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1770 - Comment fabrique-t-on le papier à Angoulême ?

vendredi 25 janvier 2008, par Pierre, 4444 visites.

La papeterie a été la principale activité d’Angoulême aux XVIIème et XVIIIème siècles.
Les étapes de la fabrication : une méthode simple, mais pour parvenir à un bon niveau de qualité, il faut du métier.

Le Moulin à papier de Fleurac, sur la Charente
Photo : P. Collenot - 2003

Source : Dictionnaire portatif de commerce – A. Bouillon – Liège – 1770 – Books Google.
Les images sont tirées des planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

Fabrique du Papier dans les Manufactures de France

La préparation des chiffons
Les enfants au transport des chiffons

Le papier se fait avec de vieux linges de chanvre ou de lin, qu’on appelle vulgairement chiffons, & que les manufacturiers nomment drapeaux, peilles, chiffes, drilles ou pâtes. Des chiffons les plus fins se fait le plus beau papier & des plus grossiers, le plus commun.

Après que les chiffons ont été lavés, on les met tout mouillés pourrir dans des espèces de cuves ou lieux faits exprès, qu’on appelle pourrissoirs ; d’où le règlement du 21 Juillet 1671, défend qu’on les tire qu’ils ne soient duement pourris, & propres pour les réduire en ouvrage.

Cette première préparation, d’où dépend en partie la bonté du papier, étant finie, on met les chiffons ainsi pourris dans des espèces de mortiers garnis dans le fond d’une plaque ou platine de fer, qu’on nomme piles à drapeaux, dans lesquelles, par le moyen de plusieurs maillets ou pilons aussi garnis de fer par le bout, qui tombent alternativement dans chaque pile, & à qui des moulins à eau donnent le mouvement, ils sont réduits en une façon de bouillie ou de pâte, qui est le nom que les ouvriers lui donnent.

Les pilons à chiffons

Cette pâte est ensuite remise de nouveau dans d’autres mortiers, qu’on appelle piles à fleurer.

La pâte ainsi disposée se met dans des espèces de caisses de bois où elle se sèche, & d’où on la retire pour la mettre dans des lieux de réserve ; & lorsqu’on s’en veut servir pour fabriquer le papier, on la fait passer pour la troisième fois par un mortier qu’on nomme pile de l’ouvrier, dont les maillets ne sont point garnis de fer ; & c’est dans cette troisième pile où elle prend sa dernière façon.

On fait ordinairement de trois sortes de pâte, la commune ou bule, autrement gros-bon ; la moyenne ou vanante, & la pâte fine, qui servent, suivant leur degré de finesse, à faire du papier ou très-gros, ou médiocre, ou très fin.

La pâte perfectionnée, ainsi qu’on vient de le dire, se met dans de grandes cuves pleines d’une eau très claire & un peu chaude, où elle est remuée & brassée à plusieurs reprises avant que de l’employer, afin que l’eau en soit également chargée, & que le papier qu’on en doit faire soit d’une même finesse.

Une forme avec ses fils de laiton

Les moules dans lesquels se fait chaque feuille de papier séparément, l’une après l’autre, se nomment formes. Ce sont de petits chassis de bois quarrés, plus grands ou plus petits, suivant la qualité du papier qu’on fabrique.

Le fond du chassis d’un côté est fermé par quantité de menus fils de laiton très-serrés les uns contre les autres, & joints de distance en distance par de plus gros fils nommés verjules ou verjures. En deux endroits du fond, & justement au milieu de chaque demi-feuille, se mettent d’un côté la marque du manufacturier, conformément à l’article 6 du règlement, & de l autre une empreinte convenable à la sorte du papier qui se fait ; comme des grappes de raisin, des serpens, des noms de Jesus, &c. & comme ces marques ou empreintes sont de fil de laiton aussi bien que les verjules, & qu’elles excédent un peu le fond, elles s’impriment dans le papier, & paroissent au jour plus transparentes que le reste. Il y a des manufacturiers assez curieux pour former leurs marques sur les moules avec du menu fil d’argent en manière de filigrane.

Pour travailler au papier, chaque forme se plonge dans la cuve pleine de l’eau épaissie par la pâte faite de chiffons ; & lorsqu’on l’en retire, elle se trouve couverte du plus épais de cette matière, le plus clair s’écoulant par les intervalles imperceptibles des fils de laiton ; en sorte que ce qui reste se congele dans l’instant & devient assez solide pour que le coucheur puisse renverser la feuille de papier sur le feutre ou flôtre, c’eft à dire sur un morceau de revêche ou autre étoffe de laine écrue.

Le plongeur, le coucheur et la presse

Tandis que le plongeur fait une seconde feuille de papier en plongeant une seconde forme dans la cuve, le coucheur couvre la première d’un second feutre pour recevoir l’autre feuille qui se fabrique, & ainsi successivement, jusqu’à ce qu’il y ait une pile suffisante de feuilles de papier & de feutres pour être mise à la presse qui en doit exprimer la plus grande partie de l’eau.

Le sèchage du papier

Au sortir de cette presse, l’ouvrier qu’on nomme leveur leve les feuilles de dessus les feutres & les met les unes sur les autres sur une planche quarrée appellée le drapant ; puis elles sont remises une seconde fois sous la presse, afin de les bien unir & d’achever d’en exprimer toute l’humidité. Quand elles ont été suffisamment pressés, on les met sécher sur des cordes dans des étendoirs, lieux où l’air se communique à proportion qu’on le juge nécessaire, par moyen de certaines ouvertures faites exprés, qu’on ouvre & qu’on ferme par des coulisses.

Lorsque le papier est bien sec, on le colle, ce qui se fait en plongeant plusieurs feuilles ensemble dans une chaudière de cuivre remplie d’une colle très claire & un peu chaude, faite de rognures de cuir ou de ratures & morceaux de parchemin, dans laquelle on jette quelquefois de l’alun de glace ou de la couperose blanche en poudre.

Passage à la colle et nouveau pressage

La meilleure colle est celle de parchemin ; mais soit qu’on se serve de l’une ou de l’autre, le règlement porte que le saleran ou seleran, c’est à dire le chef de la sale où l’on colle & où l’on donne les derniers apprêts & façon au papier, la fera bouillir 16 heures, & ne l’emploiera pas qu’il ne l’ait coulée à travers d’une chausse ou drapeau.

Après que le papier est bien & duement collé, on le met en presse afin d’en faire sortir le superflu de la colle, puis on tire les feuilles les unes après les autres pour les jetter sur les cordes qui sont dans les étendoirs, ce qui se fait par le moyen d’un instrument de bois de la figure d’un T, qu’on nomme ferlet, & quand les feuilles sont entièrement sèches, on les ôte de dessus les cordes pour les remettre encore sous la presse

Lorsqu’elles sont retirées de cette presse, on les tire pour séparer les défectueuses d’avec les bonnes, puis on les lisse avec une pierre légèrement frottée de graisse de mouton, on les plie, on les compte pour en former des mains, & lorsque ces mains sont formées, on les remet de nouveau en presse ; ensuite on les ébarbe (c’est à dire qu’on en rogne légèrement les extrémités) & on les met par rames ; chaque rame s’enveloppe de gros papier ; enfin après qu’elles sont liées d’une ficelle, on les met pour la dernière fois sous la presse, ce qui est la dernière façon qu’on donne au papier, étant pour lors en état d’être vendu ou employé.

Le lissage et la finition

Suivant le règlement, chaque main de papier doit être de 25 feuilles, & chaque rame de 20 mains ; la première & la dernière main de chaque rame doivent être de même pâte, & de même compte que le reste de la rame.

Il est défendu de mélanger les rames de diverses qualités, grandeurs ou forme de papier, aussi bien que d’y fourrer des feuilles cassées & défectueuses ; & afin que le public n’y puisse être trompé, le manufacturier doit mettre sur l’enveloppe de chaque rame la quantité & l’espèce du papier qui y est contenu.

La bonté du papier consiste à être bien collé, & bien lissé, en sorte qu’il ne boive point, c’est à dire que l’encre ne s’y imbibe pas, mais se sèche sur la superficie. Il est néanmoins permis de faire du papier sans colle propre à certains usages, & on l’appelle papier fluant.


Voir en ligne : Le Moulin à papier de Fleurac, près d’Angoulême

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