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1789 - Juignac (16) : cahier de doléances de la paroisse

samedi 5 juillet 2008, par Pierre, 830 visites.

Juignac, aujourd’hui commune du canton de Montmoreau, arrondissement de Barbezieux ; en 1789, sénéchaussée et élection d’Angoulème, marquisat d’Aubeterre, diocèse de Périgueux. (P. Boissonnade, Essai, tableaux 1 et 2.). Juignac paye en 1789 : 5,890 livres de tailles, 3,030 livres d’accèssoires, 3,160 livres de capitation, 3,362 livres de vingtièmes.

Source : Cahiers de doléances de la Sénéchaussée d’Angoulême et du siège royal de Cognac pour les États généraux de 1789 - P. Boissonnade - Paris - 1907

 Procès-verbal d’assemblée de la paroisse de Juignat

(Orig. ms., 1 p. in-folio, Arch. mun. d’Angoulême, AA 21.)

Réunion le 8 mars, - à l’endroit ordinaire -. Les noms des comparants manquent, 4 députés : Louis Delahaure, sieur de Chenevières, Jean Mestreau, le sieur Pierre Nanot et le sieur Gabriel Durand. Le procès-verbal est signé seulement par Ollivier, syndic et N. Jay, greffier d’office.

 Cahier de doléances de la paroisse de Juignat

(Orig. ms., 2 p. gr. in-folio, Arch. mun. Angoulême, AA 21. Le texte n’est pas signé ; l’écriture malhabile, les particularités du style ou de l’orthographe, ainsi que la teneur, semblent en garantir l’authenticité.)

- ART. 1er. Il est notoire que l’Angoumois étant une province reconnue beaucoup plus chargée d’impôts que les provinces limitrophes, la misérable paroisse de Juignat semble aussi l’emporter sur ses circonvoisines par le haut taux d’impôts qu’elle supporte, étant taxée aux rôles pour toutes impositions à près de 16,000 livres , ce qui parait énorme eu égard au nombre de feux et qualité des terres, qui ne peuvent tout au plus être rangées que sous la classe d’entre seconde et dernière qualité, étant entremêlées de landes, bruyères et ajoncs et ruisseaux froids sur lesquels s’élèvent souvent des brouillards pernicieux qui frustrent les cultivateurs de leurs plus belles espérances, ce qui les met hors d’état de payer leurs impositions, ce qui occasionne des frais considérables pour leurs recouvrements et est cause de la ruine de la plupart des collecteurs [1] ; outre que ladite paroisse est inondée de pauvres bordiers [2], que la charité oblige de nourrir la plus grande partie de l’année, faute d’assez d’aisance pour leur procurer du travail dans la saison morte, ce qui les force la plupart de s’expatrier des deux et trois mois dans la saison la plus active et où l’on aurait le plus besoin de leurs bras, ce qui fait languir l’agriculture et énerve la bonne volonté des mieux intentionnés.

- ART. 2. L’exactitude des estimations dans l’abonnement ayant été très incertaine, il en est résulté que l’on y voit bien des disproportions entre les bonnes et mauvaises terres et que ces dernières se trouvent souvent taxées au double des premières.

- ART. 3. Mais ce qui aggrave la misère du pauvre peuple, ce sont MM. les seigneurs ou plutôt leurs fermiers qui, ne se contentant pas du blé tel qu’on l’a recueilli, le font passer par un moulin très clair qui, ne retenant que le plus beau grain, occasionne un déchet considérable qui devient presque en pure perte, et font toujours payer au plus haut prix ceux qui ne peuvent payer en espèces.

- ART. 4. Nous concluons qu’il serait à propos de mettre une égalité proportionnée par une juste répartition, non seulement entre les provinces du royaume et les paroisses et communautés du Tiers état, mais encore entre tous les Ordres. Les nouveaux privilégiés, en renversant leur taux sur le premier, le réduisent aux abois, et les anciens, possédant de grandes richesses et ne payant presque rien, ne participent pas pour ainsi dire aux charges. Pour parvenir à cette si juste et raisonnable égalité entre tous les états, une seule et unique imposition sur chacun des mêmes états la produirait infailliblement.

- ART. 5. Pour de qui est de la justice, les abus de toutes sortes qui y règnent, tendant à ruiner les citoyens, mériteraient bien que l’on y fît des réformes, qui seraient de simplifier la procédure et de rapprocher la justice des justiciables, afin d’en diminuer les frais.

- ART. 6. Personne n’ignore les vexations que l’on supporte de la part des commis aux aides ; il y a une foule de règlements que personne ne sait ; on se confie sur sa bonne foi, et, malgré cette bonne foi, on se trouve coupable et fraudeur sans y penser, et alors il faut payer des droits et amendes considérables ; c’est donc avec raison que l’on peut demander la suppression de cette gabelle, comme de la marque des fers et autres de cette nature, qui tournent toutes à la charge du peuple.

- ART. 7. Nous pensons aussi que les droits de contrôle étant si gros, on devrait en demander la diminution, et surtout une interprétation claire et précise sur les six titres du contrôle, particulièrement sur le 5e et 6e ; leur obscurité donne lieu à prendre des droits qui ne sont pas dus.

- ART. 8. Sa Majesté a très bonne et très ferme volonté de soulager ses peuples et sujets de la dernière classe. Cependant, ne le peut-elle pas aux dépens des autres, ôter à ceux qui en ont trop pour donner à ceux qui n’en ont pas ? N’est-ce pas naturel ? Par exemple, les religieux rentés, combien gros est leur superflu ! Ils n’ont pas besoin sans doute de 6 à 10.000 livres chacun pour vivre en communauté. En les réduisant aux bornes que comporte leur état de religieux, on trouverait chez eux presque de quoi mettre une égalité de bien-être chez les autres.

- ART. 9. Tout le monde gémit de l’injustice qui se commet dans la répartition des impôts vis-à-vis de chaque particulier. Pour rendre cette répartition juste et équitable, on ne voit pas de meilleur moyen que de mettre toutes les provinces en pays d’États, parce qu’alors chaque particulier est à portée de se défendre contre le surtaux qu’on voudrait lui imposer, tous les habitants de la province participant à la distribution desdits impôts.

- ART. 10. Il faudrait aussi demander à Sa Majesté la réforme des charges d’huissiers-priseurs qui tournent toutes au détriment public, en consommant le mobilier de la veuve et de l’orphelin, par les frais énormes qui se font et qui sont cause que leurs créanciers n’attrapent pour le plus souvent rien, les huissiers-priseurs retenant tout pour eux.

- ART. 11. Les chemins de bourg à bourg, village à village, et surtout ceux qui aboutissent aux lieux de commerce sont la plupart presque impraticables, ce qui provient souvent par d’immenses fossés que certains particuliers font de chaque côté, en anticipant même sur iceux, sans se mettre en peine de les réparer auparavant.

- ART. 12. Les ordonnances, il est vrai, obligent à leur réparation ceux qui les avoisinent ; mais, s’ils y étaient contraints en rigueur, il s’ensuivrait la ruine de plusieurs hors d’état d’en pouvoir faire les dépenses, en sorte qu’on croirait de l’intérêt public qu’il fût nécessaire qu’un édit du Roi vînt à leur secours, pour obliger chaque paroisse à réparer les leurs en commun, soit par main-d’œuvre, bœufs, charrettes, matériaux et autres à ce nécessaires, sous peine de quelques amendes, et qu’ils fussent dirigés par l’inspection d’un fondé de pouvoirs.

Ce sont là les observations que nous avons cru être mises en évidence pour notre bien particulier et celui du public. Puissent nos idées s’accorder avec celles de nos concitoyens, pour être participant ensemble du bonheur de les faire parvenir au pied du trône !


[1Sur les abus de la collecte des tailles en Angoumois, la condition et la responsabilité des collecteurs, voir GERVAIS, op. cit., 524, 529, et DUPONT DE NEMOURS , Vie de Turgot, I, 296, 298.

[2On appelait bordiers les pauvres journaliers ou métayers engagés sous le nom de mestiviers, pour les moissons et le battage. (MUNIER, I, 143, 209 ; QUENOT, 377, 380.)

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