’exception de la sénéchaussée de Cognac, - une partie de la province et gouvernement de la Marche qui consiste à peu près en la moitié qu’on appelle basse Marche, — et une petite partie du gouvernement du Poitou enclavée dans l’élection de Bourganeuf (2).
    (1) Voy. la carte du sieur Jaillot, géographe, publiée à Paris en 1715. Cf. quelques autres cartes civiles que nous avons énumérées dans le Bull. Soc. arch. du Limousin, XXXI, 304. - La Généralité de Limoges fut établie en 1558, supprimée quelques années plus tard et rétablie de nouveau en 1574, supprimée encore le 6 avril 1579 et rétablie vingt jours après ; supprimée une troisième fois en décembre 1583 et rétablie définitivement en 1586. (Voy. les Reg. Consul. de Limoges, II, 156 et 397, et les Annales dites de 1638, p. 336. Cf. l’Encyclopédie de Diderot, art. Généralités, XV.) - Sa superficie était d’environ 854 lieues carrées (864 d’après Necker, 738 seulement d’après le Cahier de la noblesse en 1789) ; sa population, de 600,000 habitants. - Nous avons dressé une liste rectifiée des intendants de cette Généralité antérieurs au XVIIIe siècle dans le Bull. Soc. arch. du. Limousin, XXXI, 93, et XXXII.

    (2) Cette partie de l’élection de Bourganeuf, dont il est encore question un peu plus loin, à la fin du chapitre consacré à la province de Marche, doit être le territoire de Mainsat et Saint-Amand-le-Petit, que les cartes du XVIIIe siècle indiquent en effet comme formant enclave. D’après M. Louis Guibert, la destinée de ce coin de terre s’expliquerait par le fait qu’il a pu relever du bailliage de Laront, dont la courte existence à la fin du XIIIe siècle est aujourd’hui démontrée. — L’auteur du Mémoire aurait dû rappeler ici que La Souterraine et son. territoire, quoique ressortissant à la Généralité de Limoges, formait enclave dans la Généralité de Bourges, tandis que la vicomté de Rochechouart, comprise toute entière dans la Généralité de Limoges, ressortissait à la Généralité de Poitiers.
    Confins du païs.

    Cette Généralité confine du costé du midy au Périgord qui fait partie de la Généralité de Bordeaux et au Quercy qui fait partie de celle de Montauban ;-du costé du septentrion à la Généralité de Poitiers et à la haute Marche qui fait partie de la Généralité de Moulins ; - du costé du levant à l’Auvergne, - et du costé du couchant à la Saintonge et à l’élection de Cognac, qui font partie de la nouvelle Généralité de la Rochelle.

    Elle comprend dans son détroit trois évêchez, un bureau des trésoriers de France, quatre présidiaux, trois sénéchaussées ou sièges royaux, et cinq élections.

    La ville de Limoges est la capitale de la province ; il y a évêché, bureau des finances et trésoriers de France, présidial et élection.

    Angoulême et Tulle sont après Limoges les principales villes, dans chacune desquelles il y a évêché, présidial et élection.

    La ville de Brive a un présidial et une élection.

    Les trois sénéchaussées sont : Uzerche, Dorat et Bellac, et la cinquième élection est à Bourganeuf.

    Tous ces pays composent présentement la dite Généralité.

    Abrégé de l’Histoire du païs.

    La Généralité de Limoges étoit des dépendances de l’ancienne Aquitaine qui fut premièrement prise par les Romains sur les Gaulois, possédée ensuite par les Goths et après par les François, tantôt sous le titre de royaume et tantôt sous celui de duché
    (1) L’élection de Cognac avait été distraite de la Généralité de Limoges en 1694 pour former partie intégrante de la nouvelle Généralité de La Rochelle. Les élections de Saintes et Saint-Jean-d’Angély en avaient été pareillement distraites en 1689 et réunies à la Généralité de Bordeaux, puis, bientôt après, à celle de La Rochelle.

    (2) Dans ce nombre n’est point comprise l’élection de Bellac créée en 1558, supprimée en 1560, rétablie en 1578, supprimée de nouveau en 1583, rétablie une troisième fois en 1589 et supprimée définitivement en 1664. Elle comptait 80 paroisses. (Mallebay, Plan pour servir à l’hist. de Bellac.).

    (3) La conquête des Romains eut lieu de l’année 56 à l’année 34 avant J.-C, celle des Wisigots en l’année 419 après J.-C, celle des Francs en 507. Le premier royaume d’Aquitaine fut fondé par Dagobert en 630, mais ne dura guère. Le second, qui dura un siècle, fut fondé par Charlemagne en 778. L’auteur du Mémoire aurait pu rappeler que les Lemovices se trouvèrent compris, à partir de Valentinien I dans l’Aquitaine première.
    Alionore ou Eléonore, héritière de Guyenne, après qu’elle eut été répudiée par Louis le Jeune, porta cette province en dot à Henry II (1), roy d’Angleterre ; laquelle fut réunie en l’année 1200 à la couronne de France par une confiscation prononcée par la cour des pairs (2). Mais, environ cinquante ans après (3), saint Louis la rendit presque toute volontairement à l’Anglois, ne s’en réservant que la portion qui était en deçà de la Charente.

    Dans la suite, par le traité de Brétigny accordé pour la délivrance du roy Jean (4), ce païs avec le reste de la Guyenne fut laissé aux Anglois, même affranchy de l’hommage et en toute souveraineté. Mais Charles V regarda ce traité comme nul et reprit sur eux entr’autres païs ceux qui composent présentement cette Généralité (5), dont ils n’ont rien : possédé depuis, quoy qu’ils restassent encore maîtres de ce qu’on appeloit pour lors duché de Guyenne, duquel ils ne furent chassés que sous le règne de Charles VII.

    Divisions de ce Mémoire.

    Comme cette Généralité comprend, ainsy qu’on voit, plusieurs provinces ou parties de provinces, on parlera d’abord en général de la situation des terres, du commerce et des mœurs des habitans de chacune. Ensuite de quoy on expliquera l’estat ecclésiastique des trois diocèses situés dans la Généralité, le gouvernement militaire de chacune province ou partie de province qui la compose.

    Les justices ordinaires aussy de chaque province, où on parlera des officiers qui se distinguent par leur mérite ; les justices extraordinaires ou de finance, et les gens dignes de quelque estime dans ces corps, d’où l’on prendra occasion de parler du domaine et des impositions qui font l’objet de ces juridictions.

    Enfin, on parlera des villes principales, de leur commerce particulier et de leurs seigneuries, des terres les plus considérables et de leur revenu, et en même tems des familles distinguées qui les possèdent et qui sont originairement de ces provinces (1).
    (1) En 1152 ou 1153.

    (2) Se rappeler aussi que Philippe-Auguste fit, eu 1205, la conquête du Limousin.

    (3) Au traité de Westminster, 25 juillet 1259.

    (4) 8 mai 1360.

    (5) Confiscation de 1370. - Cet, « abrégé de l’histoire du païs » est d’une pauvreté, surprenante. Il eut pourtant suffi d’analyser attentivement l’ouvrage de Bonaventure de Saint-Amable (1685), pour retrouver les principaux traits de l’histoire politique du Limousin.

    (1) Pour plus de clarté, nous avons désigné par une lettre de l’alphabet chacune des cinq divisions indiquées ici.

    I. - Province du Limousin.

    La province de Limosin se divise ordinairement en Haut et Bas. La capitale du haut Limosin est Limoges et, comme on l’a déjà dit, de toute la Généralité. Celle du bas Limosin est Tulle. On parlera de ces villes dans son lieu.

    Les confins du Limosin sont : au midy, le Quercy ; au septentrion, la basse Marche et le Poitou ; au levant, l’Auvergne, et au couchant, le Périgord et l’Angoumois (2).

    Rivières.

    Les principales rivières qui arrosent cette province sont la Vienne et la Vézère (3). La Vienne prend sa source sur les confins du bas Limosin et de la Marche dans une paroisse appelée Millevaches, de l’élection de Tulle. Elle passe à Saint-Léonard et de là au pied de la ville de Limoges, ensuite à Saint-Junien, en traversant la province du levant au couchant ; elle n’est point navigable dans l’étendue de son cours en Limosin ny propre à rendre telle, à cause de la prodigieuse quantité de rochers qui se trouvent dans son lit.

    La Vézère prend sa source dans le même lieu et passe à Treignac, à Uzerche et Vigeois, petites villes du bas Limosin qu’elle traverse de l’orient au midy. Cette rivière n’est pas navigable et fort peu propre à rendre telle dans l’étendue de cette Généralité ;
    (2) L’auteur eût pu ajouter que le Limousin n’a point de limites naturelles, et qu’il appartient à la fois au bassin de la Loire et à celui de la Garonne, puisqu’il est traversé dans sa partie septentrionale par la ligne de faite de ces deux bassins.

    (3) La Vienne est un affluent de la Loire ; son cours est de 372 kilom, la Vézère est un affluent de la Dordogne ; son cours est de 192 kilom. Colbert avait projeté, en 1682, de la rendre navigable dans son cours inférieur. Voy. Lettres de Colbert, IV, 541. - Les renseignements hydrographiques du présent Mémoire sont trop sommaires pour dispenser recourir aux géographes modernes qui traitent de la matière •. Jeanne, Reclus, Vivien de Saint-Martin.
    elle commence seulement à porter bateau à Terrasson, qui est à trois lieues de Brive, dans l’élection de Périgueux.

    Il y a encore une petite rivière, non navigable ny propre à 1 estre, qu on nomme la Gorrèze. Elle prend sa source un peu au-dessus de Meymac (1), petite ville du bas Limosin, et passe à Tulle et à Brive d’où elle se joint à la Vezère (2).

    La Dordogne n’est pas proprement rivière du Limosin. Elle n y entre que très peu, à une extrémité de l’élection de Tulle, et sert ensuite de séparation du Limosin avec l’Auvergne et le Quercy (3).

    Climat.

    Le climat du haut Limousin est plus froid que chaud et moins tempéré que celuy de Paris, quoy qu’il approche davantage de la ligne (4) ; cela provient apparemment de la situation du pays qui est généralement parlant montueux. Il n’y a point de grandes montagnes distinguées.

    Le bas Limosin est plus tempéré et mesme assez chaud en quelques endroits, principalement dans le vallon où Brive est située, et dans les coteaux d’alentour.

    Bois.

    Tout le païs est couvert par quantité de bois chataigners dont le fruit fait la principale nourriture des habitans.

    Du reste, il n’y a aucune forêt royale et fort peu de bois particuliers propres à construire de belles charpentes, mais encore moins des vaisseaux (5). D’ailleurs le transport en est presque
    (1) Arr. d’Ussel, Corrèze.

    (2) Le cours de la Corrèze est de 83 kilom.

    (3) La Dordogne prend sa source au Puy-de-Sancy (Puy-de-Dôme) et se réunit à la Garonne ; son cours est de 490 kilom. C’est la plus belle rivière de France après les cinq grands fleuves.

    (4) Le climat est humide plus encore que froid, ce qu’explique la nature granitique du sol autant au moins que l’altitude du pays. (Saint-Yrieix est à 335 mètres au-dessus du niveau de la mer, le plateau de Millevaches environ à 800.) Les hivers y sont longs et pluvieux. La température moyenne du plateau central est de 11°.

    (5) Cf. ap. Lettres de Colbert, II, 63, un Mémoire sur les affaires de finance, rédigé en 1663 : « .....[Sa Majesté] reconnut que non-seulement elles (les forêts) esloient entièrement ruinées et n’avoient produit aucun, revenu depuis plus de quarante ans dans les provinces de Guyenne, Languedoc, Provence, Poitou, Limousin......, mais mesme qu’elles estoient presque toutes aliénées en Normandie. » - Ibld., p. 63. Lettre de Colbert
    à l’intendant de la Généralité de Limoges, 11 novembre 1672 :« ......Aussytost que vous aurez achevé les impositions, il sera bien nécessaire que vous bailliez à tout ce qui reste à faire de la réformation des forests de Limousin, afin de terminer promptement cette affaire. » L’intendant Bidé de la Grandville, devait travailler à cette réformation avec l’aide de M. de Froidour, grand maître des forêts de Toulouse, délégué spécialement à cet effet. (Note des éditeurs des Lettres.) Il résulte d’une autre lettre de Colbert à l’intendant (II, 355) qu’ils étaient à l’œuvre eu 1674.

    impossible et la mémoire reste encore dans le pays des grandes dépenses que firent ceux ; qui avoient acquis dans le commencement du règne de Henry IV les forests de la terre de Masseré (1) pour faire flotter à bois perdu sur la Vezère les mérains et autres bois qui avoient esté façonnés dans ces forests ; la perte de la plupart de ces bois et les frais en emportèrent presque tout te bénéfice.

    Terres et fruits servant à la nourriture (2).

    Les terres du Limosin, qui ne sont point couvertes de chataigners, sont peu propres à porter du froment (3) ; mais il y croît d’assez beaux seigles. On y sème aussi beaucoup de blé noir, autrement appelé sarrazin, et on y cultive une espèce de grosses raves. C’est de ce blé noir et de ces raves avec les châtaignes dont le païsan fait sa nourriture, en sorte que, quand la moisson du froment et du seigle se trouve abondante, les paisans ne laissent pas de souffrir une très grande disette, si ces trois dernières espé-
    (1) Masseret, près Uzerche, arr. de Tulle.

    (2) Cf. Etat des paroisses de la Généralité de Limoges dans notre préambule : « La plus grande partye de l’élection [de Limoges] sont des montagnes et valons, la plus grande partye n’estant que landes et bruière et tous ses endroitz fort sujetz à la gellée et gresle qui arrive tous les ans en beaucoup d’endroitz, dans la dite élection. L’année 1685, les vignes furent toutes gellées et la grande sécheresse qui fut dans toute l’élection fit que le païsan ne recueillit pas de blés pour rensemenser les terres ny de fourrages pour nourrir le bestail, ce qui a causé une grande mortalité, outre que les peuples y sont extrêmement pauvres et que la plus grande partye sont obligez de mandier leur vie. »

    (3) Cf. ap. Corresp, des contrôl. Gén., II, n° 25, une lettre du gouverneur de l’Aunis au contrôleur général, octobre 1699 : « ...... J’aurai l’honneur de vous dire que le bourg de Marans, qui n’est qu’à quatre lieues de la Rochelle, est un gros lieu où il arrive toujours quantité de blé du bas Poitou, et où il se fait un très grand commerce pour en faire passer de là, non-seulement dans tout le pays d’Aunis, l’Ile-de-Ré et dans l’Ile d’Oléron, mais usque dans les provinces de Saintonge, Angoumois et Limousin...... »

    ces de fruits leur manquent et principalement les châtaignes (1).

    Il est bon de remarquer icy qu’il ne se fait point de pain de châtaignes, comme on le croit à Paris et dans la plupart des lieux éloignés du Limosin, ce fruit n’estant pas.propre à estre moulu et ne pouvant se lier comme la farine de blé ; mais cela n’empesche pas qu’il ne tienne lieu de pain aux habitants de la campagne qui les font bouillir après en avoir osté la première écorce et les dépouillent encore en cuisant de la seconde peau, en sorte qu’ils mangent ces châtaignes pour toute nourriture, qui les rendent mesme assez robustes et assez durs au travail. Ils ont aussy le secret de les conserver fort longtemps en les faisant sécher à l’ombre, et de les garder même d’une année à l’autre ; mais elles ne se conservent pas toujours toutes les années et sont plus insipides quand elles sont sèches que quand elles ont leur suc. Le terroir du païs est assez propre pour les autres espèces de fruits comme cerises, poires et pommes. Mais les habitants ne sont pas curieux d’en planter de meilleures espèces (2).
    (1) Les documents contemporains mentionnent sept grandes disettes en Limousin pendant le XVIIe siècle : 1627, 1630, 1631, 1672, 1676, 1690 et 1696. (Voy. notre Introduction à l’Inventaire des Arch. hospitalières de la Haute-Vienne, p. v.) Cf. ap. Corresp. des contrôl. gén., II, n° 146, lettre de l’intendant de Limoges au contrôleur général, juillet 1700 : « ... Cette Généralité a été si accablée par la misère des années passées qu’elle est toujours fort épuisée d’argent et manque même de laboureurs.. :... »

    (2) Nous empruntons à l’Etat des paroisses de la Généralité de Limoges (1688), cité dans notre préambule, les détails suivants sur une partie du bas Limousin :

    « II ne se fait presque aucun commerce dans l’élection de Tulle, et le peu qu’il y a n’est que par le moyen des mulets et chevaux, n’y ayant aucune rivière, les rouliers même ne pouvant y aborder, à cause de la difficulté des chemins et des montagnes ; il ne s’y receuille que du seigle et, quand on parle de bled, on entend toujours parler de cette sorte de grain.

    Il y a très peu de froment et, hors de quatre ou cinq parroisses marquées dans cet estat, il ne s’en sert (sic) en aucun endroit.

    Il v a des vignes en quelques cantons qui sont de même marquées dans cet estat ; mais le tout se consomme dans le pays et il ne s’en fait aucun commerce avec les provinces unies.

    Il y a des noyers qui font une partie du revenu du païs par la vente de l’huyle qui s’y fait du costé de Lyon, pour les imprimeries, le pays néantmoins ne produisant pas toute celle qui s’y débite. Le Quercy et le Périgord fournissent une grande quantité de noix qui se portent à Tulle, où on a l’adresse de faire parfaitement bien l’huile.

    Il y a des bestiaux et la vente en est quelquefois considérable. Les gros et grands bestiaux sont dans les paroisses des environs de Tulle, et le costé de la montagne comme vers Ussel, Bort, Égletons et Aygurande, abonde en moutons dont les ventes sont très considérables en plusieurs foires pendant l’esté dans la province et dans les voisines, et surtout à la foire de Sceaux qui est au mois d’octobre.

    Estant là les deux seulles choses qui produisent de l’argent et donnent moyen de payer la taille.

    Le bled noir et les chasteignes qui se recueillent en quelques cantons de l’élection servent à la seule nourriture des peuples, estant très vrav que la plus grande partve auroient souffert la faim sans le secours des chasteignes pendant l’année 1685, dont ils ont fait toute leur nourriture. On a besoin de les faire sécher au four pour les conserver pendant un an et davantage.

    Les choux et les raves que la douceur de l’hyver dernier a empeschés de geller, ontaussy aydé à nourir le paysant, et l’estat où il se trouve encore réduit n’est pas concevable par le manquement de pain depuis près d’un an, à cause de la gelée de toutes sortes de grains arrivée dans l’estendue de l’élection les nuits du 6 au 7e et au 8e de juin 1685.

    Il faut remarquer que le pays est souvent exposé à ces changements de temps et de saisons tout à fait extraordinaires par gelées ou brouillards qui endommagent ou peu ou totalement les récoltes des grains et celle du vin dans l’esté et lorsqu’on s’y attend le moins.

    Les peuples qui croyoient jamais se remettre du malheur extrême qu’ils ont souffert l’année dernière 1685 en général, par la gellée des nuits du sept et huit juin et sécheresse pendant tout le cours de l’année, et plusieurs paroisses en particulier par la gresle des années preceddentes, se consolent un peu sur l’espérance d’une bonne récolte en cellecy, les biens de la terre estant les plus beaux qu’on a jamais veus jusques à présent.

    A Tulle, le 8 may 1686. La Condamine. »

    Vins.

    Le haut Limousin ne produit point de bons vignobles ; il ne laisse pourtant pas de s’y recueillir quelques vins suffisans pour les gens du commun (1). Mais ceux qui sont aisez tirent leur meilleur vin de Dombes, près Sarlat (2), et d’autres assez bons du bas Limosin ou de l’Angoumois et quelquefois du Blanc en Berry.

    Le bas Limosin produit d’assez bons vins, principalement ceux d’Alassal et de quelques cantons aux environs de Brive (3).
    (1) On croît que la vigne fut acclimatée dans le centre de la France par les Romains, au cours du second siècle. On trouve fréquemment la mention de vignobles aux environs de Limoges dans les documents du moyen âge. Aujourd’hui cette culture a reculé vers le sud.

    (2) Ch-lieu d’arr., Dordogne.

    (3) Les Jésuites de Limoges avaient hérité, à la fin du XVIIe siècle, du prieuré d’Aureil, quelques vignobles en bas Limousin, principalement dans les paroisses de Chabrignac, Juillac et Voutezac, arr. de Brive, Corrêze. (Voy. notre Invent, des Arch. dép. de la Haute-Vienne, D, 71, 72 et 755.)

    Les habitans de Tulle tirent leurs meilleures provisions du Puy-d’Arnat, qui est à quatre ou cinq lieues de Brive (1).

    Mines (2).

    Il s’est découvert dans le Limosin quelques mines de plomb dans la paroisse de Vic (3), élection de Limoges, et du costé de Tulle elles sont mesme assez riches, c’est-à-dire produisant considérablement de métail sur leur poids. Mais comme on ne les a pas trouvées abondantes, les entrepreneurs n’en ont jusques icy pu faire d’usage. Il y a pourtant lieu de croire que si elles étoient recherchées par des gens habiles et hardis, on pourrait en tirer profit, et ce serait un avantage considérable pour la France qui manque de ce métail. Il conviendra de les faire visiter.

    Il y a aussy des mines de fer parfaitement bonnes et plusieurs forges dans l’élection de Limoges, du costé de Coussac-Bonneval et Saint-Yrieix (4) ; mais ces forges sont moins considérables que celles d’Angoumois dont il sera parlé en son temps.
    (1) Cf. ap. Corresp. des control. gén., II, n° 733, une lettre de l’intendant de Limoges au contrôleur, janvier 1705 : « Il n’y a de vignobles qu’en douze ou quinze paroisses d’Angoumois et dans le bas Limousin, aux environs de Tulle et Brive......Dans le bas Limousin, où il n’y a point de rivière navigable, le vin se consomme dans le pays, à la réserve de quelque quantité qu’on en transporte par des chevaux et mulets à Limoges, où j’ai appris qu’il y a deux particuliers qui perçoivent quelques petits droits, de temps immémorial, sur les vins dont ils procurent la vente seulement en quoi ils ont été maintenus par un jugement de M. de Bernage ; mais ils ne sont point en état d’acquérir les offices nouvellement créés, ni de payer aucune taxe pour la restitution des droits qu’ils peuvent avoir perçus. »

    (2) L’abbé Legros a composé un mémoire anonyme intitulé : Recherches sur l’antiquité et le gisement des mines du Limousin (ms. des Archives de la Soc. d’agriculture de Limoges).

    (3) Vicq, arr de Saint-Yrieix, Haute-Vienne.

    (4) Coussac-Bonneval, arr. de Saint-Yrieix, Haute-Vienne. L’auteur aurait dû mentionner aussi les forges d’Altavaux, près de Dournazac (arr de Rochechouart), qui étaient au XVIIe siècle la propriété des PP. Jésuites de Limoges. (Cf. Invent, des Arch. dép. de la Haute-Vienne, D. 287-299) Voy. d’ailleurs dans la Revue des Soc. sav. 6° série, t. IV, une Notice sur les anc. forges du Périgord et du Limousin, par M. F. de Verneilh, 1876.
    Commerce.

    Ce qui fait le principal revenu du haut et bas Limosin, c’est le commerce des bestiaux et principalement des bestes à corne (1). Les moutons n’y sont pas excellens et il ne s’y fait guère commerce de laines que pour l’usage du païs ; mais il s’y vend beaucoup de bœufs, non-seulement pour les provinces circonvoisines, mais encore aux marchands de Paris (2), dont la plus-part néanmoins les font engraisser ensuite en Normandie, parce qu’ils maigrissent par la longueur du voyage (3).

    Dans les derniers tems ceux qui étoient chargés de la fourniture des vivres pour les armées d’Italie (4) en ont fait des emplettes considérables dans ce païs là, et ce commerce a aydé aux habitans à s’acquitter des grosses impositions que la nécessité de la guerre a obligé de faire.

    On connoit la bonté et la beauté des chevaux du bas Limosin qui passent pour plus commodes et de plus grande ressource que ceux de tous les autres pays de France. Ils ne sont bons qu’à l’âge de 7 à 8 ans ; mais quand ils ont été attendus jusques là ils durent plus que les autres. Les haras en ont été pendant un temps un peu négligés, et les chevaux que le Roy y avait autrefois envoyés n’étoient pas propres pour le païs.
    (1) Cette source de revenus n’était pas très ancienne pour la Généralité. C’est en 1674 que Colbert écrivait à l’intendant de Limoges : « Je suis bien avse d’apprendre, par vostre lettre du 17 du présent mois [de mars], que le débit des bestiaux ayt commencé à estre avantageux dans la Généralité de Limoges et que vous voyez beaucoup d’apparence qu’il y apportera de l’argent. » Mais en 1682 les marchands se plaignaient déjà de ne plus vendre leurs bestiaux aussi facilement que par le passé, et Colbert, consulté à ce sujet par l’intendant, prescrivait une enquête (voy. Lettres de Colbert, IV, 267, note).

    (2) Cf Mém. sur la Gènér. de Paris (p. 360 de l’édit de M. de Boislille) : « Le pont de bois de Vaux, à deux lieues au-dessous d’Etampes, est en très mauvais état.....Il serait nécessaire de le construire de pierre, parce que c’est un grand passage pour tous les bestiaux qui viennent du Limousin et du Berri au marché de Sceaux. »

    (3) Cf. ap. Corresp. des control. gén. II, n° 655, une lettre de l’intendant de Limoges, déc. 1703 : « .....La rareté de l’argent est extrême dans cette Généralité qui n’a d’autre ressource pour en avoir que par la vente des bestiaux en Limousin, qui a presque absolument cessé depuis quelques années, et en Angoumois par le commerce des vins, eaux-de-vie et papiers, qui a aussi absolument cessé par la guerre. » .

    (4) Les armées envoyées contre Charles-Emmanuel II, duc de Savoie, et autres princes italiens qui étaient entrés dans la ligue d’Augsbourg contre Louis XIV, 1687 et ss.
    Il faut des étalons déchargés (1). Les barbes (2) et les chevaux d’Espagne y réussissent bien. On commence d’en prendre plus de soin, et c’est un des principaux qu’on doit avoir pour l’avantage du pays et l’utilité de l’Etat.

    Foires de chevaux.

    Le principal commerce de ces chevaux se fait aux foires de Chaslus (3) qui se tiennent à la Saint-Georges et à la Saint-Michel, et aux foires de Limoges qui se tiennent aux moys de may, juillet et décembre (4). Il s’y vend quantité de poulains qu’on élève ensuite dans le païs, dans l’Angoumois et le Périgord. Plusieurs gentilhommes de cette dernière province en font un grand commerce (5) et les vendent jusqu’à cent louis et 1,500 fr.

    On parlera du détail des commerces particuliers par rapport à chaque ville a laquelle ils sont propres (6).

    Naturel et mœurs des habitans.

    Le naturel des habitans est différent dans le haut et bas Limosin. Les premiers sont grossiers et pesans, mais laborieux et entendus pour leurs affaires, vigilans, économes jusques à l’avarice, jaloux défians et craignant le mépris (7), durs sur les recouvrements des
    (1) « On dit qu’un cheval est deschargé pour dire qu’il est de légère taille, qu’il n’est pas grossier, qu’il est fin. » Dict. Acad., édit. de 1694.

    (2) C’est-à-dire les chevaux de Barbarie. Dict. Acad.

    (3) Châlus, arr. de Saint-Yrieix, Haute-Vienne. - Sur les foires de Châlus voy. trois lettres de Colbert à l’intendant de la Généralité, 1679, 1680 et 1681 ap. Lettres de Colbert, IV, 262, 273 et 284. Il y est parlé du projet d’établir un haras dans la province.

    (4) Sur la foire de Saint-Loup à Limoges, voy. un art. de M. Louis Guibert, ap. Almanach limousin, 1861, partie historique. - En dehors de Limoges et de Châlus, un très grand nombre de localités du Limousin possédaient des foires plus ou moins importantes, dont quelques-unes dataient de fort loin : fin du XIIe siècle au Dorât, XIVe siècle à Saint-Yrieix, à Solignac et à Saint-Léonard, XVe siècle à Aixe, XVIe siècle à Bellac, etc.

    (5) Fait intéressant à noter. La noblesse, qui dédaignait le haut négoce, ne croyait donc pas déroger en s’occupant de l’élève et de la vente des chevaux.

    (6) Voy. ci-dessous la section F.

    (7) « Les Limousins, peuple simple et docile..... » Discours sur la vie ....de M. d’Aguesseau, intendant du Limousin, par le chancelier d’Aguesseau, son fils, p. 36 de l’édition de 1720. Voy. dans le Blason populaire de la France, par Gaidoz et Sébillot (1884, p. 205), un recueil des proverbes et jugements populaires qui ont cours sur le Limousin et ses habitants : Sale comme un Limousin, apetissat coumo un Limousi, etc.

    deniers royaux, mais néanmoins obéïssans quand ils sont pressez, peut-être autant par crainte que par la bonne volonté, d’ailleurs fidèles à leur prince comme ils l’ont témoigné en plusieurs occasions, et entr’autres du tems que les Anglois tenoient l’Aquitaine, en l’an 1373 que les habitans de la ville de Limoges se remirent volontairement sous l’obéissance du roy Charles V, s’estant rendus de leur propre mouvement au connétable Bertrand du Guesclin qui commandoit en ce tems là les troupes de France contre les Anglois ; mais cette action leur coûta cher, car Edouard, prince de Galles, reprenant peu de tems après cette ville d’assaut, il passa au fil de l’épée plus de 4,000 personnes (1).

    Les habitans du bas Limosin et principalement ceux de la ville de Tulle et des environs sont déliez, insinuans, cachant sous des dehors plus nobles des inclinations du moins aussy intéressées, mais plus sujets encore à leur vengeance qu’à leurs intérêts, accoutumez à former des brigues pour servir leur haine et s’unissant tellement par ces cabales que la querelle ou l’affaire de quelque particulier devient celle de tout un party et se trouve combattue par le party opposé. Ils passent même quelquefois par dessus les droits les plus sacrés et n’épargnent ny les faux témoins, ny les faussaires qui se trouvent dans ce canton à meilleur marché qu’ailleurs. Les habitans de Brive sont plus doux, mais moins spirituels.

    Les habitans du plat païs, tant du haut que du bas Limosin, sont laborieux et quittent leur païs pour aller gagner leur vie (2). Les uns et principalement ceux du bas Limosin vont servir de manœuvres en Espagne avec les Auvergnats (3) ; ils reviennent ensuite
    (1) Il y a quelques inexactitudes dans la fin de ce paragraphe. C’est en 1370 que le prince de Galles détruisit la Cité et c’est en 1372 que les habitants du Château se mirent en la main du roi de France. L’exagération du chiffre ici donné est évidente.

    (2) Cf l’Etat des paroisses.....de 1688. élection de Limoges, ad finem : « ..... Les peuples y sont extrêmement pauvres et la plus grande partye sont obligez de mandier leur vie. »

    (3) Cf. ap. Lettres de Colbert, II, 700, les instructions au marquis de Villars, ambassadeur à Madrid, 15 mai 1679 : « Il (l’ambassadeur) doit scavoir que le commerce des François se fait en Espagne par trois manières différentes : la première, par les ouvriers et artisans françois des frontières et des provinces du Limousin, Auvergne et autres qui passent tous les ans et qui, après y avoir travaillé quelque espace de temps, repassent en France et rapportent dans leurs provinces ce qu’ils y ont pu gagner. Et comme ces ouvriers et artisans se répandent dans toutes les provinces d’Espagne, il sera bon que le dit marquis de Villars soit informé, autant qu’il luy sera possible, de leur nombre, des difficultés ou facilités qu’ils trouveront à repasser en France avec l’argent qu’ils ont gagné par leur travail. » Sur les Limousins qui passent en Espagne et « en rapportent de l’argent pour leur travail », cf. ibid., VII, 230 et 232. - On ne saurait dire exactement à quelle époque ont commencé ces émigrations limousines en Espagne. Celle qu’on a supposée à l’année 1212 pour expliquer le nom de lo llemosi donné par les Catalans à leur langue, est pure invention. Le catalan n’est qu’un dialecte de la langue d’oc, auquel on a pu très légitimement appliquer, avec restriction de sens, le nom générique de la langue littéraire du midi de la France au moyen âge.

    presque tous les ans, rapportent l’argent qu’ils ont gagné, dont ils payent leurs tailles et font subsister leurs familles. Il seroit difficile de supputer le nombre de ceux qui sortent et à quoy montent les sommes ; mais c’est constamment par ces maçons et ces manœuvres qu’entre dans la province une grande partie de l’argent dont ils payent leurs impositions (1).

    Tous les habitants du haut et bas Limosin sont de la religion catholique, à la réserve d’un petit canton du costé de Treignac en bas Limosin où il y en avoit quelques-uns de la religion protestante réformée qui ont abjuré, comme partout ailleurs, avec des sentiments peu sincères de convertion ; mais le nombre est trop petit pour y faire attention (2).

    Généralement parlant, les Limosins professent une dévotion extérieure qui n’exclut pas le vice ; ils passent assez brusquement des processions de pénitents au cabaret et dans les lieux de débauche (3) ; ils ont une vénération de préférence pour les saints de leur païs, entr’autres saint Martial et saint Léonard, qui va jusqu’à l’oubli des autres saints et même à l’abaissement du culte de Dieu (4).
    (1) Voy. aussi ap. Bull. Soc. arch. du Lim., III, 157 et ss., une ordonnance du roi au gouverneur du Limousin lui enjoignant d’envoyer tous les maçons valides de la province au siège de la Rochelle pour construire la digue (1627) ; et quatre autres pièces y relatives.

    (2) Les principaux centres réformés du bas Limousin étaient Turenne, Beaulieu, Argentat et Treignac. Mais c’est seulement après la révocation de l’édit de Nantes que bon nombre de religionnaires cherchèrent un refuge du côté de Treignac. Ils y formèrent, jusqu’au commencement du XVIIIe siècle, des Assemblées du désert qui justifient le soupçon de manque de sincérité que M. de Bernage élève ici à l’endroit de leur conversion. - Dans le haut Limousin, il ne subsista au XVIIe siècle d’autres églises réformées que celles de Limoges et de Châteauneuf-la-Forêt avec diverses annexes - L’église d’Aubusson était comprise dans la Généralité de Moulins et celle de Rochechouart dans la Généralité de Poitiers. (Voy. d’ailleurs Encycl des sciences relig., art. Limousin et Marche.)

    (3) L’histoire intime des confréries de pénitents confirme trop souvent ce jugement de M de Bernage. Voy Louis Guibert, les Confréries de pénitents (1879). Rappelons aussi que les consuls de Limoges avaient dû établir dans cette ville, en 1532, « la maison commune du bourdeaul de six chambres, et icelles garnies de filles de joie » (Reg. Consul. I, 216.), et qu’une « maison à desbauche » existait à Aureil, près de l’église, au XVIe siècle (Invent des Arch. Dép. de la Haute-Vienne, D, 54.) Ce passage du Mémoire de 1698 laisse croire qu’il y en avait d’autres.
    (4) Toute cette caractéristique semble s’appliquer, dans l’esprit de l’auteur, aux habitants du haut Limousin aussi bien qu’a ceux du bas.

    II - Province de Marche en général.

    Comme la basse Marche se trouve de l’élection de Limoges, elle tient plus des mœurs du Limosin que d’Angoumois ; on en parlera avant cette dernière province, quoy qu’elle soit bien moins considérable, et on suivra le mesme ordre dans la suite de ces mémoires.

    Elle consiste à l’étendue des sénéchaussées ou sièges royaux de Bellac et Dorat, confine du costé de l’orient à la haute Marche, de celuy du couchant à l’Angoumois et partie du Poitou, de celuy du septentrion au Berry et aussi partie du Poitou, et du coté du midi au Limosin (1).

    Ce païs fait partie du comté de la Marche, qui fut autrefois possédé par les seigneurs de Lusignan et comtes d’Angoulême, fut uny au domaine sous le règne de Philippe-le-Bel ensuite possédé par un fils de ce prince, passa en la maison de Bourbon et par les femmes en celle d’Armagnac, fut encore réuny a la couronne par droit de confiscation sous le règne de Louis XI, qui fit trancher la tête à Jacques, comte de Nemours et de la Marche, et donna ensuite cette comté à la maison de Bourbon, qui la posséda jusques au temps que le connétable de ce nom la perdit par sa révolte.
    (1) C’est une question encore pendante de savoir qui, de Bellac ou du Dorat, était la capitale de la basse Marche. Les prétentions contraires existaient déjà au XVIe siècle et ont amené entre les deux villes une rivalité qui rappelle celle de Brive et de Tulle, de Saint-Junien et de Rochechouart.
    Louise de Savoye l’a prétendu depuis ; mais enfin, après plusieurs discussions, ce comté fut réuny à la couronne environ l’an 1531 (1).

    La haute Marche qui compose le reste de cette province, consiste à la sénéchaussée de Guéret, siège présidial, qui est de la Généralité de Moulins.

    Il n’y a pas de rivières navigables dans la basse Marche.

    La Gartempe, qui prend sa source assez près de Guéret, la traverse de l’orient à l’occident et va ensuite vers le septentrion se perdre dans la Creuse, à la Rocheposay en Touraine (2).

    La basse Marche a huit lieues d’étendue ; le climat en est assez doux et tempéré. Les terres qui sont près du Limosin sont de même nature, c’est-à-dire païs de châtaignes ; il y a des vignobles aux environs de Bellac et du Dorat, et les cantons près la haute Marche et le Poitou (3) sont assez propres pour les bleds (4).

    Il ne se fait nul commerce particulier dans cette partie de province, qui participe seulement au commerce du reste de la Généralité.

    On doit dire la mesme chose du naturel et des mœurs des habitans, qui approchent assez de ceux des habitans du haut Limosin.

    La petite partie du Poitou qui est enclavée dans l’élection de Bourganeuf, est trop peu considérable pour qu’on en fasse un article séparé ; c’est une portion de la sénéchaussée de Montmorillon qui se trouve presque confondue avec le haut Limosin (1).
    (1) Cet abrégé historique est aussi insuffisant que celui qui a été consacré au Limousin. Il est vrai que l’histoire du comté de Marche n’avait point encore été faite.

    (2) Son cours est de 170 kilom.

    (3) C -à-d. sans doute au voisinage de La Souterraine.

    (4) Le Mémoire eut dû ajouter qu’il y avait dans la basse Marche des forêts assez considérables pour qu’on y ait établi une maîtrise particulière dont le siège était à Bellac. Voy. une lettre de Colbert à l’intendant de la Généralité, janvier 1670, ap. Lettres de Colbert, IV, 228 : « Je vous envoye un mémoire, qui m’a esté donné par M. Daguesseau, des forests de la Généralité de Limoges contenues sous deux sièges de maistrises particulières, l’une de la basse Marche et l’autre d’Angoulême. La première n’a dans sa dépendance qu’environ 3,300 arpens de bois que le Roy désire remettre en valeur et faire ensuite conserver avec soin......... Je vous enverray dans quelque temps un de ceux qui ont esté employés à la réformation des forests de quelque département et qui l’ont fait avec succès, pour travailler à faire celle des forests de cette maistrise, conjointement avec vous ou séparément, ainsy que vous le jugerez à propos. » Cette réformation eut lieu en 1673-1674, avec le concours de M. de Froidour, général réformateur à Toulouse (note des éditeurs, p. 264). - Les archives de la maîtrise de Bellac subsistent aux Archives départementales de la Haute-Vienne (série B) ; mais un petit nombre d’actes seulement sont antérieurs à la fin du XVIIe siècle.

    (1) Sur cette enclave, cf. plus haut, p. 155, note 2.

    III.- Province d’Angoumois (2)

    L’Angoumois a pour confins le Limosin au levant, la Saintonge au couchant, le Poitou au septentrion.et le Périgord au midy. Cette province a environ dix-huit lieues de long et quinze ou seize de large, si on la prend sur le pied du gouvernement militaire.

    Rivières.

    Il y a plusieurs rivières en Angoumois ; les deux principales sont la Charente et la Touvre.

    La Charente a sa source sur les confins du Poitou au pied d’un château appelé Chéronnat (3), à dix lieues d’Angoulême, prend d’abord son cours du sud-est au nord-ouest jusques à Civray en Poitou, retourne tout court du nord au sud et rentre en Angoumois au-dessus de Verteuil, suit le même cours jusques à Angoulême d’où elle tourne du levant au couchant, va passer à Cognac, Xaintes et Rochefort, et tombe dans l’Océan près de Soubise.

    La Touvre est formée par une source qui naît au pied d’un rocher escarpé (4), de la figure d’un croissant, sur lequel est bâty un vieux château qui appartenoit anciennement aux comtes d’Angoulême (5). Cette source est une des plus belles qui soient en France ; elle est profonde de plus de douze brasses et porte par conséquent des bateaux dès sa naissance sans estre néanmoins navigable dans son cours ; ses eaux sont claires et froides et produisent une quantité prodigieuse de truites. Elle se jette à une lieue et demie de sa source, dans la Charente, au lieu appelé l’Egoût, à un quart de lieue au-dessus d’Angoulême.
    (2) Contrairement à la méthode suivie précédemment pour le Limousin et la Marche, l’auteur du Mémoire n’a point cru devoir insérer ici un abrégé de l’histoire de l’Angoumois. Maichin avait cependant publié dès 1671 son Hist. de Saintonge, Poitou, Aunis et Angoumois, in-foIio.

    (3) A quelques kilomètres de Rochechouart, Haute-Vienne. Son cours esf de 355 kilom.

    (4) A 7 kilom. d’Angoulême. Le cours de cette rivière n’est que de 10 kilom. Son importance tient à la profondeur de son lit.

    (5) Ce château, qui date du XIe siècle, est appelé château de Ravaillac. Il est certain cependant qu’il n’a jamais appartenu au régicide de ce nom. Voy. Les Ravaillac d’Angoulême, par M. P. de Fleury, 1883.

    C’est proprement dans cet endroit seulement que la Charente commence d’estre navigable pour les grands bateaux. Cependant, quelques marchands ayant acquis dans les derniers tems la forest de Ruffec (1), à l’extrémité de la province tirant vers le Poitou, ont trouvé moyen de faire monter jusqu’à la Terre (2), qui est à cinq lieues au-dessus, des bateaux moins grands à la vérité que ceux qu’elle porte ordinairement, mais qui ne laissent pas de contenir une quantité de bois considérable, et c’est par le secours de ces bateaux et par des transports de bois flotté que les marchands de cette forest ont fait voiturer à Rochefort les bois qui y avoient été façonnés.

    Ce commencement de navigation a donné lieu de penser à rendre cette rivière pleinement navigable jusques à Verteuil (3). Il a été mesme ordonné par arrest du conseil que M. de Bernage et M. Bégon (4) en dresseroient un procès-verbal. Ils y travaillèrent en 1696 avec M. Ferry, ingénieur général, et on trouva la chose possible. Mais comme il faudrait faire une dépense de près de 80,000 francs pour les écluses des moulins et autres ouvrages, et le dédommagement des riverains et propriétaires de quelques moulins, ce dessein n’a pu avoir encore son exécution. Il faudroit trouver des entrepreneurs en état de faire cette avance et s’en dédommager par la jouissance de la navigation pendant vingt ou trente années. Ceux qui se présentoient offroient bien de le faire à ces conditions, mais ils n’étoient ni assez habiles, ni assez solvables pour s’y fier. On aurait couru risque de tout détruire sans avoir sûreté pour l’achèvement de l’ouvrage et le dédommagement des propriétaires des moulins et riverains (5).
    (1) Ch.-lieu d’arr., Charente, à 2 kilom. de la rivière de Charente.

    (2) Auj. comm. de Luxé, arr. de Ruffec, Charente.

    (3) Arr. de Ruffec, Charente.

    (4) Michel Bégon, célèbre administrateur du XVIIe siècle, était alors intendant des galères de Rochefort et de la Rochelle. Il mourut en 1710.

    (5) Le projet, abandonné en 1696, fut repris par Turgot en 1772 et longuement étudié par le célèbre ingénieur Trésaguet. Mais il ne fut point encore exécuté. — Colbert avait eu aussi le dessein, en 1681, de rendre navigable la rivière de Boutonne, qui prend sa source à Chef-Boutonne (Deux-Sèvres), traverse Saint-Jean-d’Angély et se jette dans la Charente, à Carillon. (Voy. Lettres de Colbert, IV, 526, note 2.)

    On ne peut obmettre icy les agrémens des rivages de cette rivière(l). Presque tous les païs qu’elle arrose en sont embellis ; les prairies plates et semées de fleurs au milieu desquelles elle serpente et les arbres dont elle est presque partout bordée forment un gracieux spectacle et donnent une fraîcheur qu’on ne voit et qu’on ne trouve point sur le bord des fleuves les plus magnifiques, Enfin, on peut dire que c’est une beauté simple et sans art, parée de ses seuls ornemens naturels qui ne le cèdent point aux superbes rivages des grandes rivières, tout ornés qu’ils sont de leurs palais et de leurs quays.

    Les autres rivières de la province sont fort petites et ne sont considérables qu’en ce que leurs eaux ont une propriété singulière pour faire du papier excellent.

    Il est vrai que la Tardoire (2), qui passe à la Rochefoucaut, est quelquefois extrêmement grosse ; mais ce n’est que pendant quelques mois de l’année, quand le tems se trouve pluvieux ; elle se déborde pour lors dans de grandes prairies qu’elle rend fertiles, et va ensuite se jeter dans une autre petite rivière appelé le Bandia, à trois lieues de la Rochefoucaut (3). Pendant les débordemens, les passages en sont impraticables et très dangereux ; mais, dans le tems sec, elle est si basse que ses eaux se perdent à une demi-lieue de sa source, aux environs de la Rochefoucaut, et le reste de son lit avec les moulins qui y sont situés demeurent à sec. Ses eaux sont ordinairement sales et bourbeuses ; elles sont très propres pour les tanneries et c’est par cette raison qu’il y en a beaucoup d’établies à la Rochefoucaut.

    La Droigne ou Dronne (4) est une petite rivière qui a aussi son mérite pour l’excellent poisson qu’elle produit ; elle prend sa source près de Chaslus en Limosin et vient passer à Aubeterre, en Angoumois, et dans quelques autres lieux peu considérables, d’où elle entre dans le Périgord et se va jeter dans la rivière d’Isle (5).
    (1) Ce paragraphe mérite d’être remarqué. Il prouve que le sentiment de la nature était moins rare au XVIIe siècle qu’on ne l’a prétendu.

    (2) Celte rivière prend sa source à Châlus, arr. de Saint-Yrieix, Haute-Vienne, et se jette dans la Charente : son cours est de 100 kilom.

    (3) D’après les géographes modernes, c’est au contraire la Tardoire qui reçoit le Bandiat. Le cours de cette dernière rivière, qui naît près La Chapelle-Montbrandeix, arr. de Rochechouart, Haute-Vienne, est de 88 kilom.

    (4) La Dronne prend en effet sa source près Châlus ; son cours est de 178 kilom.

    (5) L’Isle prend sa source près Nexon, arr. de Saint-Yrieix, Haute-Vienne ; son cours est de 235 kilom.

    Forests royales.

    Le païs étoit anciennement presque tout couvert de bois. Ou s’attacha dans la suite à le défricher et à le mettre en terre labourable ; il y avoit encore dans les derniers tems plusieurs bois de futaye ; mais ce qui en restait a été fort épuisé pour la construction des vaisseaux de Rochefort, le transport s’en étant trouvé assez facile par la Charente.

    La pluspart des bois qui restent ne sont plus que des taillis. Il y a pourtant deux forests royales ; la plus considérable s’appelle la Braconne (1), située à trois lieues d’Angoulême, près de la Rochefoucaut ; elle est composée de 10,300 arpents dont 3,000 sont réservés en futaye et le reste en coupe réglée. La seconde s’appelle de Bois-Blanc, qui n’a que 1,323 arpents de taillis. Le Roy a encore deux bouquets de bois appelés la grande et petite Garenne d’Angoulême, le premier de 600 arpents et le second de 181, le tout en taillis. Les autres bois de la maîtrise d’Angoulême sont situés à Cognac, qui est, comme on a dit, de la Généralité de la Rochelle (2).
    (1) Les forêts de la Braconne et de Bois-Blanc, mentionnées ici, n’étaient, comme celles de Boixe, de Benon, de Chizé, de Tusson, etc., que des lambeaux de la vaste zone boisée qui s’étend des confins de l’Aunis à ceux du Périgord, à travers l’Angoumois, en suivant les frontières du Poitou. Cf. Lièvre, Hist. de la forêt de Boixe, ap. Bull. de la Soc. arch. de la Charente, 1880. — Voy. une lettre de Colbert à l’intendant de la Généralité de Limoges, janvier 1670, relative aux forêts de l’Angoumois, ap. Lettres de
    Colbert, IV, 228 : « .....La maîtrise d’Angoulême a, dans sa dépendance, cinq ou six forests, dont la principale est celle de Braconne, fort considérable tant par son estendue, qui est de 14 à 15,000 arpens, que par sa situation, estant proche de la rivière de Charente qui tombe à vingt lieues de là dans la mer, etc. »

    (2) En 1669, Jean Le Féron, conseiller et procureur du roi en la maîtrise de Compiègne, avait reçu commission pour la réformation des eaux et forêts en Touraine, Orléanais....., Saintonge et Angoumois. (Lettres de Colbert, IV, 236, note 3). Même commission fut donnée, en 1672, à M. Bidé de la Grandville pour la forêt de la Braconne (Cf. Ibid., 229, note 4), et, en 1673, à M. de Froidour, général réformateur à Toulouse, pour les forêts d’Angoulême, de Cognac et des autres parties de la Généralité. (Cf. Ibid., 264, 265 et 266.) Colbert écrivait alors à ce dernier : « Vous devez vous appliquer à découvrir les délits qui ont esté commis dans la maistrise d’Angoulême et à punir les délinquans suivant la rigueur des ordonnances, afin que la crainte d’un pareil chastiment puisse à l’avenir retenir les riverains et empescher les désordres qu’ils y pourroient commettre... »
    Climat.

    Le climat est généralement parlant plus chaud que celuy de Paris ; aussy approche-t-il d’avantage de la ligne il est par la mesme raison plus tempéré que celuy de Périgord et de Gascogne (2). Le pays est montueux ou, pour mieux dire, assez plein de collines ; mais il n’y a point de montagnes considérables, si ce n’est la terre où la ville d’Angoulême est située (3).

    On ne voit guère de païs plus meslé et plus propre à toutes sortes de récoltes ; il y croît du froment, du seigle, de l’orge, de l’avoine, d’une espèce de grain un peu semblable à l’orge, qu’on appelle ballarge, du blé d’Espagne, du safran, du vin, des noix et de toutes sortes de fruits. On peut juger par là que le paysage en est beau. Aussy ne s’en voit-il guère de plus agréable.

    Fruits.

    Quoyque les terres y portent de toutes sortes de grains, les récoltes n’y sont pas, généralement parlant, abondantes ; il ne s’en recueille guère que pour la consommation du païs. Dans les disettes, il s’en tire du bas Poitou, et on prétend que les dernières ont obligé les païsans à semer trop de blé d’Espagné, qui a affoibli les terres.

    Vins (4).

    Les vins sont le principal et le plus important revenu d’Angoumois ; les plus considérables vignobles sont dans l’élection de Cognac qui fait présentement partie de la nouvelle Généralité de la Rochelle, quoyqu’elle soit pourtant située dans l’étendue de la province. Les autres vignobles sont aux environs d’Angoulême et dans différens cantons d’Angoumois.

    On débite les vins rouges en Limosin et en Poitou. Il s’en vend peu aux étrangers, qui préfèrent ceux de Bordeaux, plus propres a souffrir la mer et dont le transport est plus facile ; l’on en fournissoit néanmoins pendant la guerre pour la provision des vaisseaux des ports de Rochefort et de la Rochelle.
    (1) C.-à-d. l’équateur

    (2) La température moyenne du climat girondin ou du sud-ouest est de 12°, mais il y a évidemment des différences sensibles, selon qu’on se rapproche plus ou moins des Pyrénées ou de l’Océan.

    (3) Angoulême est situé en effet sur une sorte de mamelon isolé au milieu d’une plaine.

    (4) Pour ce chapitre et les suivants, cf. de Rencogne, Recueil de doc. pour servir à l’hist. du commerce et de l’industrie en Angoumois, XVIe-XVIIIe s. ap. Bull. Soc arch. De la Charente 1876-1878, - et ap. Correspond. Des contrôl. Gén. II, n° 733, une lettre de l’intendant de Limoges au contrôleur, janvier 1705 : « Il n’y a de vignobles qu’en douze ou quinze paroisses d’Angoumois et dans le bas Limousin, aux environs de Tulle et Brive. Le vin qui se recueille en Angoumois se fait dans des petites maisons que les propriétaires ont sur les lieux, où sont les vignes et où les marchands vont l’acheter, lorsque le commerce est libre avec la Hollande et l’Angleterre ou lorsque le roi fait armer des vaisseaux à Rochefort, sans le ministère de qui que ce soit et le font ensuite voiturer sur des charrettes, sur le bord de la rivière de Charente, à l’endroit où elle passe le plus proche du lieu où est le vin. » - Cf. ap. Lettres de Colbert ; II, 200, une lettre à l’intendant de la Généralité de Limoges, du 23 nov. 1679 : « J’apprends par vostre lettre du 18 de ce mois la continuation de l’imposition des tailles et les raisons qui empeschent le restablissement de l’élection d’Angoulême. L’abondance des vins et le peu de débit peut en estre en partie la cause ; mais je suis bien ayse de vous dire, sur ce point, qu’il y a trop de vignes dans le royaume, parce que les peuples ont esté persuadés et ont vu, en effet, que les terres plantées en vignes produisent davantage. Mais parce que cela a une proportion qui est à présent outrée, il faut que les peuples se détrompent avec le temps, et qu’ils diminuent leurs plants de vignes et convertissent leurs vignes en bleds, comme ils ont converty leurs bleds en vignes. »
    Eaux-de-vie.

    On convertit les vins blancs en eaux-de-vie ; le débit en est différent en tems de guerre ou en tems de paix. Pendant la dernière guerre (1), les marchands qui en fournissoient les armées de France et d’Allemagne et la ville de Paris en ont beaucoup tiré de ce païs, et ce débit leur a esté d’un grand secours. On faisoit voiturer les eaux-de-vie par terre jusques à Châtelleraut et on les embarquoit sur la Vienne pour les conduire ensuite par la Loire jusques à Orléans, d’où on les distribuoit ensuite aux lieux de leur destination (2). Comme il s’en faisoit une grande consommation dans les armées et qu’il n’y avoit pas abondance de vin en Angoumois, elles ont été excessivement chères.
    (1) C-à-d. pendant la guerre de la ligue d’Augsbourg, qui prit fin en 1697.

    (2) L’itinéraire est donc celui-ci : de Cognac ou d’Angoulême, les eaux-de-vie gagnaient Ruffec, Poitiers et Châtelleraut, traversaient Chinon, puis remontaient la Loire par Tours et Blois.
    En tems de paix, les eaux-de-vie de cette province se débitent aux flottes anglaises et danoises, qui viennent charger à Charente (1), au-dessus de Rochefort. On ne croit pas dans le pais que ce commerce luy soit plus utile pendant la paix que celuy qui se fait pendant la guerre. Quelquefois l’abondance des vins s’est trouvée nuisible par la modicité du prix et le peu de débit (2) ; mais ceux qui ont moyen d’en faire la conversion en eaux-de-vie y ont toujours assez trouvé le compte.

    Il se paye un droit à Charente pour ces eaux-de-vie qui en diminue un peu le commerce (3).

    Safran.

    Le safran est encore une des denrées dont le commerce est utile au païs ; on en débite pour l’Allemagne par Lyon, d’où il s’en envoyé beaucoup en Hongrie, en Prusse et aux autres païs froids où il est de grand usage. Le débit en était grand autrefois dans cette province ; il y apportait, année commune, plus de cent mille livres. Il a diminué depuis dix ans qu’on en a planté dans d’autres provinces et principalement en Orléanois, de sorte qu’il n’est cher en Angoumois que quand il manque ailleurs (4), et l’inégalité du débit a si fort rebuté les habitants de le cultiver, qu’ils n’en plantent pas la moitié de ce qu’ils faisoient.

    Les autres fruits se consomment dans le païs, n’y en ayant pas une assez grande quantité pour fournir aux provinces voisines ;

    Bestiaux.

    Généralement parlant, on n’y fait pas de commerce de bestiaux ; il n’y a que dans les châtellenies de Confolens et Chabanois (5), voisines du Limosin et dont le terroir est de même nature à peu près, où il se fait des nourritures (6). C’est même des foires qui se tiennent dans ces lieux-là (1) que les habitants du reste de l’Angoumois tirent des bestiaux dont ils manquent.
    (1) Comme il n’y a point de localité du nom de Charente, il faut comprendre qu’il s’agit de Tonnay-Charente, situé à 7 km en amont de Rochefort. Tonnay-Charente est encore aujourd’hui l’entrepôt des eaux-de-vie de la Saintonge et de l’Angoumois.

    (2) C’est la constatation de cette loi économique que le prix des denrées est en raison inverse de leur abondance.

    (3) Cf. ci-dessus p. 164, note 3, ce qui est dit du commerce des eaux-de vie.

    (4) Autre constatation de la loi économique formulée ci-dessus.

    (5) Arr. de Confolens, Charente.

    (6) « On dit faire des nourritures pour dire nourrir, élever du bestail, de la volaille, dans une terre, dans une maison de campagne » Dict. Acad. édit. de 1694.

    (1) Quoiqu’il ait parlé des foires du Limousin, le Mémoire ne dit rien de celles de l’Angoumois. L’Etat des paroisses de la Généralité de Limoges (1688) nous permet de combler celle lacune très exactement. Dans l’élection d’Angoulême, il y avait alors des foires périodiques à Angoulême, La Couronne, Roche-Andry, Roullet, Saint-Denis-de-Montmoreau, Aubeterre, La Tour-Blanche, Marthon, Montbron, Blanzat, La Rochefoucaud, Pranzat, Saint-Pierre et Saint-Michel, Massignac, Saint-Mesme, Seuris, Saint-Médard de Verteuil, Ruffec et Payraynaudovn. - Chabanais et Confolens ne sont pas même mentionnés.
    Mines.

    L’on n’a point jusqu’ici découvert de mines dont on ait pu faire d’usage que celles du fer. Il s’en trouve de très bonnes dans les cantons voisins du Périgord et qui produisent du fer très doux. C’est de cette mine que l’on a fait, dans les forges de Rancogne, Planchemesnier (2) et autres, les canons, bombes et boulets qui ont été fournis au port de Rochefort.

    L’établissement de ces forges s’est fait dans le tems que M. de Bouville étoit intendant de cette province, au commencement de la dernière guerre (3) ; il en fit en même tems plusieurs en Périgord, dont les plus considérables sont celles de M. Dans, de la maison d’Hautefort, et de M. de Segonsac. Les plus grandes mines d’Angoumois, après celle de Rancogne et de Planchemesnier, où le sieur Landouillette a fait travailler, sont celles de M. de Brassac, à La Rochebeaucourt, et du sieur de Châteaufort, à Roussines (4). Il y en a encore plusieurs en Périgord et en Angoumois, dont il a été donné des états exacts à M. de Pontchartrain et à M. le comte de Maurepas (5) par M. de Bernage, qui a continué d’en prendre soin et d’y faire travailler.
    (2) Rancogne, sur la Tardoire, arr. de La Rochefoucauld, Charente ; Planche Meunier, comm. de Sers, arr. d’Angoulême, Charente.

    (3) André Imbert (alias Jubert) de Bouville était en effet intendant de la Généralité de Limoges en 1690. Il l’avait été une première fois déjà en 1677

    (4) La Rochebeaucourt, arr. de Nontron, Dordogne ; - Roussines, arr. de Confolens, Charente.

    (5) Louis Phélypeaux de Pontchartrain, contrôleur général des finances et secrétaire d’Etat. - Le comte de Maurepas, dont il est ici question, ne saurait être le célèbre petit-fils du précédent, puisqu’il ne naquit qu’en 1701. Il s’agit sans doute d’un de ses oncles maternels.
    Cet établissement a été un des plus utiles qui aient été faits pour l’Etat, puisque le Roy y a trouvé de quoy armer ses flottes pour le dixième, ou tout au plus pour le neuvième de ce qui Iuy auroit coûté en canons de fonte (1). Il est à craindre que ces forges ne se détruisent pendant la paix, et il est très nécessaire de donner toujours quelques ouvrages à faire pour leur conservation et principalement celle du sieur Landouillette, commissaire de marine et très habile dans ces sortes d’ouvrages, et celles de M. de Segonsac et de M. Dans qui ont aussy fort bien servy le Roy.

    On avoit découvert une mine d’antimoine à Menet, près Montbron (2), où il se trouvoit de l’argent ; la dépense a rebuté quelques entrepreneurs. Le sieur Landouillette a quelquefois marqué qu’il ne croyoit pas impossible de la faire réussir ; et présentement (3) qu’il sera moins occupé d’ouvrages pour la guerre, M. de Bernage fera en sorte de l’engager à tenter quelques expériences, soit pour en tirer l’antimoine, soit même pour en tirer l’argent, s’il s’y en trouve assez abondamment pour s’y attacher.

    Papier et le commerce qui s’en fait.

    La manufacture des papiers est encore un des principaux commerces de cette province et qui mérite le plus d’attention, car c’est celle du royaume, même de l’Europe, où se fait le plus beau et le meilleur papier. Elle a été beaucoup plus considérable qu’elle n’est présentement, puisqu’il s’est vu plus de soixante moulins travaillans ; mais le commerce a diminué depuis la guerre de Hollande, qui commença en l’an 1671 (4), en sorte qu’il n’y a plus que seize moulins qui travaillent. Les négocians ont représenté plusieurs fois que cette diminution provenoit des droits de marque qui ont été établis en 1656, montant à 6 sols par rame du plus fin papier et 4 sols par rame de tout autre, outre le droit de traite foraine, qui se paye à Tonnay-Charènte par balle de papier, revenant à 4 sols par rame et sans compter un droit de traite foraine de 10 sols par quintal, qui se prend sur le vieux linge et sur la colle qu’on tire de Poitou et qui enchérit le papier d’un sol par rame.
    (1) Cf. sur ce point les Lettres de Colbert, III (1) 77, 78 et 84, III (2) 21, 86, 261 et 533, III (3) 379.

    (2) Montbron, arr. d’Angoulême, Charente.

    (3) Ce présentement que, dans le sens de aussitôt que, dès que, est inconnu à la première édition du Dictionn. de l’Académie. C’est vraisemblablement un provincialisme.

    (4) Et surtout depuis l’acte de révocation qui fit sortir d’Angoumois un grand nombre de religionnaires. On comprend que M. de Bernage se soit abstenu de constater ce fait dans un mémoire destiné à la cour.
    Observation à faire. On prétend, et cela est vraysemblable, que ces droits ont été cause que les Hollandois ont moins tiré de papier qu’autre fois de ce pays et ont étably chez eux des papeteries. Tous les marchands sont encore persuadés que, si on diminuoit ces droits de moitié, le commerce se rétabliroit sur le pied qu’il étoit, et le produit des droits reviendroit au même par l’augmentation du débit ; on ne peut juger assez décisivement de cet effet ; mais le risque de la perte pour le Roy ne paraît pas assez considérable pour ne pas éprouver par ce moyen à rétablir une manufacture aussi considérable et un commerce d’autant plus utile qu’il attire un argent étranger.

    Commerce du sel.

    Il se fait un commerce de sel à Angoulême ; on le tire de Marennes en Saintonge et on le fait monter par la Charente (1) jusques à Angoulême, d’où on le débite par voitures de charettes en Auvergne, Limosin, Périgord et la Marche. Le profit n’en est pas considérable par ce que les droits qui se payent au bureau de Tonnay-Charente en emportent la plus grande partie, outre que divers seigneurs, qui ont des maisons situées sur la Charente, sont en possession d’en prendre une certaine quantité pour prise de bœufs et d’hommes qu’ils sont obligés de donner dans le temps des eaux basses pour faire monter les bateaux dans ces passages.

    Naturel et mœurs des habitants.

    Voilà en général le commerce des habitans d’Angoumois (2).
    (1) Marennes ne se trouvant qu’à 2 kilom. de l’Océan, rien de plus facile que de gagner directement l’embouchure de la Charente.

    (2) M. de Bernage eut pu dire davantage. Ainsi, vers 1670, Colbert tenta d’introduire la sériculture en Angoumois. (Voy. les Lettres de Colbert, IV, passim). Toutefois, le projet semble avoir échoué. Si l’on se souvient que la culture du mûrier et par suite l’industrie de la soie furent établies en France, au commencement du XVIIe siècle, par le calviniste Olivier de Serres, et que ses coreligionnaires du midi y excellèrent de plus en plus, à mesure que les édits royaux les privaient de l’exercice des fonctions libérales, on peut conjecturer que Colbert n’avait songé à faire profiter l’Angoumois de cette industrie qu’en raison justement du grand nombre de protestants que renfermait cette province.
    On voit qu’il tire davantage sa source de la bonté et fertilité naturelle du païs que de leur industrie. Aussi, généralement parlant, sont-ils paresseux, adonnés à leur plaisir et ne travaillant que quand la nécessité les y force (1). Ils ont assez d’esprit, plus de politesse que l’on n’a coutume d’en avoir dans les provinces, sociables et capables d’affaires s’ils vouloient y vaquer ; mais leur vice dominant l’emporte et l’oisiveté les empêche de mettre leurs talens à profit. Du reste présomptueux, voulant dominer et ennemis de la subordination, décidant souverainement sur les défauts d’autruy et se corrigeant peu, légers et peu solides en amitié, arrestés dans leurs opinions et abondans dans leur sens, assez sincères, mais indiscrets en disant ce qu’ils pensent, souvent mal à propos, fort sujets à la médisance et très portés à la vengeance, souffrant impatiemment le joug des impositions, ne s’y soumettant que par la force et après avoir murmuré (2) ; fidèles néanmoins à leur prince comme il a paru quand ils se mirent sous l’obéissance du roi Charles V, comme ou dira dans la suite.

    Religionnaires (3).

    La religion prétendue réformée avoit fait assez de progrès dans quelques cantons de cette province, entr’autres à Angoulême, La Rochefoucaut, Saint-Claude, Verteuil, Ruffec, Villefagnan, Montbron (4). Il y a encore dans tous ces lieux nombre de nouveaux catholiques mal convertis et très opiniâtres. M. de Bernage travaille actuellement, suivant les derniers ordres de Sa Majesté, à les obliger à faire mettre quelques-uns de leurs enfans dans des communautés (1) pour les faire élever dans les maximes de la religion catholique.
    (1) Sur cette question du naturel des Angoumois, voy, de Corlieu, Recueil en forme d’histoire..... (1576). Voy. aussi dans le Blason populaire de la France par Gaidoz et Sebillot (1884, p. 62), un recueil des proverbes et jugements populaires qui ont cours sur les Angoumoisins.

    (2) Jugement directement confirmé par diverses lettres de Colbert à l’intendant de la Généralité de Limoges, année 1674, où il est question de séditions survenues dans l’élection d’Angoulême pour le fait des tailles. (Voy. Lettres de Colbert, II, n° 315, 316, 320 et 322.

    (3) Sur ce sujet, très vaguement traité ici, voy. Elie Benoit, Hist. de l’Edit de Nantes (1695), passim ; Goguel, Hist. et Statist. des.églises réformées de la Charente (1836), et Bujeaud, Chron. prot. de l’Angoumois (1860). - On connaît une ordonnance royale qui commet M. de Bernage, intendant de la Généralité de Limoges, « pour, avec le présidial d’Angoulême, faire et parfaire définitivement et en dernier ressort le procès aux coupables des assemblées qui se sont faites depuis le 1er octobre 1697 dans les paroisses de Villefagnan et Ruffec. » (Bujeaud, ouv. cité, p. 33 du complément). Cf. Ibid., pp. 9 et 33, deux extraits de mémoires rédigés par M. de Bernage. 1694, 1699, sur les religionnaires de la province d’Angoumois.

    (4) Localités du dép. de la Charente. - Saint-Claude est auj. Saint-Claud-sur-le-Son, arr. de Confolens.

    (1) Il est parlé ci-dessous de la communauté des Filles de la propagation de la foi, établie à Angoulême dès 1676 pour l’éducation des nouvelles converties.

    Un message, un commentaire ?

    modération a priori

    Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

    Qui êtes-vous ?
    Se connecter
    Votre message

    Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

    Lien hypertexte

    (Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

    Ajouter un document

    Rechercher dans le site

    Un conseil : Pour obtenir le meilleur résultat, mettez le mot ou les mots entre guillemets [exemple : "mot"]. Cette méthode vaut également pour tous les moteurs de recherche sur internet.