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1822 - Comment soigner les morsures d’un loup enragé ? par le docteur Magistel

vendredi 5 octobre 2007, par Pierre, 2500 visites.

Ames sensibles, s’abstenir !

Le Docteur Magistel [1] a été confronté en 1822 aux conséquences d’une sauvage attaque par un loup enragé dans la région de Beurlay (17).

Médecin consciencieux, il a eu la bonne idée de noter de nombreux détails dans son cahier.

Pour situer l’état du traitement de cette maladie en 1822, on se rappellera que Pasteur soignera la rage, 63 ans plus tard, le 6 juillet 1885, en vaccinant pour la première fois un petit berger alsacien de 9 ans. En 1822, la rage est une maladie mortelle contre laquelle la médecine reste impuissante.

Voir
- le récit des évènements du 12 octobre 1822.
- la description des symptômes de la rage, par le docteur Magistel

Source : Journal de l’hopital de Beurlay, par le docteur Magistel. – Bibliothèque Municipale de Saintes – MS 68

La cautérisation profonde, et faite à propos, avec toutes les précautions qui assurent que le feu passe partout, et encore le seul et unique moyen sur lequel on puisse bien compter.

Le fer rouge est préférable à tous les caustiques liquides qui ne pénètrent jamais dans les plaies étroites et profondes.

À mesure que le liquide pénètre dans une plaie, les premières parties touchées se contractent, et le liquide ne peut plus entrer ; si l’on veut s’en convaincre qu’on en fasse l’expérience sur des animaux.

Le fer doit être long et très pointu, de la grosseur de la dent des animaux, au moins autant que possible.

Avant de l’introduire il faut sonder la plaie et combien reconnoitre la profondeur et largeur, et bien conduire le faire dans la direction de la sonde.

Il faut avoir plusieurs fers rouges, tous prêts à la fois, pour éviter la lenteur d’une pareille opération.

Pour bien sonder toutes les plaies, il faut les bien connoitre toutes. Ainsi on aura soin de laver et de faire disparoitre tout le sang qui peut cacher des plaies, qu’on découvriroit trop tard, sans cette précaution ; il faut raser les cheveux si on peut présumer que la tête soit offensée. Enfin il est de la dernière importance de s’assurer, par tous les moyens possibles, de toutes les plaies de quelque nature qu’elles soient, sans aucune distinction : la moindre négligence est une faute impardonnable.

Toute plaie susceptible d’être cautérisée par le feu doit l’être sans aucune considération.

J’abandonne volontiers à tous ceux qui se trouveront à ma place le choix des moyens auxiliaires.

Pour moi, je le répète encore, mon unique traitement a été de cautériser les plaies, cautériser les pustules, faire boire la décoction de fleurs de genêts auxquelles j’ai ajouté les sommités qui portent des fleurs.

Tout autre moyen quelconque a été banni sévèrement de ce traitement.

On est venu me conseiller les sangsues, par trentaine, comme un moyen de la plus grande efficacité ; d’autres voulaient de fortes saignées ; quelques-uns les mercuriaux ; ceci les bains ; un autre les spécifiques. Tout cela a été soigneusement écarté pour éprouver, avec la dernière rigueur, le traitement russe, arrêté de Saintes, comme on l’a vu plus haut, et depuis ordonné par Mr. le préfet de ce département.

Je n’ai pas même employé une goutte d’un calmant quelconque, excepté sur Brassaud à qui Mr Douville en donna, comme nous étions convenus, s’ils le jugeoit à propos, dans mon absence.

Voudra-t-on m’objecter que j’ai tort de conseiller la cautérisation, puisqu’elle m’a si mal réussi. Qu’on apprenne par cette fatale circonstance à cautériser sur le champ. Ici M. le préfet n’a pas été instruit à temps ; je ne pouvois donc pas en avoir l’ordre plutôt.

Ne seroit-il pas à désirer que dans pareil cas tout chirurgien ou médecin appelé le premier, le tout Maire instruit de pareils malheurs, fussent contraints sous peine d’être sévèrement punis, d’instruire sans délai et par un exprès les premiers magistrats, qui s’assureroient de suite si le moyen préservatif a été employé à propos et de la manière la plus convenable.

L’exemple trop frappant que j’ai sous les yeux me force même de conseiller à tout gouvernement d’obliger tout médecin, appelé dans un pareil cas, de cautériser sur le champ, et avec le fer rouge, toute plaie susceptible de l’être, et de dénoncer à l’autorité quiconque s’y refuseroit, afin qu’on prenne des mesures pour préserver la société un pareil fléau.

Il ne manquera pas de censeurs qui s’élèveront contre la rigueur de mes conseils ; mais pour les convertir bien vite, qu’on les transporte dans le voisinage d’une personne ainsi blessée, qui n’aura pris aucune précaution pour prévenir le mal, et qui aura la liberté de les voir et de les fréquenter à toute heure.

Je conclus :
- que la cautérisation des plaies et le seul moyen préservatif
- que la cautérisation par le fer rouge est la plus sûre
- que la cautérisation par les caustiques est douteuse et infidèle
- que la cautérisation doit être employée dans le plus bref délai
- que la cautérisation tardive est incertaine et qu’elle doit également être employée
- que le traitement russe me paraît aussi insuffisant que les autres

Suit une analyse critique de l’article russe du tome 12 du journal de médecine de l’année 1821, page 361, dans laquelle le Dr Magistel indique pourquoi il est sceptique sur les résultats déclarés par M. Marochette, qui dit avoir guéri « dix-neuf hydrophobes par la méthode du paysan de l’Ukraine ».

Et le Dr Magistel conclut :

Dans la position où je viens de me trouver, je crois devoir à la société et aux progrès de la médecine mon opinion tout entière sur la cautérisation des plaies. Je pense donc que dans tous les cas, si toutefois cela est possible, le médecin fera bien d’ouvrir toutes les plaies, dans toute leur profondeur, avec le bistouri, de ne laisser aucun trou sans l’ouvrir largement, d’en faire autant de plaies ouvertes dans toute leur profondeur. Cette opération faite, les cautériser toutes, avec un fer rouge, sans aucun ménagement.

Si jamais je suis appelé, rien ne m’arrêtera ; guérir est ma devise ; l’honneur et l’humanité me font un devoir de donner ce dernier conseil.


[1MAGISTEL (Ant. Jean Louis), docteur en médecine, ex-chirurgien aide-major au 5e régiment de ligne, aujourd’hui [en 1833] attaché à l’hôpital militaire du Val de Grâce ; né à Cozes (Charente-Inférieure), le 10 décembre 1803.

- Essai sur les eaux minérales de Bourbonne-les-Bains - Paris – J.-B. Baillière, 1828, in-8 de 72 раg.
- Mémoire sur l’hydrophobie ou Journal de l’hôpital de Beurlay. 2e édit. Paris, Compère jeune, 1824, in-8 1 fr 80 c.
- Notice sur le choléra-morbus sporadique et pestilentiel Paris, l’Auteur, 1831, in-8 de 24 pag.
- Thèse sur l’anatomie et la physiologie de la langue, et expériences sur le système nerveux de cet organe. Paris, 1828, in-4.

On a encore de ce médecin quelques mémoires dans le Journal hebdomadaire de médecine, entre autres sur les maladies des testicules, en 1830

Source : La France littéraire, ou Dictionnaire bibliographique des savants ...- Joseph Marie Quérard – Paris - 1833

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