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1325 - 1383 - Le Soudan de La Trau, allié aux Anglais, règne sur l’estuaire

mercredi 4 juin 2008, par Pierre, 1986 visites.

Un seigneur de guerre au nom étrange a pris le parti des Anglais et règne pendant plus de 50 ans sur Montendre, Didonne et Mortagne-sur-Gironde. Une position qui lui permet d’assurer la sécurité de la navigation anglaise dans l’estuaire.

Pour voir sur une carte la zone tenue par le Soudan de Latran, suivre ce lien

Source : Revue Anglo-Française – de la Fontenelle de Vaudoré – Poitiers – 1837 – Books Google - L’article présenté ici est de la main de Nicolas Moreau, de Saintes.

Il s’agit en réalité du "Soudan de la Trau" (voir précisions données par un visiteur)

Le Soudan de Latran

Vieux moulin, accroché à la falaise, près de
Mortagne-sur-Gironde - Photo : P. Collenot - 03/2008

Maichin, dans son Histoire du Poitou et de la Saintonge, parle plusieurs fois du Soudan de Latran ; il l’indique comme possesseur de la terre de Didonne, et il en fait un seigneur de celle de Montendre , deux vieilles châtellenies de Saintonge qui avaient appartenu au même maître dès le temps des premiers Capétiens.

On trouve, dans les Rôles gascons, le Soudan de Latran, commandant à Montendre [1] et dans Talmont [2], deux fortes places au XIVe siècle.

Froissart l’appelle le Sire et le Soudich de Lestrade ; d’autres auteurs le nomment le Soudan ou le Soudich simplement.

Quelques recherches faites à ce sujet nous ont appris que le Soudan tirait son nom d’une terre de Guienne, appelée la Tresne, qui appartenait à la famille de Preyssac, et nous avons lu, dans divers manuscrits, le nom de Soudich de Preyssac et d’Arneaud Bernard de Preyssac, dit le Soudan (Soldanus).

Latran se livra, dès sa première jeunesse, à la carrière des armes. Dès l’an 1325 il était chevalier, et cinquante-trois ans après il affrontait Ivain de Galles sur la brèche de Mortagne.

La chevalerie, à cette époque, n’avait pas encore vieilli ; le titre de chevalier était difficilement accordé : prix de la valeur, il fallait avoir fait ses preuves pour l’obtenir, et le Soudan de Latran en fut pourvu dans un âge où tout autre n’eût été qu’écuyer ou damoiseau.

Le testament de Régime de Goth, petite-nièce de Bertrand de Goth, archevêque de Bordeaux, et pape sous le nom de Clément V, fait mention d’Arneaud Bernard de Preyssac, chevalier, dit le Soudan, l’an 1325. Ce testament de Régime, fait en faveur de son mari, substitue à celui-ci, en cas de mort, le Soudan, qui devait être son proche parent.

Deux quittances de ce seigneur, de l’an 1340, le qualifient : l’une de Soudan de Preyssac, l’autre de Soudan de Latran, chevalier, seigneur de Didonne.

Les services qu’il rendit à la couronne, en prêtant son bras au roi de France pendant la guerre avec les Anglais, furent appréciés par Philippe de Valois ; ce monarque lui assigna un revenu de quatre mille livres (plus de 60,000 fr. d’aujourd’hui). Il lui donna plusieurs terres confisquées, comme la châtellenie de Didonne, située sur la Gironde, et dont les fiefs servants s’étendaient jusqu’à la Charente ; mais cette munificence royale ne put assurer la fidélité de Latran, il trahit les intérêts de la France pour se donner à Edouard III, qui tenait la Guienne en son pouvoir.

On voyait peu de chevaliers en Saintonge résister à l’entraînement d’alors : chacun se déclarait pour la France ou pour l’Angleterre, selon que l’une ou l’autre de ces nations rivales l’emportait un instant dans l’interminable querelle. Aussi l’on savait honorer en France le serviteur fidèle ; le roi se plaisait à lui décerner cet éloge : Il m’a servi sans varier.

Il n’en pouvait dire autant du Soudich. Celui-ci embrassa la cause de l’Angleterre, et devint un grand ennemi de la France. Revêtu de la faveur du prince de Galles, qui était maître de la Saintonge nouvellement conquise, il fut maintenu dans la terre de Didonne et dans ses autres possessions.

L’indignation fut grande parmi les Français qui tenaient à honneur la fidélité dans les engagements. Plusieurs voulurent purger la terre du traître. Foulques de Masta [3] vint l’attaquer dans Didonne même, et, plus heureux ou plus brave que son adversaire, il parvint à lui enlever le castrum. Cette châtellenie de Didonne, voisine de la Gironde, fut conquise par les Français ; le roi Jean en gratifia le chef intrépide qui l’avait arrachée à son ennemi, ainsi que nous l’apprend le document suivant :

« Don fait à Foulques de Masta, chevalier, seigneur de Royan, en considération de ses services faits à la guerre de Gascogne, de la terre et châtellenie de Didonne qu’il a conquise à grands frais et dépens sur le Soudan de Latran, seigneur dudit lieu, notre ennemi et le sien particulier. Donné à Saint-Médard près Soissons, le 6 octobre 1350 [4]. »

Latran tenait encore Montendre, qu’il avait fait fortifier, quand le prince de Galles lui confia le commandement de Mortagne, la plus importante place de la frontière de Saintonge.

Mortagne, située sur la Gironde, avait un port qui n’était pas encore entièrement encombré par les sables et les vases que les flots y avaient jetés ; C’est par la Gironde que les Anglais communiquaient avec la Guienne dont ils étaient possesseurs ; les vaisseaux qui venaient d’Angleterre à Bordeaux et s’en retournaient passaient devant ce port. C’était pour les insulaires un poste bien important que le château de Mortagne, qui assurait en quelque sorte leur navigation sur le bras de mer. On ne dut le confier qu’à un capitaine expérimenté et intrépide. Le Soudan de Latran offrait au prince de Galles toute garantie à cet égard.

Froissart, en parlant de Mortagne, en fait une place de Poitou [5]. Personne ne doutera cependant que cette ville ne soit la Mortagne de Saintonge, en réfléchissant sur ce que dit le même Froissart en ce passage de son. histoire :

« Le duc d’Anjou dit à Ivain de Galles : Vous irez en Poitou mettre le siège devant Mortaigne, que le sire de Lestrade tient…… Cinq cents lances de bons gens d’armes prirent le chemin de Xainctonge pour venir vers Sainct Jehan d’Angéli. Ivain de Galles s’en vint à Xainctes en Poitou, et là se rafreschit en ce bon pays et gras, autour de Xainctes en Poitou.... et s’en vindrent (les gens d’armes) mettre le siège devant Mortaigne, lequel chastel séant sur la rivière de Garonne près et dessous son embouchure de la mer [6]. »

Le Soudan, à qui était remise la garde de Mortagne , faisait preuve de sa haute valeur et de sa vieille expérience dans la défense de cette forteresse. Le castel, flanqué de tours, entouré de quatre bastides, commandait à la terre et à la mer. Le vieux gouverneur, toujours sur pied, veillait aux créneaux menacés du côté de la terre et protégeait les navires qui voguaient sur le fleuve. Il eut à résister aux entreprises d’Ivain de Galles qui, à la tête des Français, était sous les murs de la place pour en conduire le siège ; mais ce jeune guerrier reçut d’un assassin un coup mortel en échange d’une protection amicale, et le Soudan se trouva débarrassé d’un adversaire redoutable.

Le meurtrier du jeune Ivain, amené devant le Soudich, lui récita de point en point toute l’histoire , et quand le Soudich l’eut entendue, « si croulla la teste et le regarda moult fellement, et dit tu l’as meurdry, et saches bien tout considéré que se je ne veoye notre très grand profit en ce fait, je te feroye trencher la teste ; mais puisqu’il est fait il ne se peut deffaire, mais c’est dommage du gentilhomme quand il est ainsi mort : et plus nous y aurons de blasme que de louenge. » (Froissart)

Le Soudan rendait justice à son ennemi ; et quelque utile qu’ait été à sa cause la mort du brave Ivain, il n’en méprisa pas moins le lâche.

Le siège de Mortagne fut continué par les Français. Le Soudich, malgré ses ruses et son intrépidité, ne put leur résister ; dix-huit mois cependant s’écoulèrent avant qu’il capitulât.

C’est en 1378 que le château de Mortagne fut rendu aux Français. Une ordonnance de Charles VI nous fait connaître que, peu avant 1382, le Soudan de Latran était encore possesseur de plusieurs châteaux de Saintonge, tels que Didonne, Mescher, Morsac [7].

Tels sont les documents obtenus de quelques recherches sur le Soudan de Latran , personnage peut-être peu connu, mais qui fut néanmoins un des hommes remarquables du XIVe siècle.

MOREAU (de Saintes).


[1De loco de Montendre concesso Soldano de Latrawe, chivaler, 1377.

[2De confirmatione, pro Soldano de Latrawe, de locis de Montendre et Thalemond, 1381.

[3Foulques, issu des ancien comtes d’Angoulême, fut seigneur de Masta [NDLR : Matha], d’Arvert, de Mornac, de Royan , quatre châtellenies de Saintonge. Il épousa Yolande de Pons, fille d’Hélie Audel.

[4Le. 35e jour du règne de Jean.
26 ans après, le roi Charles V dédommagea un autre chevalier, nommé Jean de la Personne, de la perte du château de Didonne que possédait encore le Soudan de Latran.
« Don fait à Jehan de la Personne , chevalier, vicomte d’Aunay, en considération de ses services et récompense des pertes qu’il a faites, ès guerres, du chastel et châtellenie de Didonne avec les autres héritages qui furent au Soudit de Lasterane , chevalier, qui s’est rendu publiquement ennemi du roi et du royaume, adhérant et étant dans le parti du roi d’Angleterre. A Bouvieux, le 16 septembre 1376. »
(Extrait du Recueil manuscrit fuit autrefois par Fourny.)

[5Cette erreur, dans laquelle est tombé notre historien, provient de ce qu’il n’était pas assez instruit de la géographie de la Saintonge ; il ignorait peut-être qu’il existait, dans l’ouest de la France, d’autre Mortagne que celle du Poitou ; il avait une idée imparfaite de la position de la Gironde, qui, selon lui, coulait aussi en Poitou. Il n’y a pas jusqu’à la ville de Saintes dont il ne fasse, deux fois, une ville de Poitou.

[6Par cela seul que Froissart établit que Mortagne est sur la Garonne (Gironde), près et au-dessous de son embouchure, il désigne Mortagne de Saintonge. C’est dans la Revue anglo-française qu’il convient de relever toute méprise géographique qui a trait à l’invasion anglaise. Le laborieux rédacteur de cet ouvrage en a pris l’engagement dans son Introduction, qu’il termine en rectifiant une erreur d’un de nos contemporains, pour laquelle un événement arrivé au Petit-Niort, près Mirambeau, dans la Charente-Inférieure, serait rapporté à la ville de Niort, département des Deux Sèvres.

[7« Charles, par la grâce de Dieu, roi de France, à nostre amé et féal trésorier de nos guerres Jehan le Flamant, salut et dilection.— Comme nostre très chier seigneur et père, que Dieux absoisse, eust baillie a nostre amé et féal chlr Jehan la Personne, viconte Dacy, la garde des chaux et forteresses du Soudet de Lastran qui tient le part de nos ennemis, cest assavoir Didonne, Meschiers et St-Morsac et de plusieurs autres forteresses, etc.... Donné à Paris, le 27 février 1383. »

Messages

  • Il s’agit du "soudan de La Trau". Le nom vient du château de La Trave, commune de Préchac, canton de Villandraut, département de la Gironde. On appelait autrefois ce château de La Trau (prononcer La Traou) ; le titre de soudan, soldanus, soudanus, pouvait être originairement attribué à un syndic ou défenseur de château(x) et l’office devenu héréditaire dans certaines familles, dont celle de Preyssac. Qu’il soit au service du roi d’Angleterre me semble tout naturel à cette époque. Ce soudan fut un des seigneurs gascons qui se distinguèrent le plus à la bataille de Poitiers en 1356. Il était dans le corps commandé par le captal de Buch, et membre de l’ordre de la Jarretière.

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