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Les anciennes forêts de l’Angoumois, de la Saintonge et de l’Aunis

lundi 24 mai 2010, par Pierre, 2352 visites.

La reconstitution du paysage au temps des Gaulois est un exercice un peu périlleux. L’auteur de cet article évite les écueils, en faisant appel aux ressources de la toponymie et des anciennes chartes. Il dit dans son introduction avoir renoncé à dessiner des cartes. Dommage : cela aurait aidé le lecteur à mieux appréhender le sujet.

Source : Les forêts de la Gaule et de l’ancienne France - L.-F. Alfred Maury - Paris - 1867 - Google Books

Voir aussi, sur le thème des anciennes forêts :
- 1726 - Les bois et forêts d’Angoumois, par Jean Gervais, lieutenant criminel à Angoulême
- La forêt d’Argenson entre Santons et Pictons, histoire d’une disparition

Gouvernemens généraux du Poitou, du pays d’Aunis, et de Saintonge-Angoumois
par le Sr Robert de Vaugondy - 1753 - BNF Gallica

Anciennes forêts de l’Angoumois, de la Saintonge et de l’Aunis

Lorsque le voyageur quitte le Limousin et s’avance vers l’ouest, il voit le pays s’abaisser et la végétation arborescente se rapprocher davantage du caractère qu’elle présente plus au nord.
L’Angoumois, célèbre par ses belles forêts de chênes, avait conservé, jusqu’au milieu du siècle dernier, d’épais ombrages. La raison en est que dans cette province le sol forestier n’avait point été morcelé entre les communes. Il n’y existait que des forêts royales ou seigneuriales. Toutefois ces forêts, mal tenues et mal exploitées, ne demeurèrent pas tout à fait ce qu’elles avaient été au vieux temps [1]. L’édit de mars 1514 [2], relatif à la forêt d’Angoulême, nous montre que cette forêt avait encore à cette époque une grande importance. Un peu plus tard, en 1580, la forêt de la Braconne, qui se trouve au nord-est de cette ville, est représentée comme une des plus vastes de l’Angoumois. Sa superficie était alors évaluée à 14,500 journaux de terre [3]. En 1778, elle contenait 10,300 arpents (à la perche de 22 pieds). Mais, à cette époque, les besoins de la marine et de la forge de Ruelle y firent faire des coupes inconsidérées.

On aurait, suivant un statisticien [4], une idée assez juste de l’état forestier de cette province, avant l’époque des armes à feu, en se la représentant comme un archipel de forêts ; ces forêts étaient la propriété d’une trentaine de châtelains qui relevaient des comtes d’Angoulême ; là vivait toute une population sylvaine qui les défricha peu à peu et les sema en froment. Ces défrichements se multiplièrent surtout aux XIVe et XVe siècles, et la découverte de l’Amérique ayant donné une grande activité aux ports de l’Aunis, du Médoc et de la Saintonge, de nombreux navires y furent construits aux dépens des forêts angoumoises. L’histoire de quelques-unes des anciennes forêts de cette partie de la France peut encore être établie.

Généralité de La Rochelle : carte du bois

Dans son rapport sur la Généralité de la Rochelle (1699), l’intendant Michel Bégon indique les paroisses où la production de bois est significative.

Le Moyen-Age est déjà lointain, et la forêt primitive a laissé aux défricheurs une part importante de sa surface.

Carte dessinée par Christian.

Voir : 1699 - Cartographie des productions la Généralité de la Rochelle d’après le Mémoire de l’intendant Bégon

A quatre lieues au sud d’Angoulême, s’étendait, à la fin du XIIe siècle, une forêt dite Gros-Bois, qui valut son nom à l’abbaye qu’on y fonda à cette époque (Sancta B. Maria de Grosso-Bosco) [5]. En moins de deux siècles, ce Gros-Bois ou, comme on disait dans le dialecte de la province, ce Gros-Bos, avait été tellement défriché qu’il se trouvait fractionné en cinq forêts ou bois, à savoir : la forêt de Horte, celle de Dirac, celle de Bois-Blanc, les bois de Veuil et de Torsac. Divers noms de lieux indiquent que ces forêts, maintenant fort réduites, présentaient originairement une beaucoup plus grande superficie [6]. La forêt de Horte notamment a dû s’étendre jusqu’au bord de la rivière de Bandiat [7].

II est à supposer que dans le principe cette grande forêt allait se rattacher à celle de la Braconne, située plus au nord et qui, comme je viens de le dire, demeura longtemps l’une des plus importantes de l’Angoumois. L’inspection de la carte donne à penser qu’elle était originairement bornée à l’est par la Tardoire, car divers noms de lieux qu’on rencontre dans cette direction, rappellent la présence d’anciens bois.

Au nord de La Rochefoucauld jusqu’à la Sonnette et au cours supérieur de la Charente, se présentent une succession de petites forêts, débris de la marche forestière qui servait de limite méridionale au pays des Pictaves. On y distingue les forêts de Quatrevaux et de Belair, que sépare la Dronne.

D’autre part, l’ancien pays des Petrocorii était séparé de l’Angoumois par une grande marche forestière, maintenant déchiquetée en une foule de tronçons, à savoir : les grands bois de la Roche-Beaucourt, déjà très-éclaircis au siècle dernier, et qui devaient englober dans le principe les bois de Beaussat et de Rudeau, de façon à former une forêt continue qui s’avançait jusqu’à la rivière de Bandiat ; les petites forêts de Saint-James et de Paussac, situées au nord-est de Bourdeilles, et celle de Mareuil qu’on trouve plus au nord.

Dans la Saintonge existaient également quelques larges lambeaux de l’antique manteau forestier qui le recouvrait au temps des Gaulois.

La forêt de Saintes (Santonae sylva) était très-importante au XIIe siècle ; une charte curieuse de l’an 1129 nous fait connaître en partie les limites du territoire qu’elle occupait alors [8]. Par cette charte, Guillaume VIII, comte de Poitiers et duc d’Aquitaine, abandonne aux moines du nouveau monastère de Poitiers tout ce qu’ils réclamaient dans la forêt de Saintes [9]. Le canton revendiqué par les religieux commençait à la Croix-de-Tirmorins en suivant Pont-1’Abbé (Ponte Labium) ; il allait de la source de la Croix-aux-Seguins par la carrière jusqu’au Palet (Paletum) ; longeait les terres cultivées et le chemin qui conduisait à Maleville (Malavilla) jusqu’aux confins de la Fraignée, et à la paroisse de Saint-Georges-aux-Cousteaux, près des fiefs de la Loubatre et de la Béraudière, s’avançant jusqu’à un endroit désigné sous le nom d’Enseigne-Blanche ou de Marque-Blanche, puis revenait au fief Baudouin, auquel est assignée une étendue de 30 journaux de terre, pour atteindre ensuite la route de Saintes à Pontl’Abbé. Ledit canton forestier longeait cette route jusqu’à la fontaine Boudard et à Boutiraud [10], d’où elle allait rejoindre la Croix-de-Tirmorins.

Lorsqu’on suit sur la carte cette description topographique si minutieuse, on voit que la forêt s’étendait surtout à la droite de la route de Saintes à Rochefort. Toute la partie comprise entre Pont-1’Abbé, Saint-Georges-aux-Cousteaux (aujourd’hui Saint-Georges-des-Coteaux) et Saintes, n’offre d’autre trace de bois que de très-maigres bouquets d’arbres. Des localités du nom des Essarts, de Grand-Breuil, de Petit-Breuil, de la Forest, du Chail (ou Chaillot, c’est-à-dire « bois tombé »), du Gros-Chêne et de Freuche (c’est-à-dire, « lieu défriché »), annoncent encore l’emplacement de bois qui ne sont plus.

Les indications contenues dans la charte de Guillaume VIII permettent de rétablir avec une assez grande approximation la ligne de pourtour de la forêt ; car on y trouve mentionnés divers lieux-dits ayant conservé jusqu’à ce jour leur nom, sauf de légères altérations. La Croix-aux-Séguins doit être la localité située au sud-est de Saint-Michel-de-la-Nuelle, qui porte actuellement le nom de La Croix. En effet, on rencontre à son voisinage un endroit appelé La Séguinière, nom qui indique qu’on est là sur l’ancien domaine des Séguins. Palet a gardé son nom ainsi que La Fraignée. Les fiefs de la Loubatre et de la Béraudière doivent être incontestablement identifiés aux lieux dits dans Cassini, la Loubatière, situé au nord-ouest de Saint-Porchaire, et la Brodière. Boutiraud, qu’on écrit aussi Boutireau, n’a pas changé d’appellation. La Croix-de-Tirmorins est vraisemblablement l’autre localité du nom de La Croix, sise à l’est et tout près de Saint-Porchaire.

Cette forêt de Saintes, ainsi limitée au nord, devait renfermer, au sud, la forêt actuelle de Corme-Royal, qui dut elle-même s’avancer anciennement jusqu’au lieu appelé la Forest, entre Corme-Royal et la Clyce, et se rattacher aux débris de bois qu’on voit au nord de Nancras. Saint-Thomas-du-Bois marque un autre point septentrional jusqu’où s’élevait la forêt de Saintes dont le bois de Sainte-Radegonde est sans doute un débris. Il est probable que cette forêt allait rejoindre, dans le principe, celle de Mortagne, par le bois de Chatenay encore subsistant.

Nous trouvons en Saintonge, mentionné, au XIIe siècle, un autre bois, celui de Sanzel (boscus de Sanzelia), qui fut un objet de contestation entre le sénéchal Rodolphe et l’abbé d’Oléron [11]. Ce bois n’existe plus aujourd’hui.

L’Aunis dont le territoire fait maintenant partie du département de la Charente-Inférieure renfermait, à la fia du XVIe siècle, quelques forêts importantes, entre lesquelles il faut citer celle d’Aulnay, dont j’ai déjà parlé ci-dessus. Dans l’arrondissement de La Rochelle, la forêt de Benon est le seul débris de l’ancien vêtement forestier de la province. De vastes clairières dénotent l’extrême étendue qu’elle a jadis occupée [12]. Une portion de la forêt qui entourait le bourg de Benon, fut donnée, en 1135, à Bernard, abbé de Clairvaux, pour y fonder un monastère qui reçut le nom de la Grâce-de-Dieu ou la Grâce-Dieu [13]. Une charte de 1189 désigne comme appartenant à la forêt de Benon le canton compris entre le chemin de Mauzé à Cramahé et celui de Lalaigne à Benon [14], lieu maintenant tout à fait défriché, et qu’occupait, en 1839, une sucrerie [15].

Les forêts de la Saintonge et de l’Aunis durent se lier naguère aux forêts de l’Angoumois, notamment à celles de Cognac et des Ombrets. La forêt de Cognac, maintenant réduite à un faible bois fort démantelé, formait, dans le principe, l’une des parties méridionales de la forêt de Jarnac, distante de la ville qui lui donne son nom, de plusieurs lieues [16]. Il y a là un indice que la forêt s’avança primitivement jusqu’au voisinage de Jarnac. Et en effet, l’inspection de la carte fait voir que cette forêt a été naguère très-étendue [17]. Elle descendait jusqu’à la Charente, entre Jarnac et Cognac, allait se rattacher, à l’est, à la forêt de Marange [18], et, à l’ouest, à un bois ou une forêt qui ombrageait le canton situé entre l’Anteine et la Charente [19].


[1Voy. ce que dit l’ingénieur Munier dans son ouvrage intitulé : Essai d’une méthode générale pour étendre la connaissance des voyageurs, t.1, p. 280, 469. (Paris, 1779.)

[2Voy. Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XII, p. 30.

[3Dusrues, Antiquités de la France, 2° édition, p. 394, et Munier, Notice sur la forêt de Braconne, dans l’ouvrage cité t. II, p. 435.

[4Quenot, Statistique de la Charente, p. 375.

[5Gallia christ, t. II, col. 1048. Eccles. Engol.

[6Ainsi, au nord du territoire de l’ancienne abbaye, on trouve un lieu nommé les Essarts. Au sud de la forêt de Horte, dans une partie toute déboisée, sont deux localités appelées Bois-Verdun et la Forêt-de Laurière. Entre cette même forêt et celle de Dirac, est un village nommé Bouex.

[7Entre la forêt de Horte et la rivière Bandiat, on rencontre, au sud Souffraignac, une localité nommée la Grande-Forêt, et des lieux portant les noms de Grand-Breuil, Petit-Breuil, Breuil, etc.

[8Cette charte est donnée dans Champollion-Figeac, Documents historiques inédits, tirés de la Bibliothèque royale et des archives et bibliothèques des départements, t. Il, partie II, p. 12.

[9Documents cités.

[10Butiraldus. Nous avons traduit ici en français quelques-uns des noms mentionnés, tels que Ponlelabium, etc.

[11Voy. Historiens de France, t. XII, p. 488.

[12Voy. A. Gautier, Statistique du département de la Charente-Inférieure, part. I, p. 27 et 303. Cette forêt est célèbre par ses charbonnages.

[13Gallia Christiana, t. II, col. 1397. Cette forêt ou plutôt ce bois s’appelait alors Bois-l’Abbé. Voy. Gallia Christiana, t. II, instrum. col. 387.

[14Gall. christ, t. II, instrum. col. 387. La forêt est désignée sous le nom de Foresta de Ariansum. C’est celle qui prit plus tard le nom de Bois-l’Abbé.

[15Gautier, Statist. de la Charente-Infér. p. 40.

[16On trouve, entre la forêt actuelle de Jarnac et la Charente, des localités toutes découvertes, appelées-cependant Bois-Clair, la Grange-du-Bois, le Buisson, Taveau-des-Bois, etc.

[17La forêt devait s’étendre à plusieurs kilomètres au sud de Ségonzac, ainsi que le démontre une foule de noms de lieux qui annoncent tous des bois : le Bois-de-Pressac. Bois-Blanc, Bois-Bajaux, le Maine-Bois, Bois-Clavaux, le Bois, Bois-Charente, la Brousse (la Brosse), Gâtinoux (la Gàtine), les Bois, le Court, le Breuil, le Bois d’Angeac, etc. C’est au centre de cette partie de la forêt que fut fondée, au milieu du XIIe siècle, l’abbaye de la Frenade, dont l’établissement contribua certainement à son défrichement.

[18On rencontre, en effet, entre ces deux forêts, des localités dont les noms sont la trace du cordon d’arbres qui les unissaient autrefois ; citons : le Bois, Bois-Noble, Maine-Bois, la Brousse, les Brandes (lieux défrichés par le feu), etc.

[19Tout le pays au sud d’Escoyeux, jusqu’à la route de Saintes, est semé de petits bouquets d’arbres ou de remises, et dans les intervalles découverts, on rencontre des lieux appelés : Villars-les-Bois, Saint-Brice-des-Bois, La Forest, Richou-des-Bois, La Brousse, Petit-Bois, Le Plessis-Gâtineau, etc.

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