Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

Accueil > Grands thèmes d’histoire locale > Etablissements religieux > Abbayes, monastères et commanderies > Diocèse d’Angoulême > 1656 - Angoulême - Marché pour la construction d’un orgue à la (...)

1656 - Angoulême - Marché pour la construction d’un orgue à la Cathédrale

mardi 24 avril 2007, par Pierre, 8919 visites.

3 juin 1656 - Marché entre le chapitre de Saint-Pierre d’Angoulême et Léonard Lefebvre, maître facteur d’orgues et organiste, pour la construction d’un orgue à la cathédrale.

Presque 100 ans après les dégâts subis par la cathédrale (en 1562) pendant les guerres de religion, le Chapitre casse sa tirelire pour faire refaire les grandes orgues.

A Saintes, 30 ans plus tôt, les chanoines de la cathédrale ont fait de même

Source : AD 16 - Minutes de Gibaud, notaire à Angoulême. - Cité dans Bulletins et Mémoires de la Société Archéologique et Historique de Charente - Année 1881

Petit historique des orgues de la Cathédrale d’Angoulême

Jouer une pièce d’orgue de Girolamo Frescobaldi : Canzone Prima (1626)

PAR devant le notaire royal, tabellion et gardenotte héréditaire en Angoumoys et tesmoings bas nommez ont estez présens et personnellement establys en droit comme en vray jugement vénérables et discrettes personnes messieurs maistres Hugues de Couvidou, Etienne Guille-baud et Marc Guillaumeau, tous chanoynes prébandez, baisje et claviers cle l’esglize cathédralle St Pierre d’Angoulesme, faisant tant pour eux que pour messieurs, les doyen, chanoynes et chapitre de laditte esglise, ausquelz ilz ont promis faire ratifier ces présantes dans huict jours prochains, d’une part ; et Léonard Lefebvre, maistre facteur d’orgues et organiste, demeurant les parties en cette ville d’Angoulesme, d’autre part.

Entre lesquelles parties a esté fait et accordé le marché et convention qui s’ensuict.

Grand orgue actuel (18ème-19ème siècle) de la cathédrale d’Angoulême
voir notice sur cet orgue

Scavoir est que ledict Lefebvre, de son gré et vollonté, a promis et sera tenu de faire et pozer pour mesdicts sieurs du chapitre, en laditte esglize, au lieu et endroit qui luy a esté monstré, un horgue de quatre pieds en raisonnance, composé de quatorze jeux, scavoir :
- la monstre de quatre pieds en raisonnance, d’estain fin ;
- le bourdon de quatre pieds bouché, raisonnant au thon de huict ;
- la doublette en raisonnance ;
- la fourniture de quatre tuyaux sur touche, recoupant d’octave en octave ;
- la cymbale de deux tuyaux sur touche ;
- la fleute d’alement à l’unisson de la monstre ;
- le nazard à la quinte de la doublette ;
- la tierce à la tierce de la doublette ;
- le flageollet à l’octave de la doublette ;
- le cornet à bouquin ;
- la trompette de huict pieds à l’unisson du bourdon ;
- la voix humaine en thon de bourdon ;
- l’escho de cornet ;
- l’escho de voix humaine, de mesme estendue que l’escho de cornet ;
- le tremblant, le tout d’estain et plomb meslé et de bonne matière ;

- ensemble le buffet en menuzerie de bois de noyer gris bien sec, et de belle architecture et ornement convenable, suivant et conformément au dessein représanté par ledit Lefebvre ausdits sieurs du chapitre, et entre toutes parties accordé et paraffé d’icelles et de nous dit notaire ne varietur, demeuré par devers ledict Lefebvre qui sera tenu le représanter toutesfois et quantes ;

comme aussi fera le sommier et les soufflets compettans, de longueur, largeur et autheur convenable pour les jeux cy dessus mentionnés, et fournir les bois, fert, fil d’archal [1], cuir, estain et plom susdits, le tout aux frais et despens dudict Lefebvre, et randre laditte orgue bien jouante et accordante, garnie de ses ferrures et tous autres matériaux nécessaires, dans neuf mois prochains venans, à payne de tous despens, dhomages et intérestz, en telle sorte que lesdits sieurs du chapitre en demeurent satisfaicts et contans, le tout à dire d’expers dont les parties conviendront, si besoin est, à communs frais ;

ledit marché et convention, faicte moyennant le prix et somme de deux mille livres tournois, ensemble tout le plom, estain, les soufflets et le cabinet des vieillies orgues de laditte esglize dont ledit Lefebvre disposera ainsy que bon luy semblera, de laquelle somme de deux mille livres lesdits sieurs baisle et claviers seront tenus en bailher et payer contant, après la ratification qui sera faicte par le chapitre en corps, du présant contract, la somme de mille livres, et dans trois mois emprès, la somme de cinq cent livres, lesquelles sommes iceluy Lefebvre sera tenu employer en açhapt d’estain, plom et autres matériaux requis et nécessaires pour faction dudit orgue, et les cinq centz livres restant, incontinent après que ledit orgue sera fait et parfait, bien et duement, et veu [et] vizitté par expers, et agréé par mesdits sieurs du chapitre, et sans qu’ilz soient tenus fournir ne payer autres choses.

Et pour l’entretenement de tout ce que dessus, après que les parties ont le tout stipulé et accepté, elles ont obligé et ypothequé, savoir lesdits sieurs baisle et claviers, les biens temporels dudit chapitre, et ledit Lefebvre, tous ses biens présans et futurs quelconques et sa personne, comme pour deniers royaux, renonceantz à toute discutions de biens et personne et autres choses ad ce contraires, dont, ce requerantz, ilz ont estes jugés et soubzmis, etc....

Faict et passé en la ville d’Angoulesme, maison dudit notaire, après midy, le troisiesme jour de juin 1656, es présences de Philippe Dexmier, coriste laditte esglize, et François Godin, l’un des huissiers de laditte esglize, demeurantz audit Angoulesme, tesmoingz requis.

Et ont lesdittes parties et tesmoings signé et approuvé le mot centz interligné.
H. de Couvidou, baisle. Guilhebaud, clavier.
M. Guillaumeau, clavier.
L. Lefebvre. Dexmier. F. Godin,
P. Gibauld, nre royal héréditaire.


Et advenant le premier jour de décembre 1656, par-devant les notaires et tesmoings bas nommez, ont estes présens et personnellement establis en droit comme en vray jugement, vénérables et discrettes personnes messieurs maistre Claude Girard, archidiacre, Léonard de la Forestie, chantre et chanoyne, Anthoine Raoul, maistre-escolles et chanoyne, Germain-Esmanuel de Mauléon, trézorier, François Guy, Charles de la Place, François Bernard, Hugues de Couvidou, Estienne Guilhebaud, Charles Prévérauld, Pierre Talion, François Prévérauld, Marc Guillaumeau et Anthoine de Poutignac, tous chanoynes prébendes de laditte esglize et faisant le chappitre d’icelle, y assemblés au son de la cloche, en la manière accoustumée, pour dellibérer des affaires dudit chappitre, d’une part ; et ledit Léonard Lefebvre, maistre facteur d’orgues et organiste, demeurant les parties en ceste ville d’Angoulesme, d’autre part, lesquelz mesditz sieurs chanoynes ont dict et cléclairé qu’après la réedifflcation de leur ditte esglize, de laquelle les héréticques avoient ranversé plus de la moictyé jusques aux fondementz, après l’acquittement et payement des grandes et immences debtes ausquelles son revenu temporel estoit obligé, n’ayant rien de plus à cœur que de remettre le service divin dans sa perfection et dans l’estât qu’il doibt estre dans une esglize qui est la matrice et la règle des autres, ils auroient sept années, pourveu le sacrifice de riches et beaux ornementz de toutes les couleurs requises et nécessaires, et mis une lampe de grand prix devant le grand autel.

Et comme la psallette est la pépinière des muzitiens et coristes, le fondement de la muzicque et psalmodie, et que cy devant elle avoit esté mal gouvernée, ilz y auroient mis un maistre de muzicque, des souins et cappassité duquel ilz espèrent son restablissement, luy ayant donné pour cest effect deulx soubzmaistres, un de muzicque, l’autre de grand mère, et de plus auroient augmenté le nombre des muzitiens de trois estrangiers ausquelz ils donnent de gros gaiges.

Mais d’aultant que dans une esglize cathedralle le service ne se doibt pas seulement faire avecq dessance et piété, mais encore avecq magnificence et majesté, en considérant que le bruit armonieux des orgues contribue à cella aultant ou plus que la muzicque des voyx, ilz auroient faict marché d’un orgue avecq ledit Lefebvre, comme appert par le contract cy dessus.

Mais à cause que par icelluy contract ledict orgue ne debvoit estre que de quatre pieds, et qu’on a jugé que demeurant ainsy, qu’il seroit trop petit et n’auroit pas de raport à la grandeur de l’esglize, mesdits sieurs auroient rézollu de l’augmenter et seroient convenus avec ledit Lefevre, de l’augmentation des jeux et du prix, comme s’ensuit.

Scavoir est qu’icelluy Lefèvre a promis et sera tenu de faire la monstre dudit orgue de huict piedz en raisonnance, de fin estaing de Cornouailhe, et d’adjouster aux jeux exprimés par le contract cy dessus, le prestant de quatre pieds en raisonnance, les pédalles, scavoir vingt cinq de bois de sapin de Flandre et vingt d’anches raisonnant au thon de huict, et vingt cinq aultres d’anches raisonnant au thon de quatre, lesquelles on appelle enfantines, et une muzette.

A promis aussy et sera tenu ledit Lefebvre adjouster ung soufflet pareil et semblable au deulx du premier marché, et fera ou fera faire à ses fraitz et despans le buffet dudit orgue de bois de chaisne, bon et bien fait en menuzerie, avec architecture, ornementz, figures enrichissementz de sculture, suivant le dessein exprimé par ledit contract, et en augmentant ledit buffet en longueur, largeur et profondeur, c’est assavoir que ledit buffet aura dix huict piedz, sans le couronnement, d’haulteur, seize piedz de largeur et cinq piedz de profondeur, et fournir à cet effect tous matériaux requis et nécessaires, le tout moyennant le prix et somme de mille livres d’augmentation au susdit contract et des presantes.

Et d’aultant que de la somme de deux mille livres promise audit Lefebvre par le premier marché, il ne lui reste à payer que celle de cinq centz livres, laquelle, comme il est porté par le susdit contract ne luy debvoit estre payée qu’après la perfection entière dudit orgue, mesdits sieurs néantmoingz ont promis luy payer dans huict jours ladite somme de cinq centz livres, et sur celle de mille livres promize par ses presantes pour la susdite augmentation, mesdits sieurs seront tenus de luy payer la somme de trois centz livres dans la feste de Pasques prochaine, et le restant, qui est sept centz livres, apprès l’entière perfection dudit orgue et qu’il aura esté veu et vizitté par expers, en la forme déclarée par le susdit contract et agréé par mesdits sieurs.

Et à la faction du tout ledit Lefebvre travaillera sans aucune discontinuation, et rendra le tout faict et parfait dans le jour et feste Saint Pierre et Saint Paul prochain, à payne de tous despans, dhomaiges et intérestz, le tout sans innover par mesdits sieurs au contenu de ce qu’est obligé faire ledit Lefebvre par le contract cy dessus qui sera executté en tout et par tout.

Et pour l’entretenement de tout ce que dessus, après que les parties ont le tout stipullé et accepté, elles ont obligé et ypothecqué, savoir, lesdits sieurs les biens temporels dudit chapitre, et ledit Lefebvre tous ses biens presentz et futurs quelconques et sa personne, comme pour deniers royaux, renonceans à toute discution de biens, de personnes et autres choses ad ce contraires, dont, ce requerantz, ilz ont estes jugés et condampnés par ledit notaire à la juridiction duquel ilz se sont soubzmis et leurs dits biens et personne quant ad ce.

Faict et passé en la ville d’Angoulesme, en la chambre cappitulaire de laditte esglize, les jours et an susdits, es présances de François Godin, un des huissiers de laditte esglize, et de François Albert, maistre menuzier, demeurante audit Angoulesme, tesmoings requis.

Et n’ont lesclits sieurs du chappittre signé, pour n’estre la coustume, ains ont faict signer maistre Martin Rossignol, leur secrétaire, qui a signé avecq les lesdits tesmoingz.

J’approuve les motz sapin de Flandre interlignés.

(Suivent les signatures. )

Petite histoire de l’orgue de la Cathédrale d’Angoulême

- Le 1er orgue existait en 1562 : il fut détruit par les Huguenots vers la Pentecôte 1562
- Le second fut acheté en 1598 à Bordeaux par les chanoines de la Cathédrale auprès d’un facteur nommé Delaigle. En 1611 "les orgues de céans etoient gastées et ... il estoit nécessaire de les réparer"
- Le troisième est celui dont il est question dans le texte ci-dessus (1556).
- En 1777, "l’orgue est totalement détruit, et ... il serait essentiel de le faire rétablir"

Illustration dans le texte : grand orgue actuel de la cathédrale d’Angoulême.

L’orgue de tribune date des années 1780-1786 (Simon-Pierre Miocque de Paris. Orgue de conception classique à 4 claviers et pédalier.
Le buffet date de 1781-83.
La tribune date de 1781.
En 1822, on ajoute 3 jeux.
En 1848, le facteur Henry de Bordeaux reconstruit l’instrument avec 3 claviers et 44 jeux d’esthétique romantique.
En 1931, la firme Puget de Toulouse procède à une reconstruction et en 1965, l’orgue est remis selon des dimensions actuelles par le facteur Beuchet-Debierre de Nantes.

L’instrument a alors 3 claviers, un pédalier et une traction électro-pneumatique.

En 1975, le buffet est classé monument historique.
En 1996, J.P. Villard intervient sur l’orgue pour un relevage.

Composition : Grand Orgue, Récit expressif, Positif, Pédale. Sur 3 claviers, 55 jeux et traction électro-pneumatique des claviers et des jeux.

L’instrument d’origine a pratiquement disparu !

Sources : Bulletins et Mémoires de la Société Archéologique et Historique de Charente - Année 1889 et site http://www.infopuq.uequebec.ca


[1Encyclopédie : Le fil de fer est nommé communément fil d’archal : la raison de cette dénomination est peu connue. M. Menage, célebre étymologiste, tire ce nom de filum & aurichalcum ; mais d’autres plus versés dans les matieres de commerce, prétendent que Richard Archal fut le premier inventeur de la maniere de tirer le fil de fer, & qu’il lui donna son nom.
Il y a aussi du fil d’archal depuis 1/2 pouce jusqu’à 1/10 de pouce de diametre. Les plus petits sont employés dans les instrumens de Musique, principalement pour les clavecins.
La Suede fournit beaucoup de fil d’archal aux autres nations.
Le premier fer qui coule de la mine lorsqu’on la fond, étant le plus doux & le plus fort, est conservé pour en faire du fil d’archal. Chambers.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Se connecter
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Lien hypertexte

(Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)

Ajouter un document

Rechercher dans le site

Un conseil : Pour obtenir le meilleur résultat, mettez le mot ou les mots entre guillemets [exemple : "mot"]. Cette méthode vaut également pour tous les moteurs de recherche sur internet.