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Rochefort (17), par Louis-Etienne Arcère (1698-1782)

vendredi 6 février 2009, par Pierre, 1162 visites.

« Parmi les divers bâtimens destinés à l’usage de la Marine, on remarque surtout, le Magasin des vivres, la Fonderie, les Casernes, le Contrôle, le Magasin général, la Mâture, les Forges & les Formes ». Bizarre, bizarre, Arcère n’évoque pas la Corderie. Pourquoi ?

Voir : Carte satellite des lieux décrits par Louis-Etienne Arcère

Source : Histoire de la ville de la Rochelle et du Pays d’Aulnis - Louis-Etienne Arcère - La Rochelle - 1756 - Books Google

Rochefort - La Corderie Royale
Photo : Pierre Collenot - 2007

Rochefort

Rochefort dont la position est au 3e degré 18 minutes 34 secondes de longitude, à compter du méridien de l’Observatoire, & à 46 degrés 2 minutes 34 secondes de latitude, est une Ville que le dernier siecle a vu naître. Ce n’étoit autrefois qu’un Château placé au milieu des marais, & environné de quelques chaumières habitées par une poignée d’hommes destinés à la pêche, ou à la culture des terres. Selon un Auteur moderne, « ce Château a été fameux par la part qu’il a eu aux plus grands événemens. Ceux qui sont instruits d’une multitude de faits qui embellissent l’Histoire, sont ravis d’avoir quelque connoissance d’un lieu qui les a occasionnés. Dès l’onzième siecle, il tenoit un rang considérable dans la Province de Saintonge ; & si on ne lui trouve pas plus d’antiquité, c’est qu’on n’en trouve guère davantage à la Rochelle, dont le premier Maire, [1] nommé Jean de Montmirail, ne fut élu qu’en onze cent dix-neuf. »

Un Historien quelquefois épris de son sujet, le représente de génie, & rassemble toutes les couleurs pour l’embellir, ou plutôt pour le farder. Le point capital est d’être exactement vrai, de savoir régler son imagination, & de la plier sagement selon les matières que l’on traite. Rochefort n’étoit qu’un Château à l’antique, une petite Place prise d’insulte, & reprise durant les guerres civiles excitées au sujet de la religion. C’est là un de ces accidens ordinaires qu’il ne falloit pas confondre avec des événemens mémorables. Ce Château n’a servi ni de motif de guerre entre de puissans Rois, ni de cause à une grande révolution, ni de matière à des sieges fameux : comment a-t-il donc pu devenir célèbre « par la part qu’il a eu aux plus grands événemens ? »

« L’ancienneté [2] de ce Château, dit-on, ne remonte pas au-delà de l’onzième siecle, parce que la fondation de la Rochelle date à peu près de ce temps-là » On ne démêle pas la connexité de ces deux proportions, elle ne se fera sentir que lorsqu’on nous aura appris comment les destinées de Rochefort & de la Rochelle ont été liées dès leur commencement.

La Châtellenie de Rochefort avoit plusieurs Fiefs servans. Elle avoit anciennement des Seigneurs particuliers, parmi lesquels on trouve en 1096 Hugo Dominus Rocafortis, lequel a souscrit une Charte concernant un don fait à l’Abbaye de S. Maixent, de l’Eglise de S. Gaudens de Fouras.

En 1097, Albuin de Rochefort souscrit une donation faite à l’Abbaye de Tonnai-Charente.

En 1109, il souscrit un pareil don fait à l’Eglise de Bouhet en Aulnis.

En 1137, Geofroi de Rochefort, de concert avec Eble de Mauleon, ravage la Baronnie de Chatel-aillon.

En 1219, on trouve Kalo de Rochefort.

En 1236, Eble de Rochefort, selon Rymer, ou Hugues de Rochefort, Chevalier, Miles suivant les Antiquités ms. de Dom Etiennot, ce Seigneur portoit dans ses armes « un aigle éployé chargé d’un lambel de quatre pendans, surmonté en chef de deux croissans.

En 1243, Geofroi, Eble & Charles de Rochefort, se trouvent au nombre des garants & arbitres de la Trêve, entre la France & l’Angleterre, Dictatores & Emendatores Treugae. [3]

En 1271, Geofroi de Rochefort dans le Bailliage de Saintonge, servit en qualité de Chevalier, Philippe le Hardi, dans la guerre que ce Monarque fit au Comte de Foix. [4] Geofroi ne devoit au Roi que quarante jours de service, qu’il devoit faire accompagné de trois Ecuyers ou vassaux : car c’est ce que signifie en cet endroit le mot Militibus, lequel doit être pris dans le même sens que dans un titre de la fondation de Saint Lo , rapporté par Ménage. Item in eadem Castellania Terrulas quas per concambium commutavi ab Huberto Milite meo de Campania Hubert de Champagné, Chevalier, Vassal de Geofroi Comte d’Anjou.

Pierre Bouchard, Seigneur de Cornefou, & Yolande de Rochefort sa femme, échangèrent la Seigneurie de Rochefort, avec Guillaume l’Archevêque, Seigneur de Partenai. Le contrat d’échange est daté du Samedi d’après la S. Luc 1300. Il paroît que cet échange n’eut pas de suite, puisque Philippe le Bel en fit proposer un autre pour cette même Châtellenie qu’il trouvoit à sa bienséance. [5] Pierre de Bailhens son Sénéchal en Saintonge, donna au nom du Roi à Pierre Bouchard & à Yolande 4000 livres.

La Seigneurie de Rochefort que le Roi Jean avoit donnée à Guichard d’Angles, fut distraite de la Couronne, sous le règne de ce Roi, réunie par Charles V. à son domaine, & incorporée au Gouvernement de la Rochelle en 1372.

Edouard, Prince de Galles & d’Aquitaine en jouissoit en 1367, comme il appert par l’hommage-lige rendu à ce Prince, par Pierre de Peyré, Seigneur de Cyré. [6]

En 1428, au mois de Novembre Charles VII. en fit don par Lettres Patentes, à Jacques Stuart Roi d’Ecosse & à ses Hoirs mâles [7].

En 1458, Marguerite fille naturelle de Charles VII. ayant épousé Olivier de Coetivi, Sénéchal de Saintonge , le Roi en faveur de ce mariage & de ses services lui donna 12000 écus d’or, avec tous les droits qu’il avoit sur les Terres de Royan & de Mornac [8], au lieu desquelles Louis XI. lui fit don au mois de Septembre 1462, du Château & de la Seigneurie de Rochefort sur Charente.

En 1465, le même Roi fit passer cette Seigneurie entre les mains de Charles d’Anjou, Comte du Maine ; mais en 1479, elle revint à Olivier de Coetivi [9].

Eh 1589, le Roi aliéna à Pierre de Juyves, Maître des Requêtes ordinaire du Roi de Navarre & à Henri Dieu-le-Fit, Seigneur de la Brousse, la Châtellenie, Terre, Seigneurie & Forêt de Rochefort [10].

En 1589, il fut permis aux habitans de Rochefort sur Charente d’acheter la Terre & Seigneurie de Rochefort [11] ; ce qui vraisemblablement fut sans effet, puisqu’en 1499 le 11 Septembre [12] Rochefort fut donné par engagement à Adrien de Lozeré, premier Valet-de-Chambre de Henri IV. Jacques Henri, Seigneur de Chouffes [13], lequel avoit épousé la petite-fille de Lozère, en a été le dernier Seigneur particulier.

Louis XIV. s’étant déterminé à fixer à Rochefort l’établissement de la Marine, M. Colbert de Terron, Intendant, retira de la part du Roi cette Châtellenie rachetable à perpétuité, comme ancien domaine de la Couronne.

La Ville de Rochefort est à l’extrémité du pays d’Aulnis, située sous le 46e. degré, 9 minutes, 43 secondes de latitude septentrionale, suivant M. Maraldi [14]. Elle s’étend sur les bords de la Charente qui forme un Port capable de recevoir les plus grands Vaisseaux. Il faut placer l’époque de la fondation de cette Ville en 1666, selon la médaille qui fut frappée à ce sujet & qui tient sa place dans l’Histoire Métallique de Louis XIV. Urbe & Navali fundatis & dans l’exergue Rupefortium, 1666

« L’Ouvrage fut conduit, dit-on , selon toutes les règles de l’art » & il offre à la vue un des plus beaux spectacles qui soit en ce genre, parce que c’est un des plus réguliers. » [15] Comme ces sortes de matieres ne sont pas toujours de la compétence d’un écrivain, la prudence exige qu’au lieu de prendre le ton de la décision, on écoute dans le silence les hommes les plus capables d’en décider : aussi je me contenterai de rapporter le témoignage d’un Maître de l’art. Ceux qui aiment les Anecdotes en trouveront ici d’assez curieuses.

« Le Chevalier de Clerville, Commissaire ou lngénieur Général du Royaume, dressa le plan de la nouvelle Ville où il n’a pas donné de grandes marques de sa capacité, non plus qu’aux fortifications de plusieurs autres places. M. Blondel plus Architecte qu’Ingénieur conduisit les bâtimens. On trouve de belles parties de détail, mais on cherche en vain les beautés & la perfection qui résultent de l’ensemble. En 1679, M. Ferri, Directeur dés fortifications acheva la clôture du Parc, avec des Bastions qu’il fît élever. Le Maréchal de Vauban imagina un nouveau projet en 1684. Il vouloit faire évanouir en quelque sorte la grande irrégularité de l’enceinte, en la poussant au-delà de la Rivière & jusques dans la prairie de Rhone. Ce projet fut étouffé sous les obstacles que la jalousie opposa. Aux grandes idées du premier Ingénieur de l’Europe, on substitua un dessein bizarre. M. A. pensoit à démonter tout l’Arsenal ; il vouloit faire un Canal qui devoit être placé à l’égard des formes, en une certaine convenance, pour faire un beau tout. Son dessein étoit d’élever les Magasins sur les bords, & de creuser un vaste Bassin circulaire, de l’autre côté de la Rivière, autour duquel les Vaisseaux auroient été rangés en croissant. Ce projet étoit vaste. Mais comme il y avoit infiniment loin de l’idée à l’exécution, il resta projet. On commença un Canal que j’ai tracé moi-même & où il n’a jamais passé un sabot. »

Parmi les divers bâtimens destinés à l’usage de la Marine, on remarque surtout, le Magasin des vivres, la Fonderie, les Casernes, le Contrôle, le Magasin général, la Mâture , les Forges & les Formes qui servent au radoub des Vaisseaux & qui doivent passer pour des Chefs-d’œuvres de l’art. M. Ferri en donna le plan & le devis le 6 Mai 1683. Les formes font connoître les hautes & basses marées [16]. Lorsque la mer en descendant est parvenue au seuil des portes, elle ne descend pas plus bas. Elle s’arrête environ une demie-heure, sans mouvement, & commence ensuite à monter. Les marées se comptent depuis le seuil de ces portes, jusqu’à la plus grande hauteur où elles peuvent s’élever. Deux règles graduées & posées sur deux massifs de pierre de taille marquent les divers points d’élévation. Suivant un registre tenu depuis plusieurs années, on trouve qu’au temps des équinoxes, la mer monte à Rochefort, de dix-sept à dix-huit pieds, dans les solstices, de quinze & demi à seize & demi , & dans les autres temps à quatorze. Tout cela est indépendant des vents qui soufflant du Sud au Sud-ouest avec beaucoup de violence, portent les marées plus haut. Aux nouvelles & aux pleines Lunes , l’heure de la pleine mer à Rochefort est à 4 heures 15 minutes, ou environ , après midi.

Il est des temps dans l’année & surtout en hiver, où la mer remonte la Charente avec une si grande rapidité que rien ne peut lui résister. Ce phénomène est une espece de Mascaret, qui n’est pas réglé comme celui de la Dordogne & de la Garonne.

Les plus grands Navires mouillent devant Rochefort quand ils sont déchargés de leurs canons. Là, ils sont inaccessibles aux insultes de l’ennemi, l’entrée de la Charente étant défendue par les fortifications de l’Isle d’Aix, de la redoute de l’Aiguille, de l’Isle Madame, du Château de Fouras, du Fort de la Pointe, du Fort Lupin & de la batterie du Vergerou. La Charente peut encore être fermée par une estacade.

Un grand avantage du Port de Rochefort suivant l’Historien de, cette Ville, est de faire mourir ces insectes qui criblent les Navires. En supposant ce fait qu’on n’examine pas ici, la raison qu’en donne cet Auteur ne paroît pas d’un grand poids. « On conclut, dit-il, que les Navires étoient encore moins en danger d’être altérés à Rochefort où l’eau reçoit du flux & reflux plus de parties salines de la mer. » Mais ces parties salines étant encore plus abondantes dans les Ports situés sur l’Océan, il s’ensuivroit, selon ce raisonnement que les vaisseaux devroient y être moins attaqués par les vers rongeurs ; ce qui est contraire à l’expérience.

Le terrein sur lequel la Ville de Rochefort est bâtie est marécageux. Le fond est une espéce de cespes bituminosus [17] dont on pourroit faire de la tourbe à la Hollandoise. Cette Ville est exposée au vent du Sud-est, qui passe par-dessus des marais dont les eaux sont croupissantes, & se charge de vapeurs malignes. [18]

En 1703, on établit à Rochefort une Maîtrise particulière des Eaux & Forêts pour connoître de tout ce qui concerne les bois, dans le pays d’Aulnis [19], & dans ce qui composoit ci-devant la Maîtrise de Saintes. On appelle des Jugemens des Officiers de la Maîtrise de Rochefort, pour ce qui concerne l’Aulnis, à la Table de Marbre & au Parlement de Paris.

Le Corps-de-Ville fut érigé en 1718, & le Siège Royal en 1702. La Jurisdiction sur les Salines d’Aulnis & de Saintonge, & sur tous les délits qui regardent les marais salans, fut réunie à ce Tribunal. Mais les Sénéchaussées de Saintes, de la Rochelle & plusieurs Seigneurs représenterent qu’ayant toujours connu de ce qui concerne le fonds & la propriété des marais, il falloit les laisser jouir de ce droit, ou les dédommager. Ces remontrances furent écoutées. Une Déclaration solemnelle donna des bornes à la Jurisdiction du nouveau siege.

Louis XIV. a accordé à la Ville de Rochefort de beaux privilèges qui dans la suite ont été modifiés [20]. « Les habitans de cette Ville, prétendent que le crédit des Fermiers Généraux y a fait inférer des clauses qui détruisent la franchise des Foires, qui assujettissent aux droits, des marchandises privilégiées & qui resserrent dans des bornes très-étroites les faveurs du Roi. »

La Cure de la Ville de Rochefort est desservie par les Missionnaires de Saint Lazare, qui ont aussi la direction du Séminaire des Aumôniers. L’ancienne Cure est actuellement hors de l’enceinte de la Ville.

L’article de Rochefort inséré dans le grand Dictionnaire de la Martiniere, a besoin de corrections, aussi-bien que l’Histoire de cette Ville imprimée à Blois en 1733. Dans ce dernier Ouvrage qui n’est guère qu’un Mémoire historique, il s’est glissé des méprises [21] assez frappantes pour ne pas échapper aux yeux des moins clairvoyans. On est étonné de voir Pompée perdre la bataille d’Actium, & les premiers François s’approprier les loix & les usages des Romains.
1° Est-il permis d’ignorer qu’après la perte de la bataille de Pharsale, Pompée s’enfuit, s’embarqua pour l’Egypte, & qu’il fut assassiné par Achillas & Septimius, l’an de Rome 706, & que la bataille d’Actium ne se donna qu’en 723.
2° Que les lois particulières des différens peuples qui formèrent la Monarchie Françoise, ont été en vigueur durant plusieurs siecles ; que dans le même Royaume & sous le même Prince, chaque peuple avoit son code national selon lequel il étoit jugé, & que la distinction entre les nations habitantes dans les Gaules, a subsisté jusqu’au règne des derniers Rois de la seconde race : enfin que ce furent les Romains qui se plièrent aux usages des François, & non les François aux usages des Romains.


[1Il falloit dire Robert, & non Jean de Montmirail, & mettre 1199, au lieu de 1119.

[2Il ne reste de l’ancien Château que quelaues vestiges de tours dans l’endroit où est le Contrôle. Dans l’Oraison funèbre du Cardinal de Richelieu, prononcée par un P. Capucin au grand Temple de la Rochelle, il est marqué que le père de ce Cardînai vint à la Rochelle en 1578, chargé de la commission de faire démolir les Châteaux de Marans & de Rochefort, ce qui ne fut pas alors exécuté, puisqu’en 1616, le 4 Novembre. selon le Diaire du Ministre Merlin, les Rochellois pour se conformer aux ordres du Roi, remirent au Sieur de Boissise le Château de Rochefort.

[3Rymer, tom. I, pag. 349

[4Duchesne, t. 5, pag. 552

[5Aveux & hommages de Rochef. Copie vidim. en 1599.

[6Ibid

[7Blanchard, t. 1, pag. 244

[8Gr. Offîc de la Cour. t. 7, p. 119

[9Blanch. tom. I , pag. 2o3 et pag. 342.

[10Regist. du Gouvern. de la Roch.

[11Mém. de M. J de F. anc. Proc. Gén.

[12On lit 1594 dans l’Hist de Rochef. C’est une faute.

[13Aveus & hommages

[14Connoiss. des temps.

[15Hist. de Rochef.

[16Mém. de M. des Landes.

[17Mém. de M. des Landes.

[18Etat de la Fran. tom. 4. Mém. de M. Begon.

[19Hist. de Rochef.

[20Ibid. p. 278, 279.

[21Pag. 128, & 272

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