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Les Mémoires d’Hippolyte Joly d’Aussy - 1ère partie

jeudi 17 janvier 2008, par guydelarade, 1426 visites.

Mon ancêtre, Hippolyte Joly d’Aussy est né à Pellouaille commune de St Jean d’Angély, le 6 janvier 1790.
Vers la fin de sa vie, sollicité par ses enfants, il décida d’écrire ses mémoires, que je retransmets aujourd’hui. Celui-ci mentionne de nombreuses familles de Saint Jean, avec bien souvent des indications généalogiques (numéro entre parenthèse). A droite, portrait de mme de Boufflers née de Campet de Saujon.

Le Marquis de Saujon.

Il s’agit là d’une histoire concernant Jean-Alexandre de Campet de Saujon, ayant épousé en 1786, Marie de Caire.

- J’ai déjà dit un mot de M. de Saujon lorsque j’ai parlé de la famille de Campet.

- On a vu que son père avait été capitaine de vaisseau, et que lui au lieu de servir dans la marine avec avantage, était entré dans l’infanterie. Il est probable que la terre de Nachamps, ou il était né (34) n’était pas d’un produit considérable, car il fût admis à l’école militaire, avantage qui ne s’accordait qu’à la noblesse peu favorisée de la fortune.
Il en sortit avec la pension de deux cents livres, (je crois) accordée à chaque élève, et avec la croix de saint-lazare.
Il était très instruit ; avait fait de bonnes études, était fort en mathématique, savait la langue Allemande de manière à l’écrire et à traduire tous les auteurs, avait une écriture superbe et l’esprit sérieux. Il n’était point gai en société et avait même une certaine lenteur d’intelligence qui le mettait en retard de plusieurs minutes avec une repartie ou une plaisanterie qu’on avait déjà oubliée lorsqu’il en riait. Bien fait, ayant une tournure militaire, mais une figure commune et d’un jaune de safran. M. de Saujon fût très bien accueilli dans toutes les villes ou il fut en garnison. Il affectait de se livrer à des excentricités dont il ne s’est jamais départi et qu’il s’étudiait à varier à l’infini.

- Il commença par vouloir changer son nom : il s’appelait de Campet de Saujon, et pendant plusieurs années il signa le chevalier de Saujon Campet, cette inversion était ridicule et rien ne pouvait la justifier. Le marquis de Saujon, colonel du régiment d’Orléans, infanterie étant mort de la petite vérole, le dit chevalier s’empressa de s’affubler du titre de cousin, sans qu’une terre eût été érigée en marquisat sous son nom ; mais ces exemples de dérogations aux règlements sur cette matière étaient fréquents alors, M. de Saujon était d’une famille assez ancienne pour se permettre cette qualification.

- Il n’était pas naturellement courtisan et quoique son avancement dépendit, en partie, de sa cousine la comtesse de Boufflers, il ne voulait s’astreindre à aucun acte de complaisance envers elle, aussi elle ne l’aimait pas du tout, mais elle le prit en haine, quand il s’adjugea le titre de marquis de Saujon. Elle le fit venir et lui dit : j’ai tendrement aimé mon frère sa perte m’a été si sensible que toutes les fois qu’on vous annonce maintenant dans mon salon, je sens redoubler ma douleur.
Je vous conjure de vous faire appeler comte, Vicomte, ou baron, et se saurai reconnaître un pareil acte de déférence.
Mme, répondit flegmatiquement M. de Saujon, votre observation ne fait que m’encourager à conserver le titre que j’ai pris.C’est pour honorer la mémoire de mon cousin et faire voir que je lui appartient de très près. On conçoit qu’une résistance si inconcevable et si impolitique exaspéra la comtesse contre lui à un tel point qu’elle ne le recevait qu’une ou deux fois par an chez elle, tandis que mon père y passait sa vie, pendant ses séjours à paris, obtenait des gratifications et était porté pour devenir commissaire principal.

- M. de Saujon se maria à neuf brisack, avec mademoiselle de Caire, fille d’un colonel du génie.
Il eût une fille (35) et un fils.
Il avait conservé des relations d’intimité avec mon père, et il vint, à la fin de 1789, lui faire une visite à Pellouaille. Il avait vendu sa propriété de Nachamps, à la mort de son père, et ne possédait plus rien à Saintonge.

- M. de Saujon, voulant placer la dot de sa femme, eût l’idée d’acheter une terre ; celle des églises d’Argenteuil appartenant à M. Normand-Dufié était à vendre ; il fut le trouver et le marché se conclut. M. Dufié garantit une quantité de journaux déterminée, telle qu’il les avait reçus en partage. M. de Saujon exigea que le domaine fut arpenté. M. Dufié y consenti, en mettant pour clause expresse que s’il se trouvait des journaux de surplus, M. de Saujon les paierait en sus. Celui-ci refusa, et le marché manqua. On voit quelle était la bizarrerie de son caractère.

- J’en fournirai une nouvelle preuve, en disant que passant d’un régiment d’infanterie dans les dragons de Boufflers, il eût le soin de se faire un uniforme complet de capitaine d’infanterie, pour montrer, disait-il, de quel régiment il sortait. Il était marié depuis deux ans à peine, à l’époque de son voyage à Pellouaille, et ne paraissait pas très attaché à sa jeune femme ; il passa philosophiquement chez mon père vingt mois, en annonçant son départ chaque semaine.

- Le domestique qu’il avait amené de paris fit les plus grands efforts et exposa sa vie pour sauver le malheureux Latierce (36) qu’il avait emporté sur ses épaules et qu’il aurait fait disparaître, si la porte d’une maison n’avait pas été fermée. M. de Saujon rejoignit enfin sa femme à paris, et là, vont commencer des aventures qui ne dépareraient pas un roman.

- Il s’était montré, en Saintonge, royaliste exalté et ennemi de toute innovation politique. Il ne tarda pas à devenir orléaniste, et à mesure que le gouvernement royal perdait de la force, M. de Saujon pactisait avec les novateurs. Il ne fit jamais jacobin, mais ses idées s’étaient tellement modifiées qu’ayant avantageusement spéculé sur les assignats avec la dot de sa femme, il fut en mesure d’acheter la belle abbaye de Beaupré, (37) près de Metz, terre d’un revenu considérable et dont les bâtiment étaient vastes et superbes.

- Les tombeaux des ducs de lorraine, de la maison de Habsbourg étaient dans la chapelle de Beaupré. M. de Saujon écrivit à l ‘empereur d’Allemagne qu’il eût à faire prendre les cercueils de sa famille, attendu qu’il voulait faire abattre la chapelle ou ils étaient. L’empereur obtint un sauf conduit de la convention nationale, et des chariots escortés par des hussards autrichiens, vinrent enlever les cercueils. M. de Saujon se livra à son goût pour l’agriculture dans cette belle solitude, mais l’acte relatif aux cercueils lui avait nui dans l’opinion publique.

- En ce temps, un des amis de M. de Saujon vint le voir, admira les bâtiments de Beaupré et la riche culture de cette terre. Comme il vantait le bonheur du propriétaire, M. de Saujon lui dit que la maison était trop vaste pour lui et sa famille, et qu’il songeait à vendre Beaupré pou se rapprocher de paris. Là dessus le voyageur prend feu et lui propose en échange une bonne terre patrimoniale, près d’Abbeville, rapportant dix mille francs de rentes. Il est probable qu’il parvint à le lui prouver, ou que M. de Saujon s’en rapporta à sa parole ; le fait est que l’échange eût lieu. M. de Saujon partit aussitôt pour prendre possession de son nouvel immeuble, et il fut extrêmement mécontent de trouver une maison délabrée, dans un site fort peu agréable. On ne délibéra pas longtemps pour se décider à vendre la terre patrimoniale. Le séjour de paris était cent fois préférable. Il était même indispensable pour l’éducation des enfants, d’ailleurs les revenus étaient encore plus considérables en plaçant le prix de vente dans les fonds publics.

- Ce brillant projet fut immédiatement mis à exécution. M. de Saujon s’installa à paris, et comme l’argent était commun par suite de l’agiotage sur les mandats du trésor, il avait touché ses fonds et commença à acheter de beaux meubles et à jouir de son aisance. Il se disposait cependant à placer les deux cent mille francs qui lui restait, lorsqu’un M. de Lavit, (38) qu’il avait connu vint lui proposer de les lui emprunter. On le disait possesseur d’une fortune de trois millions, en fonds de terre, sur lesquels il en devait douze cent mille. M. de Saujon, en homme prudent, lui dit qu’il voulait qu’il lui vendit pour deux cent mille francs de propriétés, qui resteraient à lui, M. de Saujon, si le remboursement de lasomme avancée n’était pas effectué.

M. de Lavit accepte ses propositions, et emporte la somme en or et en billets de banque, mais M. de Saujon, si circonspect pour l’avenir, aurait du manquer aux égards qu’il devait à son ami, en lui demandant provisoirement un billet, ou une simple reconnaissance de deux cent mille francs.

- On convient, en se séparant, de passer le contrat le lendemain, et de partir le surlendemain pour Luçon ; c’était dans cette partie du Poitou qu’étaient situées les terres de M. de Lavit. Le lendemain M. de Saujon est exact au rendez-vous, mais M. de Lavit a passé une mauvaise nuit et il ne se lèvera pas de la journée. Le lendemain M. de Lavit est plus malade ; il s’obstine à prendre une médecine, et le lendemain il était mort. M. de Saujon se présente comme créancier de 200 mille francs. On lui demande ses titres. Il n’en a aucun, et il est évincé. Il est impossible de trouver la moindre note relative à cette affaire. Mme de Lavit se rappelle seulement que son mari lui a dit qu’il savait que M. de Saujon avait des fonds à placer et qu’il pourrait les prendre. Les comptes de la maison Lavit étaient fort embrouillés.
Il y avait un tel désordre, et un tel mouvement d’argent qu’on ne reconnut pas qu’un versement considérable avait été fait à la caisse de M. Lavit qui était banquier.

- Ce vague souvenir valut à M. de Saujon quelques faibles secours, lorsque la succession fut liquidée. Comme les bons Poitevins surent que Mme de Lavit était obligée de vendre, ils eurent la charité de s’entendre pour acheter les terres à la moitié de leur valeur, et cette fortune colossale revint à des proportions fort ordinaires. M. de Saujon, d’un caractère froid et apparemment philosophique, supporta avec fermeté ce revers inouï. Il ne lui restait pas peut-être mille francs. Il vendit ses meubles, son argenterie, et malgré ces ressources, sa blanchisseuse à qui il devait une somme considérable lui retint son linge.

- Mon père le retrouva à paris en 1800, à l’hôtel de la fraternité (ci-devant de l’empereur), rue de Fournon. il était alors dans un grand dénuement. Il avait réussi précédemment à être aide de camp du général Kellerman (qui devint maréchal et duc de Valmy), mais il avait mis pour condition qu’il ne tirerait pas l’épée contre les rois de la coalition, attendu qu’il croyait qu’ils soutenaient secrètement la cause de la maison de Bourbon, et qu’il était leur serviteur dévoué.

- Le général promit de ne l’employer que pour sa correspondance, et il s’en tirait à merveille ; mais ordinairement, au dessert, le général trouvait au fond d’un verre de vin de champagne des bouffées d’un patriohosme exalter et reprochait à son aide de camp d’être un aristocrate. M. de Saujon rappelait leurs conventions, et finissait par offrir sa démission. Le général allait fumer sa pipe. Le lendemain matin M. de Saujon ne paraissait pas au déjeuner. Le général l’envoyait chercher, lui frappait sur l’épaule, en riant, et à dîner la discussion recommençait.

- Ce manège dura environ un an, et au bout de ce temps, M. de Saujon n’attendit pas le déjeuner et déguerpit un soir, restant sourd le lendemain aux messages du général. Il fut ensuite sous-gouverneur des pages de l’empereur et fut renvoyé pour avoir été trop sévère. Il trouva des ressources dans une découverte qu’il fit d’ordonnances militaires des Rois de France, de toutes les races, qu’il traduisait du latin, du vieux allemand, du vieux français et il se faisait ainsi par un travail assidu, un revenu de mille à douze cents francs qui lui étaient payés par le ministère de la guerre.

- Mon père avait mené M. de Saujon chez M. Regnaud qui avait paru prendre intérêt à sa position il lui avait promis un emploi convenable. Une circonstance bien malheureuse empêcha l’effet de ce bon vouloir. M. de Saujon avait été prié à un ballet il s’y rendit. Il passa dans la salle de jeu, et comme il ne pouvait être acteur, il s’y endormit profondément. Les joueurs ayant levé la séance, il resta seul pendant quelques minutes et une montre accrochée à la cheminée disparut. Il se retira de bonne heure, sans assister au souper, et M. de Regnaud eut la malheureuse idée que M. de Saujon avait pris la montre.

- Mon père s’efforça de lui ôter cette pensée, mais inutilement. Il ne pouvait en parler à son cousin qui aurait été insulter publiquement par M. Regnaud, mais la porte du conseiller d’état lui fut fermée, sans qu’il en sût la véritable raison.

- Mme de Saujon avait dû être bien ; elle avait de l’esprit, de l’usage du monde et des qualités fort essentielles. Elle avait eu surtout celle de se conformer sans trop murmurer, a sa triste position. Son fils, enfant charmant que mon père avait connu, avait été élevé par son père à la Jean-Jacques, et son père l’envoyait sous la gouttière, pour se fortifier, lorsque l’eau tombait par torrent. Ce régime lui procura une fluxion de poitrine qui l’emporta. Sa sœur, nommée Auguste, était d’une santé détestable, elle avait de l’esprit, mais elle cherchait trop à le montrer. Elle réussit dans la peinture, et devint surtout une musicienne de seconde force. Elle se fit des ressources de son talent, et pendant plusieurs années elle avait 4 mille francs du couvent de l’Abbaye-aux-Bois.

- J’ai vu M. de Saujon, pour la première fois, le premier juin 1806. il me reçut avec infiniment de bonté et d’amitié ; j’étais alors élève à l’école polymathique. Ma cousine dessina mon portrait (39) au crayon, voulut le garder, et me fit promettre de le redemander si je lui survivais, et j’ai tenu fidèlement ma promesse. M. de Saujon logeait rue du faubourg saint Denis, en 1806 et sa position était alors fort malheureuse. Je l’ai revu en 1810, rue des saints Pères, numéro 61, et il recevait à cette époque, tous les lundis, une assez brillante société. J’y fus présenté au comte Tascher, sénateur, cousin de l’impératrice Joséphine. En 1814, mon père fut reçu avec une vive affection par ses parents.

Ma cousine avait obtenu de la famille d’Orléans une pension de 400 francs. En 1816 et en 1818, la société du lundi était moins nombreuse ; je ne manquais pas cette soirée, et je dînais ordinairement chez M. de Saujon qui aimait beaucoup à parler de saint Jean-d’Angély.

- Il est mort en 1819. Sa femme vit ses ressources décroître, et à la suite d’une grave maladie elle mourut en 1825.

- Par une singulière circonstance, la famille Jaquemet et allait s’établir à Paris pour y chercher fortune. J’écrivis à Auguste de Saujon par madame Jaquemet (40). Cette malheureuse orpheline trouva une vive sympathie en cette dame qui venait de perdre son mari. Elles pleurèrent ensemble, et leur connaissance devint bientôt intime. La santé de ma cousine déclinait rapidement et Mme Jaquemet prodigua les plus tendres soins à la pauvre malade qui expira entre les bras de cette excellente mère de famille, qui m’écrivit une lettre ou elle m’annonçait avec une vive sensibilité la perte d’une personne éminemment bonne, spirituelle et vertueuse et qui a eu bien peu de moment de bonheur sur la terre.

- On voit que la vie de M. de Saujon a été remplie d’incidents très romanesques. On peut y remarquer de graves inconséquences, mais sans la révolution, il allait passer colonel et serait devenu général. Les évènements politiques ont développé son caractère, et il est vrai de dire qu’il leur a souvent opposé un calme stoïque, sans se flatter d’espérances mensongères que l’avenir ne devait pas réaliser.

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