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1642 - Le testament d’Armand-Jean du Plessis, Cardinal de Richelieu

samedi 5 mai 2012, par Pierre, 3190 visites.

Richelieu a joué un rôle-clef dans l’histoire de la Saintonge et de l’Aunis, et son nom est indissociable du grand siège de La Rochelle, en 1627-1628. Son testament donne une idée de son immense fortune. Plusieurs de ses fiefs - indiqués en bleu dans ce document - sont situés en Saintonge : Barbezieux, Mortagne-sur-Gironde, Cosnac, Cozes, Saujon, Arvert et Brouage.

Son testament ne laisse rien au hasard. On notera en particulier les dispositions prises :
- pour la gestion de sa bibliothèque
- pour les modalités de substitution d’héritiers
- pour la destination du "Palais-Cardinal", à Paris, qui va bientôt devenir le Palais-Royal.

Source : Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France. - Mémoires de Richelieu, Tome I Par M. Petitot - Paris - 1821 - Google livres

Testament de son Éminentissime Armand-Jean du Plessis, Cardinal Duc de Richelieu

 [1].

Par-devant Pierre Falconis, notaire royal en la ville de Narbonne, fut présent en sa personne éminentissime Armand-Jean du Plessis, cardinal duc de Richelieu et de Fronsac, pair de France, commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, grand-maître, chef et surintendant-général de la navigation et commerce de ce royaume, gouverneur et lieutenant-général pour le Roi en Bretagne ; lequel a fait entendre audit notaire l’avoir mandé en l’hôtel de la vicomte de ladite ville, où il est à présent en son lit, malade, pour recevoir son testament et ordonnance de dernière volonté, en la manière qui s’ensuit :

Je, Armand-Jean du Plessis de Richelieu, cardinal de la sainte église romaine, déclare qu’ayant plu à Dieu, dans la grande maladie en laquelle il a permis que je sois tombé, de me laisser l’esprit et le jugement aussi sains que je les ai jamais eus, je me suis résolu de faire mon testament et ordonnance de dernière volonté.

Premièrement.

Je supplie sa divine bonté de n’entrer point en jugement avec moi, et de me pardonner mes fautes par l’application du précieux sang de Jésus-Christ son fils, mort en croix pour la rédemption des hommes, par l’intercession de la Sainte-Vierge sa mère et de tous les Saints, qui, après avoir vécu en l’église catholique et apostolique et romaine, en laquelle seule on peut faire son salut, sont maintenant glorieux en paradis.

Lorsque mon âme sera séparée de mon corps, je désire et ordonne qu’il soit enterré dans la nouvelle église de la Sorbonne de Paris, laissant aux exécuteurs de mon testament, ci-après nommés, de faire mon enterrement et funérailles ainsi qu’ils l’estimeront plus à propos.

Je veux et ordonne que tout l’or et l’argent monnoyé que je laisserai lors de mon décès, en quelque lieu qu’il puisse être, soit mis ès mains de madame la duchesse d’Aiguillon, ma nièce, et de M. de Noyers, conseiller du Roi en son conseil d’État, secrétaire de ses commandemens, fors et excepté la somme de quinze cent mille livres que j’entends et veux être mise entre les mains de Sa Majesté, incontinent après mon décès, ainsi que je l’ordonnerai ci-après.

Je prie madame la duchesse d’Aiguillon ma nièce, et M. de Noyers, aussitôt après mon décès, de payer et acquitter mes dettes, si aucunes se trouvent lors, des deniers que j’ordonne ci-dessus être mis entre leurs mains ; et, mes dettes payées, sur les sommes qui resteront, faire des œuvres de piété utiles au public, ainsi que je leur ai fait entendre, et à M. Lescot nommé par Sa Majesté à l’évêché de Chartres, mon confesseur ; déclarant que je ne veux qu’ils rendent aucun compte à mes héritiers, ni autres, des sommes qui leur auront été mises entre les mains, et dont ils auront disposé.

Je déclare que, par contrat du 6 juin 1636 devant Guerreau et Pargue, j’ai donné à la couronne, mon grand hôtel que j’ai bâti sous le nom du Palais-Cardinal, ma chapelle d’or enrichie de diamans, mon grand buffet d’argent ciselé, et un grand diamant que j’ai acheté de Lopès. Toutes lesquelles choses le Roi a eu agréable, par sa bonté, d’accepter à ma très-humble et très-instante supplication, que je lui fais encore par ce présent testament, et d’ordonner que le contrat soit exécuté dans tous ses points.

Je supplie très-humblement Sa Majesté d’avoir pour agréables huit tentures de tapisserie, et trois lits, que je prie madame la duchesse d’Aiguillon ma nièce, et M. de Noyers, de choisir entre mes meubles, pour servir à une partie des ameublemens des principaux appartemens dudit Palais-Cardinal.

Comme aussi je la supplie d’agréer la donation que je lui fais en outre de l’hôtel qui est devant le Palais-Cardinal, lequel j’ai acquis de feu M. le commandeur de Sillery, pour, au lieu d’icelui, faire une place au-devant dudit Palais-Cardinal.

Je supplie aussi très-humblement Sa Majesté de trouver bon que l’on lui mette entre les mains la somme de quinze cent mille livres, dont j’ai fait mention ci-dessus, de laquelle somme je puis dire, avec vérité, m’être servi très-utilement aux plus grandes affaires de son État, en sorte que si je n’eusse eu cet argent en ma disposition, quelques affaires qui ont bien succédé, eussent apparemment mal réussi, ce qui me donne sujet d’oser supplier Sa Majesté de destiner cette somme que je lui laisse, pour employer en diverses occasions qui ne peuvent souffrir la langueur des formes des finances.

Et pour le surplus de tous, et chacun mes biens présens et à venir, de quelque nature qu’ils soient, je veux et ordonne qu’ils soient partagés et divisés ainsi qu’il suit.

Je donne et lègue à Armand de Maillé, mon neveu et filleul, fils d’Urbain de Maillé, marquis de Brézé, maréchal de France, et de Nicole du Plessis, ma seconde sœur, et en ce, je l’institue mon héritier pour tous les droits qu’il pourvoit prétendre en toutes les terres .et autres biens qui se trouveront en ma succession, lors de mon décès, ce qui s’ensuit.

Premièrement, je lui donne et lègue mon duché et pairie de Fronsac, et Caumont y joint, ensemble tout ce qui en dépend, et qui sera joint et en dépendra, lorsqu’il plaira à Dieu de disposer de moi.

Plus, je lui donne la terre et marquisat de Granille, ses appartenances et dépendances.

Item, je lui donne et lègue le comté de Beaufort en Vallée.

Item, je lui donne et lègue la somme de trois cent mille livres qui est au château de Saumur, laquelle somme je veux et ordonne être employée en acquisitions de terres nobles, en titres du moins de châtellenie, pour jouir, par mondit neveu, desdites terres aux conditions d’institutions et substitutions qui seront ci-après apposées en ce mien testament.

Item, je lui donne et lègue la terre et baronnie de Fresnes, sise au pays d’Anjou, que j’ai acquise du marquis de Sezé par contrat passé pardevant Parque et Guerreau, notaires au Châtelet de Paris.

Item, je lui donne et lègue la ferme des Poids en Normandie, qui est présentement affermée à cinquante mille livres par an ou environ.

Je veux et entends que la décharge que j’ai ci-devant donnée audit sieur maréchal de Brézé par acte passé pardevant Guerreau et Parque, notaires, le 30 août 1632, et tout ce qu’il me pourra devoir lors de mon décès, ait lieu, et soit exécuté fidèlement, ne voulant pas que mon dit neveu Armand de Maillé, fils dudit sieur maréchal, ses frères et autres qui auront part en ma succession, puissent lui en rien demander, tant en principal qu’arrérages de rentes et intérêts des sommes que j’ai payées aux créanciers de la maison de Brézé dont j’ai les droits cédés, voulant seulement que les biens de la maison demeurent affectés et hypothéqués au principal et arrérages desdites dettes qui sont échues et qui écherront ci-après au profit des enfans dudit sieur maréchal de Brézé et de madite sœur sa femme et de leurs descendans, ainsi qu’il est déjà porté par le susdit acte, sans que ladite affectation et retenue d’hypothèque puisse empêcher ledit sieur maréchal de Brézé de jouir desdits biens sa vie durant.

Je donne et lègue à madame la duchesse d’Aiguillon, ma nièce, fille de défunt René de Vignerot, et de dame Françoise du Plessis, ma sœur aînée, pour tous les droits qu’elle pourroit avoir et prétendre en tous les biens de ma succession ; outre ce, je lui ai donné par son contrat de mariage, et en ce, je l’institue mon héritière, savoir : la maison où elle loge à présent, vulgairement appelée le Petit-Luxembourg, sise au faubourg Saint-Germain, joignant le palais de la Reine, mère du Roi, ma maison et terre de Ruel, et tout le bien en fonds de terre et droits sur le Roi, que j’ai et aurai audit lieu, lors de mon décès, tant de celui que j’avois il y a quelque temps, que de tout ce que j’ai acquis par l’échange de M. l’abbé et des religieux de Saint-Denis en France, à la charge qu’après son décès, madite maison de Ruel, avec ses appartenances et lesdits droits sur le Roi, reviendront à celui des enfans mâles de mon neveu du Pont de Courlay, qui sera mon héritier, et qui portera le nom et armes de Richelieu, à la charge des institutions et substitutions qui seront ci-après apposées ; et quant à la maison dite vulgairement le Petit-Luxembourg, elle appartiendra, après le décès de madite nièce la duchesse d’Aiguillon, à celui qui sera duc de Fronsac, aux conditions d’institutions et substitutions qui seront ci-après apposées.

Jtem, je lui donne le domaine de Pontoise et autres droits que je pourrai avoir en ladite ville lors de mon décès.

Item, je lui donne la rente que j’ai à prendre sur les cinq grosses fermes de France, qui monte à soixante mille livres par an ou environ, laquelle, après le décès de madite nièce, reviendra à mondit neveu du Pont de Courlay, qui sera mon héritier, si ladite rente se trouve alors en nature ; et en cas qu’elle ait été rachetée, les deniers en provenant, ou fonds ou rentes, auxquels ils auront été employés, appartiendront à mondit neveu.

Item, je donne et lègue à madite nièce la duchesse d’Aiguillon, tous les cristaux, tableaux et autres pièces qui sont à présent ou pourront être ci-après, lors de mon décès, dans le cabinet principal de ladite maison vulgairement dite le Petit-Luxembourg, et qui y servent d’ornemens, sans y comprendre l’argenterie du buffet, dont j’ai déjà disposé, qui pourroit y être lors de mon décès.

Je lui donne aussi toutes mes bagues et pierreries, à l’exception seulement de ce que j’ai laissé ci-dessus à la couronne, ensemble un buffet d’argent vermeil doré neuf, pesant cinq cent trente-cinq marcs quatre gros, contenu en deux coffres faits exprès.

Je donne et lègue à François de Vignerot, sieur du Pont de Courlay, mon neveu, et en ce l’institue mon héritier, savoir : la somme de deux cent mille livres, qui lui seront payées par l’ordre des exécuteurs de mon testament, à la charge qu’il les employera à l’acquisition d’une terre, pour en jouir par lui sa vie durant, et, après son décès, appartenir à Armand de Vignerot, son fils aîné, ou à celui qui après lui sera duc de Richelieu, aux conditions d’institutions et substitutions ci-après déclarées.

Je donne et lègue audit Armand de Vignerot, et en ce je l’institue mon héritier, savoir : mon duché pairie de Richelieu, ses appartenances et dépendances avec toutes les terres que j’ai fait ou pourrai faire unir à icelui avant mon décès.

Item, je lui donne la terre et baronnie de Barbezieux que j’ai acquise de M. et madame Viguier.

Item, je lui donne la terre et principauté de Mortaigne, que j’ai acquise de M. de Loménie, secrétaire-d’Etat.

Item, je lui donne et lègue le comté de Cosnac, les baronnies de Coze, de Saugeon et d’Alvert.

Item, je lui donne et lègue la terre de La Ferté-Bernard, que j’ai acquise par décret de M. le duc de Villars.

Item, je lui donne et lègue le domaine d’Hiers-en-Brouage, dont je jouis par engagement.

Item, je lui donne et lègue l’hôtel de Richelieu, que j’ai ordonné et veux être bâti, joignant le Palais-Cardinal, aux conditions d’institutions et substitutions qui seront ci-après déclarées.

Item, je lui donne et lègue ma tapisserie de l’histoire de Lucrèce, que j’ai achetée .de M. le duc de Chevreuse, ensemble toutes les figures, statues, bustes, tableaux, cristaux, cabinets, tables et autres meubles qui sont à présent dans les sept chambres de la conciergerie du Palais-Cardinal et dans la petite galerie qui en dépend, pour meubler et orner ledit hôtel de Richelieu, lorsqu’il sera bâti, voulant et entendant que toutes les choses susdites demeurent perpétuellement attachées audit hôtel de Richelieu, comme appartenances et dépendances d’icelui.

Item, je lui donne et lègue outre ce que dessus, tous mes autres biens, tant meubles qu’immeubles, droits sur le Roi, ou de ses domaines que je possède par engagement, et généralement tous les biens que j’aurai lors de mon décès, de quelque nature et qualité qu’ils puissent être, dont je n’aurai disposé par le présent testament, le tout aux conditions des institutions et substitutions qui seront ci-après apposées ; et, pour cet effet, je veux qu’après mon décès, il soit fait un inventaire par mes exécuteurs testamentaires ou par telles autres personnes qu’ils estimeroient à propos, de tous mes meubles qui se trouveront, tant en l’hôtel de Richelieu et Palais-Cardinal, qu’en ma maison de Richelieu, dont celui qui sera duc de Richelieu se chargera.

Je veux et,entends que tous les legs, que j’ai ci-dessus faits audit Armand de Vignerot, mon petit-neveu, soient à la charge et condition expresse qu’il prendra le seul nom de du Plessis de Richelieu, et que mondit neveu ni ses descendans qui viendront à ma succession, en vertu du présent testament, ne pourront prendre et porter autre nom, ni écarteler les armes de la maison, à peine de déchéance de l’institution et substitution que fais en leur faveur.

Je veux et entends qu’Armand de Vignerot, ou celuide mes petits-neveux enfans de François de Vignerot, mon neveu, qui viendra à ma succession, en vertu de ce mien testament, donne par chacun an audit François de Vignerot, leur père, la somme de trente mille livres, sa vie durant, à prendre sur tous les biens que je leur ai ci-dessus légués, â la charge que ledit sieur François de Vignerot, sieur du Pont de Courlay, mon neveu, ne jouira desdites trente mille livres de rente, qu’aux termes et conditions ci-après déclarés, pour le temps que mes héritiers commenceront à jouir entièrement de mes biens, et que le payement desdites trente mille livres lui sera fait par l’ordre de ceux qui auront la direction desdits biens en attendant que sondit fils soit majeur, ou par l’ordre de sondit fils lorsqu’il sera en âge.

Item, je donne et lègue audit Armand de Vignerot, mon petit-neveu, aux clauses et conditions des Institutions et substitutions qui seront ci-après apposées, ma bibliothèque, non seulement en l’état auquel elle est à présent, mais en celui auquel elle sera lors de mon décès, déclarant que je veux qu’elle demeure au lieu où j’ai commencé à la faire bâtir dans l’hôtel de Richelieu joignant le Palais-Cardinal ; et, d’autant que mon dessein est de rendre ladite bibliothèque la plus accomplie que je pourrai, et la mettre en état qu’elle puisse non-seulement servir à ma famille, mais encore au public, je veux et ordonne qu’il en soit fait un inventaire général, lors de mon décès, par telles personnes que mes exécuteurs testamentaires jugeront à propos, y appelant deux docteurs de la Sorbonne, qui seront députés par leur corps pour être présens à la confection dudit inventaire ; lequel étant fait, je veux qu’il en soit mis une expédition en ma bibliothèque, signée de mes exécuteurs testamentaires et desdits docteurs de Sorbonne, et qu’une autre copie soit pareillement mise en ladite maison de Sorbonne, signee ainsi que dessus.

Et, afin que ladite bibliothèque soit conservée en son entier, je veux et ordonne que ledit inventaire soit récolé et vérifié tous les ans par deux docteurs qui seront députés de la Sorbonne, et qu’il y ait un bibliothécaire qui en ait la charge, aux gages de mille livres par chacun an, lesquels gages et appointemens je veux être pris par chacun an, par préférence à toute autre charge, de quartier en quartier et par avance, sur les revenus des maisons bâties et à bâtir à l’entour du parc du Palais-Cardinal, lesquelles ne font point partie dudit palais ; et je veux et entends que moyennant lesdites mille livres d’appointemens il soit tenu de conserver ladite bibliothèque, la tenir en bon état, et y donner l’entrée, à certaines heures du jour, aux hommes de lettres et d’érudition, pour voir les livres et en prendre communication dans le lieu delà bibliothèque, sans transporter les livres ailleurs ; et en cas qu’il n’y eût aucun bibliothécaire lors de mon décès, je veux et ordonne que la Sorbonne en nomme trois audit Armand de Vignerot et à ses successeurs, qui seront ducs de Richelieu, pour choisir celui des trois qu’ils jugeront le plus à propos ; ce qui sera toujours observé lorsqu’il sera nécessaire de mettre un nouveau bibliothécaire.

Et, d’autant que, pour la conservation du lieu et des livres de ladite bibliothèque, il sera besoin de la nettoyer souvent, j’entends qu’il soit choisi, par mondit neveu, un homme propre à cet effet, qui sera obligé de balayer tous les jours une fois ladite bibliothèque, et d’essuyer les livres ou les armoires dans lesquelles ils seront ; et, pour lui donner moyen de s’entretenir, et fournir les balais et autres choses nécessaires pour le nettoyement, je veux qu’il ait quatre cents livres de gages par an à prendre sur le même fonds que ceux du bibliothécaire, et en la même forme, ce qui sera fait, ainsi que ce qui concerne ledit bibliothécaire, par les soins et par l’autorité de mondit neveu et de ses successeurs en la possession dudit hôtel de Richelieu.

Et d’autant qu’il est nécessaire pour maintenir une bibliothèque en sa perfection, d’y mettre de temps en temps les bons livres qui seront imprimés de nouveau, ou ceux des anciens qui y peuvent manquer, je veux et ordonne qu’il soit employé la somme de mille livres par chacun an, en achat de livres, par l’avis des docteurs qui seront députés tous les ans par la Sorbonne pour faire l’inventaire de ladite bibliothèque, laquelle somme de mille livres sera pareillement prise par préférence à toutes autres charges, excepté celle des deux articles ci-dessus, sur le revenu des arrentemens des maisons qui ont été et seront bâties à l’entour dudit parc du Palais-Cardinal.

Je déclare que mon intention et volonté est, en cas que, lors de mon décès, ledit Armand de Vignerot, ou celui de ses frères à son défaut qui viendra à ma succession, en vertu de ce mien testament, ne soit encore majeur, que ma nièce, la duchesse d’Aiguillon, ait l’administration et conduite tant de sa personne que desdits biens que je lui donne, jusqu’à ce qu’il soit venu en âge de majorité, sans que madite nièce, la duchesse d’Aiguillon, soit tenue de rendre aucun compte audit Armand de Vignerot, ni à quelques autres personnes que ce soit ; et en cas que madite nièce, la duchesse d’Aiguillon, fût décédée avant moi, ou qu elle décédât avant la majorité dudit Armand de Vignerot ou de celui de ses frères qui sera mon héritier, je veux et ordonne que lesdits biens soient administrés par mes exécuteurs testamentaires, sans qu’ils soient aussi tenus de rendre aucun compte à qui que ce soit.

Item, je donne et lègue audit Armand de Vignerot, mon petit-neveu, la somme de quatre cent quarante et tant de mille livres que j’ai prêtée, par contrat de constitution de rente, à mon neveu du Pont de Courlay son père, pour acquitter les dettes par lui contractées, ensemble tout ce que ledit sieur du Pont, mon neveu, me devra, tant à cause des arrérages desdites constitutions de rente, que pour quelque autre cause que ce soit et à quelque somme que lesdites dettes se trouveront revenir lors de mon décès, à la charge et condition néanmoins que mon petit-neveu ne pourra faire aucune demande desdites sommes, tant en principal qu’intérêt, audit sieur du Pont de Courlay son père pendant son vivant, ains se réservera à se pourvoir sur ses terres après son décès ; si ce n’est que les terres et biens dudit sieur du Pont de Courlay, mon neveu, soient, de son vivant, saisis et mis en décret, à la requête de ses créanciers, auquel cas je veux et entends que ledit Armand de Vignerot, mon petit neveu, puisse s’opposer aux biens saisis, et même s’en rendre adjudicataire, s’il le juge ainsi à propos ; et en cas qu’il se rende adjudicataire desdits biens ou qu’étant vendus, il soit mis en ordre sur les deniers provenant de la vente d’iceux, je veux et entends que mondit neveu du Pont de Courlay, jouisse sa vie durant du revenu desdits biens, dont il sera rendu adjudicataire, ou de l’intérêt des sommes dont mon petit-neveu aura été mis en ordre.

Et, d’autant qu’il a plù à Dieu bénir mes travaux et les faire considérer par le Roi mon bon maître, en les reconnoissant par sa munificence au-dessus de ce que je pouvois espérer, j’ai estimé, en faisant ma disposition présente, devoir obliger mes héritiers à conserver l’établissement que j’ai fait en ma famille, en sorte qu’elle se puisse maintenir longuement en la dignité et splendeur qu’il a plu au Roi lui donner, afin que la postérité connoisse que, si je l’ai servi fidèlement, il a su, par une vertu toute royale, m’aimer et me combler de ses bienfaits.

Pour cet effet, je déclare et entends que tous les biens que j’ai ci-dessus légués et donnés, soient à la charge des substitutions ainsi qu’il suit.

Premièrement, je substitue à Armand de Vignerot, mon petit-neveu, fils de François Vignerot sieur du Pont de Courlay, mon neveu, en tous les biens tant meubles qu’immeubles que je lui ai ci-dessus légués, son fils aîné ; je substitue l’aîné des mâles de ladite famille, et d’aîné en aîné, gardant toujours l’ordre et prérogative d’aînesse.

Et, en cas que ledit Armand de Vignerot, décède sans enfans mâles ou que la ligne masculine vienne à manquer en ses enfans, je lui substitue celui de ses frères qui sera l’aîné en la famille, ou, à son défaut, l’aîné des enfans mâles dudit frère, selon l’ordre de primogéniture, et gardant toujours la prérogative d’aînesse ; et en cas que ledit frère ou ses enfans mâles décèdent sans enfans mâles, et que la ligne masculine vienne à manquer, je lui substitue celui de ses frères ou de ses neveux qui sera l’aîné des mâles en la famille, et d’aîné en aîné, gardant toujours l’ordre de primogéniture tant que la ligne masculine de François de Vignerot sieur du Pont de Courlay durera.

Je déclare que je veux et entends que celui des enfans mâles de mon neveu du Pont de Courlay, ou de ses descendans qui sera ecclésiastique, s’il est in sacris ne soit compris en l’institution et substitution ci-dessus faite, pour jouir d’icelle, encore qu’il fût plus âgé ; mais je veux et ordonne qu’en tous les degrés d’institution et substitution, celui qui se trouvera le plus âgé et aîné de la famille, après celui qui sera ecclésiastique et in sacris lors de l’ouverture de la substitution, jouisse en son lieu des droits d’institution et substitution selon l’ordre de primogéniture.

Et, en cas qu’il n’y eût plus aucun descendant mâle de mondit neveu du Pont de Courlay, et que la ligne masculine venant de lui, vînt à manquer en la famille, j’appelle à ladite substitution Armand de Maillé, mon neveu, ou celui de ses descendans mâles par les mâles qui sera duc de Fronsac, par augmentation des biens institués et substitués, et pour sortir même nature et aux mêmes conditions, institutions et substitutions que les autres biens que je lui ai légués, le tout à la charge que mondit neveu Armand de Maillé et ses descendans qui viendront à ladite substitution, prendront le seul nom de du Plessis de Richelieu sans adjonction d’autres.

Item, je substitue audit Armand de Maillé, en tous les biens que je lui ai ci-dessus légués, le fils aîné qui viendra de lui en loyal mariage, et audit fils aîné je substitue l’aîné des mâles issus de lui, et d’aîné en aîné à l’exclusion de ceux qui seront ecclésiastiques in sacris, ainsi que j’ai dit ci-dessus.

Et en cas que mondit neveu, Armand de Maillé, vînt à décéder sans enfans mâles ou qu’il n’y eût aucuns descendans mâles de lui, et que la ligne masculine venant de lui, vînt à manquer en sa famille, j’appelle à ladite substitution Armand de Vignerot, mon petit-neveu ou celui de ses descendans mâles qui sera lors duc de Richelieu ; et faute d’hoirs mâles de la famille de mondit sieur Armand de Vignerot, j’appelle à la substitution l’aîné des mâles de la famille de mondit neveu du Pont de Courlay, descendans de lui par les mâles selon l’ordre de primogéniture par augmentation des biens institués et substitués, et pour sortir même nature et aux mêmes conditions, institutions et substitutions que les autres biens que je leur ai légués.

Et, en cas que la ligne masculine de mondit neveu du Pont de Courlay et d’Armand de Maillé, mon neveu, vienne à manquer, en sorte qu’en toutes les deux familles il n’y ait plus aucuns enfans mâles descendans des mâles en légitime mariage pour venir à ma succession, selon l’ordre ci-dessus prescrit, j’appelle à la substitution des biens auxquels j’ai institué Armand de Vignerot, mon petit-neveu, le fils aîné de la fille aînée venant de l’aîné, ou celui qui le représentera, et puis l’aînée des filles venant des puînés, selon l’ordre de primogéniture des mâles à l’exclusion de ceux qui sont in sacris.

Et, en cas, ainsi qu’il est dit ci-dessus, que la ligne vienne à manquer, tant dans la famille d’Armand de Maillé, mon neveu, qu’en celle de mondit neveu du Pont de Courlay, j’appelle à la substitution des biens auxquels j’ai institué ledit Armand de Maillé, mon neveu, le fils aîné de sa fille aînée, puis des puînées ou celui des mâles qui le représentera, et de mâles en mâles, à l’exclusion de ceux qui seront constitués in sacris, gardant toujours, de degré en degré, la primogéniture des mâles, et aux mêmes charges, conditions, institutions et substitutions que dessus.

Et, s’il arrivoit que tous les mâles descendans des filles de mondit neveu du Pont de Courlay, décédassent sans enfans mâles, je leur substitue celui de mes successeurs qui sera duc de Fronsac, en vertu de mon testament par augmentations d’institutions et substitutions ; et en cas que tous les mâles descendans des filles venant d’Armand de Maillé, mon neveu, décédassent sans enfans mâles, je leur substitue celui de mes successeurs qui possédera lors, en vertu de mon testament, le duché de Richelieu, par augmentations d’institutions ou substitutions.

Je prie ceux des familles de Vignerot et de Maillé auxquels les biens que je substitue écherront, de vouloir renouveler, en tant que besoin seroit, lesdites institutions et substitutions, selon mon intention ci-dessus, ce que je crois qu’ils feront volontairement, tant en considération des grands biens qu’ils auront reçus de moi, que pour l’honneur de leur famille.

Et, comme mon intention est que les terres des duchés et pairies de Richelieu, et de Fronsac et Caumont, leurs appartenances et dépendances soient conservées entières en ma famille, sans être divisées pour celte considération, je prohibe, autant que je le puis, à mondit petit-neveu Armand de Vignerot et Armand de Maillé, mon neveu, leurs descendans et à tous autres qui viendront à la succession desdites terres, tant par institution que substitution en vertu du présent testament, toute détraction de quatre légitime, douaire, ou autrement, en quelque manière que ce soit, sur lesdites terres de duchés et pairies, voulant que lesdites terres et seigneuries demeurent entières à celui qui sera substitué en son ordre, sans qu’elles puissent être démembrées, ni divisées pour quelque cause que ce soit.

Je veux et entends que mon neveu du Pont de Courlay se contente, pour tout droit qu’il pourroit prétendre en ma succession, de la somme de deux cent mille livres que je lui ai ci-dessus léguée, et des trente mille livres que je lui ai aussi léguées à prendre par chacun an sur tous les biens que j’ai légués par ce mien testament à Armand de Vignerot, mon petit-neveu, son fils, ensemble de la jouissance des sommes de deniers qu’il me doit, ainsi que j’en ai disposé ci-dessus.

Item, je déclare qu’en cas que mondit neveu François de Vignerot, sieur du Pont de Courlay, conteste cette mienne disposition, et que le duché de Richelieu lui fût adjugé pour la part et portion dont je n’avois pu disposer, en ce cas je révoque ladite donation de deux cent mille livres faite en sa faveur, et en outre je révoque toutes les institutions que j’ai faites dudit duché de Richelieu en faveur d’Armand de Vignerot, son fils, et de ceux de la famille de Vignerot, et veux et entends qu’Armand de Maillé, mon neveu, soit appelé à la substitution dudit duché après le décès dudit François de Vignerot,sieur du Pont de Courlay, mon neveu, à l’exclusion de tous les descendans de mondit neveu du Pont de Courlay, et qu’il jouisse, lors de l’ouverture de ma succession, des parts et portions dudit duché dont je puis disposer ; et en tant que besoin est, au cas que ledit François de Vignerot, mon neveu, conteste ce mien testament, je donne à Armand de Maillé lesdites parts et portions dont je puis disposer avec l’hôtel de Richelieu que j’ai ordonné être bâti joignant le Palais-Cardinal, ensemble tous les meubles qui se trouveront lors de mon décès, tant en la maison de mon duché de Richelieu qu’au Palais-Cardinal et audit hôtel de Richelieu, et ce par augmentation d’institutions ou substitutions, et pour sortir même nature et aux mêmes conditions, institutions et substitutions que les autres biens à lui ci-dessus légués, et à la charge qu’il prendra le seul nom et les seules armes de la maison du Plessis de Richelieu, ainsi qu’il est dit ci-dessus.

Et, quant aux autres biens, tant meubles qu’immeubles dont j’ai disposé ci-dessus en faveur d’Armand de Vignerot, mon petit-neveu, je veux et entends qu’il en jouisse ainsi que j’ai ordonné ci-dessus, aux conditions d’institutions et substitutions apposées ci-dessus, à la charge néanmoins que cette dernière disposition n’aura lieu qu’en cas que mondit neveu François de Vignerot, sieur du Pont de Gourlay, conteste mon testament.

Et, d’autant que dans les biens dont j’ai ci-dessus disposé, il y en aura peut-être du domaine du Roi, et d’autres biens et rentes qui pourroient être rachetées, je veux et entends qu’en cas de rachat de tout ou de partie des biens de cette nature, soit aux institués ou substitués, le prix en provenant soit remplacé par celui auquel le rachat sera fait, en acquisition d’héritages, pour tenir lieu et place desdits biens rachetés aux mêmes conditions, institutions et substitutions auxquelles je les ai donnés et légués ci-dessus, et ce, dans six mois du jour du remboursement qui en sera fait, si l’on peut trouver a faire ledit emploi ; au défaut de quoi, les deniers provenant desdits rachats et remboursemens, seront mis es mains de personnes solvables jusqu’à ce que le remploi soit fait, avec le consentement de celui qui sera le plus proche appelé à la substitution desdites choses.

Je ne fais aucune mention en ce mien testament de ma nièce la duchesse d’Enghien, d’autant que par son contrat de mariage elle a renoncé à ma succession, moyennant ce que je lui ai donné en dot, dont je veux et ordonne qu’elle se contente.

Mon intention est que les exécuteurs de mon testament et madite nièce la duchesse d’Aiguillon, aient le maniement durant trois ans, à compter du jour qu’il aura plu à Dieu disposer de moi, des deux tiers du revenu de tout mon bien, l’autre demeurant à mesdits héritiers chacun en ce qui les Concerne, pour être lesdits deux tiers employés au paiement de ce qui pourroit rester à acquitter de mes dettes, de mes legs et à la dépense des bàtimens que j’ai ordonné être faits et achevés, savoir : de l’église de la Sorbonne de Paris, ornernens et ameublemens d’icelle, de ma sépulture que je veux être faite en ladite église, suivant le dessin qui en sera arrêté par ma nièce la duchesse d’Aiguillon et M. de Noyers du collège de Sorbonne, suivant le dessin que j’en ai arrêté avec M. de Noyers et M. Mercier, architecte, à l’achat des places nécessaires, tant pour l’édification dudit collège, que pour le jardin de la Sorbonne, suivant les prisées et estimations qui en ont été faites, comme encore à la dépense de l’hôtel de Richelieu que j’ai ordonné être fait, joignant le Palais-Cardinal, de la bibliothèque dudit hôtel dont les fondations sont jetées, laquelle je prie M. de Noyers de faire achever soigneusement suivant le dernier dessin et devis arrêtés avec Tiriot, maître maçon ; et de faire acheter tous les livres qui y manqueront. Je le prie aussi de faire réparer, accommoder et orner la maison des pères de la Mission que j’ai fondée à Richelieu, et de leur faire acheter un jardin dans l’enclos de la ville de Richelieu, le plus proche de leur maison que faire se pourra, de la grandeur que j’ai ordonnée ; comme aussi de faire achever les fontaines et autres accommodemens commencés, et nécessaires pour la perfection de mes bâtimens et jardins de Richelieu ; le tout sur lesdits deux tiers du revenu de mondit bien, comme dit est, sans que de toutes les dépenses ci-dessus madite nièce ni M. de Noyers soient tenus de rendre compte à qui que ce soit ; et, bien que j’aie déjà suffisamment fondé audit Richelieu lesdits pères de la Mission pour entretenir vingt prêtres, afin de s’employer aux missions dedans le Poitou suivant leur institut, je leur donne encore la somme de soixante mille livres, afin qu’ils aient d’autant plus de moyens de vaquer auxdites missions, et qu’ils soient obligés de prier Dieu pour le repos de mon âme, à la charge d’employer ladite somme de soixante mille livres en achat d’héritages, pour être de même nature que les autres biens de la fondation.

Je défends à mes héritiers de prendre alliance en des maisons qui ne soient pas vraiment nobles, les laissant assez à leur aise pour avoir plus d’égard à la naissance et à la vertu, qu’aux commodités et aux biens.

Et, d’autant que l’expérience nous fait connoître que les héritiers ne suivent pas toujours la trace de ceux dont ils sont successeurs, désirant avoir plus de soin de la conservation de l’honneur que je laisse aux miens, que de celle de leur bien, je recommande absolument auxdits Armand de Vignerot et Armand de Maillé, et à tous ceux qui jouiront après eux desdits duchés, pairies et biens que je leur ai ci-dessus substitués, de ne se départir jamais de l’obéissance qu’ils doivent au Roi et à ses successeurs, quelque prétexte de mécontentement qu’ils puissent prendre pour un si mauvais sujet ; et déclare en ma conscience que, si je prévoyois qu’aucun d’eux dût tomber en telle faute, je ne lui laisserois aucune part en ma succession.

Je donne et lègue au sieur du Plessis de Sivray, mon cousin, la somme de soixante mille livres qui m’est due par M. le comte de Charost, capitaine des gardes-du-corps du Roi, auquel j’entends que ledit sieur du Plessis de Sivray, ni aucun de mes héritiers, ne puisse demander aucune chose pour les intérêts de ladite somme de soixante mille livres ; ains seulement que ledit sieur de Sivray se puisse faire payer du principal d’icelle, dans l’an de mon décès.

Pour marque de la satisfaction que j’ai des services qui m’ont été rendus par mes domestiques et serviteurs,
Je donne au sieur Didier, mon aumônier, quinze cents livres ;
Au sieur de Bar, dix mille livres ;
Au sieur de Mause, six mille livres ;
Au sieur de Belesbat, parce que je ne lui ai encore rien donné, dix mille livres ;
A Beaugensy, trois mille livres ;
A Lestoublou, trois mille livres ;
Au sieur de Valvoisin, parce que je ne lui ai rien donné, douze mille livres ;
A Gueille, deux mille livres ;
Au sieur Citois, six mille livres ;
Au sieur Renaudot, deux mille livres ;
A Berthereau, six mille livres ;
A Blouin, dix raille livres ;
A Desbournais, mon valet de chambre, six mille livres, et je désire qu’il demeure concierge sous mon petit-neveu du Pont de Courlay dans le Palais-Cardinal ;
Au Cousin, six mille livres ;
A L’Espolette et à Prévost, chacun trois mille livres ;
Au sieur Buzenot, mon argentier, quatre mille livres ;
A mon maître d’hôtel, six mille livres ;
A Picot, six mille livres ;
A Robert, trois mille livres ;
Aux sieurs de Grand et de Saint-Léger, mes écuyers, chacun trois mille livres, et en outre mes deux carrosses avec les deux attelages de chevaux, ma litière et les trois mulets qui y servent, pour être partagés également entre mes deux écuyers ;
A Chamarante et du Plessis, chacun trois mille livres ;
A Villaudry, quinze cents livres ;
A Deroques, dix-huit chevaux d’école, après que les douze meilleurs de mon écurie auront été choisis pour mes parens ;
Au sieur Defort, écuyer, six mille livres ;
A Grandpré, capitaine de Richelieu, trois mille livres ;
A La Jeunesse, concierge de Richelieu, trois mille livres ;
Au petit Mulot, qui écrit sous le sieur Charpentier, mon secrétaire, quinze cents livres ;
A La Garde, trois mille livres ;
A mon premier crédentier, deux mille livres ;
A mon premier cuisinier, deux mille livres ;
A mon premier cocher, quinze cents livres ;
A mon premier muletier, douze cents livres ;
A chacun de mes valets de pied, six cents livres ;

Et généralement à tous les autres officiers de ma maison, savoir : de la cuisine, sommellerie et écurie, chacun six années de leurs gages, outre ce qui leur sera dû au jour de mon décès.

Je ne donne rien au sieur Charpentier, mon secrétaire, parce que j’ai eu soin de lui faire du bien pendant ma vie ; mais je veux rendre ce témoignage de lui, que durant le long temps qu’il m’a servi, je n’ai point connu de plus homme de bien, ni de plus loyal et sincère serviteur.

Je ne donne rien aussi au sieur Chéré, mon autre secrétaire, parce que je le laisse assez accommodé, étant néanmoins satisfait des services qu’il m’a rendus.

Je donne au baron de La Broye, héritier de feu sieur Barbin, que j’ai su être en nécessité, la somme de trente mille livres.

Je prie mon frère, le cardinal de Lyon, de donner au sieur de Sadilly le prieuré de Coussaye que je possède présentement, et lequel est à sa nomination.

Et, pour exécuter le présent testament et tout ce qui en dépend, j’ai nommé et élu M. le chancelier et messieurs Bouthillier surintendant, et de Noyers secrétaire d’État ou ceux d’eux qui me survivront ; voulant qu’ils aient un soin particulier que rien ne soit omis de tout ce que dessus, qui est mon testament et ordonnance de ma dernière volonté, laquelle j’ai faite ainsi qu’il est dit ci-dessus, après y avoir mûrement pensé plusieurs fois, parce que la plus grande part de mon bien étant venue de gratifications que j’ai reçues de leurs Majestés, en les servant fidèlement, et de mes épargnes, il m’est libre d’en user comme bon me semble ; joint que je laisse à chacun de mes héritiers légitimes beaucoup plus de bien qu’il* ne leur appartiendroit de ce qui m’est arrivé de la succession de ma maison ; et, afin qu’il n’y ait point de différends entre eux, et que cette mienne volonté et ordonnance dernière soit pleinement exécutée, je veux et ordonne qu’au cas que quelqu’un de mesdits héritiers ou légataires prétendît qu’il y eût de l’ambiguïté ou obscurité en ce mien présent testament, que mon frère le cardinal de Lyon et mes exécuteurs testamentaires, tous ensemble, ou ceux d’eux qui seront lors vivans, expliquent mon intention, et jugent définitivement le différend qui pourroit naître sur le sujet du présent testament ; et que mesdits héritiers ou légataires soient tenus d’acquiescer à leur jugement, sur peine d’être privés de la part que je leur donne et laisse, laquelle sera en ce cas pour ceux qui obéiront au jugement donné par les dessus dits.

Je supplie très-humblement le Roi de vouloir traiter mes parens qui auront l’honneur de le servir aux occasions qui s’en présenteront, selon la grandeur de son cœur vraiment royal ; et de témoigner en cela l’estime qu’il fera de la mémoire d’une créature qui n’a jamais eu rien en si singulière recommandation que son service.

Et je ne puis que je ne die pour la satisfaction de ma conscience, qu’après avoir vécu dans une santé languissante, servi heureusement dans des temps difficiles, et des affaires très-épineuses, et expérimenté la bonne et mauvaise fortune en diverses occasions, en rendant au Roi ce à quoi sa bonté çt ma naissance m’ont obligé particulièrement, je n’ai jamais manqué à ce que j’ai dû à la Reine sa mère, quelques calomnies que l’on m’ait voulu imposer à ce sujet.

J’ai voulu, pour plus grande sûreté de ce mien testament, déclarer que je révoque tout autre que je pourrois avoir fait ci-devant ; et ne vouloir aussi, en cas qu’il s’en trouva ci-après quelque autre de date postérieure qui révoque celui-ci, que l’on y ait aucun égard, s’il n’est tout écrit de ma main et reconnu de notaires, et, que les mots suivant : satiabor cum apparuerit gloria tua, ne soient insérés à la fin et immédiatement avant mon seing ; et d’autant qu’à cause de madite maladie et des abcès survenus sur mon bras droit, je ne puis écrire ni signer, j’ai fait écrire et signer mon présent testament, contenant seize feuilles, et la présente page par ledit Pierre Falconis, notaire royal, après m’en être fait faire lecture distinctement et intelligiblement.

Fait audit hôtel de la Vicomté, le vingt-trois du mois de mai l’an mil six cent quarante deux, après midi ; signé Falconis, avec paraphe.

L’an mil six cent quarante-deux, et le vingt-troisième jour de mai après-midi, dans l’hôtel de la Vicomté de Narbonne, régnant Sa Majesté très-chrétienne Louis XIII, roi de France et de Navarre, devant moi notaire fut présent en sa personne monseigneur Armand-Jean du Plessis, cardinal de la sainte Église romaine, duc de Richelieu et de Fronsac, pair de France, commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, grand-maître, chef et surintendant général pour Sa Majesté en Bretagne, lequel, détenu de maladie et sain d’entendement, a dit et déclaré avoir fait écrire dans les seize feuilles et demie de papier écrit, fermées et cachetées du cachet de ses armes avec cire d’Espagne, par moi notaire, son testament et acte de dernière volonté, lequel moi dit notaire ai signé, mondit seigneur le cardinal n’ayant pu écrire ni signer sondit testament de sa main, à cause de sa maladie et des abcès survenus en son bras, tout le contenu auquel testament son éminence veut valoir par droit de testament, clos et solemnel, codicile, donation, à cause de mort et par toute telle autre forme que de droit pourra mieux valoir, nonobstant toutes observations de droit écrit auxquelles le lieu -où se trouve présentement son éminence pourroit l’astreindre ; et toutes autres lois et coutumes à ce contraires ; et a prié les témoins bas nommés d’attester sondit présent testament, et moi notaire lui en donner le présent acte, concédé en présence de monseigneur l’éminentissime cardinal Mazarini, M. Lescot, nommé par Sa Majesté à l’évêché de Chartres, d’Aumont abbé d’Uzerches, de Péréfixe, maître de chambre de mondit seigneur cardinal duc, Delabarde, secrétaire du cabinet du Roi et trésorier de France à Paris, Le Roi, secrétaire de Sa Majesté, maison et couronne de France, de Rennefort, abbé de La Clarté Dieu, soussignés, et moi dit notaire avec iceux témoins, mondit seigneur cardinal duc n’ayant pu signer le présent acte, à cause de sadite maladie.

Signé, le cardinal Mazarini. J. Lescot. R. d’Aumont. J. Delabarde. D. de Rennefort. Le Roi, Hardouin de Péréfixe. Falconis.


[1L’original de ce testament se trouvoit dans l’étude de Me. Le Cerf, notaire à Paris, rue Saint-Honoré n°. 83. L’expédition a été faite sur l’original.

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