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1412 - 1670 - Cérémonies pascales d’autrefois

vendredi 24 août 2007, par Jacques Duguet, 2004 visites.

On sait que les différentes fêtes de l’année étaient marquées par des cérémonies ou manifestations diverses. Les folkloristes ont ainsi défini des « cycles », dont celui de Pâques. Nous présentons ci-dessous trois cérémonies originales, fixées respectivement à Pâques, au lundi de Pâques et au mardi.

 Le jour de Pâques à Aulnay

Aulnay (17) - Détail des sculptures romanes de la porte sud
Photo : P. Collenot - 2005

Le prieur d’Availles-sur-Chizé [1] tient les bois d’Availles du vicomte d’Aulnay. Selon la coutume, il fait l’hommage au vicomte pour ces bois, mais suivant un cérémonial original. Le jour de Pâques, l’ecclésiastique vient à Aulnay, tout de blanc vêtu, monté sur une haquenée blanche à la bride et à la selle blanches, accompagné d’un serviteur portant une poule blanche. Il se présente au seigneur en son château et offre la poule, un genou en terre. Le seigneur est tenu de recevoir le volatile et de relever le prieur. Ensuite, ce dernier gagne l’église Saint-Pierre pour y célébrer la grand messe. Après la cérémonie, le vicomte offre un dîner au prieur et à son accompagnateur. De plus, il nourrit les chevaux des deux hommes. Ce cérémonial est connu par un aveu et dénombrement de la vicomté d’Aulnay, fait par François de Montbron, vicomte d’Aulnay, au duc de Berry en qualité de comte de Poitiers, le 10 juillet 1412 [2].

Un vassal dispose généralement d’un certain temps, après avoir reçu son fief, pour faire l’hommage à son seigneur. En l’occurrence, l’hommage est à date fixe, de sorte qu’il est tardif si l’acquisition du fief est de peu postérieure à Pâques. Le « devoir » est original, les volatiles étant généralement dus pour des immeubles tenus roturièrement. Quant à la couleur de la poule, elle n’est pas prévue dans les baux. Nous ignorons si le blanc, généralisé en l’occurrence, a une valeur symbolique.
On aimerait posséder un récit du déplacement du prieur du château à l’église éloignée de plusieurs centaines de mètres. On imagine cependant une affluence de paroissiens venus avant l’heure de la messe pascale pour observer un spectacle exceptionnel que certains n’auront pas l’occasion de revoir.

Au sujet du blanc, signalons que c’est un coq blanc qui est le personnage principal d’une cérémonie d’un autre genre, fixée au dimanche de la Trinité. Dans son « Histoire de Châtelleraud et du Châtelleraudais », l’abbé Lalanne a signalé, en effet, d’après un aveu daté de 1670, que le seigneur de la Roche Amenon, sur la Creuse, dans la paroisse de Buxeuil (canton de Dangé, Vienne), possédait « le droit de prendre, des hommes veufs de sa châtellenie, un coq blanc qu’ils lui doivent apporter en son château, le dimanche de la Trinité d’après leurs épousailles » [3].

 Le lundi de Pâques à Pons

A Pons, ce sont des coqs, de couleur indifférente, qui constituent les principaux acteurs d’une représentation burlesque, le lundi de Pâques. La cérémonie s’est déroulée comme suit, le 7 avril 1670, d’après un procès verbal de notaire.

A l’aube, une messe est célébrée en la chapelle Saint Gilles du château, aux frais du syndic des maîtres bouchers. Y assistent obligatoirement le sénéchal et ses officiers et domestiques, qui doivent, à l’offrande, donner chacun un denier, sous peine d’amende d’une livre de cire ou cinq sous.

Après la messe, un cortège se forme, à la requête du procureur. Il comprend le « juge ordinaire », onze ou douze officiers du siège, un notaire, tous ayant en main une gaule blanche, deux notaires dont celui qui dressera le procès verbal, et quatre sergents en robes de livrée, soit une vingtaine de personnes.

Ce cortège gagne cérémonieusement une place où se dresse une croix, près de l’église Saint Vivien. Ici, les sergents doivent semondre le prieur de comparaître, pour livrer un coq vivant qu’il doit annuellement le lundi de Pâques. Celui-ci s’est fait représenter par son fermier qui présente donc un coq. L’animal est examiné et jugé « entier avec toutes ses plumes ». Avec le consentement du procureur, le volatile est « jeté en l’air » et les sergents le poursuivent, s’en saisissent et le tuent, selon un rite prévu.

Le cortège gagne ensuite le canton de la Voûte, pour percevoir un autre coq dû par le propriétaire d’une « grande maison », coq qui subit le même sort, selon le même rite. La cérémonie se poursuit près de la halle de la boucherie, pour deux maisons contiguës qui doivent ensemble un seul coq ; puis au canton des Eparades, où six habitants doivent aussi un seul coq pour l’ensemble de leurs maisons, et d’autres, non désignés, un autre coq, également pour leurs maisons ; enfin sur une place proche du cimetière de l’église Saint Martin, où un procureur du prieur présente deux coqs dus par le prieur pour son prieuré.

Ce sont ainsi sept coqs que les sergents ont courus et tués. Le procès verbal est muet sur ce qu’on fait ensuite des volatiles mais il signale qu’au pont des Aires deux sergents doivent se mettre à l’eau et que, pour les réchauffer, le prieur de Saint Martin doit fournir deux fagots de brande [4], l’un à cinq riortes [5], l’autre à trois, et un demi cent de javelles. Une messe en l’église Saint Martin, avec offrande de gâteaux, clôt la cérémonie [6].

Un article publié par Jouyneau des Loges [7], qui présente la cérémonie avec quelques variantes, complète notre information : « Tous les ans, le lundi de Pâques, le prévôt de la justice de Pons célébrait le renouvellement de l’année [8] en traitant les officiers de son ressort. La noblesse des deux sexes [9] était invitée à ce banquet. Tous les convives devaient se tenir debout à l’exception des sergens de la prévôté qui avaient le privilège d’être assis à une table particulière, dressée exprès pour eux ».

Les coqs étaient donc dégustés en un banquet où les sergents avaient un traitement d’honneur, bien mérité. On s’interroge sur l’origine et le caractère de la cérémonie. Des redevances de volatiles sur des immeubles ne sont pas rares, mais ce sont généralement des chapons et des poules, et la perception en est plus simple. D’autre part, en la circonstance, ces redevances ne sont pas au profit du seigneur, qui n’intervient d’ailleurs pas dans la cérémonie. Seuls les gens de justice sont concernés. Ont-ils obtenu du seigneur qu’il leur concède la perception de redevances ? C’est peu probable car une même redevance ne frappe généralement pas plusieurs maisons non contiguës.
Il semble donc que la cérémonie ait été entièrement conçue en faveur des simples auxiliaires de justice que sont les sergents, même si leur office est ridiculisé. On aimerait cependant savoir dans quelles conditions des propriétaires d’immeubles et les deux prieurs ont été sollicités pour faire les frais du divertissement. Toujours est-il que la cérémonie devait attirer bon nombre de spectateurs, qu’on imagine suivant le cortège et s’ébaudissant au spectacle des coqs volant en tous sens et criant de peur ou des sergents se réchauffant à un feu de brande après un bain forcé dans la Seugne.

 Le mardi de Pâques à Poitiers

Poitiers (86) - Eglise N-D la Grande - Mise au tombeau (détail)
Photo : P. Collenot - 2005

C’est aussi une cérémonie burlesque qui se déroulait à Poitiers, le mardi de Pâques. Il y avait au cimetière de Sainte-Radegonde, à la Cueille Blanche, « une grande et grosse pierre carrée ou tombe ». Chaque année, le mardi de Pâques, donc, les chapelains et les bacheliers de Notre-Dame la Grande se dirigeaient processionnellement vers cette pierre, en surplis, précédés de la grande croix de l’église, pour y chanter un libera, prier pour les défunts et recevoir du curé de Montamisé [10] un « bélier vif », « garni en ses cornes » de neuf grains de poivre en un cornet de papier, trois têtes d’ail, un bouquet de serpolet et du sel, « pour faire la sauce ». On imagine l’hilarité des habitants des environs, qui ne devaient pas manquer un spectacle haut en couleur, et celle des badauds qui voyaient passer la procession du retour, avec son « bellard » plus ou moins récalcitrant. Gérard Jarousseau, qui a signalé la coutume, en a trouvé trace de 1463 à 1592 mais il a constaté qu’en 1648 l’obligation de livrer un « bellard » était convertie en rente annuelle de deux livres dix sous [11].

En l’occurrence, ce ne sont plus des volatiles domestiques qui font le spectacle mais un animal entretenu plus pour la reproduction que pour la consommation en sauce, même corsée de poivre, d’ail et de serpolet. Quant aux circonstances d’une fondation plus qu’originale, qu’on ignorait en 1463, on voudra bien nous excuser de n’émettre aucune hypothèse à leur sujet.


[1Availles-sur-Chizé : canton de Brioux, Deux-Sèvres.

[2Archives Historiques de Saintonge et d’Aunis, XV, 1887, p. 154.

[3Tome 1er, 1859, p. 508.

[4Brande : grande bruyère.

[5Riorte : lien constitué d’une branche souple tordue.

[6BM la Rochelle, ms Recueil n° 534, fol. 31 et suivants.

[7Mémoires de la Société royale des Antiquaires de France, tome I, p. 416.

[8Erreur d’interprétation.

[9Différence importante avec notre procès verbal.

[10Montamisé : canton de Saint-Georges les Baillargeaux, Vienne.

[11Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest, 3e trimestre 1965, tome VIII, p. 225-228.

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