Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1629 - Discours au Roy sur la naissance de la ville de la Rochelle - Introduction

samedi 10 juillet 2010, par Pierre, 484 visites.

Le roi Louis XI s’est-il mis à genoux devant le Maire de la Rochelle pour lui promettre de conserver toujours les privilèges de la ville ?. Vérité historique ou intox des Rochelais assiégés pour se donner du courage ? Le sujet est d’importance et mobilise une plume anonyme exceptionnelle par sa qualité. Plusieurs de ses formules sont des pépites littéraires. Entrez dans la controverse et faites-vous une idée. Le parcours comporte plusieurs étapes. Une affaire à suivre sur Histoire Passion.

Source : Discours au Roy sur la naissance, ancien estat, progres & accroissement de la Ville de La Rochelle - Paris - 1629 - Google Books

Table du contenu en ce discours.


- [ Introduction ]

- Origine de la Rochelle, son accroissement & anciens Seigneurs qui l’ont possedee.

- Privileges accordez à la ville de la Rochelle par les Rois d Angleterre

- De l’establissement des Maires, Eschevins & Pairs de la Rochelle - Solennité aux funérailles des Maires - Sous quelles règles & loix a été conduite la Commune de la Rochelle en son commencement

- Temps a considerer en la concession des Privileges faite à la Rochelle.

- Privileges accordez aux Rochelois par Louys VIII. Roy de France, lors de la réduction de ladite ville en son obeyssance l’an 1224. & confirmation de ses successeurs jusques a l’an 1372


- Du Traité de Bretigny fait l’an 1360. portant delaissement de la Rochelle aux Anglois, exécuté en 1361

- La Guyenne confisquée sur l’Anglois l’an 1370. La Rochelle reconquise par force sur les Anglois l’an 1372. Privileges accordez à la Rochelle par le Roy Charles V. l’an 1372


- Traité de Surgeres avec les Nobles de Poitou & Xaintonge

- Renouvellement des Privileges par le Roy Louys XI. l’an 1461


- Réfutation du Manifeste de la Rochelle en ce qu’il porte, que le Roy Louys XI. se mit à genoux devant le Maire

- Règne du Roy François, sous lequel les Privileges furent diversement blessez. Le Roy entre en armes dans la ville. Les despouille de tous privilèges, puis les restablit.

- Revocation des Privileges de la Rochelle à cause de l’assemblée tenue en l’an 1620. avec le restablissement d’iceux.

Les Roys d’Angleterre ont souvent par leurs cheutes, rehaussé l’honneur & la gloire de vos predecesseurs & par leurs suites donné divers sujets de victoires & triomphes. Si quelquesfois la Fortune, avec avantage, a panché de leur part, l’issuë en a esté deuë, non à leur valeur ou prudence ; mais à la grandeur de courage des François, & à l’excez de leur ardeur, souvent moins réglée. Aussi, le bon-heur, ne les a veu qu’en passant, comme des estrangers ; & n’a point pris de racine avec eux, les iugeant indignes de son séjour, Il a tourné son visage devers la France, l’a estroitement embrassée, & avec abondance luy a libéralement departy des faveurs, voire les plus rares.

Les Anglois pendant quelques siecles avoient jetté des fondements dedans cet Estat, qui sembloient leur promettre un affermissement long. Mais ils ont esté facilement ébranlez. Ils se sont veus possesseurs des Provinces de Normandie, d’Anjou, du Maine, de Tourraine, du Poictou, de la Rochelle ; en un mot, de la Guyenne, Province de tres-grande estenduë, riche, puissante en nombre d’hommes & de villes. Mais si tost que nos Roys se sont resolus de châtier leur arrogance & insolence,le desir a esté suivy des effects. En un moment ils sont décheus ; ils ont esté battus, chassez du Royaume, dont le nom depuis leur a esté en étonnement & respect.

Du temps de nos peres, les villes de Calais & de Boulogne leur ont esté ostées, sans qu’ils ayent osé depuis paroistre pour les recouvrer, ny rendre aucun témoignage de ressentiment. Mais l’an dernier, lors que vostre Majesté a estimé la paix affermie, & cimentée par alliances nouvelles : prenans à leur advantage l’afoiblissement de vos forces, aucunement espuisées, dans les precedens mouvemens ; ils ont violé ce qu’il y a de plus sainct au droit des gens. Sans sujet, sans plainte, sans dénonciation, ils se sont, comme vents non preveus, jettez sur la frontière de V. Majesté, leur amy, allié, voisin, beau frère. Que peut-on adjouster à cette impiété ? Il n’y a rien si impétueux que la Mer ; & neantmoins elle n’a autre barrière que le sable : n’outrepasse jamais ses bornes par le respect de la terre sa voisine. Ils s’estoient promis d’emporter d’emblée le fort S. Martin, en l’Ile de Ré : Mais ils le trouvèrent muny de courages vraiment François, trop puissans pour leur foiblesse. Ils ont esté en cette entreprise téméraire, comme des torrens qui naissent avec bruit, & en un moment se deseichent : comme des tonnerres sans foudre, comme ces fruicts qui naissent au voisinage de Sodome, beaux en apparence, agreables en la surface ; mais touchez de la main se resolvent en cendre. Aussi l’issuë leur a esté funeste, & d’autant plus honteuse qu’elle a esté glorieuse à V. M. luy ayant acquis des trophées dont la mémoire sera éternelle, & produit des lauriers qui ne flétriront jamais, continuellement arrousez par un renouvellement de vœus & benedictions. Chassez avec perte, ils ont remporté le blasme de foiblesse & de temerité. Devoient-ils pas se mettre devant les yeux ce que disoit autrefois un de leurs partisans, Que le Royaume de France ne fut onques si déconfit qu’on ne trouvast tousiours bien à qui combattre. [Froissart vol I, C 1].

Apres une défaite si sensible, au lieu de s’arrester dans le respect & adorer avec submission la fortune du vainqueur, ils ont (comme ces fils de la terre dont parlent les Poëtes) repris nouvelles forces par leur cheute,

— - cui, cum tetigere parentens
Iam defecta vigent, renovato robore, membra.

Retournez en Angleterre couverts d’imprecations & maledictions, pour avoir sans cause rompu le lien d’union entre les deux Royaumes, afin de deguiser au peuple la perte & infamie de leur retraite, ils ont pris dessein de secourir la Rochelle : se sont mis en mer sous l’aveu de leur Admiral, plus capable en sa cognoissance des peintures, des fards, des parfums, en l’esclat des perles & pierres precieuses, qu’en courage & intelligence de guerre. Mais ces efforts imprudemment çonceus ont esté vains, & comme l’on dit des embrassemens d’Ixion avec les nues, ils n’ont produit que des Centaures, c’est à dire, des actions prodigieuses, ridicules, & remarquables par la seule nouveauté. La presençe de vostre Majesté leur a esté à terreur : le courage de vostre Noblesse leur a esté à etonnement : Et cet ouvrage surmontant toute pensée humaine, non jamais attenté par nos pères, pour retrencher l’entrée aux vaisseaux, les a portés au desespoir, & à un eloignement honteux. Ils sont obligez, Sire, de recognoistre & confesser que l’esprit & providence divine, instruit & conduit vos desseins ; couvre & deffend de sa main puissante vostre personne, & guide vos pas par sa lumière dans les ténèbres plus epaisses. Le sieur de la Nouë en ses discours imprimez, parlant de la ville de la Rochelle, la loüe à cause de sa situation maritime : Qui est une voye, dit-il, & une porte qui ne se peut fermer qu’avec une dépense indicible, & par où toutes provisions luy viennent en abondance. Ce grand personnage, longuement nourry dans les troubles de ce Royaume, avoit veu les desseins, souvent entamez pour fermer le port de la Rochelle, mais non suivis, non exécutez à cause de la peine & dépence. L’accomplissement en a esté reservé par un jugement secret à l’heur de vostre Règne signalé de toutes prosperitez, à la grandeur de vostre courage, vigilante incomparable & à vostre naturel libéral, vigoureusement porté à tous excez de dépenses necessaires pour le bien de son Estat.

Le premier de nos Roys qui conquit la Rochelle, & l’arracha aux Anglois, pour la joindre à cet Estat, fut Louys huictiesme, pere du Roy sainct Louys : l’un de ceux qui depuis luy départit plus de graces, fut le Roy Louis unziesme ; Et nous, non seulement desirons, mais nous promettons,que sous le Règne de Louys le juste XIII. du nom, nom fatal à la Rochelle, les AngIois, ennemis anciens & capitaux, seront pour jamais abatus ; que leurs prétentions rances & vaines seront amorties,& la ville de la Rochelle pressée par les pointes du devoir, par les grands bienfaits receus de vos predecesseurs ou par la crainte de vos armes, sera submise à vostre Majesté :& qu’en fin elle luy rendra les devoirs convenables à une obeyssance vive, & non feinte. Certes la reponse du Maire de la Rochelle au Connestable du Guesclin, sous Charles V. est notable. Enquis pourquoy lors de l’entrée des Princes & Seigneurs François à la Rochelle, il avoit fait tendre au travers de la rue un filet de soye qui fut coupé pour leur donner passage) il respondit, que c’estoit pour montrer, que si la Rochelle s’eloignoit du devoir, fermoit les portes, & haussoit le pontlevis au Roy, il luy seroit aussi facile de les rompre & ruiner, comme à luy de couper le filet. [Argentr. Hist de Bret. L 7 Ch 10] Et souvent j’ay admiré les paroles fermes & resoluës de ce Connestable aux habitans de la mesme ville, lors du siege : S’ils failloient à se rendre, que luy & les Princes ne partiroient point que la ville ne fust prise, & lors qu’elle le seroit, ils ne devoient point douter, qu’elle ne fust rasee, brulee, & mise en cendre. A quoy un des Bourgeois ayant respondu au Connestable, gue ce n’estoit pas chose si aisee, ny si prompte qu’il pensoit, d’entrer en la ville, il leur répliqua ; Qu’ils le fissent tant difficile & impossible qu’ils voudroient, si se tenoit-il asseuré, que si le Soleil y entroit, il y entreroit aussi.

Ces paroles masles, suivies de diverses entremises, porterent les habitans à une resolution courageusement exécutée : La ville mise en l’obeissance du Roy ; Les troupes y sont receuës, avec un sejour innocent ; les promesses sainctement & religieusement observees : les privileges confirmez & accreus.

SIRE, les vœux de tous les bons François, ne respirent à present à autre but, qu’à la prise ou réduction de cette place importante. Ils estimeront estre parvenus au comble de félicité, quand ils verront Vostre Majesté victorieuse, cueillir les fruicts dignes de tant de peines & despenses : triompher non seulement des murailles qui sont inanimées, d’une ville, par jugement commun, imprenable ; mais aussi des affections & courages. Et redoubleront leurs prières envers le Ciel, quand ils verront par cet heureux acheminement,les esprits & volontez de tous vos sujets, jointes avec vous, par le lien sainct d’obeissance, comme les membres avec le corps, les branches avec le tronc, le tronc avec le tige.

Donc les Anglois, dés leur premier voyage, se jugeans trop foibles, pour tirer de l’avantage par la force, contre V. Majesté, ils se sont efforcez de débaucher les esprits des Habitans de la Rochelle ; peuple maritime, grossier, ployable au changement. Cette ville autrefois puissante, composée d*Officiers & marchands riches, amateurs du repos, est à present battue de vents contraires. Quelques miserables pressez de debtes, sans exercice, ausquels la vie est à charge, la dignité des Roys & des Loix à mépris, se sont proposé un soulevement general : ont pris pour prétexte l’aneantissement des privileges de la ville , qu’ils disent estre altérez & blessez : & ont fait imprimer, un discours, inscript, Le Manifeste de la Rochelle  ; par lequel ils se sont avancez de dire, entr’autres choses, que les Privileges accordez à leurs Ancestres sont des conventions, sous lesquelles ils se sont donnez à la France, & ausquels on leur a promis de les maintenir ; adjoutent, Que ceux qui voudront compulser les Archives de la Rochelle, verront le Roy Louys XI. (qu’on dit avoir mis les Rois hors de page) à genoux devant le Maire de ladite ville, luy prestant le serment de garder & maintenir tous les privileges d’icelle .

Ces propositions ont esté espanduës comme un venin parmy le peuple ignorant, lequel prevenu de passion, emporté par les couleurs & apparences, prend souvent les ombres pour corps solides, & facilement se laisse porter à la desobeyssance. Et combien que les subiets ne puissent prétexter leurs armes d’aucune excuse à l’encontre de leur Roy, les Apostres & Martirs n’ayans par leur exemple & doctrine laissé autre defence que l’eloignement ou la patience : toutesfois je desire de faire cognoistre que ces propositions sont impostures & mensonges combatus par titres, & par la vérité constante de l’Histoire : & me promets monstrer & clairement, que la Rochelle est naturellement de la Souveraineté de France, possedée quelque temps par les Anglois, ausquels par force d’armes elle a esté ostee : Que la submssion de la Rochelle aux loix & à l’authorité de cet Estat, sous les Rois Louys VIII, l’an 1224. & Charles V. l’an 1372. n’a pas esté absolument volontaire, mais par etonnement, assiegez, pressez par mer & par terre, & par crainte des ruines inevitables auxquelles ils estoient réduits. Je montreray en outre, que l’action imputée par ce Manifeste au Roy Louys XI. est une fable supposée, & que sous le Roy François les privileges leur ayant esté ostez pour rébellion, ils leur furent restituez & restablis de grace, qui n’eut autre sujet que la bienveillance du Prince.

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