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1774 - Un jeune saintongeais se noie et recouvre la santé grâce aux saignées et aux lavements

vendredi 15 janvier 2010, par Pierre, 591 visites.

La médecine du XVIIIème siècle est un monde étonnant. La saignée, les lavements et quelques remèdes sont la base du traitement. Ici, apparemment, avec un bon résultat. Il faudra encore quelques décennies avant que les thérapeutiques évoluent.
Je n’ai pas su localiser St Sorlin de Taillebourg où la noyade a eu lieu. Les notions géographiques du rédacteur (parisien) sont sommaires (Ile d’Oleron, pays d’Aunis, en Saintonge !)

Source : Détail des succès de l’établissement que la ville de Paris a fait en faveur des personnes noyées et qui a été adopté dans diverses provinces de France - Philippe-Nicolas Pia - Paris - 1775 - BNF Gallica

OBSERVATION sur un jeune-homme resté sous l’eau pendant une heure, & rappellé à la vie.

Le 22 Octobre 1774, un jeune-homme de S. Sorlin de Taillebourg en Xaintonge, nommé Jacques VIEN, âgé de 15 ans, étant au Port de cette Ville vers les six heures du soir, voulut passer dans une barque, au moyen d’une planche qui servoit à cet usage, le pied lui glissa & il tomba dans l’eau ; un autre jeune-homme qui l’avoit appellé à son bord, fit long temps du bruit pour demander du secours, sans pouvoir être entendu ; la Garde, destiné à la sûreté de ce Port, s’en apperçut enfin : on fit beaucoup de recherches sans succès ; ce ne fut qu’environ une heure après qu’on parvint à le trouver comme le courant l’entrainoit au large, suivant passivement le mouvement de l’eau ; les Soldats de la Garde l’en retirèrent & l’apportèrent à l’Hôpital Militaire qui se trouva fermé.

Au bruit qui se répandit de cet accident, j’y courus & le trouvai encore étendu sur le boyard qui avoit servi à le transporter. Je fis ouvrir la porte, & le fis placer dans un lit de bâle d’avoine bien bassiné ; il étoit froid à glacer, la tête, le corps & les extrémités inférieures étoient inflexibles ; les extrémités supérieures avoient un peu moins de roideur, il avoit la face & le col fort enflés & livides, les dents serrées, les yeux fixes & tournés en haut, avoient la prunelle fort dilatée, lss narines étoient remplies d’une écume blanche, froide & fort épaisse ; le bas ventre étoit extraordinairement gonflé, le pouls ne se faisoit point sentir, & on n’appercevoit aucun mouvement de la part de la respiration. On vit, en le déshabillant, que la nature opprimée avoit expulsé les matières stercorales.

Quoique cet état me parut laisser peu d’espoir, je le fis envelopper, & lui fis faire des frictions par tout le corps & aux extrêmités avec des linges bien chauds ; mon premier soin avoit été de lui ôter l’écume des narines, afin de faciliter la respiration ; &, considérant son état comme apoplectique, je jugeai que la saignée à la jugulaire étoit nécessaire. Elle fut faite aussi-tôt, & le sang qu’elle fournit au-delà de ce que j’osois attendre, me flatta de quelques espérances ; je lui fis administrer un lavement fait d’une forte décoction de tabac, qui lui fit rendre par le bas quatre à cinq pintes d’eau : après cette évacuation, le pouls & la respiration commencèrent à se faire appercevoir, la chaleur naturelle se ranima peu à peu, les mouvements des membres devinrent plus libres ; peu de temps après il fut saigné au pied, alors la connoissance revint un peu au malade, mais ne pouvant articuler à cause du gonflement de la langue ; & la tête étant toujours très-affectée, il fut saigné une seconde fois au pied dans cette même nuit ; &, comme le bas ventre étoit encore très-volumineux, je lui fis prendre, dès le matin du 23, deux onces de Manne fondues dans une infusion de deux gros de Senné, ce remède lui fit rendre encore quatre à cinq pintes d’eau par le bas. Après en avoir vomi quelques gorgées, la poitrine paroissant affectée & la respiration fort gênée, je le fis saigner au bras dans le jour, & lui fis donner une infusion pectorale pour boisson ordinaire, & un looch fait avec partie égale d’huile d’Amande-douce & de Sirop d’Althea, à prendre â cuillerée, afin de calmer l’irritaticn qu’avoient occasionnées les parties salines de l’eau de la Mer ; en effet, il en reçut beaucoup de soulagement, le ventre se tint assez libre pour être dispensé de recourir aux lavements, le pouls étoit vif & serré, le malade prit un peu de bouillon, & passa assez bien la nuit du 23 au 24 : ce jour il commença à parler avec assez de liberté ; mais ne se rappellant rien de ce qui lui étoit arrivé ; il se plaignit sur le soir d’oppression & d’un grand mal de tête, il y avoit de la fièvre, &, comme la langue étoit chargée de beaucoup de matières blanches & limoneuses, il fut purgé le 25 avec une pareille médecine que la première, l’évacuation fut très-copieuse, & soulagea beaucoup le malade ; par ce moyen le bas ventre fut rendu à son état naturel : & je distinguai un peu d’obstruction à la ratte ; mais cette indisposition étoit antérieure à cet accident. La nature agit assez bien par les selles & les urines : cependant le 26 il restoit encore un peu d’embarras à la tête, je n’avois pas manqué d’examiner cette partie avec soin, pour reconnoître si, dans sa chûte, le malade ne se seroit pas blessé ; je n’en vis aucune marque, la toux devint plus fréquente ; mais les crachats plus abondants n’étoient ni purulents ni sanguinolents, je fis seulement ajouter aux pectoraux marqués ci-dessus, le suc de Réglisse. Le 27 tout alla bien, la fièvre céda , l’appetit se fit sentir, il lui fut accordé un peu d’aliments solides ; il a été chaque jour de mieux en mieux, les forces se sont rétablies, & le 8 Novembre il est sorti de l’Hôpital en très-bonne santé.

J’ai remarqué que le premier point de chaleur qui s’est manifesté, a été au sommet de la tête, & que les autres parties ne se sont échauffées que lentement & successivement, en proportion de leur éloignement du centre de la circulation, & de l’impression plus ou moins forte des parties frigorifiques de l’eau, quoique l’air fut assez tempéré ce jour-là. M. de la Carre, Lieutenant de Roi, a retiré cet infortuné chez lui, pour achever de réparer ses forces, & le mettre en état d’être utile & de gagner sa vie.

Signé MlLLERET.

A l’Isle d’Oléron, le 19 Novemb. 1774, pays d’Aunis (en Xaintonge.)

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