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1527 - François Ier aux États généraux de Cognac

jeudi 20 mars 2008, par Pierre, 1741 visites.

Après Pavie et la captivité du roi en Italie, le royaume vacille : rançon exorbitante, parole donnée par le roi prisonnier. Il réunit les Etats généraux à Cognac et expose la situation. Il va falloir trouver des idées pour sortir de l’impasse ...

Source : Des assemblées nationales en France depuis l’établissement de la monarchie jusqu’en 1614 - Henrion de Pansey - Paris - 1829

François Ier aux États généraux de Cognac en 1527

Le traité de Madrid avoit rendu la liberté à François Ier, mais à des conditions infiniment onéreuses.

Ce traité portoit que le roi épouseroit Eléonore, sœur de Charles-Quint, avec 200,000 écus de dot, et feroit épouser la fille de cette princesse au dauphin quand il seroit en âge ; qu’il seroit conduit à Fontarabie et mis en liberté le 10 de mars, et que ses deux fils, ou du moins l’aîné, et, au lieu du second, douze seigneurs, entreraient en otage pour sûreté de ce qu’il promettoit. C’étoit de payer à l’empereur 200,000 écus d’or de rançon pour sa personne ; de lui céder le duché de Bourgogne avec les villes de Noyers et Chatelchinon, la comté de Charolois, la vicomte d’Aussonne, et la prévôté de Saint-Laurent, en toute souveraineté ; de plus l’hommage des comtés d’Artois et de Flandre, et ses prétentions sur les états de Naples, Milan, Gênes, Ast, Tournay, Lille et Hesdin. Le roi avoit donné sa parole que s’il ne pouvoit faire exécuter ces articles, il se remettroit volontairement eu prison, et dégagerait sa promesse au prix de sa propre liberté.

Il dépendoit du roi de livrer ses fils en otage, et il s’empressa de remplir cette condition du traité. Mais il sentit bien que la Bourgogne faisant partie du royaume, il n’étoit pas en son pouvoir d’en faire la cession au roi d’Espagne sans le concours des états-généraux, et ils furent convoqués.

Le roi, accompagné des ambassadeurs du roi d’Espagne, s’y rendit ; et l’ouverture s’en fit par la lecture du traité de Madrid.

Les députés de Bourgogne furent les premiers qui prirent la parole. Ils déclarèrent qu’ils s’étoient volontairement donnés à la France sous les premiers successeurs de Clovis ; que depuis ils avoient constamment formé la première pairie du royaume ; que le roi* quelque puissant qu’il fût d’ailleurs, n’avoit pas le droit de les aliéner sans leur aveu, puisque le serment qui unit les sujets au souverain lie également le souverain à ses sujets, et ne peut être détruit que par un consentement réciproque, qu’au reste ce lien n’unissoit pas seulement les Bourguignons au roi, mais à tous les autres membres de la monarchie, qui avoient droit de s’opposer à un engagement contraire aux lois et destructif de toute liberté. François Ier tâcha de s’excuser sur la dure nécessité où il s’étoit trouvé de sacrifier une partie pour sauver le tout. Il remontra aux Bourguignons qu’ils seroient traités avec douceur par leur nouveau maître, et qu’on leur conserveroit tous leurs privilèges, et pria l’assemblée de le mettre à portée d’accomplir son serment. « Ce serment, repartirent les Bourguignons, est nul, puisqu’il est contraire à un premier serment que vous prêtâtes à la nation en recevant l’onction sacrée ; puisqu’il est contraire aux libertés de votre peuple et aux lois fondamentales de la monarchie ; puisqu’il a été fait par un prisonnier, et arraché par la violence. Si toutefois vous persistez à rejeter de fidèles sujets ; si les états-généraux du royaume nous retranchent de leur association, il ne vous appartient plus de disposer de nous : rendus à nous-mêmes, nous adopterons telle forme de gouvernement qu’il nous plaira ; nous déclarons d’avance que nous n’obéirons jamais à des maîtres qui ne seroient pas de notre choix. »

L’assemblée entière se réunit aux députés de la Bourgogne, et tous ensemble supplièrent le roi de ne plus insister sur une demande qu’il n’étoit pas en leur pouvoir de lui accorder.

Le roi, cédant au vœu des états-généraux, chargea les ambassadeurs du roi d’Espagne de rendre compte à leur maître de ce dont ils venoient d’être les témoins, et de lui offrir deux millions d’écus d’or, en remplacement de la Bourgogne.

Cependant le trésor étoit vide, le peuple épuisé, et les états s’étoient séparés, sans prendre aucune mesure pour procurer au roi cette énorme somme de deux millions d’écus d’or.

Dans des circonstances aussi difficiles, un second appel à la nation étoit ce que l’on avoit de mieux à faire. Mais, comme les députés aux derniers états étoient à peine rentrés dans leurs foyers, le roi crut pouvoir se dispenser de les réunir de nouveau, et il convoqua une assemblée de notables.

Quoiqu’il n’entre pas dans mon plan de m’occuper de ces sortes d’assemblées qui, dans la réalité, n’étoient que des conseils d’état plus nombreux et plus solennels, puisque ceux qui les composoient étoient choisis par le roi ; cependant celle-ci se confond tellement avec les états dont je viens de rendre compte, que je crois devoir en parler ici.

Le 16 novembre 1527, le roi se rendit à l’assemblée, et en fit l’ouverture. Il avoit à sa droite le duc de Vendôme, le prince de Navarre, le comte de Saint-Pol, le duc d’Albanie, le duc de Longueville, le prince de La Roche-sur-Yon, et Louis, prince de C lèves. A sa gauche, le cardinal de Bourbon, évêque de Laon, le cardinal de Lorraine, évêque de Metz, le cardinal Duprat, archevêque de Sens. Sur un banc moins élevé, les quatre présidents du parlement de Paris ; les premiers présidents de Toulouse, de Rouen, de Dijon, de Grenoble et de Bordeaux. Sur deux bancs parallèles ; l’un à droite, Anne de Montmorency, grand-maître, Chabot, amiral, Robert-Stuart d’Aubiny, capitaine de la garde écossaise, Jacques de Genouilliac, dit Galiot, grand écuyer ; l’autre à gauche, les archevêques de Lyon, de Bourges, de Rouen ; les évêques de Paris, de Meaux, de Lisieux, d’Auxerre, du Puy, de Bazas, etc. Dans le parquet inférieur, six maîtres des requêtes, les conseillers du parlement de Paris, deux ou trois conseillers de chacun des autres parlements, et enfin le prévôt des marchands et les échevins de Paris. Derrière eux, les gentilshommes de la maison du roi, un grand nombre de sénéchaux ou baillis.

Lorsque tout le monde eut pris place, le cardinal-chancelier dit : Levez la main, et jurez de ne rien révéler de ce que vous allez entendre.

Ensuite le roi prenant la parole exposa l’objet de l’assemblée dans un discours, dont voici la conclusion : « Le roi d’Espagne, après bien des tergiversations, paroît enfin disposé à se contenter dune somme d’argent en compensation de la Bourgogne. Nous lui envoyons, le roi d’Angleterre et moi, de nouveaux ambassadeurs, pour lui porter nos dernières propositions. S’il les accepte, il faut tenir prête la somme dont on conviendra ; s’il les rejette, il faut pousser vigoureusement la guerre en Italie, et la porter en même temps dans les Pays-Bas, où il est facile de l’endommager. J’ai fait calculer la recette et la dépense des deniers publics. La seule guerre d’Italie nous coûte trois cent cinquante mille livres par mois, et emporte par conséquent plus de la moitié du revenu de l’état. Il faut cependant entretenir des garnisons sur toutes nos frontières, une flotte dans la Méditerranée, des ambassadeurs dans toutes les cours de l’Europe, payer les gages des officiers préposés à l’administration de la justice, ou chargés d’autres fonctions publiques. Les revenus ordinaires, avec quelque économie qu’ils soient administrés, ne suffisent déjà pas pour tous ces objets, et ne peuvent par conséquent entrer en ligne de compte pour la guerre que nous nous proposons de porter dans les Pays-Bas. Si, pour alléger le fardeau, nous prenons le parti d’affoiblir l’armée d’Italie, nous courons risque d’échouer de tous côtés, et de nous consumer en pure perte. Telle est la situation de nos affaires. Voici maintenant sur quoi vous avez à délibérer :

« Ou l’empereur acceptera nos dernières offres, et, dans ce cas, il faut trouver deux millions d’écus d’or, dont douze cent mille payables sur-le-champ, et les huit cent mille autres a différents termes ; ou il les rejettera, et alors il faut des fonds extraordinaires pour pousser la guerre en Italie, et la porter dans les Pays-Bas. Si vous jugez que l’état ne puisse subvenir à cette dépense, il fout ou rendre la Bourgogne, ou trouver bon que je retourne me constituer prisonnier à Madrid ; car de croire que les choses puissent rester dans l’état où elles sont, et que j’achète ma liberté au prix de celle de mes enfants, qui sont ceux de là chose publique, ce serait me faire outrage. D’ailleurs quel seroit le fruit de cette barbare politique ? Je puis mourir demain, et, au lieu d’un roi, vous en auriez deux à racheter. Si par les arrangements qui peuvent être pris ma présence cesse d’être nécessaire, je pars pour Madrid. Écartez de vos délibérations tout ce qui me touche personnellement, et ne consultez que l’intérêt de notre commune patrie, à qui nous devons tous également, lorsque ses besoins l’exigent, le sacrifice de notre vie et de notre liberté. »

Après que le roi eut cessé de parler, le cardinal de Bourbon pour le clergé, le duc de Vendôme pour la noblesse, et le président de Selves pour ceux du tiers-état appelés à l’assemblée, déposèrent aux pieds de sa majesté les sentiments d’admiration et de reconnoissance que leur inspiroit son dévouement à la chose publique, et lui demandèrent la permission de délibérer sur les propositions qu’il daignoit leur faire.

Quelques jours après, le roi et les membres de l’assemblée s’étant réunis, et ayant repris leur place, le cardinal de Bourbon se leva, et dit : v La foible portion de l’église gallicane ici réunie a conclu à l’unanimité que vu les circonstances actuelles, elle pouvoit saintement, justement, et sans attendre la permission du saint-siège, déposer aux pieds du roi une partie des biens qu’elle tient de la munificence de ses prédécesseurs ; qu’en conséquence elle offrait à sa majesté une somme de treize cent mille livres.

A cette offre le cardinal joignit une supplique par laquelle il demandoit au roi trois choses : la première, de prendre en considération l’état déplorable où le pape étoit réduit [1], et de l’arracher des mains de ses persécuteurs ; la seconde, d’exterminer les protestants qui, du fond de l’Allemagne, commençoient à se répandre en France ; la troisième, de maintenir, à l’exemple des rois ses prédécesseurs, les droits, les libertés et les privilèges de l’église gallicane.

Le duc de Vendôme prit ensuite la parole, et dit : « Je parle au nom d’un ordre qui sait mieux agir que discourir. Sire, nous vous offrons la moitié de nos biens ; si la moitié ne suffît pas, la totalité, et, par-dessus, nos épées, et jusqu’à la dernière goutte de notre sang : mais je n’engage que ceux qui sont ici ; les autres ne peuvent l’être que par leur consentement libre. »

Le président de Selves prenant ensuite la parole, prononça un discours très remarquable, qu’il termina par ces mots : « Il s’agit d’obliger l’empereur de se contenter d’une somme de deux millions d’écus d’or pour la rançon des fils de France. Ce nom seul indique assez les obligations à leur égard ; ils sont la portion la plus précieuse de notre héritage, le gage de la félicité publique, l’espérance et l’appui de la patrie. C’est de cette mère commune que nous tenons notre existence, nos biens, notre rang, nos privilèges ; en nous en conférant l’usage, elle n’a point eu intention que nous nous en prévalussions à son préjudice ; elle s’en est réservé la propriété, et elle a le droit d’en dépouiller les enfants ingrats qui la négligeraient dans ses besoins. Les membres de votre parlement de Paris, sire, les députés des cours souveraines de votre royaume, détesteroient toutes distinctions qui les exempteroient de contribuer à une dette sacrée. Ils demandent d’être taxés comme le reste des citoyens, et ils vous offrent, dès çe moment, leurs biens, leurs, corps et leur vie. »

Le prevôt et les échevins de Paris, rivalisant de dévouement et de zèle avec les orateurs qui les avoient précédés, ajoutèrent à ce que venoit de dire le président de Selves que les fils de France leur appartenoient à un titre plus spécial qu’à tout le reste du royaume, puisqu’ils étoient enfants de Paris ; que ses fidèles bourgeois vouloient contribuer à leur rançon dans une proportion plus forte que les autres villes du royaume ; qu’ils supplioient sa majesté de disposer absolument de leurs biens et de leur vie, et d’avoir toujours pour recommandée sa bonne ville de Paris.

Le roi, vivement touché d’un dévouement aussi généreux et aussi unanime, remercia les trois ordres, et s’adressant à chacun d’eux en particulier, il répondit :

Messieurs du clergé, je reçois votre don. Je conserverai les privilèges de vos églises, et la pureté de la foi dans mes états. Quant au saint-père, c’est principalement pour le tirer des mains de ses persécuteurs que je me propose dp porter la guerre en Italie. Princes et seigneurs, je conserverai vos privilèges avec le même soin que ceux du clergé ; car ces privilèges sont les miens et ceux de mes enfants, puisque leur plus beau titre est celui de chefs de la noblesse. , « Messieurs de la justice, et vous tous, mes fidèles sujets, j’aurois fait avec joie le sacrifice de ma liberté à, mon peuple et à l’intérêt de notre commune patrie ; mais, puisque vous jugez ma présence nécessaire, je vivrai au milieu de vous.

« A l’égard de la cession de la Bourgogne, si l’on me demandoit mon avis, je répondrois comme gentilhomme qu’il faudroit me passer cent fois sur le ventre avant que d’obtenir mon consentement. Jugez de ce que j’en dois penser comme roi.

« Si je n’ai pas toujours répondu à votre généreuse amitié, si j’ai commis des fautes, songez combien il est difficile de n’en pas commettre dans une administration aussi étendue. Ne craignez pas de me donner des avertissements, je les prendrai toujours en bonne part. »


[1Le cardinal parloit de Jules de Médicis, cousin de Léon X, et oncle de Catherine, femme de Henri II, qui fut élu pape en 1523, et qui prit le nom de Clément VII. Il se ligua, par un traité signé le 22 mai, avec les rois de France et d’Angleterre, les Vénitiens et d’autres princes d’Italie, contre l’empereur Charles V. Cette ligue, appelée sainte parce que le pape en étoit le chef, ne lui procura que des infortunes. Le connétable de Bourbon, qui a voit quitté François Ier pour Charles V, vint se présenter devant Rome le 5 mai 1527. Cette grande ville fut prise d’assaut le lendemain, pillée et saccagée pendant deux mois, avec des excès de barbarie supérieurs a ceux que les troupes d’Alaric y avoient commis. Clement s’étoit retiré dans le château Saint-Ange. Il y fut assiégé, et n’en sortit qu’au bout de sept mois, la nuit du 9 au 10 décembre, déguisé en marchand.

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