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1809 - Fouras (17) - La bataille des brûlots à bord du vaisseau "le Patriote"
jeudi 12 juillet 2007, par , 4944 visites.
1809 : le blocus continental par la marine britannique n’est pas une sinécure.
Un important combat naval, connu sous le nom de "Bataille des brûlots" s’engage au large de Fouras, au soir du 11 avril.
Embarquez à bord du vaisseau de Sa Majesté "Le Patriote". Émotions garanties ...
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Résumé de cet épisode de la guerre navale entre la France et l’Angleterre |
Le vaisseau de S. M. Le Patriote commandé par Monsieur Mahé, capitaine de vaisseau
Procès-verbal des évènements des journées des 11, 12 et 13 avril 1809
Aujourd’hui 11 avril an 1809 à bord du vaisseau de S. M. Le Patriote, faisant partie de l’escadre sous les ordres de Monsieur le vice-amiral Allemand.
Nous, capitaine de vaisseau, capitaine de frégate, officiers de l’état-major et maîtres chargés du dit vaisseau assemblés pour dresser le procès-verbal du 11, 12 et 13 avril 1809, attestons la vérité de l’exposé suivant.
Le 11 avril à sept heures du soir, le général fit le signal d’envoyer la 4ème et la 5ème division de la flottille sur l’estacade. A huit heures du soir, avant la nuit, une frégate anglaise et plusieurs embarcations allèrent mouiller dans l’O.N.O. de l’estacade ; dans le même moment nous vîmes appareiller beaucoup de bâtiments d’une flotte qui était mouillée au large de l’escadre anglaise ; nous soupçonnâmes que c’était des brûlots.
Nos canots partirent à 8 heures pour se rendre sur l’estacade et le commandant ordonna le branle-bas de combat à 8 h 1/2, les vents du N.O. bon frais. Le général a signalé l’ordre d’envoyer les chaloupes pour détourner les brûlots. Un brûlot arrêté par l’estacade fit une explosion très forte et enveloppa d’escadre d’une fumée extrêmement épaisse ; elle n’était pas dissipée quand l’Océan fila ou coupa son câble du N.O. pour parer un brûlot qui venait en travers sous son beaupré ; un autre tombant sur nous de la même manière, nous fûmes forcés, ainsi que l’Océan, qui sans cette manoeuvre se trouvait arrêté par nous, de couper aussi notre câble du N.O. pour nous répandre sur celui du S.E. Les brûlots pénétroient de toutes parts dans l’escadre, et plusieurs de nos vaisseaux étaient accrochés par eux, un brûlot fit explosion sous notre beaupré et il venait en travers sur nous. Pour l’éviter nous hissâmes le perroquet de fougue pour nous faire culer en coupant en même temps le câble du S.E.
Le vaisseau le Tonnerre qui manœuvroit pour éviter aussi ce brûlot, n’ayant pas d’air, ne put pas nous passer de l’arrière et nous aborda en engageant son beaupré dans nos haubans d’artimon, qu’il fallut couper pour le dégager. Son bout dehors de beaupré fut rompu, il nous fracassa la poupe ; notre position devint alors très critique, nous touchions ainsi que le Tonnerre et le brûlot alloit tomber entre les deux vaisseaux et nous accrocher tous deux à la fois, sans pouvoir le parer. Nous mouillâmes une troisième ancre et ayant été assez heureux pour faire tête à l’instant, le vaisseau ayant flotté nous séparant du Tonnerre, et le brûlot nous dépassa.
L’instant d’après nous fûmes obligés de couper le troisième câble pour éviter deux brûlots, le vaisseau talonnant nous hissâmes le petit foc et nous laissâmes arriver, mais en évitant, nous abordâmes en même temps les vaisseaux l’Océan et le Tonnerre, un brûlot tomboit sur l’Océan, nous ne pûmes déborder. Ce vaisseau qu’en forçant de voiles autant que nous pûmes le faire, ayant les mats de hune calés, notre bout dehors de beaupré et notre civadière furent rompus, nous passâmes entre les deux vaisseaux sillonnant la vase, le brûlot tomba en travers sur la poupe de l’Océan, et déjà le feu paroissoit pris dans son couronnement. Tous nos canots étaient à la mer et cherchoient à écarter des brûlots avec des grappins d’abordage garnis de leurs chaînes, mais le vent et la marée rendoient les manoeuvres très difficiles , surtout quand les brûlots étoient des petits vaisseaux et des frégates obligés de manoeuvrer continuellement pour éviter des brûlots. Les courants et le peu de chemin que nous fûmes obligés de faire nous conduisant près du banc des Palles sur un fond de rochers, il fallut promptement alléger le vaisseau que la marée et le vent portoient de plus en plus sur le banc, en ce moment un brûlot fit une explosion terrible le long de notre bord, des fusées incendiaires traversant nos haubans, des obus éclatoient de toutes parts, un boulet traversa le vaisseau et blessa un homme ; nous touchions de l’arrière et le vaisseau avançoit de plus en plus sur les Palles, nous jetâmes à la mer les caronades de l’arrière et douze canons de la batterie de 18. Le vaisseau n’allégeant pas assez promptement, on fit jeter la moitié de la première batterie. Deux brûlots se dirigoient vers nous, un de l’arrière et l’autre venant nous aborder debout au corps, le vaisseau ayant été allégé put arriver assez pour en éviter un, mais celui qui étoit par notre travers, se trouvant derrière nous par le mouvement, touchoit presque à notre poupe. Les canots travaillèrent à le détourner, nous étions obligés de venir sur un bord et sur l’autre pour éviter les brûlots, à mesure que le flot permettait aux vaisseaux d’aller de l’avant et de gouverner à 10 h 1/2. Nous étions par quatre brasses d’eau, fond de vase et de ce moment jusqu’à une heure nous ne fîmes pas une portée de fusil de chemin.
Tous les brûlots que nous avons vu d’après avoient des grappins et des espèces de boulets incendiaires au bout de leur vergues. On a compté quarante six brûlots dont quelques-uns des plus gros paroissoient être des vaisseaux de 50 ou frégates. En faisant explosion ils nous couvroient d’eau, de mitraille, de boulets et de fusées incendiaires armées de crochets. Plusieurs de ces fusées postèrent dans le grément, mais nous fûmes assez heureux pour qu’elle ne l’arrêtasse pas.
Le 12 avril à quatre heures du matin, les vents au nord, bon frais, nous aperçumes tous les vaisseaux de l’escadre Letrouès à l’exception du Cassard et du Foudroyant. À six heures du matin douze avril, le général appella un officier de chaque bâtiment de l’escadre pour connoitre la position de chacun. Nous continuâmes d’alléger le vaisseau en vidant l’eau du 2ème et 3ème plan. À 7 heures nous prîmes un pratique du Port des Barques dans un bateau de pêcheur. Nous élongeames un ancre à jet dans le N.O. pour nous contretenir et éviter, si nous venions à flotter, d’être jetté par la marée et le vent sur le banc de la Moulinière. nous fîmes enjoiller l’ancre de calle et elle fut mise à poste. Nous avions autour du vaisseau à cinq brasses de distance quatre pieds d’eau de basse mer, mais autour du vaisseau ils s’étoit formé à bourrelet de vase et il ne restoit pas assez d’eau pour permettre à un canot d’accoster. À une heure nous élongeames une haussière pour touer la chaloupe que nous envoyames porter un ancre de bossoir dans le N.E.,1/4 E.
À 9 heures 1/2 le Tonnerre a signalé que les pompes étoient insuffisantes pour franchir. À 10 heures nous avons guindé le petit mat de hune et fait toutes les dispositions pour tâcher de nous mettre à flot. À 11 heures le vaisseau Le Tonnerre a coupé son grand mat. À midi le général a signalé qu’il laissoit chaque capitaine libre de sa manœuvre particulière pour la sûreté de son vaisseau. Toute l’après-midy les vents furent de la partie du nord petit frais. À une heure 1/2 une bombarde à trois mats dans le S.E. de Boyard dirigea ses bombes sur les vaisseaux l’Aquilon et La Ville de Varsovie qui paraissoient échoués près les Palles. À deux heures une frégate et plusieurs canonnières sont venues se placer sur l’arrière de l’Aquillon et la Ville de Varsovie, pour canonner ces deux vaisseaux. D’autres canonnières se sont placées derrière le Calcutta qui était près de la carcasse du Jean-Bart et ont dirigé leurs feux sur lui. La position de ces trois vaisseaux étoit d’autant plus affreuse qui paroissoient échoués et ne pouvoient riposter que de leurs canons de retraite. Les autres vaisseaux de l’escadre, tous échoués, étoient tous trop éloignés pour les soutenir. À 2 heures 1/2 la mer étoit pleine, nous virâmes avec force sur notre câble pour aller de l’avant, mais inutilement. Nous fîmes cependant de la voile, mais le vent étoit faible et nous ne pûmes pas retirer le vaisseau de sa souille.
Les vaisseaux Le Cassard et Le Foudroyant mirent à la voile ; le 1er se trouva dans la passe près de Fouras, et le second à peu près vis-à-vis la petite Isle d’Enet. Le vaisseau L’Océan qui tâcha de se déhaler aussi ne fit qu’une portée de canon de chemin.
Pendant ce temps la Ville de Varsovie et l’Aquilon combattoient avec leurs canons de retraite les bâtimens ennemis qui les canonnoient. Le Calcutta ne put pas mettre à flot mes vint en travers et combattit ceux qui l’avoient engagé. à 3 heures 1/2 ce bâtiment a amené.
L’ennemi continuait toujours son feu sur l’Aquilon et la Ville de Varsovie, plusieurs frégates et un vaisseau vinrent augmenter le nombre de ceux qui les canonnaient, et nos deux vaisseaux firent usage de leurs canons, probablement jusqu’au moment où trop inclinés le service en devint impossible, ce que nous avons jugé à l’inclinaison des bâtimens. À 6 heures le feu a cessé ; on apercevait encore des brûlots parmi les bâtiments ennemis et le commandant considérant qu’échoué et ne pouvant manoeuvrer pour éviter les brûlots, les deux tiers de l’équipage périraient faute d’embarcations suffisantes pour les sauver, et pensant d’ailleurs que le trop grand nombre occasionnerait beaucoup de désordre, il se décida à faire débarquer sur l’île Madame les malades, les mousses, les conterits, les novices, ainsy qu’une partie du détachement. Après avoir mis les hommes à terre, nos embarcations, pourvues de tout ce qui étoit nécessaire pour détourner les brûlots, restèrent armés autour du vaisseau.
Le Tonnerre demanda par un signal à abandonner le vaisseau après avoir sauvé l’équipage.
Ce vaisseau fit deux explosions si fortes près de nous que la commotion abattit les cloisons du vaisseau Le Patriote. Nous fûmes couverts d’une pluie de feu. Le Calcutta auquel l’ennemi mit le feu fit aussi deux explosions qui nous mirent des débris enflammés à bord.
Nous continuâmes à alléger le vaisseau en jetant à la mer les poids les plus lourds. Espérant mettre à flot, nous fîmes passer les canons qui étoient en retraite sur l’avant pour alléger l’arrière du vaisseau. À 2 heures 1/2 nous avons fait voile du petit hunier, du perroquet de fougue, misaine, le grelin que nous avions porté dans le N.O. ayant fait suffisamment venir le vaisseau sur bâbord, nous le coupâmes ainsy que le câble de l’ancre de bâbord qu’il nous auroit été impossible de relever parce que nous n’avions pour gagner la passe que le moment de l’étal mer. À 4 heures nous avons mis le bout à terre vis-à-vis le fort Lupin. Un brûlot de ceux envoyés par les anglais du 11 avril descendant la rivière, nous lui envoyâmes notre grand canot pour le détourner et l’échouer sur la rive gauche de la Charente.
Fait à bord du vaisseau Le Patriote en rivière de Rochefort, le 13 avril an mil huit cent neuf
A été signé par l’État-major, aspirants et maîtres.