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1786 - Richemont (16) - Démarches pour la création d’une usine de papeterie

mardi 27 février 2024, par Pierre, 2649 visites.

Créer une entreprise de moulin à papier dans la Généralité de La Rochelle qui n’en compte aucune, n’est pas une sinécure : course aux subventions, recherche d’exonérations fiscales diverses (on les appelle "privilèges" à cette époque). Un lobbying des papetiers de La Couronne pour faire capoter le projet n’est pas à exclure ...

Exemple à Boussac, dans la paroisse de Richemont (Cherves-Richemont 16) près de Cognac, en 1786.

Sources :
- AD 16 - C 210.
Publié dans : Recueil de documents pour servir à l’histoire du commerce et de l’industrie en Angoumois par G. Babinet de Rencogne - Recherches sur l’origine des moulins à papier de l’Angoumois, et particulièrement de la paroisse de La Couronne, la corporation des papetiers, les prix de vente du chiffon et du papier - Angoulême - 1879
- Chroniques, faits historiques et traditions de l’Angoumois occidental... par P. Lacroix - 1876
- La Gazette des bains de mer de Royan-sur-l’Océan - 27/04/1890

 1. — Copie de la requête adressée à M. l’Intendant du commerce par Jacques-Théodore Perrin de Boussac.

Boussac, "sur la rivière nommée l’Antenne, à 3/4 de lieue de Cognac"
Carte de Cassini - Source : BNF Gallica

SUPPLIE humblement Jacques-Théodore Perrin de Boussac, habitant de la ville de Cognac, disant qu’étant propriétaire d’un domaine sur la rivière nommée l’Antenne, à 3/4 de lieue de Cognac, et que la situation de ce domaine lui ayant paru propre à la construction d’une manufacture de papier, il s’en est convaincu par l’assurance que lui en ont donné, après un mûr examen, les gens connoisseurs dans la fabrication.

Le supliant, issu d’une notable bourgeoisie, chargé d’une nombreuse famille et rempli du désir de lui donner une éducation analogue à son état et à ses sentimens, jaloux aussi de lui donner de l’émulation, a formé le projet d’établir cette manufacture, qui sera aussi indubitablement avantageuse au commerce de la province qu’à ses intérêts personnels, puisqu’il n’y en a aucune dans la Généralité de La Rochelle.

Le mémoire que le supliant joint à la présente requête peut, Monseigneur, quoiqu’il ne donne qu’une idée générale de ce qu’il en coûtera, vous faire connoître que les dépenses attachées à l’établissement seront considérables, et que l’exposant doit craindre de mettre une fortune honnête au hazard, s’il n’a la facilité d’avoir un prompt débit et s’il n’est soulagé par des privilèges, qu’il n’atend que de votre autorité et de votre bienfaisance. C’est par l’espoir qu’il y fonde qu’il a l’honneur d’intercéder pour l’exécution de son projet votre agrément et votre protection.

La papeterie de Boussac, sur l’Antenne

Le supliant représente également à l’appui de sa requête un règlement du commerce du 27 janvier 1739, art. 44, par lequel il est ordonné que les maîtres fabriquants de papier, leurs fils travaillant dans leur fabrique et autres ouvriers, seront personnellement exempts de la collecte, des tailles, logement de gens de guerre, de la milice, et qu’ils seront cottisés d’office par le sr intendant et commissaire départi en la province où ils seront établis.

Il observe aussi qu’on a favorisé l’établissement fait par la dame de La Garde d’une somme de 20,000 #, à Courtalin, celui du sr Joannet, à Annonay, de 12,000 #, celui de MM. Henry, à Angoulême, de la somme de 18,000#. Quoiqu’il n’ose demander la même grâce par sa requête, il espère que son travail ne sera pas moins utille à sa province, où il est seul fabriquant, et mériter aussi la même récompense.

Ce considéré, Monseigneur, il vous plaise de vos grâces, en adoptant et approuvant l’établissement proposé, faire accorder au suppliant les privilèges de l’exemption des tailles, dixièmes, vingtièmes et toutes autres charges réelles et personnelles dont l’exploitation de cette manufacture pourrait être susceptible, comme du logement des gens de guerre, au moins pendant la vie du supliant et son épouse. Devant tout à vos bontés et à votre justice, il ne cessera d’adresser ses vœux au ciel pour la santé et prospérité de Votre Grandeur.

Signé : PERRIN DE BOUSSAC.

 2. — Projet de devis pour l’établissement du moulin à papier de Boussac.

L’ETABLISSEMENT du moulin consiste

premièrement dans un bâtiment de longueur de 60 et quelques pieds sur 36 de largeur, et de hauteur de 10 pieds, sur lequel on établira 2 hauteurs de galeries, garnies chacune de 200 perches pour tenir les cordes à faire sécher le papier, ci 5,066 #
Dans lequel bâtiment sera établi le mouvement, consistant dans une roue de 20 pieds de diamètre, à l’arbre de laquelle il y aura un hérisson de 14 pieds de diamètre, pour faire mouvoir 2 arbres de 26 pieds de longueur, qui donneront le mouvement à 48 pillons 3,144 #
4 arbres pour piller 680 #
12 platines 436 #
48 pilons garnis de leur ferrures 1,544 #
96 grippes 1,060 #
Arbre pour former le char du moulin 664 #
4 caisses de dépôt pour recevoir la matière au sortir du moulin 100 #
2 chambres de 24 pieds au carré pour placer les cuves pour recevoir la matière pour travailler le papier et une presse en chaque chambre pour presser le char du moulin 1,164 #
1 pourrissoire, qu’il faut voûter pour plus grande propreté 1,215 #
1 chambre pour placer une chaudière pour cuire la colle 1,540 #
1 autre pour placer la presse pour presser le papier collé 660 #
1 logement pour le conducteur, qui consiste dans une cuisine, deux chambres, un magasin, une écurie et grenier 3,066 #
Un bâtiment pour loger les ouvriers, attendu que n’y ayant jamais eu de papeterie dans cette Généralité, il faut en faire venir d’ailleurs, lequel logement doit consister dans une chambre, un petit cellier et bûcher pour chacun, lesquels ouvriers doivent être au nombre de 20 6,066 #
Une sale garnie pour apprêter le papier 1,538 #
Un magasin pour déposer le papier 1,530 #
Un magasin haut pour déposer la peille 670 #
Pour ferrures et plombs 4,060 #
Pour autres petits ustensiles 640 #
Façon des ouvriers 2,990 #
Cordes à tendre le papier 1,200 #
TOTAL 39,033 #

Signé : PERRIN DE BOUSSAC.


Dernier épisode connu dans le parcours d’obstacles de M. Perrin, cette lettre désabusée adressée à l’Intendant de La Rochelle : Il n’a pas obtenu les subventions espérées, les exonérations sont en dessous de ses espérances, et pour achever le tableau on lui réclame le paiement de 750 # pour frais d’acte. De quoi vous dégoûter d’entreprendre !


 3 - Lettre de M. Perrin de Boussac à M. l’Intendant de La Rochelle

Monseigneur, votre subdélégué à Cognac m’a communiqué une réponse au mémoire que j’ay eu l’honneur de vous adresser l’hyver dernier.

Par ce mémoire je vous priais de favoriser un établissement qui manquait à la province, celui d’une papeterie. J’ai eu besoin d’un protecteur pour encourager cette entreprise, dont le principe, toujours onéreux par la dépense excessive qu’il occasionne, devient encore plus dégoûtant par l’incertitude du succès.

Confiant dans vos bontés, et connaissant votre bienfaisance, j’ay pris la liberté de m’adresser à vous, j’ay sollicité quelque soulagement pour alléger le poids de mon travail. J’ay demandé une exemption personnelle de logement de gens de guerre et que les impositions que je supporte fussent modérées.

J’apprens cependant avec surprise, Monseigneur, qu’il est intervenu un arrêt du Conseil, qu’on dit être à mon avantage, lequel néanmoins me prive des faveurs accordées à ce genre d’établissement. Cet arrêt m’accorde à la vérité une exemption de logement de gens de guerre pendant 10 ans dans la fabrique de papier que j’ai fait construire, en outre la faveur d’une taxe d’office, enfin la dispense du tirage à la milice pour les 2 premiers ouvriers servants à la fabrique, et on exige que je paye 700 # pour en obtenir l’expédition.

Serait-il possible que je fusse seul exclus d’un avantage dont jouissent tous les fabriquants du royaume et que les privilèges qui leur sont accordés à tous indistinctement n’existassent pas pour moi ?

L’article 44 de l’arrêt du Conseil de 1739 dit : « Ordonne Sa Majesté que les maîtres fabriquants de papier, leurs fils travaillant dans leurs fabriques, les colleurs ou sallerans, les ouvriers qui mettent les matières sur les formes, ceux qui couchent lès papiers, ceux qui les lèvent et ceux qui préparent les matières entrant dans la composition du papier, seront personnellement exempts de la collecte des tailles, du logement de gens de guerre, de la milice, et seront cottisés d’office à la taille par le sr intendant et commissaire départi dans la province où ils sont établis.., etc.. »

Par ce règlement, l’exemption de gens de guerre n’est pas momentanée, celle qui m’est accordée n’est au contraire que pour 10 ans. Le premier règlement en dispense tous les ouvriers, celui qui me concerne ne parle que de deux seulement, et l’arrêt au surplus garde le silence sur l’article de la collecte des tailles et le tirage de la milice. Il m’accorde bien une taxe d’office, mais cette grâce deviendra illusoire dès que les assemblées provinciales auront lieu.

Il résulte donc des dispositions de cet arrêt que non seulement il ne m’est pas profitable, mais encore qu’il anéantit les droits que j’aurais eu s’il n’eût pas existé.

Je ne parlerai point des gratifications accordées, indépendamment des privilèges généraux, à ceux qui avant moi se sont appliqués à ce genre de travail : ils les ont méritées sans doute. Je ne citerai que 2 exemples récents qui ont eu lieu, m’a-t-on dit, dans les provinces qui m’avoisinent : M. Bernard, à St-Julien, a reçu un encouragement de 12,000 #, et M. Villarmin, à Angoulême, 24,000 #. Pour moi, Monseigneur, ne pouvant prétendre à de pareils avantages, je me bornerai à vous prier d’être favorable à un établissement qui a déjà obtenu votre approbation. Le désir d’élever une famille nombreuse et de lui procurer quelqu’avancement a nécessité mon entreprise. Ce motif puissant m’a fait faire le sacrifice de mon repos et de ma liberté, et si, près d’atteindre le but que je me suis proposé, j’ambitionne aujourd’hui quelque succès, ce n’est pas pour moi que je le désire.

Je ne réclame plus que votre justice, Monseigneur, afin d’en obtenir la remise des 700 # [1] qu’on me demande.

Il me serait trop fâcheux de payer encore en argent le prix d’un arrêt qui tend à détruire mes privilèges.

Je suis avec un profond respect, Monseigneur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Signé : PERRIN DE BOUSSAC.

 Chroniques, faits historiques et traditions de l’Angoumois occidental... par P. Lacroix

BOUSSAC

Le petit village de Boussac est dans une situation charmante. Il y a là un domaine qui a appartenu à Benjamin de l’Etang, puis à Jacques Pelluchon, Bernard du Vignaud et à la famille Perrin.
En 1786, M. Jacques-Théodore Perrin de Boussac, adressa une supplique à M. l’intendant du Commerce, pour obtenir l’autorisation de fonder une papeterie à Boussac, sur l’Antenne. Il demandait, que, conformément à l’article 44 du règlement du Commerce, du 27 janvier 1739, il jouît des privilèges octroyés en pareil cas à cette sorte d’industrie. Un devis estimatif portait la dépense à faire pour la construction et l’installation de la papeterie, à la somme de de 39,033 livres. L’intendant général du Commerce et des manufactures écrivit en réponse la lettre suivante à M. de Reverseau, intendant à La Rochelle : « Paris, le 29 septembre 1787 : . « J’ai l’honneur de vous informer, Monsieur et cher Confrère, qu’il a été rendu le 28 août dernier un arrêt du Conseil qui, conformément à l’avis que vous avez donné à M. de Blondel le 8 juillet de l’année dernière, autorise le sieur Perrin de Boussac à établir une papeterie dans son domaine, situé à trois quarts de lieue de Cognac et ordonne en outre que, pendant dix années, les bâtiments de sa papeterie seront exempts du logement des gens de guerre, que ses deux principaux ouvriers jouiront de l’exemption du tirage de milice, et qu’il sera taxé d’office pour ses impositions. Mais je crois devoir vous observer, mon cher confrère, que cet arrêt, qui vient d’être envoyé au greffe du Conseil, a été taxé à 750 livres du droit de marc d’or, sçavoir 500 livres en principal et 250 livres des 10 sols pour livre, et qu’avant d’en retirer l’expédition, il est nécessaire que le sieur Perrin de Boussac fasse payer au trésorier de ce droit les 750 livres dont il s’agit. Je vous prie de le lui faire sçavoir.
« Je suis avec un respectueux attachement, Monsieur et cher Confrère, votre très-humble et très-obéissant serviteur. »

« Tolozan. »

Cette lettre fut communiquée à M. Perrin par le subdélégué de l’intendance de Cognac. M. Perrin écrivit le 28 octobre [1787] à M. Reverseau « qu’il apprenait avec surprise qu’il était intervenu un arrêt du Conseil qui le privait des avantages accordés à de semblables établissements, et que finalement il demandait la remise des 750 livres taxées par cet arrêt » La fabrique était alors construite ; elle a fonctionné quelques années, mais la concurrence des Papeteries d’Angoulême, d’Annonay et d’ailleurs fut pour elle le coup de la mort. On ne croit pas qu’elle ait duré plus d’une vingtaine d’années.

 La Gazette des bains de mer de Royan-sur-l’Océan - 27/04/1890

A TRAVERS L’HISTOIRE DE LA CONTREE
BOUSSAC
I
Boussac était autrefois un lieu fangeux et marécageux, ou tout au moins l’Antenne y charroyait des miasmes délétères dont elle s’imprégnait dans les marais de Saint-Sulpice et autres de la partie supérieure du pays bas ; et lorsqu’il se déclarait dans la contrée quelque épidémie, c’était là qu’elle prenait naissance. — On a trouvé à ce sujet de curieux documents dans les anciens registres des mésées du corps municipal de Cognac, conservés aux archives de la ville et rapportés en grande partie dans les Études historiques sur Cognac publiées en 1870 par M. F. Marvaud. En l’année 1629, les habitants de Boussac, atteints de la peste, se hâtèrent de fuir leurs habitations et se dirigèrent vers Cognac pour y demander des secours ; mais on leur ferma impitoyablement l’entrée de la ville. En 1632, la contagion sévissait encore, et malgré toutes les précautions malentendues qui avaient été prises, elle avait envahi la ville et y faisait des ravages dont la peur grossissait l’importance. Au lieu d’organiser des secours et des moyens curatifs pour conjurer le fléau, on se hâta de faire sortir de la cité tous les malades soupçonnés d’avoir le mal de Boussac, et on les relégua à côté du Grand Parc où on leur construisit des cabanes avec des branches d’arbres. Ces malheureux trouvèrent bien là l’avantage du grand air qui s’y distribuait à bon marché, mais ils furent probablement privés de tous autres secours, puisqu’un maître apothicaire, Antoine Latouille, sur le simple soupçon d’avoir donné furtivement des soins aux pestiférés, fut exilé de la ville pendant trois mois. Boussac était, depuis fort longtemps, un manoir noble. En 1500, c’était un Pierre Baffard qui en était possesseur sous le nom de Baffard, sieur de Boussac. Il faisait partie du corps de ville, et fut nommé échevin en 1507 par Louise de Savoie, duchesse d’Angoulême. Il eut souvent la surveillance des travaux exécutés aux portes, ponts, tours et murailles de Cognac. Il fut chargé de la perception de plusieurs impôts ; enfin ses comptes furent vérifiés et trouvés réguliers en l’année 1529, par le corps de ville. André Mégonneau était alors maire de Cognac.
Il
En 1601, nous trouvons un Benjamin de L’Estang, s’intitulant seigneur de Boussac. Son habitation dépendait de la paroisse de Cherves et n’était probablement qu’une très modeste demeure faisant partie du hameau qui borde la grande route de St-Jean. M. de l’Estang était aussi seigneur de Richemont ; mais, à cette époque, le château était effondré, de l’Estang était ruiné, Catherine de Catrix, sa femme, avait demandé la séparation de biens, et Richemont était en vente. C’était donc pour ne pas se trouver à la belle étoile que le seigneur de Richemont avait transporté ses pénates à Boussac, d’où il jouait au gentilhomme en cédant pour 3 sous de rente noble un lambeau de sa fortune. Il professait le culte protestant, et on a trouvé, il y a quelques années, la sépulture de sa famille dans une vigne, le long du chemin de Lhoumade, au lieu appelé la pièce du Roc. Dans la maintenue de Daguesseau (1666- 1667) nous voyons figurer un Guimbert avec la qualification de sieur de Boussac. Le registres de l’état civil de la commune de Cherves, année 1667, font mention d’un Jacques Pelluchon, sieur de Boussac ; il est probable qu’il est postérieur à Guimbert, quoique mentionnés l’un et l’autre à la même époque. En effet, la maintenue Daguesseau parle d’un fait accompli, et le registre de Cherves s’occupe d’une actualité. Quelques années après, Boussac était habité par un sieur Bernard ; du Vignaud, écuyer, et par un sieur Greland de l’Estang, l’un et l’autre sieurs de Boussac, Bernard du Vignaud était, croit-on, sorti d’Angoulême, et Greland était originaire de St- Simeux, d une localité appelée L’Estang. Ils s’étaient alliés à une famille Barraud, dont un des membres s’intitulait sieur de la Coudray en Malaville. Cette famille s’est éteinte à Boussac et elle a été remplacée par celle de Jacques Perrin, vers 1698, époque où elle ajouta à son nom celui de Boussac et prit des armoiries d’azur, à 3 poires d’or, tièss et feuilles du même. Ce Jacques Perrin était conseiller du roi, maire perpétuel et juge de police de la ville de Cognac. Il avait épousé Marie Dussault, issue d’une famille distinguée du pays. Il a été enterré le 8 novembre 1707, dans l’église de Cherves, par le frère Liger, l’un des Cordeliers de Cognac, qui faisait alors le service de Cherves en l’absence du curé. La propriété de Boussac est ensuite passée aux descendants de Jacques Perrin, qui l’ont conservée jusqu’à ces derniers temps.
III
On remarque à Boussac, outre le logis, deux corps de bâtiments distincts, qui ont une forme particulière : c’était autrefois une papeterie. Quoique sa création ne remonte pas à une époque fort ancienne, on en ignore généralement dans le pays le temps précis. M. J.-P. Quenot, dans sa statistique de la Charente (1818), parle longuement des papeteries du département et de la fabrication du papier. Il donne un tableau de ces divers établissements, dont la fondation est assez éloignée de nous. Les plus anciens sont ceux qu’on rencontre dans la commune de la Couronne, où la création de celui appelé Colas, remonte à l’an 1350. Sur ce tableau figure l’usine de Boussac, près Cognac. Elle est indiquée comme appartenant à M. de Boussac, mais l’époque de sa fondation est notée comme étant inconnue. Les plus anciens maçons de Cognac, qui ont été consultés, ne savent rien de précis sur cette fondation ; seulement ils attribuent l’œuvre de Boussac, logis et papeterie, au père Denis, qui était l’entrepreneur en vogue de l’époque. Il avait construit les maisons Roy d’Angeac et Gardrat, dans la rue Saint-Martin, refait la partie supérieure du clocher de Cognac, et les voûtes de l’église de Marennes sur lesquelles son nom est écrit. Enfin voici un fait plus précis ; les circonstances qui l’entourent le font remonter à 1787 ou 1788. M. Jacques-Théodose Perrin de Boussac faisait édifier sa papeterie, et après avoir longtemps cherché un pied de chêne propre à faire le principal moteur de sa mécanique, il en trouva un sur la lisière de la propriété de Fontremis en Chaniers, joignant le domaine de Beauregard, appartenant alors à Dominique Barraud. L’exploitation de cet arbre dura toute une semaine, et on l’emporta sur une charrette attelée de huit paires de bœufs. Pendant tout le temps que dura l’exploitation de l’arbre, M. de Boussac fut reçu en parent chez D. Barraud, et pour le remercier du bon accueil qu’il avait eu chez lui il lui promit la première rame de papier qui sortirait de son usine. En effet, à quelque temps de là, M. de Boussac accomplit exactement sa promesse. Le mécanisme qui faisait agir cette fabrique était mu par l’eau ; le travail s’y faisait à bras, et le séchage à l’air qu’on recevait du dehors par les nombreuses ouvertures qu’on voit encore et qui donnent à Boussac un aspect extraordinaire. C’est à Boussac qu’a été fabriqué le papier qui a servi à l’impression, en l’an IX, de l’ouvrage de Bourignon sur les antiquités romaines de la Saintonge. On peut voir sur plusieurs pages la marque de la fabrique, et notamment sur le tableau où sont rapportées les inscriptions de l’arc de triomphe de Saintes. Enfin, cette usine a fonctionné jusque vers 1830, époque ou les autres papeteries perfectionnées de l’Angoumois ont définitivement pris le dessus sur les anciens systèmes et les ont laissés bien loin en arrière. M. Albert d’Angoulême fut le dernier directeur de l’usine de Boussac, qui n’est plus aujourd’hui qu’un moulin à farine.
P.-B. Barraud.


[1Les 700 livres demandées sont des droits d’expédition de l’arrêt du Conseil, dits "au marc d’or"

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