Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1574 - Saintes (17) - Doléances des habitants à Catherine de Médicis

vendredi 1er juin 2007, par Pierre, 1138 visites.

Il ne fait pas du tout bon vivre dans la Saintonge de 1574, mise à feu et à sang par les guerres de religion.
Des impôts sont perçus par le premier qui passe, surtout s’il est bien armé, et la région est sillonnée de troupes. Le siège - raté - de la Rochelle est en cours.
Les habitants de Saintes, au bout du rouleau, en appellent à la Reine mère.
Sa réponse, très technique, est presque aussi chaleureuse que l’accusé de réception d’un courrier que vous avez adressé aux services des Impôts pour demander un délai de paiement.

Source : Etudes, documents et extraits relatifs à la ville de Saintes, par M. le baron Eschassériaux - Saintes - 1836

Contexte historique dans lequel se situe ce cahier de doléances :
- Henri, duc d’Anjou et d’Angoulême, fils de Henri II et de Catherine de Médicis, né en 1551.
- 30 octobre 1569, bataille de Moncontour. Les troupes catholiques commandées par Henri battent les troupes huguenotes, commandées par l’amiral Gaspard de Coligny.
- janvier 1573 : Son frère le roi Charles IX lui confie le commandement du siège de La Rochelle, capitale protestante. Un échec.
- août 1573 : Il est élu par la Diète roi de Pologne. Fin du siège de La Rochelle.
- février 1574 : départ d’Henri en Pologne où il est couronné.
- 16 juin 1574, après avoir appris le décès de son frère Charles IX, (ce qui lui ouvre l’accès au trône de France), il s’enfuit de Pologne.
- septembre 1574 : retour d’Henri en France.
- février 1575 : Il est sacré à Reims.
Pendant cette période un peu agitée de notre histoire, le pouvoir est détenu par Catherine de Médicis.

Remonstrances à la Royne mère du Roy, Régente, pour les villes de Xaintonge et du plat pays.

Supplient très humblement Vostre Majesté les villes et plat pays de Xaintonge avoir esgard et souvenir que, oultre les pertes qu’ils ont faictes aux premiers et seconds troubles que celles qu’ils ont souffertes despuis l’an 1568 que commencèrent les tiers troubles que Vostre Majesté a peu entendre et voir à l’œil, que les villes estant prinses par ceulx de la nouvelle opinion, ils ont taxé et ruyné le pays de plusieurs sommes de deniers, prins rançon de la pluspart des habitans qui pour cest effect ont consumé tous leurs biens, fruicts et bestail ; mesmement quand les ennemis virent qu’ils estoient contraincts quitter le pays après la bataille de Moncontour, emportant tout ce qu’ils purent tant à La Rochelle que ailleurs, vastèrent et ruynèrent le demeurant. Et par la reprinse de la ville de Saint-Jehan d’Angély, Xaintes et aultres, l’armée du roy vint au pays de Xaintonge où elle ne peust estre sans grand dégast et dommage ; et ayant esté les dictes villes soubz son obéissance , y furent mises plusieurs compaignies de gens de pied en garnison, à Saint-Jehan sept, à Xaintes quatre, lesquelles y vescurent longuement à discrétion vivant de même façon, combien que M. de Pons qui commandait au dict pays et despuis le sieur de la Rivière (Il doit y avoir ici quelques mots d’omis.) de 39,260 livres par chascun mois, sans que pour ce toutefois ils fussent déchargés de la nourriture des dicts gens de guerre qui ne dessessoient vivre à discrétion, piller et rançonner un chascun, sans avoir esgard de quelque religion qu’ils fussent ; et après avoir tout enduré pour se maintenir en l’obéissance du roy, n’ayant rien espargné ceulx de la dicte ville de Xaintes pour les réparations et les fortifications de la ville, encore de munitions, de vivres, argent pour l’entretenement des compagnies dont plusieurs deniers sont encore deus, qu’ils ont emprunctés de quelques particuliers avec grands intérêts, la dicte ville de Xaintes vint à estre assiégée de ceulx de la nouvelle opinion, batue de canon. Après avoir enduré trois assaults, ceulx qui commandaient la rendirent, délaissant les dicts habitans à la discrétion de vos ennemys qui exercèrent contre eulx tous actes d’hostilité en la ruyne de leurs vies et biens, de sorte que le tiers de la ville est déshabitée et les maisons ruynées.

Comme est aussi la ville de Saint-Jehan de longuement après la paix (mots manquants) y vescurent les compaignies sans aulcune discrétion et environ sept moys ; les maisons ruynées, bruslées par les soldats en montrent assez la désolation commune, aussi grande partie du plat pays qui se trouve en la plus part déshabité en tous sans aulcune culture en semences.

Et cuidant par le moyen de la paix recepvoir quelque soulagement et jouir du fruit d’icelle, ils furent grandement déceulz, d’aultant que plusieurs compagnies de gens de pied, par le moyen de l’embarquement qu’ils se disoient faire, MM. de Strossi [1], de Biron, de la Garde, vinrent vivre à discrétion au pays, se advouant les dictes compaignies d’ung sens et les autres d’ung aultre, qui estoit l’occasion qu’ils commettoient impunément beaucoup de maulx, vivant sans aulcune discrétion.

Oultre ce que par le commandement du dict baron de la Garde, furent levées diverses munitions, et par les commissions enjoinct de les mettre entre les mains d’ung nommé (mot manquant) lequel
en composoit à deniers.

Et ayant les dictes compaignies, comme dict est, longuement vescu par le pays en divers lieulx en garnison, en la ville de Xaintes le capitaine Cazault par les menaces duquel furent contraincts les habitans lui donner pour l’entretenement de luy et sa compaignie, l’espace de trois mois et chascun d’iceulx, 1700 tant de livres, n’en délaissant pourtant de vivre à discrétion, empeschant la liberté et traffic de marchandises, jusqu’à ce que M. de Biron, venant aulx pays de Xaintonge, eust ouy leurs plaintes ; lequel, congnoissant leurs charges, leurs en auroit soulagés, leur délaissant cinquante hommes d’armes avec un gouverneur entretenu aux despens de la ville et du pays avec partie, de sa compaignie de gendarmes, pour l’entretenement de laquelle furent levées les munitions nécessaires.

Ceulx aussi de Saint-Jehan pour se garder des surprinses ont. par quelques mois, entretenu une compagnie de gens de pied.

Et venant les forces des gens de. pied pour l’assiégement de La Rochelle, fut levé sur le pays six mille boisseaux froment, aultant d’avoyne et deux cents tonneaux de vin, de quoy partie a esté portée au camp, le restant vendu et les deniers prins par trésoriers extraordinaires des guerres, sans qu’ils en aient retiré aulcune chose.

Ont aussi fourni plusieurs estapes de vivres pour les gens de guerre qui alloient et venoient à La Rochelle, qui portoient oultre une grande foule au plat pays, avec ce que plusieurs qui sortoient du camp de La Rochelle venoient prendre tous les meubles, grains et bestial et remportaient au camp, les laissant sans aulcune espérance d’en jouir.

qui est cause avec (mots manquants) du temps et stérilité qui a esté, que la pluspart d’iceulx sont péris de faim et contraincts les aultres vendre leur bien pour vivre.

Oultre s’est levé un subside par eulx pour l’entretenement des gens de guerre estant es château de Saint-Jehan, Taillebourg en garnison, revenant à sept cent tant de livres par chascun mois.

Despuis pour la compaignie du dict sieur de Biron mise en garnison es dictes villes, pour la surplus valeur de vivres, la somme de 8,000 livres, selon ce que le feu Roy l’avoit mandé trouver bon.

Aussi ont esté mis sur eulx plusieurs empruncts et subsides extraordinaires, deux mille livre d’une part et trois cent livres d’aultre pour le voyage du roy en Poulougne

Et venant à estre advertis des armes que ceulx de la religion prenoient, des surprinses qu’ils faisoient des villes, par commandement de M. de Biron se seroient incontinent mis en debvoir de se maintenir et conserver sous l’obéissance du roy, prins volontairement bon nombre de gens de guerre, iceulx nourris ou entretenus par quelque temps et jusqu’à ce que le seigneur de Biron y eust envoyé plus grandes forces et des compagnies, une desquelles ils ont toujours soudoyée à leurs despens, et de la valeur avec le gouverneur et quelques gentilshommes se montant en tout dix sept cents livres par mois.

Et pour la conservation tant de la ville de Xaintes, Saint-Jehan, Taillebourg et aultres lieux, mon dict seigneur de Biron auroit mis ses six compaignies de gens de pied, lesquelles ont esté payées ; et combien que le seigneur de Biron ait prins de l’argent du roy pour avancer jusques à seize mille livres,, néanmoings on s’efforce de le remplacer si l’on peut.

Et n’ayant pu lever aulcuns deniers sur le quartier d’avril sur le pauvre peuple, attendu la misère d’icelui et que les ennemis en tiennent plus de la moitié dont ils tirent de grands deniers et munitions, M. de Biron après avoir preste ou fait prester trois mille livres et empruncté des particuliers des villes six mille livres pour la paie des gens de guerre du mois de juing (mots manquants) pour (mots manquants) toutes ces charges n’ont laissé les habitants de Xaintes entrer en grande dépense pour la réparation de la ville, ayant à leurs despens réparé la bresche et plusieurs endroicts de la muraille, creuser les fossés, comme ont faict aussi ceulx de Saint-Jehan qui continuent ordinairement, revenant jusques à présent les dictes réparations à plus de 16 mille livres.

Par quoi vous supplient en toute humilité les dicts habitants desdictes villes de Xaintes, Saint-Jehan et plat pays avoir esgard à ce que dessus et les soulager de tant de despenses et de l’entretien des compaignies qui sont pour la garde du pays, et qu’il plaise à vostre Majesté ordonner qu’ils seront payés des deniers revenant au roy du dict pays et de Xaintonge, estant la moitié du pays destenu et occupé par les ennemis aussi, oultre les deniers du roy, y levant de grandes subsides.

Aussi, veu les despenses que les habitans de Xaintes ont faictes, les vouloir descharger de l’emprunct de six cent livres restant de deux milles livres que le roy deffunct avoit mis sur eulx payables par trois années, de quoi ils ont payé 14 cent livres pour les premières années, n’ayant presque aulcun moyen de payer.

Vouloir aussi octroyer (mots manquants) des gages du premier quartier de la présente année des officiers du dict pays, lesquels ont esté saisis, attendu les charges qu’ils portent ordinairement.

Offrant, comme ils ont toujours faict, leurs personnes, vies et biens pour se maintenir en l’obéissance du roy, comme ils ont faict depuis qu’ils ont entendu la mort du deffunt roy dernier, que Dieu absolve, en présence du dict sieur de Biron, lequel en pourra donner tesmougnage, ensemble de leurs bonnes volontés et bons debvoirs es quels ils se sont mis.

Ainsi signé BLANCHARD [2], ayant charge des habitants.


La royne régente, mère du roy, estant au conseil du dit seigneur a bien entendu et considéré le contenu aux présens articles et remonstrances, cougnoissant estre très nécessaire y pourvoir pour le bien et soulagement du peuple, ce que la dicte dame fera bien particulièrement entendre au roy, quand il sera icy dans peu de temps ; et cependant a ordonné et advisé au dict conseil que les suppliants seront et demeureront exempts du payement de tailles pour les trois quartiers finissant le dernier jour de septembre de la présente année et aussi du remboursement des deniers qui en auroient esté prins, à la charge qu’ils fourniront et satisferont au paiement des garnisons et des gouverneurs des places ordinaires, paieront et entretiendront à leurs despens les six compaignies de gens de pied levées par le dict sieur de Biron, et semblablement paieront et l’estât et entretenement du sieur de La Chapelle qui commandera par delà en l’absence du dict sieur de Biron, le dict entretenement à la raison de deux cent livres par mois, le tout jusques au dict jour de septembre prochain ; entendant aussi la dicte dame royne que les dicts supplians remplacent les deniers du taillon d’aultant qu’ils sont exceptés et affectés au paiement de la gendarmerie ; et pour le regard du paiement des gaiges des officiers pour le quartier de janvier qui avoit esté reculé avant la fin de l’année, il sera ordonné au trésorier de l’espargne ce qu’il y devra faire.

Faict à Paris le 19 juillet 1574. Signé : CATHERINE et DE NEUFVILLE.


[1Philippe Strozzi, seigneur d’Epernay et de Bressuire, colonel général de l’infanterie française, chevalier des ordres du roi, né à Venise en 1541, mort en 1582, créé chevalier du Saint-Esprit en 1578, assista au siège de La Rochelle, ANSELME, t. VIII, p. 218.

[2« Jehan Blanchard, conseiller du roi, lieutenant particulier delà sénéchaussée de Saintonge et siège présidial de Saintes, élu maire en 1571 et en 1575. Il n’accepta pas cette dernière fois, et se démit de son office d’échevin qu’il exerçait depuis le 13 novembre 1570. Son fils Mathieu lui succéda dans la charge de lieutenant particulier et occupa la mairie en 1615 ; et François Eschasseriaux fut, le 4 janvier 1576, élu échevin à sa place qu’il avait volontairement résignée. » Saintes au XVIe siècle, p. 28.

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