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1815 - Napoléon à l’Ile d’Aix : le dernier vol de l’Aigle

jeudi 21 février 2008, par Pierre, 12396 visites.

Pour Napoléon, les derniers jours de l’Empire se déroulent en Charente-Maritime, avant son embarquement pour l’Angleterre et l’île de Sainte-Hélène.

Témoin, le comte de Las Cases raconte, dans son célèbre Mémorial.

Source : Mémorial de Sainte-Hélène - Emmanuel-Auguste-Dieudonné Las Cases.

Napoléon à bord du Bellerophon

 Samedi 1er Juillet - Dimanche 2 Juillet 1815

Notre route d’Orléans à Jarnac

Nous traversons Limoges le premier juillet vers quatre heures du soir. Nous dînons à la Rochefoucault le deux, et arrivons à sept heures à Jarnac, où nous couchons, la mauvaise volonté du maître de poste nous forçant d’y passer la nuit.

 Lundi 3 - Aventure à Saintes

Nous ne pouvons nous remettre en route qu’à cinq heures du matin. La méchanceté du maître de poste, qui, non content de nous avoir retenus la nuit, employa des moyens secrets pour nous retenir encore, fait que nous sommes contraints de gagner presque au pas le relais de Cognac, où le maître de poste et les spectateurs nous témoignent des sentimens bien différens. Il nous était aisé de juger que notre passage causait beaucoup d’agitation en sens divers. En atteignant Saintes vers les onze heures du matin, nous avons failli tomber victimes d’une insurrection populaire : un des zélés de l’endroit, nous a-t-on dit, avait dressé cette embûche et organisé notre massacre. Nous sommes arrêtés par la populace, garantis par la garde nationale ; mais menés prisonniers dans une auberge. Nous emportions, disait-on, le trésor de l’État ; nous étions des scélérats dont la mort seule pouvait faire justice.

Ceux qui se prétendaient la classe distinguée de la ville, les femmes surtout, se montraient les plus ardentes pour notre supplice.

Elles venaient défiler successivement à des croisées voisines pour insulter de plus près à notre malheur. Elles portaient la rage, le croira-t-on, jusqu’à grincer des dents à l’aspect de notre calme ; et c’était pourtant là la première société, les femmes comme il faut de la ville !... Réal aurait-il donc eu raison, quand il disait si plaisamment dans les cent jours à l’Empereur, qu’en fait de Jacobins il avait bien le droit de s’y connaître, et qu’il protestait que toute la différence qu’il y avait entre les noirs et les blancs, était que les uns avaient porté des sabots et que les autres allaient en bas de soie.

Le prince Joseph, qui à notre insu, traversait la ville, vint compliquer encore notre aventure ; il fut arrêté, mené à la préfecture, mais fort respecté.

Notre auberge donnait sur une place qui demeurait couverte d une multitude fort agitée, et très hostile ; elle nous accablait de menaces et d’injures. Je me trouvai connu du sous-préfet, ce qui lui servit à garantir qui nous étions ; on visita notre voiture et l’on nous tint à une espèce de secret. Vers quatre heures j’obtins de me rendre auprès du prince Joseph.

Dans ma route à la préfecture, et bien que sous la garde d’un sous-officier, plusieurs individus m’abordèrent ; les uns me remettant des billets en secret, d’autres me disant quelques mots à l’oreille ; tous se réunissaient pour m’assurer que nous devions être bien tranquilles, que les vrais Français veillaient pour nous.

Vers le soir on nous laissa partir, mais alors tout avait bien changé ; nous quittâmes notre auberge au milieu des plus vives acclamations ; des femmes du peuple en pleurs prenaient nos mains et les baisaient ; de tous côtés chacun s’offrait à nous suivre pour éviter, nous disaient-ils, un guet-à-pens, que les ennemis de l’Empereur nous avaient dressé à quelque distance de la ville. Ce singulier changement des esprits venait de ce que beaucoup de gens des campagnes, et grand nombre des fédérés étaient entrés dans la ville et gouvernaient désormais l’opinion.

 Mardi 4 - Arrivée à Rochefort

A peu de distance de Rochefort, nous rencontrâmes de la gendarmerie, qui, sur le bruit de notre mésaventure, avait été expédiée au devant de nous. Nous arrivâmes à deux heures du matin à Rochefort ; l’Empereur y était depuis la veille [1]. Le prince Joseph y arriva le soir même : je le conduisis à l’Empereur.

Je profitai du premier instant de loisir pour donner avis au président du conseil d’État des motifs qui m’en avaient fait absenter : « Des événemens grands et rapides, lui écrivais-je, m’ont mis dans le cas de m’éloigner de Paris, sans le congé nécessaire. La nature et la gravité des circonstances ont amené cette irrégularité : j’étais de service auprès de l’Empereur au moment de son départ ; je n’ai pu voir s’éloigner le grand homme qui nous a gouvernés avec tant de splendeur, qui se bannit pour faciliter les destinées de la patrie, auquel il ne reste aujourd’hui de la toute-puissance que sa gloire et son nom ; je n’ai pu, dis-je, le voir s’éloigner sans céder au besoin de le suivre. Au temps de la prospérité il daigna verser sur moi quelques faveurs ; aujourd’hui je lui dois tous les sentimens et toutes les actions qui m’appartiennent, etc.

 Mercredi 5 au Vendredi 7 - Calme de l’Empereur

A Rochefort l’Empereur ne portait plus d’habit militaire. Il était logé à la préfecture ; beaucoup de monde demeurait constamment groupé autour de la maison ; de tems à autre des acclamations se faisaient entendre ; l’Empereur se montra deux ou trois fois au balcon de la préfecture. Beaucoup de propositions lui sont faites par des généraux qui viennent en personne ou envoient des émissaires particuliers.

Du reste, pendant tout le séjour à Rochefort, l’Empereur y est constamment comme aux Tuileries ; nous ne l’approchons pas davantage ; il ne reçoit guère que Bertrand et Savary, et nous en sommes réduits aux bruits et aux conjectures sur ce qui le concerne. Toutefois il paraît que l’Empereur, au milieu de l’agitation des hommes et des choses, demeure calme, impassible, se montre très indifférent et surtout très-peu pressé.

Un lieutenant de vaisseau de notre marine, commandant un bâtiment de commerce danois, vient s’offrir généreusement pour le sauver. Il propose de le prendre seul de sa personne, garantit de le cacher si bien qu’il échappera à toute recherche, et offre de faire voile immédiatement pour les Etats-Unis. Il ne demande qu’une légère somme pour indemniser ses propriétaires des torts possibles de son entreprise. Bertrand l’accorde, sous certaines conditions, qu’il rédige en mon nom, et je signe ce marché fictif, en présence et sous les yeux du préfet maritime.

 Samedi 8 - Embarquement de l’Empereur

L’Empereur gagne Fourras, vers le soir, aux acclamations de la ville et de la campagne ; il couche à bord de la Saal, qu’il atteignit sur les huit heures ; j’y arrivai beaucoup plus tard ; j’avais conduit Mme Bertrand dans un canot parti d’un autre endroit.

 Dimanche 9 – L’Empereur visite les fortifications de l’île d’Aix

J’accompagne l’Empereur, qui débarque à l’île d’Aix d’assez bon matin ; il visite toutes les fortifications et revient déjeuner à bord.

 Lundi 10 - Première entrevue à bord du Bellerophon

Dans la nuit du dimanche au lundi, je suis expédié, avec le duc de Rovigo, vers le commandant de la croisière anglaise, pour savoir si on y avait reçu les sauf-conduits qui nous avaient été promis par Je Gouvernement provisoire, pour nous rendre aux Etats-Unis. II fut répondu que non ; mais qu’on allait en référer immédiatement à l’amiral commandant. Nous posâmes la supposition que l’Empereur Napoléon sortît sur les frégates avec pavillon parlementaire, il fut répondu qu’elles seraient attaquées. Nous parlâmes de son passage sur un vaisseau neutre ; il fut dit que tout bâtiment neutre serait strictement visité, et peut-être même conduit aux ports anglais ; mais il nous fut suggéré de nous rendre en Angleterre, et affirmé qu’on ne pouvait y craindre aucun mauvais traitement. Nous étions de retour à deux heures après-midi.

Le vaisseau anglais le Bellerophon, à bord duquel nous avions été, nous suivit et vint mouiller dans la rade des Basques, pour se trouver plus à portée de nous. Les bâtimens des deux nations demeuraient en vue et très proches les uns des autres.

En arrivant sur le Bellerophon, le capitaine anglais nous avait adressé la parole en français ; je ne me hâtai point de lui dire que je pouvais, tant bien que mal, entendre et parler un peu sa langue. Quelques expressions entre lui et d’autres officiers anglais, devant le duc de Rovigo et moi, eussent pu nuire à la négociation, si je fusse convenu que je les avais comprises. Lors donc que, quelque temps plus tard, on nous demanda si nous entendions l’anglais, je laissai le duc de Rovigo répondre que non. Notre situation politique suffisait d’ailleurs pour me débarrasser de tout scrupule, et rendait ma petite supercherie fort simple ; aussi je n’en parle que parce qu’étant demeuré depuis une quinzaine de jours avec toutes ces personnes, j’ai été contraint de me gêner beaucoup pour ne pas découvrir ce que j’avais caché d abord, et que plus tard, dans la traversée pour Sainte Hélène, quelques uns des officiers anglais ne furent pas sans observer que je faisais des progrès bien rapides dans leur langue. Au fait, je lisais l’anglais ; mais j’avais la plus grande difficulté à l’entendre ; il y avait plus de treize ans que je ne l’avais pratiqué.

 Mardi 11 – L’Empereur incertain sur le parti qu’il doit prendre

Toutes les passes étaient bloquées par des voiles anglaises. L’Empereur semblait encore incertain sur le parti qu’il prendrait ; il était question de bâtimens neutres, de chasse-marées montés par de jeunes aspirans ; on continuait des propositions du côté de la terre, etc.

 Mercredi 12 – L’Empereur à l’île d’Aix

L’Empereur débarque à l’île d Aix au milieu des cris et de l’exaltation de tous. Il quittait les frégates ; elles avaient refusé de sortir, soit faiblesse de caractère de la part du commandant, soit qu’il eût reçu de nouveaux ordres de la part du Gouvernement provisoire. Plusieurs pensaient que l’entreprise pouvait être tentée avec quelques probabilités de succès ; cependant il faut convenir que les vents furent constamment défavorables.

 Jeudi 13 - Appareillage des chasse-marées

Le prince Joseph est venu dans le jour voir son frère à l’île d Aix. L’Empereur, vers onze heures du soir, est à l’instant de se jeter dans les chasse-marées ; deux appareillent avec plusieurs de ses paquets et de ses gens : M de Planat était sur l’un d’eux.

 Vendredi 14 - Seconde entrevue à bord du Bellerophon - Lettre de Napoléon au Prince Régent

Je retourne à quatre heures du matin avec le général Lallemand, à bord du Bellerophon, pour savoir s’il n’était arrivé aucune réponse. Le capitaine anglais nous dit qu’il l’attendait à chaque minute, et il ajouta que si l’Empereur voulait dès cet instant s’embarquer pour l Angleterre, il avait autorité de le recevoir pour l’y conduire. Il ajouta encore que d’après son opinion privée, et plusieurs autres capitaines présens se joignirent à lui, il n’y avait nul doute que Napoléon ne trouvât en Angleterre tous les égards et les traitemens auxquels il pouvait prétendre ; que dans ce pays le prince et les ministres n’exerçaient pas l’autorité arbitraire du continent ; que le peuple anglais avait une générosité de sentiment et une libéralité d’opinion supérieures à la souveraineté même.


Lundi 7 août 1815 - Plymouth
L’Empereur est transféré du Bellerophon au Northumberland

- Samedi 15, l’Empereur embarque à bord du Bellerophon, qui met la voile, le même jour, pour la rade de Torbay, en Angleterre.
- Mercredi 26, le Bellerophon mouille à Plymouth
- Lundi 7 août, l’Empereur est transféré sur le Northumberland, qui appareille pour Sainte-Hélène


[1ITINÉRAIRE DE L’EMPEREUR

- Parti le 29 juin et couché à Rambouillet
- Le 30, couché à Tours.
- Le 1er juillet, couché à Niort.
- Le 2, il part de Niort, et arrive le 3 à Rochefort.
- Séjourne jusqu’au 8.
- Se rend à bord du Bellerophon le 15

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