Accueil > Grands thèmes d’histoire locale > Villes, bourgs et villages > 17 La Rochelle > 1629 - Discours au Roy sur la naissance de la ville de la Rochelle > 1138 - 1475 - Les origines "faibles" de la ville de la Rochelle
1138 - 1475 - Les origines "faibles" de la ville de la Rochelle
mercredi 14 juillet 2010, par , 881 visites.
Les historiens sont assez unanimes pour dire que les origines de la ville de la Rochelle sont obscures. Notre auteur les qualifie de "faibles", c’est à dire qu’on ne dispose que de peu d’informations sur cette origine. Les premiers documents remontent à 1138-1145, ce qui n’est tout de même pas si mal. Le rédacteur nous fournit quelques uns de ces documents, et ses citations sont de tout premier ordre.
Source : Discours au Roy sur la naissance, ancien estat, progres & accroissement de la Ville de La Rochelle - Paris - 1629 - Google Books
Origine de la ville de la Rochelle, son accroissement & anciens Seigneurs qui l’ont possedee.
Situation de la Rochelle
L’on ne peut revoquer en doute, que la ville de la Rochelle ne soit assise au dedans du Royaume, & que de tout temps elle n’ait esté subjette à la Souveraineté de nos Rois, comme faisant partie du Poitou, selon l’opinion plus commune. Je n’ignore point qu’aucuns l’ont attribuée au pays de Xainctonge ; tous neantmoins concurrent en mesme advis, en ce qu’ils la donnent à la France.
Son origine a esté obscure : elle a pris son nom de la qualité de sa situation . Et comme cette coste a autrefois esté grandement travaillee par les courses des Saxons & autres, il est à croire que le premier dessein du bastiment de la ville a esté pour arrester la licence des Pirates,& conserver le voisinage. Il est des villes comme des fleuves, foibles en leurs sources, ils se fortifient plus ils s’en eloignent.
Hoc quodcunq ;vides, hospes, qua maxima Roma est, Ante Troem Aeneam collis et herba fuit
Son origine foible
Ainsi la Rochelle, consistant au commencement en un chasteau, depuis accompagné de quelques maisons, par succession de temps, a composé une ville, laquelle après un progrez assez lent, a esté accrue, enrichie & augmentée, comme nous la voyons par la commodité du port & richesses que fournit la mer, & la communication avec les Provinces éloignées.
Ses conditions à present sont tres-cognuës, & d’ailleurs amplement raportées par Puyguerre au 9. livre de l’Histoire du temps. Et le sieur de la Noue decrivant sur la fin de ses discours les différences d’entre Orléans & la Rochelle, dit : Cette-cy(à sçavoir la Rochelle) n’est pas si grande, ny si plaisante que l’autre ; elle a pourtant d’autres choses qui recompensent bien ces défauts, dont la principale est sa situation maritime, qui est une voye & une porte qui ne se peut fermer qu’avec une depence incomparable , & par où toutes provisions luy viennent en abondance. A deux lieues dans la mer y a des Isles fertiles, qui branlent sous sa faveur. Le peuple de la ville est autant belliqueux que trafiqueur ; des Magiftratsprudens & tous bien affectionnez à la Religion Reformée. Quant à la fortification, on a cogneu par epreuve quelle elle est, qui me
gardera d’en parler davantage. Je confesseray bien qu’Orléans, quand on est fort en campagne, est en lieu plus propre pour assaillir ; mais estant question de se défendre, la Rochelle est beaucoup plus utile.
Possedee par des Gentilshommes particuliers
Cette ville a esté longuement possedee par des Gentilshommes particuliers : Ceux de la maison de Mauleon & de Rochefort en ont esté Seigneurs & propriétaires.
Le Duc de Guyenne s’en empare
Guillaume dernier Comte de Poitou & de Guyenne, par opinion commune, fondateur des Blancs-manteaux de Paris, appellez à cause de luy Guillemin s’insinua en la ville de la Rochelle & en jouït quelque temps, & luy donna des privileges comme il se verra cy-après : mais à quel titre, ou sous quelles conditions, il ne m’est pas possible de le dire.
En l’année 1138. Eleonor fille aisnee du Duc Guillaume fut mariée auec Louys le jeune Roy de France en la ville de Bordeaux, & luy porta suivant la disposition de son pere le païs d’Aquitaine, consistant en plusieurs grandes Provinces, entr’autres au Comté de Poitou. La ville de la Rochelle, combien que grandement acreue depuis sa naissance, n’avoit lors qu’une Parroisse en la haute partie de la ville ; ce qui aportoit de grandes incommoditez:car de divers endroits du Royaume plusieurs s’estoient retirez aux voisinages de la ville :& à cause de l’eloignement de la Parroisse, déssirèrent qu’il en fust estably une nouvelle, en un champ apartenant à Guillaume de Cyre, proche du port, sous le nom de S.Barthelemy ; ce qui fut accordé par Bref du Pape Eugenius, de l’an 1145.
Etablissement de la parroisse S. Barthelemy. 1145
Eugenius Episcopus, servus servorum Dei, dilecto fratri Bernardo Xantonensi Episcopo, Salutem & Aposlolica benedictionem. Veniens ad praesentiam, dilectus filius noster, Petrus Cluniacensis Abbae,suà nobis insînuatione ostedit, Quod quia Ecclesia Sanctae MarÏae de Rochella, quae juris sui Monasteris esse dignoscitur, hominnm multitudinem, qua inibi ad habitandum noviter venit, capere minime potest, aliam Ecclesiam infra eius parochïam aedificare desideret & in hoc favoris nostri assensum humiliter imploravit. Quia ergo, sicut ininsta poscentibus nullus est tribuendus effectus, sic insta petentium votis benigna debemus assensione concurrere : fraternitatis tuae charitati, per scripta praesentia mandando praecipinens qaatenus infra terminosparochiae praedictae Ecclesiae memorato filio nostro Abbati, novam Ecclesiam quam aedificare pracipimus, aedificare nullo modo perturbes. Data Signiae 10. Kal. Martis 1145.
Les raisons de cet establissement de Paroisse sont plus amplement raportees en une pancharte ancienne qui est au tresor de l’Eglise de S. Barthelemy, & ne se trouve point ailleurs : & sert en outre pour cognoistre l’estat ancien de la ville & du païs d’Aunis : & par quels Seigneurs elle a esté successivement possedee.
Temporibus Lodovici Regis minoris, filis Lodovici magni, Regis Francorum, qui mortuo Guillelmo Pictavorum Comite, apud sanctum Iacobum ; ipsius filiam consilio & voluntate patris cum consulatu Aquitanorum ducatu sibi conjugio copulavit. Insurrexerunt in pagoAlnisiensi, duoviri consanguinei, Elbo de Maleone & Godefridus de Rupeforti cum filiis sceleratis, filiis, inquam, Belial disperdentes totam terram & interficientes, & Castrum Julii, supra mare positum, cum vitiis & munitionibus nihilominus possidere cupientes. Hoc igitur castrum, cum adjacenti patria, Dominus lsarnbertus, vir per omnia pacificus, jure paterno possederat, quoad usque praeditus Comes jnvidiae stimulo agitatus, clandestina obsidione, exinde quasi idem illum expulerat. Et quoniam praefati duo viri Elbosius &Gofridus videbantur esse de genere & famïlia ipsius Isamberti, tradentes Lodovicum Regem, impetraverunt ab eo, tam verbispacificis, quam armis, dominium totius terrae, retenta ab eo duntaxat munitione castri Julii, cum medietate Reddituum Rochellae. Deinde, his duobus pacificatis, qui priùs discordia, inter se, propter eandem possessionem habuerant, siluit terra in conspectu eorum a praeliis. Et dum pacificem dominarentur in territorio Alnisiensi, multitudo hominum tam indigenarum quam advenarum, ex diversis orbis partibus, illic per terram & per mare applicantium, postulaverunt a praedictis dominis, ad habitandum, campum Guillermi de Syre, qui erat villae & portui contiguus. Quia autem grave erat eis, propter viae longitudinem adire Parochialem Ecclesiam de Conuia, in superiori parte ipsius villae sitam, postulaverunt sibi, in campo praedicto, Ecclesiam fieri, in honorem S. Bartholomaei Apostoli. Praenominati igitur duo viri, eorum petitioni acquescientes, convenerunt Priorem Ayensem, Guillermum, videlicet Potque, & alios fratres suos, ad quorum inspectabat Parochia Matris Ecclesiae totius Rochellae : precantes, ut commodam, ubi dictum est, aedificarent Ecclesiam : & ad aedificium operis urgendum, largiti sunt monachis viginti cubitos terrae in longitudine, & totidem in latitudine, ubi Guillermus Prior, instantibus fratribus, cœpit aedificare Ecclesiam, per manum Petri de Mogono, monachi sui, cui hoc opus pro remedio animae suae injunxerat ; unde iratus Bernardus Xantonensis Episcopus, in cujus diocesi est Rochella, praedictum opusGuillermo Priori interdixit. Qua de causa, Guillermus , Prior, consilio fratrum suorum, cum Domino Abbate Cluniacensi, perrexit, & Papae Eugenio, apud Signiam civitatem tunc constituto, rem gestam exponens, licentiam, sicut volebat, ab eodem Papa obtinuit : Insuper ad confirmationem rei literas Apostolicas, ad Xantonensem Pontificem destinatas, revexit, quarum tenor sequitur his verbis.
Eugenio, &c.
Mariage de Eleonor declaré nul. 1152. Elle se remarie, porte la Rochelle aux Roys d’Angleterre
Le Roy Louys ayant entrepris son voyage d’outre - mer, fut accompagné par la Royne : contre laquelle ayant conceu divers mécontentemens : & encore à l’occasion de la parentelle qui se trouva entr’eux : il fit en l’année 1152. assembler à Baugency les principaux Prélats de son Royaume, par l’advis desquels le mariage d’entre luy & sa femme fut déclaré nul ; permis à chacun d’eux de se remarier : Source d’infinis maux en ce Royaume. Car elle espousa Henry Duc de Normandie qui depuis succeda au Roy d’Angleterre : luy porta en dot Ies Comtez de Poictou & d’Aquitaine.
Par le moyen du mariage d’Eleonor, avec Henry Duc de Normandie, la ville de la Rochelle, comme le Duché d’Aquitaine passa aux Roys d’Angleterre. Mais la condition de la Guyenne & de la Rochelle, a esté fort diverse : Car l’Aquitaine est demeurée pendant quelques siecles sous la puissance des Roys d’Angleterre, souvent confisquez pour leurs rebellions, souvent restituez & en ont jouy jusques à l’an 1452. que Talbo fut défait devant Castillon, & là, l’authorïté des Roys d’Angleterre entièrement esteinte. [Argentr. Hist. Bret. Lib II c 17]
Inimitié irreconciliable des François contre les Anglois
Cette bataille a esté une des premières où se trouvent avoir esté mis en usage les harquebusiers, qu’ils appelloient lors coulevriniers à main, combien que peu en usassent. La submission de la Rochelle n’a eu que quelques intervales beaucoup moindres, souvent domptee, prise, reprise, & dés l’année 1372. entièrement remise sous le pouvoir de nos Roys. Aussi les Anglois pendant leur sejour en la Guyenne, pleins d’excez & de tyrannie, se sont tellement acquis la mal-veillance des François , que long temps depuis leur ruine dernière, venans à Bordeaux pour trafic, il leur estoit deffendu, sans sauf-conduit, passer de Soulac en la riviere de Garonne, sinon en laissant leur Artillerie à Blaye : Ne pouvoient loger à Bordeaux, qu’aux logis à eux assigné : aller par la ville devant sept heures du matin, ny après cinq heures du soir : ny se transporter à Graves pour achepter des vins, qu’en la compagnie des Archers de la ville. Et combien que la déclaration du Roy Louys unziesme de l’année mil quatre cens septante-cinq ait adoucy beaucoup de cette rigueur, il en est demeuré des restes fort notables jusqnes à present. Car les Anglois passans à Bordeaux pour le trafic, laissent encore leurs canons & munitions de guerre à Blaye ; payent un escu pour navire : ne peuvent aller acheter des vins en Bordelois sans congé des Maire & Jurats ; Et au départ de Bordeaux, payent au Contable, outre les anciens droits, celuy de la Branche de Cipres : Les racines de cette inimitié sont si profondes, qu’elles n’ont peu estre affoiblies par le temps.