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1586 - Les conférences de Saint-Brice, près de Cognac, par Paul de Lacroix (1906)

samedi 2 février 2008, par Pierre, 1589 visites.

Une page de l’histoire des guerres civiles du XVIe siècle s’est écrite à Saint-Brice, près de Cognac.

La diplomatie à la mode florentine de Catherine de Médicis n’a pu venir à bout de la résistance opiniâtre d’Henri de Navarre. Et pourtant elle connaissait bien ses points faibles.

Voir aussi le courrier d’Henri de Navarre au duc de Saxe, à la fin des conférences de Saint-Brice.

Source : Les anciens châteaux des environs de Cognac - Paul de Lacroix, bibliothécaire de la ville de Cognac. - Cognac - 1906

Le château de Saint-Brice, au bord de la Charente
Photo : P. Collenot - 10/2007

Une page d’histoire : Conférences entre Catherine de Médicis et le roi de Navarre.

Au commencement de l’automne de l’année 1586, le château de Saint-Brice, ordinairement calme et silencieux dans son imposante architecture de la Renaissance, fut tout à coup envahi par une multitude de beaux seigneurs, de belles dames et de grands capitaines. Ce bruit inaccoutumé était tout simplement produit par l’arrivée des deux cours les plus turbulentes du monde : Catherine de Médicis et la cour de France, d’un côté ; Henri de Navarre, et la sienne, de l’autre. Depuis les sanglantes batailles de Jarnac et de Montcontour, un troisième parti avait surgi dans cette France monarchique, tour à tour réclamée par les Valois, les Guises et le roi de Navarre : ce parti, c’était la Ligue. Catherine de Médicis, en femme adroite, résolut de réconcilier le prince de Béarn avec son fils Henri III, afin d’étouffer cette faction qui criait si haut ses espérances et ses projets. C’est dans ce but que les conférences de Saint-Brice furent résolues au mois d’avril précédent, et que Henri de Navarre les accepta malgré toutes les oppositions de son conseil et de ses ministres.

Henri III avait écrit au duc de Nevers, alors gouverneur de la Picardie, pour le prier d’accompagner la reine-mère en Angoumois. Celui-ci se rendit au Louvre, et, à la suite d’une entrevue avec le roi, il fut décidé que les négociations commenceraient dans les premiers jours d’octobre.

Un matin donc, Catherine de Médicis, accompagnée d’un brillant cortège, dans lequel les femmes les plus séduisantes par leurs attraits, leur jeunesse et leur naissance, abondaient, laissa Paris et se dirigea vers Chenonceaux, où elle reçut le duc de Montpensier qui se joignit à l’escorte.

Pendant ce temps, Henri de Navarre et sa cour, composée des plus brillants seigneurs, arrivait à Jarnac. Parmi les chefs de son armée qui l’accompagnaient, on remarquait le beau et chevaleresque vicomte de Turenne, le héros des tournois, des fêtes et des divertissements de la cour de Nérac ; le prince de Condé, dans la famille duquel la courtoisie était héréditaire ; le comte de Clermont d’Amboise, le marquis de Rosny et plusieurs autres.

Le 18 octobre, les deux cours, paraissant bien disposées à un accommodement se trouvèrent en présence au château de St-Brice.

Henri de Navarre put juger avec quelle magnificence Catherine de Médicis espérait le recevoir, lorsqu’il entra dans les appartements du château, nouvellement décorés et embellis pour cette entrevue. Partout c’était un luxe de mobilier vraiment royal ; des rideaux soie et or pendaient aux fenêtres ; sur les cheminées se trouvaient côte à côte des miroirs de Venise, des vases ciselés, des coupes et des bronzes florentins. Enfin, le plafond et les côtés des appartements avaient été couverts de peintures à fresques, riches de coloris, où se jouaient une foule de nymphes mythologiques et d’amours bouffis dus à la féconde palette d’un Albane du temps.

Parmi toutes ces divinités si pleines de séductions, le regard de Henri tomba plus d’une fois sur cette Psyché a demi-nue, qui verse une goutte d’huile sur l’Amour endormi. Cette vue le plongeant quelquefois dans une rêverie indéfinissable ; lui si prompt à s’enflammer aux charmes de la beauté, dût, quelques jours plus tard, dans les fêtes que lui offrit la reine-mère, être mis à une bien terrible épreuve.

Quelques historiens assurent que, redoutant quelques trahisons de la part de Catherine, Henri de Navarre s’était fait accompagner par quatre régiments qui campèrent ça et là dans les villages environnants, et dont l’un était toujours de garde au château. Condé et le baron de Rosny avaient toujours l’œil fixé sur leur chef ; mais là n’était pas le danger, Catherine ne voulait point le trahir par la force des armes ; elle préférait employer les ruses de l’amour : tactique souvent plus efficace.

— Salut, madame, dit Henri en s’avançant vers Catherine et en lui baisant la main, je me rends, vous le voyez, aux désirs de Sa Majesté.
— C’est bien, Henri, Dieu vous en tiendra compte.

Ensuite la reine-mère lui présenta le duc de Nevers, Christine de Lorraine, sa petite-fille, à peine âgée de seize ans, le duc de Montpensier et plusieurs autres personnages de sa cour. De son côté, le Béarnais lui présenta les chefs de son armée.

Le roi de Navarre put se convaincre que derrière Catherine se tenait toute une suite de dames et de demoiselles de la meilleure grâce : une cour sans femmes est un printemps sans roses, avait dit François Ier, et il y avait lieu de croire qu’il pensait comme son aïeul, car il parut voir avec plaisir cette société charmante que les historiens ont baptisé du nom pompeux d’escadron volant de la reine.

La réception terminée, chacun fut libre d’aller ou bon lui semblait ; un grand nombre de personnages profitèrent de l’occasion qui réunissait les deux camps pour renouer avec leurs anciennes connaissances.

Henri de Navarre resta avec Catherine et le duc de Nevers

Dans leurs entretiens, le duc représenta au prince que ses espérances étaient chimériques, et qu’il n’avait pas même le pouvoir de lever un impôt à La Rochelle.

— Je fais à La Rochelle ce que je veux, répliqua fièrement Henri, parce que je ne veux rien qui ne soit juste.
— Oh ! prince, faites que je n’aie pas pris une peine inutile, dit Catherine de sa voix mielleuse ; faisons une paix durable, car moi, voyez-vous, je n’aime que le repos.
— Mais, Madame, la peine que vous prenez vous plaît et vous nourrit ; le repos a toujours été le plus grand ennemi de votre vie.
— Encore des reproches, lorsque je n’ai en vue que le bien du royaume.
— C’est possible, madame. Dans tous les cas, ce n’est pas moi qui vous empêche de dormir dans votre lit ; c’est vous, au contraire, qui m’empêchez de coucher dans le mien.
— Quel que soit l’avenir, prince, dit à son tour M. de Nevers, je ne désire pas que vous soyez mon roi, si vous n’êtes bon catholique, comme tout roi de France doit l’être.
— Mon cher duc, c’est bon aux Ligueurs de se repaître des idées de régner ; quant à moi, loin de revendiquer l’héritage d’un roi jeune et plein de vie, je ne désire que la paix et la conservation de mes sujets.

Toute cette première entrevue se passa en semblables propos, ce qui fît voir à la reine mère combien les esprits étaient irrités.

Quelques jours après, le Conseil s’assembla. La reine mère et le duc de Nevers tenaient Henri III au courant des moindres oscillations de la cour de Navarre vers la paix ou la guerre.

Sur ces entrefaites, Catherine de Médicis offrit à ses hôtes une superbe fête vénitienne dans les jardins du château et sur la Charente. Que de projets et que d’intrigues se nouèrent et se dénouèrent dans les fêtes que prodiguait la reine mère au roi de Navarre et à ses chefs d’armée !

L’un des documents importants sur les conférences de St Brice se trouve dans les Mémoires de Nevers : C’est une lettre de ce duc au roi Henri III. I ! lui écrit :
« Sire,
La reine votre mère a de si grands soins de donner avis à Votre Majesté de toutes les choses qui se passent entr’elle et le roi de Navarre, et de lui envoyer des courriers aux moindres apparences d’accommodement ou de rupture, que je n’y saurais rien ajouter. Tel vous avez vu ce prince, tel il est aujourd’hui. Les années, ni les embarras ne le changent point. II est toujours agréable, toujours enjoué et toujours passionné, à ce qu’il m’a juré, pour la paix et pour le service de Votre Majesté. Il m’a dit, de l’abondance de son cœur, qu’il voudrait avoir assez de forces pour vous défaire en un jour de tous les auteurs de la Ligue, sans vous obliger même à y donner votre consentement. Il vous témoignerait combien vostre repos lui est cher, combien vostre gloire le touche, et combien il souhaite de vous voir aussi puissant et aussi obéi que vous le méritez.
Il m’a fait l’honneur de me conjurer de vous en assurer de sa part ; et, pour me porter à cela, il n’y a sortes de belles paroles et de marques d’estime pour moi qu’il n’ait bien voulu employer. Il m’a protesté qu’il me croyait, après luy, le meilleur serviteur qu’eust Vostre Majesté.
Je n’aurais jamais fait, Sire, si je vous disais tout ce qui se passa entre le roi de Navarre et moi dans cette conversation. J’en ay recueilli deux choses que je diray à V. M : l’une est que le roy de Navarre veut la paix, à quelque prix que vous la lui vouliez donner ; et l’autre, qu’il voudrait bien que V. M., le mit à la tête de ses armées, pour ranger les Ligueurs à leur devoir, et humilier l’orgueil de la maison de Lorraine. Ce qui est le plus pressant, c’est que quoique disent les principaux d’entre les Huguenots qui sont auprès du roy de Navarre, nous ne nous en retournerons point d’ici sans rien faire. Si nous n’avons la paix, je ne doute pas que la reine votre mère n’obtienne une trêve du roi de Navarre. Je prie Dieu qu’il vous comble de bénédictions,qu’il vous rende victorieux de tous vos ennemis, et que, vous donnant une heureuse lignée, il vous accorde une longue et paisible vie.
De Vostre Majesté, le très-humble, etc
LUDOVIC DE GONZAGUE. »

Louis de Gonzague, duc de Nevers, issu des ducs de Mantoue, était né en Italie et avait épousé la sœur aînée de François de Clèves, duc de Nevers, tué à la bataille de Dreux. Henriette de Clèves avait apporté le duché de Nevers en dot à son mari.

Pendant que Catherine de Médicis est assise dans le petit appartement du château de St-Brice, où les artistes de la Renaissance ont peint l’histoire de Psyché et de l’Amour, et que ses regards se reposent avec attention sur les fleurs et les fruits peints sur les lambris, voyons ce qu’était alors cette princesse

Catherine, née en Florence en 1519, était fille de Laurent de Médicis, duc d’Urbin, et de Madeleine de Boulogne. Elle fut amenée en France pour épouser le prince Henri, second fils de François Ier. Elle était nièce du pape qui régnait alors. La jeunesse de Catherine se passa à la cour de France sans grand éclat. Catherine se révéla comme reine qu’après la mort de son mari, tué dans un tournoi en 1559. Pendant les guerres religieuses, elle déploya, comme régente et comme mère, une activité extraordinaire Malheureusement, elle introduisit à la cour la ruse et la perfidie florentines. Sully, dans ses Mémoires, reconnaît « que ce n’est point donner à la conduite de Catherine et de son fils un nom trop fort, que de l’appeler un prodige presque incroyable de dissimulation. »

Pour beaucoup de ses contemporains, le caractère de cette reine fameuse était une énigme, et dans le réseau d’intrigues qui couvrait sa longue carrière, on ne voyait ni plan fixe ni profonds desseins. Pour lutter contre les difficultés inouïes de son temps, elle mit en œuvre, pour y faire face, toutes les ressources de son astuce italienne, tout ce qu’elle tenait de l’expérience et des traditions de son pays.

A la seconde entrevue, laquelle eut lieu dans le salon dit de Psyché, à cause des peintures qui en décoraient les lambris, le prince de Condé et le vicomte de Turenne, bien accompagnés, se défiant des artifices de la reine-mère, faisaient la garde à la porte, afin de délivrer le roi de Navarre si on attentait à sa liberté.

La troisième Conférence eut lieu quelques jours après. La veille, Catherine avait exposé au vicomte de Turenne qui était allé la voir, toutes les raisons qu’elle croyait bonnes pour arriver à une réconciliation sincère entre les deux partis. Dans cette entrevue, le point de religion fut remis sur le tapis. La reine-mère dit franchement au roi de Navarre qu’il ne lui fallait jamais espérer repos ni contentement tant qu’il demeurerait obstiné en son hérésie, et que le vrai et unique moyen d’attirer sur lui les bénédictions célestes, d’abattre ses ennemis, de plaire au roi et d’être reconnu au rang que sa naissance lui donnait dans l’Etat, c’était de reprendre la religion de ses ancêtres.

A cela, le roi de Navarre répondit qu’ayant été instruit et nourri en la religion qu’il professait et estimait être la meilleure, ce serait témoigner qu’il faisait bien peu de cas de sa conscience s’il changeait si légèrement, pour des espérances temporelles.

Là-dessus la reine-mère proposa une trêve d’un an, le roi de Navarre répondit qu’il ne pouvait consentir à cette proposition.

La trêve de deux mois publiée en Poitou, Angoumois et Saintonge fut continuée jusqu’au 6 janvier lors prochain.
— Si vous n’accédez pas à la paix, avait dit M. de Nevers au roi de Navarre, la guerre aura pour vous et les vôtres plus d’une conséquence fatale.
Sur la réponse de la reine mère que le roi était résolu à ne souffrir en son royaume d’autre religion que la sienne, les conférences discontinuèrent.
— Qu’une seule religion, répétait le vicomte de Turenne, ma foi, nous le voulons bien, pourvu que ce soit la nôtre ; autrement, on peut s’attendre que nous nous battrons bien et qu’il y aura du sang répandu.

Catherine, finalement, fit proposer au roi de Navarre le mariage de la jeune Christine de Lorraine avec Sa Majesté béarnaise, qui, devenue catholique, répudierait la princesse Marguerite, qui était depuis longtemps séparée de son mari et menait une vie errante de château en château.

Henri de Navarre s’arrêta peut être un instant à l’idée souriante d’un nouvel hyménée, et l’amour aurait sans doute triomphé, si tant de malheurs n’avaient suivi sa première union. Mais il refusa net une épouse présentée par ceux-là mêmes qui, au moment des fêtes de son mariage, avaient donné en plein Louvre le signal de la Saint-Barthélemy.

La paix n’ayant pu être obtenue, on se borna à respecter la trêve et à faire défense aux gens de guerre des deux partis de ne commettre directement ou indirectement aucun acte d’hostilité.

C’est ainsi que se terminèrent les Conférences de Saint-Brice On se sépara, le roi de Navarre pour rentrer à La Rochelle, et la reine-mère pour prendre, quelques jours plus tard, la route de Niort, puis celle de Paris.

Catherine de Médicis et les dames qui l’accompagnaient se mirent en route fort déçues des belles espérances que le printemps avait fait naître, mais que l’automne avait refusé de mûrir. Moins de dix mois après, les catholiques et les protestants en vinrent aux mains, et la sanglante bataille de Coutras fut toute à l’avantage des derniers. La trêve de Saint-Brice n’avait donc servi aux deux partis qu’à mieux s’observer pour se mieux combattre.

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