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1672 - Procès de Jacques de Courbon pour duel contre le comte de Miossans

Un plaidoyer contre la violence pour une justice sous influence

jeudi 27 septembre 2007, par Razine, 1470 visites.

Château de la Roche-Courbon
Saint-Porchaire (17) - Photo : P. Collenot - 2007

Sources – Bulletin de la Société des Archives historiques de Saintonge et d’Aunis 1888 – 3ème série – Tome II

Ce fut le combat de David contre Goliath. Et pourtant il eut les mêmes conséquences. Le Comte de Miossans trouva la mort des mains de Jacques de Courbon, qualifié de mineur par l’instruction, à la suite d’un duel, au motif principal qu’il avait insulté la mère de Jacques de Courbon.

Le système d’accusation consistait à établir qu’il y avait eu meurtre et que la rencontre n’avait pas été fortuite. La thèse de l’assassinat était soutenue par le Maréchal d’Albret acquis à la cause d’ Elizabeth de Pons, épouse du défunt.

L’instruction devait se révéler tendancieuse, puisque le roi rendit un arrêt contradictoire lavant Jacques de Courbon de tout soupçon et lui restituant son honneur.

Voir : l’épisode du duel

L’INFORMATION ET L’INSTRUCTION DU PROCES

Des extraits des procès-verbaux et interrogatoires dont les originaux on été déposés au greffe du Parlement de Bordeaux, il ressort parmi tous les motifs évoqués comme étant à l’origine du duel, que le Maréchal d’Albret (allié à la famille des Pons) nourrissait déjà de forts ressentiments contre la famille de Courbon. Une querelle de famille relative à la terre de St Léger que le maréchal convoitait pourrait expliquer la détermination du Maréchal à faire condamner Jacques de Courbon lors de son procès. Le maréchal d’Albret était gouverneur de Guyenne.

Dans sa lettre au Parlement de Paris le roi évoquait l’attitude du Maréchal à ce sujet :

« Le Mareshal ambitionnant la terre de St Léger et voulant forcer le seigneur à la céder pour le prix qu’il voulait ne cessoit de le poursuivre en luy insultant tantost par des procès ruineux, tantost par voyes de faict, le compte de Miossans, son frère serait rentré dans ses ressentiments ».

On verra dans le déroulement du procès de Jacques de Courbon orchestré par le Maréchal que les moyens employés seront tout aussi expéditifs, dénués de la rigueur et de l’impartialité que l’on pouvait attendre des représentants de la justice.

On se souvient qu’à la suite du duel, Jacques de Courbon resta huit heures sur le terrain avant de recevoir le moindre secours. Ce n’est que le lendemain qu’il eut affaire à la justice. Un juge de l’abbaye de Pleine-Sève vint faire une première information. L’accusé le récusa, disant que, « n’étant ni bailly, ni sénéchal, mais un simple juge ordinaire, il n’était pas compétent pour informer contre un gentilhomme ». Le juge passa outre et dressa procès-verbal d’information. L’accusé fut immédiatement arrêté par ordre de la veuve du comte de Miossans, Elisabeth de Pons et écroué dans les cachots de Blaye sans égard pour son rang, son âge, ni sa blessure.

Dans un Procès-verbal contradictoire la défense met en relief l’arbitraire des conditions d’emprisonnement de Jacques de Courbon :

Il est dit qu’un « soy disant juge, tantost de la Prévosté royalle de Vitreze, tantost de l’abbaye de Pleine Selve, envoyé par les officiers du dit mareschal d’Albret, serait venu l’enlever sans luy déclarer comment ny de quelle authorité ; et l’ayant mis entre les mains des gens de ses parties, ils l’auraient fait transporter dans les prisons de Blaye, dès le trantiesme du dit mois de janvier, pour le mettre dans le gouvernement et encore plus au pouvoir du dit mareschal d’Albret qu’il n’estait ».

Avec son cousin Vallans, Jacques de Courbon fut interné dans les prisons de la conciergerie de Bordeaux où il subit dès le 10 février un premier interrogatoire devant de Genets et Sabourin, commissaires nommés à cet effet. Jacques de Courbon récusa de nouveau ses juges et refusa de signer les procès-verbaux. Malgré sa garde à vue et une surveillance sévère,, il trouva le moyen de signer une demande de renvoi devant des juges indépendants du maréchal mais il fut débouté de sa demande. Le parlement de Bordeaux retint l’affaire.

L’accusé ayant signé une cédule évocatoire au roi ne put trouver un seul notaire dans la ville de Bordeaux pour l’ordonnancer tant était grande la crainte de déplaire au maréchal. Ce furent sa mère et son oncle, le marquis de Saint-Sauveur qui présentèrent eux-mêmes la supplique à la chambre du conseil.

Le roi rendit un arrêt ordonnant une information contradictoire et délégua le sieur d’Aguesseau pour instruire au présidial de Saintes. Dans un procès-verbal on fait remarquer que « l’hostel du sieur d’Aguesseau ne fut pas un asyle assuré pour empêcher l’intimidation des témoins. L’influence du maréchal inspirait une telle crainte que le procureur général n’en était pas à l’abri. La défense lui reproche en effet : « de n’avoir gardé ni règle, ni mesure et d’avoir fait beaucoup moins de difficulté de contrevenir à l’ordonnance royale que de ne pas correspondre à la colère et aux ressentiments de Monsieur le mareschal ».

La défense en veut pour preuves dans un procès-verbal :

« entr’autres, la requête du 30 janvier 1672 par laquelle sans sçavoir, sans connoistre,, sans preuves, par une précipitation dont une personne de quallité et de son rang ne devait pas être capable, il s’en va au Parlement, entre, et dit que c’est un assassinat, un meurtre, commis en la personne du sieur de Miossans ; en charge le demandeur et fait rendre le dit arrest, portant permission d’informer.

Le procès-verbal se poursuit par : "Les conclusions de Monsieur le procureur général donneront, en effet de la peine à tous ceux qui auront connaissance de cette procédure, lesquels ne s’imagineront jamais qu’un parlement et un procureur général aient été capables de souffrir, ni de faire ce qu’ils ont fait ; le premier dans les violences et les cruautés de ses prisons ; le second dans ses faulses démarches, et ce pour complaire aux ressentiments d’une personne qui n’avait que des intérêts particuliers dans cette affaire ».

Après un arrêt du Conseil, l’affaire fut renvoyée du Parlement de Bordeaux devant le Parlement de Paris. Le suspect resta un an encore dans les prisons de Bordeaux en attendant son procès, pendant les informations contradictoires. La défense n’admit aucun des chefs d’accusation non plus que le duel car il n’y eut aucun rendez-vous ni préparatifs. Elle s’employa aussi à démontrer l’invalidité des moyens employés pour extorquer des aveux :

Intimidation des témoins par des menaces, l’accusé soumis à toutes sortes de mauvais traitements allant jusqu’à la cruauté si bien que lorsque les juges vinrent interroger Jacques de Courbon, il fit cette réponse « que l’on fit de luy ce que l’on voudrait ».

Le procès-verbal contradictoire souligne : « si les prisons sont parmi nous des lieux de liberté et de sûreté, si tout ce qui se fait dans la force et l’oppression est dressé par la loy en horreur de la justice, comment peut-on défendre et soutenir une pareille procédure ».

La défense fera observer en outre que l’accusé aurait dû être traduit devant le présidial de Saintes dépendant de cette juridiction et non de celle de Bordeaux et que la procédure était entachée de nombreux vices, notamment les arrêts et procès-verbaux, pour la plupart fabriqués après coup : « les arrêts qui établissaient le premier commissaire n’ayant esté lus au demandeur, ny signiffiés, ny connus, ce qui est nullité du dernier aveuglement ; parce qu’en effet comment peut-on excuser ce procédé ? Ce gentilhomme est gardé à vue par des gardes de sa partie. Il n’a ny procureur, ny conseil, ny ne peut en avoir ; on obtient des arrêts contre luy ; ils ne lui sont pas signifiés ; les commissaires qui sont les seuls qui le peuvent approcher, ne luy disent rien et les luy suppriment, où est ce qu’il s’est jamais veu une procédure aussy estrange que celle-là ? »

Pour étayer la défense de l’accusé on mit en avant l’ancienneté de la noblesse de la famille et pour prouver que la terre de St Léger ne dépendait pas de la féodalité, ni de la famille de Pons, les Courbon produirent un certain nombre de pièces, dont : «  deux actes d’adveu de la terre et seigneurie de St Léger, rendu à l’abbaye de St Siprien de Poitiers, dont elle est mouvante et non pas de Pons, ce que Monsieur le mareschal d’Albret ne révoquera pas en doutte, le dit adveu rendu par Guy de Courbon en l’année 1445. »

LA CONCLUSION DU PROCES

Le 13 juillet, le Conseil du Roy rendit un arrêt contradictoire déclarant toute la procédure entachée d’injustice et de violence ; le Roy rappella la cause en son Conseil, et après avoir pris l’avis de Messieurs Montholon, Philémon, Ragueneau et Billard, avocats déclara nulle la procédure du Parlement de Bordeaux pour plusieurs motifs, entre autres : manque de formalités, violences et mauvais traitements subis par l’accusé dans la prison, de la part des gardiens qui ne lui parlaient jamais que le mousqueton et les pistolets à la main.

Le 23 juillet, le Roy faisant droit sur les appellations rendit un arrêt de nullité avec dépens et ordonna qu’il soit fait au suppliant bonne justice car est-il dit, c’est notre bon plaisir.

Messages

  • Je souhaiterai savoir où l’on peut trouver les pièces relatives à ce procès sont-elles uniquement à BORDEAUX ?
    Je suis une descendante des Courbon St Léger et je souhaiterai pouvoir connaitre avec certitude quel Jacques de Courbon a été le protagoniste de ce duel.
    Léonard de Courbon avait 2 fils prénommés Jacques :
    l’un (alias Charles) né en 1649 qui épousera Marie Christine CAREL, l’autre (alias Jean Léonard) né en 1657 époux de Cécile GUINOT
    en 1672 ils étaient tous les deux mineurs, cependant si le Jacques en question était un tout jeune homme il ne pourrait s’agir que de celui né en 1657 or tout le monde attribue ce duel à son frère né en 1649.
    Je cherche donc des renseignements pour enfin savoir la vérité

    Merci d’avance si vous pouvez m’aider

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