Histoire Passion - Saintonge Aunis Angoumois

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1756 - Histoire de l’Angoumois - par François Vigier de la Pile - Chap. 1

lundi 26 mars 2007, par Pierre, 1647 visites.

Chapitre 1er - De l’Angoumois en général

L'Histoire de l'Angoumois par François Vigier de la PileCe pays est situé entre le Limousin, le Périgord, la Saintonge et le Poitou ; il n’a que -vingt lieues de long sur quinze ou seize de large, suivant la plupart des géographes ; mais l’on ne peut rien déterminer là-dessus au juste, parce qu’il est d’une figure irrégulière, comme presque toutes les autres provinces du royaume.

On peut le considérer de différentes manières. Si c’est suivant son diocèse, il est fort resserré : du côté de l’orient par celui de Limoges, du midi par celui de Périgueux, du couchant par celui de Saintes, et du septentrion par celui de Poitiers, quoiqu’il s’étende en certains cantons sur quelques paroisses de ces mêmes provinces.

Si nous le considérons selon le gouvernement militaire, il n’en compose qu’un seul avec la Saintonge ; mais si le gouvernement civil fait l’objet de notre attention (ce que l’on nomme province dans le langage le plus ordinaire), ce pays s’étend dans tout le territoire sujet à sa coutume, ce qui fait la sénéchaussée, parce que c’est le fonds soumis à l’autorité du sénéchal, qui contient une plus grande étendue.

Si l’administration des finances forme notre point de vue, deux élections se présentent, celle d’Angoulême de là généralité de Limoges, celle de Cognac de la généralité de La Rochelle, qui s’étendent même l’une et l’autre sur des paroisses ou des hameaux qui ne sont pas de cette sénéchaussée. Cette diversité produit d’abord quelque surprise ; mais elle se dissipe bientôt, si l’on réfléchit que la même variété se rencontre dans les autres provinces, quoiqu’il ne soit pas facile de remonter jusqu’à l’origine, et que la cause peut en avoir été arbitraire.

Voici néanmoins ce qui me parait le plus probable là-dessus. Le diocèse est le premier établissement, puisqu’il est avant la monarchie française ; on suivit alors la distinction, qui subsistait, de celte province d’avec celles de son voisinage, suivant le gouvernement des Romains ; ces maîtres des Gaules y avaient fait telles divisions du territoire qu’ils avaient jugées convenables.

Avant Jules-César, ce pays faisait partie des peuples nommés Celtes, ou la Gaule celtique. Auguste étendit les limites de l’Aquitaine jusqu’à la rivière de la Loire, en sorte que l’Angoumois était compris dans l’Aquitaine, lorsque la foi de Jésus-Christ y fut prêchée ; les anciens auteurs latins de ce temps-là ne parlent point de ce pays sous le nom qu’il porte à présent : Pline le naturaliste [1] met dans l’Aquitaine certains peuples qu’il nomme Agesinates ; il y a tout lieu de croire que ce sont les habitants de l’Angoumois dont le nom a changé par la corruption de la langue et la révolution des temps ; cet auteur dit qu’ils joignaient les Poitevins, ce qui ne convient point à ceux de l’Agenais, comme quelques-uns de ses interprètes l’ont expliqué, puisqu’ils sont très-éloignés du Poitou. L’on doit donc penser que ces Agesinates, quoique joints aux Poitevins, faisaient dès lors une province séparée du Poitou, puisqu’il s’y établit un évoque dont le district suivit celui de cette petite province qui n’était autre chose, dans ce temps-là, que l’étendue dans laquelle le magistrat ou commissaire, envoyé par les Romains, avait droit d’exercer son emploi ou sa commission. Le terme provincia, en langue latine, signifie la même chose que commission, administration ou emploi ; c’est ce qui a donné l’origine au premier établissement des provinces suivant le gouvernement politique des Romains, à quoi les provinces ecclésiastiques se sont conformées.

Il n’en a pas été ainsi de l’établissement des sénéchaussées ; elles ont été de la pure invention des Français, aussi bien que la plupart des coutumes observées dans le même territoire. Comme l’empire français s’est élevé dans les Gaules sur la destruction de celui des Romains, à mesure que nos rois ont envoyé des gouverneurs pour régir un pays, ils ont donné à son administration l’étendue qu’ils ont jugé à proposai qu’ils ont pu, suivant la circonstance des temps ; c’est ce territoire qu’on a nommé, dans la suite, sénéchaussée, quand les sénéchaux chefs de la justice ont été rendus fixes. On attribue cette fixation à Philippe-Auguste, en 1204, au lieu que les diocèses ont suivi l’usage des Romains qui subsistait lors de leur établissement ; on n’a pas laissé de conserver pour les sénéchaussées le nom des provinces venu des Romains, pendant que les ecclésiastiques se sont servis du terme de diocèse, dérivé du grec, qui signifie la même chose que province.

C’est dans ce sens qu’on doit dire que l’Angoumois est une province aussi ancienne que celles de son voisinage. Quelques auteurs ont cru que ce pays a fait partie de la Saintonge, dont il a été détaché insensiblement pour en faire une province particulière, ce qui ne pourrait avoir eu lieu, tout au plus, qu’avant la distinction des sénéchaussées, ou pour le pays de Cognac et pour quelques autres châtellenies de la même élection, comme on le dira dans la suite, parce qu’elles se trouvent la plupart du diocèse de Saintes.

L’Angoumois a été le théâtre de beaucoup de guerres étrangères ou civiles qui y ont causé de grands changements ; plusieurs de ses édifices ont été détruits ou fort endommagés, les anciens monuments abattus, les titres dissipés ou perdus entièrement. Plusieurs familles ont abandonné le pays, surtout dans le siècle passé, depuis 1685, par la révocation de redit de Nantes ; elles ont trouvé le secret de "passer chez les étrangers ; le pays est devenu par là beaucoup moins ,peuplé qu’autrefois et qu’il pourrait l’être. Le climat est tort varié ; il produit tout ce qui est nécessaire à la vie, d’une qualité même qui peut contenter les plus délicats, puisqu’il y a plusieurs choses qui surpassent en bonté et en finesse de goût ce qui vient dans les autres provinces ou qui les égalent ; l’air y est fort tempéré ; on y voit rarement des maladies contagieuses ; plusieurs personnes y parviennent à une grande vieillesse.

Angoulême, ville capitale du pays, se trouve située à peu près au milieu de la province. Les géographes anciens la mettent au 46e degré 20 minutes de latitude, et au 19e de longitude ; les modernes à 45 degrés 15 minutes de latitude, et à 17 et 44 minutes de longitude ; la différence est peu considérable. Elle est à une distance qui tient comme le milieu entre la zone torride et la zone glaciale ; sa principale rivière est la Charente qui prend sa source près du château de Charonac en Poitou ; elle traverse une partie de l’Angoumois et de la Saintonge, va se rendre dans l’Océan, au-dessous de Soubise, serpente beaucoup, arrose quantité de prairies qui produisent ordinairement de fort bon foin. Cette rivière a été rendue navigable jusqu’au Gond, paroisse de l’Houmeau faubourg d’Angoulême, en conséquence des lettres patentes de Marguerite, comtesse d’Angoulême, comme ayant le bail et le gouvernement de Charles de Valois d’Orléans, comte d’Angoulême, de l’année 1472 ; elle ne l’était auparavant que jusqu’à Châteauneuf. On fit la tentative., il y a quelques années, d’en pousser la navigation jusqu’à Verteuil ; ce dessein fut avancé par les soins de la maison de la Rochefoucauld qui l’avait entrepris pour l’intérêt de ses terres et pour sa propre utilité. On avait déjà fait faire des bateaux plats et fort longs destinés à cet usage ; on avait creusé plusieurs endroits où il s’était rencontré du sable ou d’autres obstacles ; mais comme cette rivière se partage en plusieurs bras, qu’elle forme quantité d’îles, qu’il y a plusieurs écluses et des moulins qu’il aurait fallu détruire ou changer, avec dédommagement pour les propriétaires, il y eut des oppositions de la part de la Maison de Ville et de quelques seigneurs particuliers. Toutes ces difficultés et les dépenses excessives qu’on prévit être les suites nécessaires de ce projet, l’ont fait abandonner ; on ne le reprendra point sans doute, quoique très-utile à la province, tant l’intérêt particulier l’emporte souvent sur le bien public ! C’est par cette rivière que l’on fait monter le sel au port de l’Houmeau ; il s’en fait un débit considérable pour le Limousin et le Périgord, d’où il se transporte en Auvergne et ailleurs, ce qui fait subsister quantité de marchands et de voituriers. C’est aussi par elle que se fait la majeure partie du commerce ; on s’en est même servi pour faire flotter le bois depuis peu jusqu’à l’Houmeau.

La nécessité, qui rend les nommes industrieux, a fait faire, depuis plusieurs années, beaucoup de ^défrichements de terres. La campagne n’a jamais été si bien cultivée qu’elle l’est présentement ; l’on s’est adonné à faire des vignes ; on avait éprouvé que le produit des eaux-de-vie pouvait dédommager le vigneron de ses peines. Cette émulation s’est fort ralentie, depuis quelque temps, par le bas prix où celte liqueur a été dans les années communes, et à cause des défenses de planter sans permission.

Le blé du pays pourrait suffire pour nourrir ses habitants, s’il n’en sortait pas ; mais le besoin de vendre oblige les voisins de la Saintonge d’envoyer leurs grains à Chalais ou ailleurs, pour être voitures à Bordeaux, ce qui engage les pays de vignobles, la ville d’Angoulême et les autres de se pourvoir dans les cantons voisins du Poitou et du Limousin qui sont fertiles en grains. Quoiqu’il y ait plus de vin qu’il n’en faut pour le pays, on ne doit pas le regarder comme une denrée à charge : le Limousin et le Poitou en tirent ce qui leur manque ; on en envoie quantité à Rochefort pour les embarquements ou pour la consommation de celte ville ; d’ailleurs la majeure partie se convertit en eau-de-vie. On ne saurait trop multiplier cette liqueur dans ce pays dont elle fait toute la richesse et le principal commerce. Il fleurirait s’il n’était pas appesanti et gêné par les précautions captieuses des employés aux aides. Ils ne cherchent ordinairement que leur intérêt particulier ; celui du roi se trouve dans l’abondance et le grand débit. Les peuples en sont plus heureux et toujours prêts à fournir au souverain les secours dont il a besoin. On voit que ceux qui sont en état de faire des magasins d’eau-de-vie trouvent dans les variations de son prix une ressource assurée ; les étrangers en profitent plutôt que nous ; ils enlèvent à la nation les plus grands avantages de ce commerce.

On trouve en quelques endroits du safran, des chanvres et des lins ; en d’autres, des légumes de toute espèce, des châtaignes et des fruits divers : en sorte que ce pays peut se passer de ses voisins ou des étrangers, pour ce qui est absolument nécessaire à la vie. Il n’en est pas de même pour le vêtement : il ne s’y fait que quelques grosses étoffes à l’usage du peuple ou des gens peu délicats.

Le bois commence à devenir rare dans certains cantons ; d’autres ont des forêts considérables. Il y a des forges pour les mines de fer qui se trouvent en abondance ; on y fait des ouvrages pour le public et pour l’artillerie.

Les manufactures les plus considérables sont celles du papier qui est des meilleurs du royaume. Plusieurs moulins à papier avaient été abandonnés, la fabrication dans les autres avait été négligée, en sorte que le papier n’était plus si bon ni si recherché. Il y a eu là-dessus des ordres du conseil et de nouveaux règlements. Ils font espérer que cette manufacture aura, dans peu de temps, la plus grande perfection à laquelle elle puisse atteindre. On a déjà réparé plusieurs des moulins abandonnés ; il s’est formé une compagnie qui promet beaucoup pour le soutien des papeteries, par l’attention continuelle de ceux qui veillent sur cette fabrique.

Il se fait un commerce de gros bétail, surtout dans les paroisses voisines du Limousin, ce qui procure quelque argent dans certains temps de l’année.

Si les articles dont on vient de parler sont les sources qui peuvent répandre ou conserver un peu d’argent dans la province, il y a beaucoup d’autres moyens tellement indispensables pour l’en faire sortir, qu’on en éprouve la rareté depuis plusieurs années d’une manière très-fâcheuse. Les impôts de toute espèce produisent au roi et aux gens d’affaires plus d’un million et demi, chose surprenante pour un si petit pays, qui fait des efforts au-dessus de toute imagination pour acquitter de si grosses charges. Le mal est encore qu’il faut voiturer cet argent aux recettes générales, en sorte qu’il ne revient plus dans la province ; au lieu que dans les temps où le commerce des vins, des eaux-de-vie, des papiers, du safran, des bestiaux et des fers se soutient à un taux raisonnable, l’argent s’y conserve en partie par l’usage des lettres de change ; les commerçants en font remettre le montant à Paris, ce qui produit un avantage pour tout le monde. La province s’épuise encore d’argent par l’envoi qu’on en fait en espèces à Paris, tant par les seigneurs qui possèdent la plupart des terres, que pour les marchandises qu’on en tire, ou les frais des procès et des autres affaires qu’on ne peut se dispenser d’y avoir. Cette capitale est au royaume ce que l’Océan est au reste du monde.

Ce serait le lieu de parler de la religion, du génie et des mœurs des habitants. Pour la religion , depuis que l’exercice du Calvinisme a été entièrement aboli, en 1685, il ne reste que quelques familles qui se ressentent encore des préventions de leur naissance, dont les pères persévèrent dans l’erreur. Les enfants, quoique instruits dans la religion catholique , ne font souvent leur devoir que pour se marier et cessent ensuite d’aller à l’église et de fréquenter les sacrements, malgré les attentions qu’on prend pour leur salut. Comme la foi est un don de Dieu, l’on attend de sa sainte providence le temps de leur sincère conversion. À la réserve de ce petit nombre dont on vient de parler, qui ne mérite pas qu’on y fasse attention, le surplus des habitants est rempli de bons sentiments de religion, les peuples sont bien instruits des principaux dogmes qu’ils doivent savoir. Il y a dans quelques paroisses certaines dévotions populaires qu’on tolère plutôt qu’on n’approuve.

On disait dans le xvie siècle [2] que les habitants de ce pays étaient d’un naturel simple, sans fard et sans ambition, gens grossiers, peu sociables, contents d’eux-mêmes et de leur fortune ; que les habitants des villes vivaient de leur revenu, sans vouloir rien faire ni trafiquer les uns avec les autres, encore moins avec leurs voisins ; que les gentilshommes s’adonnaient uniquement au plaisir de la chasse et au métier des armes. Quand les gens du pays fréquentaient les autres nations, on ajoutait qu’ils se rendaient avec peu de peine des plus habiles ; que ce pays était le dernier de la France, du côté de la Guienne, où l’on parlât français. Un auteur du dernier siècle ne les connaissait pas mal [3] lorsqu’il a dit que « ceux qui se tiennent dans Angoulême sont gens de bon esprit ; qu’ils veulent se maintenir en réputation, se vantent volontiers, se plaisent peu au trafic et vivent la plupart de leurs revenus et font les gentilshommes, aiment les lettres, sont magnifiques et courtois, et qu’ils prennent plaisir à choses nouvelles ; que ceux du plat pays sont grossiers et rudes, adonnés au travail et opiniâtres aux armes. »

Les Angoumoisins sont, pour la plupart, ingénieux et polis, surtout ceux qui ont l’usage du monde. Les grandes relations qu’on en retient au pays sont une école pour cette province qui tâche d’imiter les bonnes manières. Si notre témoignage est suspect, qu’on consulte là-dessus les étrangers [4] ; on trouvera qu’ils en ont tous parlé en termes fort avantageux. Ils attribuent à la subtilité de l’air d’Angoulême l’excellence de la plupart des esprits, propres aux sciences, aux armes et aux plus belles connaissances.

Ceux qui s’y sont signalés sont en tel nombre, par rapport à la petite étendue du pays, que nul autre ne peut se vanter d’en avoir davantage. On pourra le vérifier en calculant ce qui sera dit, dans la suite, sur le lieu de la naissance ou du domicile des personnes illustres de cette province. Quoique l’étude des belles-lettres et des sciences soit négligée présentement et que ce soit un mal qui semble général, il reste néanmoins des personnes curieuses et de bon goût, ce qui fait espérer que les choses reviendront comme elles étaient dans le siècle passé. Venons maintenant à ce qui concerne les trois sortes de gouvernement.

Le diocèse est le district où s’exerce la juridiction de l’évêque qui ressortit à la métropole de Bordeaux. Il nomme pour l’exercice du contentieux un officiai, un promoteur, un greffier, ce qui compose l’officialité où l’on procède en première instance et par appel à l’official métropolitain établi à Poitiers, et de celui-ci à l’official de la primace qui réside dans la même ville.

Pour ce qui concerne la juridiction gracieuse, lorsque l’évêque refuse son visa, on se pourvoit par-devant l’archevêque de Bordeaux.

Le clergé est composé de cinq abbayes d’hommes et d’une de filles qui sont : Saint-Cybard, La Couronne, Cellefroin ; Bournet, Grosbot et Saint-Ausone ; du chapitre de Saint-Pierre, cathédrale ; de trois collégiales, de plusieurs cures et d’autres bénéfices distribués sous treize archiprêtrés, qui sont : Saint-Jean-d’Angoulême, Saint Genis, Garat, Ambérac, Saint-Ciers, Pérignac, Saint-Projet, Grassac, Jurignac , Chasseneuil, Orgedeuil et Rouillac ; ils sont fixés, à la différence de ce qui s’observe dans quelques autres diocèses.

Il y a quelques bénéfices à la collation de l’évêque, hors de son diocèse, dont on parlera dans la suite, quoiqu’ils n’aient pas été placés anciennement sous ces archiprêtrés ; on fera aussi mention des religieux de l’un et de l’autre sexe, et des bénéfices qui se trouveront dans les diocèses voisins, situés dans la province dont on aura occasion de parler.

La chambre ecclésiastique connaît en première instance de ce qui concerne les impositions faites sur le clergé ; elle est composée de l’évêque et des députés des abbés, chapitres, prieurs et curés. Elle ressortit par appel à la métropole.

Le gouvernement militaire peut être considéré par rapport aux gens faisant profession des armes ou censés la faire ; cette province a fait autrefois partie du gouvernement d’Orléans. Elle en a été séparée ; on l’a jointe avec la Saintonge pour composer ensemble un seul gouvernement. Il y a sous le gouverneur un lieutenant général et un lieutenant de Roi ; ces officiers sont préposés pour faire observer la discipline militaire et faire exécuter les ordres du Roi. Ils ont une compagnie de gens de cheval sous le commandement d’un capitaine et d’un lieutenant.

Les gouverneurs et lieutenants généraux n’y résident point, depuis qu’on a le bonheur de n’avoir aucun trouble de guerres dans ces provinces : ce sont des seigneurs qui suivent la Cour ou qui se tiennent à Paris. Quand leur présence est nécessaire au pays, ils logent au château d’Angoulême.

Il y a une juridiction qui s’exerce pour le point d’honneur. Un lieutenant des maréchaux de France est commis pour recevoir les plaintes des voies de fait, des injures, des manquements de paroles et de choses semblables, arrivées entre gentilshommes ou gens faisant profession des armes par un service militaire ; il les juge ou il en remet la décision au tribunal, ainsi qu’il le trouve à propos suivant la qualité de la matière,

Le sénéchal et le lieutenant général d’épée sont encore des officiers militaires dont les fonctions paraissent consister aujourd’hui en ce que la justice principale de la province s’exerce en leur nom ; les sentences sont intitulées ^du nom du sénéchal et, en cas de vacances de son office, du nom du lieutenant. Ils convoquent la noblesse lorsqu’il y a des ordres pour le ban ; ils ont droit de l’assembler et de la commander dans la province.

L’Angoumois est un duché-pairie du domaine de la couronne. Quoique la plupart des revenus aient été aliénés à titre de rachat perpétuel, et plusieurs justices démembrées, en 1697 et 1703, toutes ces aliénations n’ont rien changé par rapport aux vassaux ni à la qualité de fief royal et domanial, véritable patrimoine de nos rois. Il a conservé le titre de comté jusqu’au mois de février 1514, qu’il lut érigé en duché-pairie et uni à la couronne par François Ier ; on verra, dans les deux chapitres suivants, son gouvernement ancien, civil et militaire. Voici de quelle manière on y administre présentement la justice.

Il y a deux sortes de juges : les uns pourvus par le roi, d’autres par les seigneurs. Les premiers juges royaux étaient les prévôts d’Angoulême, de Bouteville et de Chateauneuf ; il n’y avait que ces trois dans la sénéchaussée ; celui d’Angoulême a été supprimé par l’édit du mois de novembre 1738, enregistré à Angoulême le 12 janvier 1739, et la prévôté réunie à la sénéchaussée ; il ne reste plus que ceux de Châteauneuf et de Bouteville. Ils connaissent chacun dans leur châtellenie des causes des roturiers et de celles des nobles, quand ceux-ci veulent s’y soumettre ; leurs appels sont portés devant le sénéchal d’Angoulême.

Les autres juges royaux sont ceux qui composent le siège royal de Cognac, dont les appels ne ressortissent à Angoulême que dans les matières qui sont du premier chef de l’édit des présidiaux, c’est-à-dire jusqu’à la somme de 250 livres ou 10 livres de rente.

Le sénéchal d’Angoumois est le chef de la justice dans toute l’étendue de la sénéchaussée ; elle se rend en son nom. Il y a un lieutenant général civil et un lieutenant criminel de résidence à Angoulême ; les mêmes officiers sont à Cognac, leurs fonctions sont égales dans leur territoire.

Le lieutenant général tient les audiences qu’on nomme de l’ordinaire, c’est-à-dire de la juridiction du sénéchal, et l’on n’y juge aucune cause en dernier ressort.

Les officiers qui composent le présidial et la sénéchaussée sont les mêmes ; ils ne forment qu’un seul corps ; ils ont droit d’assister aux audiences et à ce qui se juge à la chambre ; outre le lieutenant général, il y a un lieutenant particulier, un assesseur, seize conseillers, deux avocats, un procureur du roi et un greffier. Ces audiences tiennent trois jours de la semaine qu’on nomme de l’ordinaire, savoir le lundi matin, le mercredi au soir et le vendredi matin ; cette semaine commence le premier lundi d’après la Saint-Martin, et la suivante est nommée de l’extraordinaire, parce que le lieutenant général n’entre que le vendredi matin, ce qui s’observe ainsi alternativement.

Le lieutenant criminel tient les audiences le samedi après midi, et quelquefois le mercredi matin, suivant que les affaires le demandent.

Le présidial a été ajouté à la sénéchaussée par l’édit de la création des présidiaux de l’an 1551 ; il est composé de deux présidents et des autres officiers du sénéchal ; les audiences s’y tiennent trois jours de la semaine d’ordinaire, savoir les mardis, jeudis et samedis matin, et celles de l’extraordinaire, les samedis matin seulement, ce qui s’observe de la sorte, à la réserve des temps où il survient des vacances.

La justice qui concerne les finances est administrée différemment ; les matières qui regardent l’intendance se portent devant l’intendant de Limoges, lorsqu’il fait le département, et, en son absence, devant son subdélégué ; les autres matières vont à l’élection et de là, par appel, à la cour des aides de Paris.

L’élection est composée d’un président, d’un lieutenant, de trois élus, d’un procureur du roi et d’un greffier ; on y tient les audiences les samedis au soir et quelquefois les mercredis quand le nombre des affaires le demande, ce qui n’arrive pas depuis quelque temps.

Je parlerai des autres juges d’Angoulême quand je serai à l’article de cette ville.

Les juges, pourvus par les seigneurs, le sont pour les terres considérables, comme les duchés, les comtés, les marquisats, ou pour les simples châtellenies, ou pour les moindres fiefs. Il n’y avait point jusqu’à présent de juges de seigneurs dont les appels fussent ailleurs qu’au présidial ou sénéchal, suivant la qualité des matières. Le duché de la Rochefoucauld jouit à présent du ressort immédiat au parlement.

On juge les contestations des plaideurs selon la coutume du pays, en suivant les usages observés et reconnus tels pour avoir été confirmés par les arrêts du parlement de Paris ; lorsqu’il y a des matières qui ne paraissent pas décidées par cette coutume, on a recours aux voisines, surtout dans les matières féodales, ou qui sont particulières pour les provinces d’entre Loire et Garonne ; mais s’il s’agit d’une question du droit français général, la coutume de Paris, l’usage du royaume, les arrêts et l’avis des bons auteurs contribuent beaucoup à la décision.

On se sert du droit romain comme d’une raison écrite, c’est-à-dire pour en suivre les principes d’équité et de droiture naturelle dont il est rempli, et nullement comme d’une loi qui nous oblige, c’est ainsi qu’on en use dans tous le pays coutumier.

La coutume du pays a été rédigée par autorité royale, et publiée, le 10 octobre 1514. sous dix titres qui contiennent 121 articles.


[1Lib. iv, cap. 19.

[2Corlieu, chap. 1.

[3États et empires du monde, page 35, édit. in-4°.

[4MAICHIN, Histoire de Saintonge, chap. 34 ; MORERY, sur le mot Angoumois et plusieurs autres.

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