Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1647 - L’instabilité de la côte d’Arvert racontée dans un ouvrage de jurisprudence

mardi 6 avril 2010, par Pierre, 1171 visites.

Un document très étonnant : dans un recueil de jurisprudence sur l’Usance de Saintonge, la coutume en vigueur dans la partie de la Saintonge non concernée par la Coutume de Saint-Jean d’Angély, c’est à dire la partie ouest de la province, le juriste se laisse aller à des digressions intéressantes sur l’instabilité de la côte dans la presqu’ile d’Arvert, ses églises englouties par les dunes, qui réapparaissent 50 ans plus tard, et disparaissent de nouveau, sur les guerres de religion, sur la végétation des marais. Ensuite, il poursuit son étude jurisprudentielle ... Des digressions qui paraissent aujourd’hui au moins aussi intéressantes que le principal !

Le titre de l’ouvrage - un grand classique - est en lui-même tout un programme : Usance de Saintonge entre mer et Charente, colligée des anciens manuscrits, illustrée de notes et confirmée par quantité d’enquestes par turbes et notoriétés, avec deux Traités, des secondes Noces, & du droit de Reversion, seconde édition, augmentée de digressions par ages, des affiliations, & autres matières communes en la Province de Saintonge, par Mr Cosme BECHET, advocat au Parlement de Paris, et Siege Presidial de Saintes - Saintes - 1647

Voir : 1520 - Les coutumes du pays de Saintonge - Texte, commentaires, glossaire

Toutefois aux Terres salées estans dans les Bailliages de Marennes, Hiers, Brouë & Chessou, ne se payent point de lods & ventes, & n’y a aussi lieu de retention féodale.

NOTE.

J’ay veu un Manuscrit de nostre Usance, avec la copie du procez-verbal, qui avoit esté fait pour la verifier durant le règne de Charles VIII. Il contient peu d’articles, mais en substance il comprend presque autant de decisions que celuy qui fut dressé il y a environ 80. ans par le Sieur Defarnoux célèbre Advocat de nostre Siege, lequel estant écrit de sa main, est à present entre les miennes.

Ces deux Manuscrits contiennent cet article qui vient d’estre altéré par un Arrest du Grand Conseil, pour l’interest du Roy, en faveur duquel, comme Seigneur d’Hiers, il a esté jugé, que les Marais salans sont sujets à lods & ventes. Le Seigneur de Marennes en a obtenu un semblable sur la desunion & mauvaise intelligence des peuples. Ceux de l’Isle d’Arvert jouïssent encore de l’ancienne franchise & immunité. Elle a ce nom d’Isle, encore que ce ne soit qu’une Péninsule ou presqu’isle : ayant pour ses bornes du costé du Midy la mer Oceane, & pour aspect à une lieuë de la coste la tour de Cordan, l’un des plus rares edifices de la France, & la huitiesme merveille du monde, dont le bastiment fut commencé en 1584. Du costé du Septentrion est la riviere ou bras de mer de Seudre, dont les deux bords sont couverts des meilleurs Salins de l’Europe ; & d’un bout le détroit de Maumusson, de l’impétuosité duquel il arrive tous les ans quantité de debris & de naufrages.

La violence des vagues jette le sablon à la coste de la mer, sur laquelle estant promptement sèche durant le reflus, il est poussé par le vent au plus haut du rivage ; en sorte que peu à peu il s’en éleve de grandes montagnes, qui ont à succession de temps couvert des bourgs & villages. Il y a cinquante ans qu’on n’avoit point de mémoire de Nostre Dame de Buze, que par la lecture des anciens contracts : mais tout à coup la montagne s’avançant decouvrit une Eglise bien construite, à present une autre montagne s’est plantée dessus ; si bien qu’elle ne paroist plus, & n’y a pas d’espérance qu’elle se decouvre à l’advenir, tant elle est menacée du progrez de quelques autres montagnes qui s’avancent successivement. Ainsi sans miracle les montagnes d’Arvert changent de place.

C’est l’effet d’un mouvement naturel, cettuicy peut avoir quelque autre ressort : Lors que la discorde échevelée avoit armé nos Peres sur le fait de la Religion ; durant le règne de Charles IX. l’Eglise parrochiale du Bourg S. Estienne d’Arvert, lieu de ma naissance, fut démolie, en sorte qu’il ne restoit qu’une partie du devant qui subsiste encore. Des ruines de l’Autel on édifia une maison pour un Regent qui instruisoit la jeunesse : ainsi dans la place de l’Autel, de la Sacristie, & des Chapelles j’ay veu la chambre du Maistre d’Ecole, & la classe des Ecoliers. Encore que tous les habitans de l’Isle fussent d’une mesme créance ; le défaut d’une tuile fit une goutiere vingt ou trente ans après l’édifice, & à la veue de tout ce peuple, gorgé de biens & de commodités, tout a esté renversé & ruiné jusqu’aux fondemens. J’en parle selon la vérité, je desirerois que ce fust avec autant de gloire pour ma patrie.
Nescio quâ natale solum dulcedine cunctos
Ducit, & immemores non finit esse sui.

Sur le sujet des Salines, que nous appelions Marais salans, l’on doit observer qu’il y en a quantité qui ont en leurs appartenances & dépendances des prés ou sartieres, qui ne servent qu’à la pasture du bestail. Ce mot, Sartiere, se forme du nom d’une herbe marine, Alga, que nous appellons Sart, & qui croist en grande abondance sur nos Marais.

L’Usance locale est telle, que les détenteurs ayant fait de nouveaux Marais en leur Sartiere, celuy des codetenteurs, qui met la main à la bourse pour un autre, a droit de joüyr de la cotité aux nouveaux Marais, jusqu’à ce qu’il ait esté remboursé. Le juge ordinaire de Marennes l’avoit ordonné de la sorte en faveur du Sieur Jean Aymar contre Jean Melon & Pierre Dufort, par sentence du 14. juin 1633. cette sentence fut confirmée par un jugement rendu en l’Audiance de nostre Presidial le 2. de May 1634. Arrest à informer par turbes en la plaidoyrre de la Chambre de Guyenne séante alors en la ville d’Agen le 26. Fevrier 1635 . Les Turbiers au nombre de plus de 60. en rendirent témoignage d’une mesme voix le 24. May 1635. Et enfin par Arrest de la mesme Chambre du 26. Avril 1636. les jugemens de l’ordinaire & du Siege furent confirmés. D’où vient que l’Usance locale ne doit plus estre mise en controverse. La nécessité l’ayant fait recevoir, elle ne manque pas d’exemples, qu’on peut voir dans les Coutumes de Bretagne art. 350. & ibi glos. Argentr. de Nivernois au titre des maisons & servitudes réelles, art. 5. 6. 7. & ibi Coquil. de Bourbonnois art. 513. & 514. & de Berry art. 8. tit. des servitudes réelles ; où il y a des espèces qui ont de notables raports à nostre usage des Salines.


Voir en ligne : L’église de Buze, perdue, retrouvée, et perdue de nouveau dans les sables

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