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1789 - Champniers (16) : cahier de doléances de la paroisse

jeudi 26 juin 2008, par Pierre, 801 visites.

Un cahier de doléances des plus pittoresques.

Requête des habitants de la paroisse de Champniers [1] au Roi et au Directeur général (supplément au cahier de doléances).

(Orig. ms., 7 p., Arch.nat., Ba 14, n° 12. — En marge, « 5 avril 1789 », et à la fin : « Les présentes faites après la délibération d’Angoulème, le 5 avril 1789 ».)

Source : Cahiers de doléances de la Sénéchaussée d’Angoulême et du siège royal de Cognac pour les États généraux de 1789 - P. Boissonnade - Paris - 1907 - Archives.org

Champniers d’Angoulème.

Sire, mon Roi,

Nous, députés de la paroisse de Champniers d’Angoulème, avons pris la hardiesse et l’audacité que de nous vous faire à savoir notre misère et notre pauvreté que nous souffrons par les grosses impositions qui sont taxées par vos intendants et subdélégués ; en un mot, ils nous mettent à la mendicité.

- ART. 1er. C’est pourquoi, Sire mon Roi, depuis de si longues années que nous avons souffert martyre pour faire valoir les fonds, qu’on surveille nuits et jours pour faire la cultivation, sous la pluie, la neige, la glace, enfin toutes sortes de misères que temps s’expose, à telle fin qu’on puisse vaquer à ses travaux, pour [par] là tâcher que la terre ne demeurât point inculte.

- ART. 2. Car tout homme qui a connaissance sur la terre, comme notre bon prince et ministre, [sait] que si les cultivateurs se déterminaient à ne point faire de culture, tout est perdu ; personne ne subsisterait plus, car, Sire mon Roi, tout état qui puisse être, il faut toujours avoir recours au cultivateur.

- ART. 3. Enfin, l’accablement et la misère du pauvre cultivateur vient de ce que les charges qui sont imposées sont si furieuses et si grosses, qu’ils ne peuvent plus y compatir sans se récrier à notre bon prince. En conséquence de quoi, que si notre bon prince juge bien à propos, qu’il donne un soulagement à son pauvre menu peuple, qui fait bien subsister du peuple par ses cultivations, enfin de leur diminuer de gros droits bien lourds que notre bon prince n’en reçoit rien.

- ART. 4. Sire, mon Roi, si vous aviez connaissance de tout ce qui se passe en France, ou votre ministre, que votre pauvre menu peuple souffre dans la plus grande misère et la plus misérable pauvreté, qu’on impose en France toujours de nouveaux droits, outre ceux de la taille, capitation. imposition militaire, dixième et quatre sols pour livre.

- ART. 5. Nous avons les droits de contrôle que nous payons bien gracieusement ; nous ne connaissons point à quel prix on les prend.

- ART. 6. Nous avons des huissiers-priseurs qui portent un tort considérable dans une famille qui tomberait en minorité de manière que les enfants mineurs restent sans subsistance.

- ART. 7. Nous avons le droit de casuel que nous payons à un curé, bien considérable, quoique la dîme de nos fonds ait été autrefois à cet usage, à telle fin qu’il y a de pauvres malheureux qui sont obligés de faire une dette pour payer ce curé.

- ART. 8. Enfin nous demandons à notre bon prince, si sa grandeur et sa puissance veut bien nous l’accorder par cette bonne et agréable assistance, que nous ayons le liberté d’empêcher le décimateur de percer nos petits domaines, à cause d’une consommation qui cause parmi nous, pour prendre leurs droits.

- ART. 9. Sire, mon Roi, vous avez en France des aides ou commis que les cultivateurs souffrent et frémissent sous leurs yeux ; qu’ils exigent des droits bien mal à propos, au regard de la matière du vin, que personne n’ose en vendre sans payer des droits bien considérables, quoique la vendition se faisait en Angoumois, quoique le Limousin et Poitou et Saintonge et autres ressorts soient exempts, quoique tout appartienne à notre bon Roi, quoique le charroyeur ne faisait que passer un tour de roue. Outre que, dans l’Angoumois, il faut payer un droit bien considérable. Et au regard de la bouilleure, pour faire la réduction de cette matière en eau-de-vie, il faut aller faire une déclaration à un buraliste qui nous fait payer un droit, que nous ne connaissons de quoi il provient, et que si on ne vend point cette même eau-de-vie dans le cours de l’année, il faut encore payer les mêmes droits.

- ART. 10. Enfin, nous demandons à notre bon Roi que si toutes ces grosses impositions que le pauvre menu peuple paye à Sa Majesté, soit taille, imposition militaire, capitation, dixième, et quatre sols pour livre, ne proviennent pas sur le revenu de cultivateur, sans y [ajouter] d’autres droits.

- ART. 11. Sire, mon Roi, nous vous déclarons encore un droit bien mal imaginé pour le pauvre menu peuple. Que si dans une famille, ils sont plusieurs frères ou bien un oncle qui arrivent à décéder, les héritiers ne peuvent point recueillir leur succession sans faire faire une estimation de leur peu de bien qu’ils laissent à leurs dits héritiers, pour payer, dit-on, un droit de centième denier, et que si la prescription vient au délai de trois mois, on paye le triple.

- ART. 12. Sire, mon Roi, ceux qui seraient daignent de s’humilier volontairement devant vous pour vous faire à connaître toutes nos misères ; au lieu qu’un riche se trouve à son aise et a consolations, il regardera toujours à détruire le pauvre menu peuple ; jamais il ne fera part de la grande misère et l’accablement du pauvre menu peuple ; si notre bon Roi voulait bien permettre à son menu peuple, comme vous avez fait vos déclarations, d’accepter la lumière du petit peuple, ils vous feront à connaître toutes leurs misères, en observant la vérité, jamais de suppositions, soit par bouche ou par écrit.

- ART. 13. Sire, mon Roi, bien de tristes travaux qui se font par des entrepreneurs qui font entendre à Sa Majesté que ces travaux sont bien utiles, qui est une partie de la ruine de la France, principalement les travaux sur l’eau qu’on a voulu continuer dans des pays que jamais ils ne peuvent y réussir ; que ces entreprises sont l’auteur d’une perte considérable, tant par la consommation des terres que par l’abattement des arbres. En un mot rien de plus triste et de plus cruel et plus misérable au monde. Que ces mêmes travaux ont été jusqu’au point nommé Vars, en ayant fait la démolition, quoique bien servant à l’utilité du peuple pour passer et repasser, non pas à la navigation des entreprises ; la démolition faite, et la reconstruction bien avancée, on avait fait faire des bâtardeaux en forme de planches pour l’utilité du peuple pour aller et venir à leurs affaires.

- ART. 14. Quoique, un jour de foire de Vars bien renommée, le sieur entrepreneur, pour avancer encore plus sa fortune, fait ôter cesdits bâtardeaux pour empêcher le peuple d’y passer, fait mettre un homme avec un bateau pour passer et repasser le peuple et en même temps d’exiger une somme de chacun, de façon quelconque que environ les trois heures du soir, on entra dans ce bateau trois ou quatre paires de bœufs et environ cinquante hommes et femmes, de façon que le bateau se plongea à fond [et] que la majeure partie de ce peuple se noya.

- ART. 15. Sire, mon Roi, ces entrepreneurs cherchent plus leur fortune que celle de Sa Majesté, car aujourd’hui on ne voit point de fortunes plus brillantes que les gens de cet état, sans oublier tous ceux qui sont au proche de Sa Majesté ; ils font des richesses immenses aux dépens de Sa Majesté ; ils imposent au pauvre menu peuple des impositions si grosses qu’elles s’élèvent bien au-dessus de sa force : en un mot le pauvre menu peuple ne peut, à défaut d’argent, payer le receveur ; ils ont des huissiers exprès, en envoient chez les cotisés ; ils font des frais considérables ; en un mot ils enlèvent tout ce qu’ils ont dans leurs maisons, soit meubles meublants et couchettes, grains, vins et autres choses qui sont pour leur subsistance ; ils font une vendition de tous ces petits objets ; enfin les sommes qui se lèvent ne font que paver leurs frais, et les impositions si fortes restent toujours à payer. Voilà ce qui est l’auteur de la ruine entière du pauvre misérable.

- ART. 16. Sire, mon Roi, votre pauvre menu peuple vous fait encore à savoir qu’il est dans une génation affreuse ; que sa faim ôte toutes bonnes inclinations pour la cultivation des terres, au regard de la culture et le produit et la production que donne la terre ; que si le peuple en servent à Sa Majesté ses droits, c’est en vain. Si dans un domaine qui appartient à un pauvre misérable, que par le soin qu’il a eu de sa bonne cultivation, il fait une élève d’arbres, et que par son élévation il arrive un jour qu’il a besoin d’un arbre pris dans son domaine, Sire, mon Roi, nous vous faisons à savoir que nous ne pouvons pas l’abattre sans faire une déclaration aux gardes particuliers, et sans un droit mal imposé et payé.

- ART. 17. Sire, mon Roi, bien malheureux que nous sommes dans l’Angoumois au respect de la Saintonge qui avoisine l’Angoumois. Il y a Vars et Anais qui nous joignent, et principalement celle de Vars qui est une paroisse bien produisante sur toutes sortes de fruits, vin, grains et principalement le foin, car c’est la paroisse la plus fournie de prés de tout notre pays. En conséquence de quoi, les deux paroisses ci-dessus expliquées payent à Sa Majesté aux environs de 8,000 livres ; tandis qu’une pauvre misérable comme la nôtre, qui appartient au même prince, en paye environ à Sa Majesté 36,000 livres. Sire, mon Roi, il n’est pas étonnant, si vous voulez bien permettre de vous dire, qu’un subdélégué, autres fois, avec le sieur Poutier, qui ont dans la paroisse de Vars au moins 400 journaux de possessions, payent à Sa Majesté aux environs de quarante livres.

- ART. 18. Sire, mon Roi, nous vous demandons, si Votre Majesté veut bien l’ordonner, que nous ayons connaissance pour faire nos rôles, sans avoir aucune satisfaction de notre bon prince, [de] rien de ce qu’il jugera à propos, [mais] non pas des subdélégués et intendants qui font la ruine totale en France.

- ART. 19. Sire, mon Roi, et au regard de vos receveurs d’Angoulème, ils causent une ruine entière en Angoumois. Ils ont leurs sergents qu’ils envoient chez le pauvre menu peuple pour l’écraser en frais. Sire, mon Roi, si vous voulez bien permettre de vous dire que dans vingt-un jours, les collecteurs ont eu deux journées, le sergent qu’il faut le payer [et] nourrir bien gracieusement, et même qu’il a un cheval qu’il a pour se servir qu’il faut aussi le nourrir. Nous demandons à Sa Majesté si tous ces objets ne sont pas une cause de la ruine de la France.

- ART. 20. Nous demandons à Sa Majesté que tous soient taxés suivant leur étendue de fonds, soit disant nobles ou privilégiés ; en un mot, nous demandons que notre bon prince ordonne l’égalité. Il est juste que ceux que possèdent les fonds payent les droits royaux, car enfin nous connaissons que le menu peuple ne possède rien en comparaison de la noblesse et [des] privilégiés. Ces derniers ne pavent rien à Sa Majesté ; au contraire, ils retirent des pensions de Sa Majesté, qu’ils se disent au service du Roi. Bien loin, ils sont plus nuisants que faisant le bénéfice du prince, tandis que les pensions sont [en] partie l’auteur que les trésors de notre bon prince sont démunis. Ils ne servent pas plus le prince que le menu peuple, ou encore moins que ce dernier.

- ART. 21. Nous demandons aussi que tous gens de charges et professions, c’est-à-dire avocats, procureurs, notaires et sergents soient taxés par une loi, que le Tiers état ait connaissance des écritures qu’ils sont obligés de faire chacun en leur état, et principalement s’ils sont obligés de quitter leur domicile pour aller aux affaires de campagnes.

- ART. 22. Qu’il soit fixé une somme à la distance des lieux, aux avocats pour leur consulte, aux procureurs pour leurs pièces, aux notaires pour leurs contrats, obligations et quittances, aux sergents pour leurs assignations, chacun à leur égard de ce qu’ils auront écrit de rôle de papier, de façon que chaque affaire se décide dans l’an, sous peine de punition.

La publication du Roi de ses édits étant faite le dimanche à l’issue de la messe paroissiale, aussitôt on fut obligé de s’assembler jusqu’à dix heures du soir pour se représenter le mardi sans faute, pour nommer les députés ; l’affaire était si pressante qu’on n’a pas eu le temps de déclarer toute notre misère. C’est l’auteur que nous avons pris la liberté de faire passer la présente par devant M. de Necker, directeur général.

A M. de Necker, directeur général, à son hôtel à Versailles, nous nous humilions et l’acceptons tous avec une bonne et heureuse santé ; nous prions Dieu pour Vos Grandeurs.


[1Champniers, aujourd’hui commune du deuxième canton d’Angoulème ; en 1789, sénéchaussée, châtellenie, élection et diocèse d’Angoulème, archiprêtré de Vars. — Sur sa situation économique, voir VIGIER, p. CXLI, et le rapport du subdélégué Du TILLET (1750), Arch. dép. Charente, C. 164. — Paye en 1789 : 11,725 livres en principal de taille, 7,900 livres d’accessoires, 6,555 livres de capitation, 12,761 livres de vingtièmes.

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