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1847 - La création de la colonie agricole de Medjez-Amar (Algérie)

"on dirait une immense prison à ciel ouvert"

vendredi 15 avril 2016, par Pierre, 796 visites.

Plan général de cette étude Références et bibliographie

L’abbé Landmann et Jean de Luc obtiennent la concession de Medjez-Amar en 1847 : 500 ha d’une terre aride dont le défrichement sera le travail d’enfants abandonnés et d’orphelins pauvres amenés de métropole, sous la direction des frères de la "congrégation" de Jean de Luc.
Celui-ci, introuvable en Charente-Inférieure, est en Algérie, où il prépare, avec l’abbé Landmann, l’accueil des premiers enfants charentais.

 Medjez-Amar, (le gué rouge), « une immense prison à ciel ouvert »

« Medjez-Amar, camp établi sur l’une et l’autre rive de la Seybouze, au pied du Raz-el-Akba, le plus saillant des ressauts de terrain que l’on ait à franchir pour passer des contrées basses aux plateaux élevés, et à l’intersection de deux zones dont l’une appartient à la région de Bone, et l’autre à celle de Constantine. C’est un espace circulaire qui semble fermé de tous côtés par plusieurs enceintes de montagnes concentriques, dont les hauteurs augmentent en proportion de leur éloignement. Aucune issue ne se révèle. L’échappée par laquelle on descend aux plaines inférieures, la rampe par laquelle on monte aux lieux supérieurs, se dérobent également entre les plans fuyants de la montagne. On dirait une immense prison à ciel ouvert. » [1]

Voir aussi :
- 1837 – 2ème expédition et prise de Constantine - Google livres
- Itinéraire de l’Algérie, de Tunis et de Tanger - Louis Piesse – 1882 – BNF Gallica

Vue satellite du site de Madjez-Amar

En 1847, quand l’abbé Landmann obtient une concession à cet endroit pour y créer une colonie agricole destinée aux orphelins pauvres et aux enfants abandonnés de métropole, il existe déjà en Algérie plusieurs établissements de cette sorte (Ben-Aknoun, Bou-Farik et Misserguin).

Les travaux d’aménagement des locaux vont durer de 1847 à 1849.

Plan de la colonie agricole de Medjez-Amar

La légende de cette carte est ainsi formulée : « Algérie — Province de Constantine — Cercle de Guelma — Service topographique — Plan de la concession du territoire de Medjez-Ammar, accordée à Monseigneur Bagnoud par décret impérial du 30 juin 1855 — Superficie : 503 h. 14 a. 80 c. » Le plan est signé : « Pour copie conforme Constantine le 4 octobre 1855 Le Chef de Service (illisible). » La rivière (Oued Seybouse) coule en direction du N.-E., et la route se rend, dans la même direction, à Guelma. [2]

 Description de la concession en 1850 :

Une première présentation qui semble sortie d’un dépliant publicitaire ou d’un dossier de presse !

« L’étendue des terrains est de 500 hectares, dont 80 en culture, 170 en pâturages et en prairies naturelles, et 250 en broussailles. Il y a deux corps de bâtiments de 25 mètres de longueur sur 10 de largeur. Le ministre de la guerre a concédé les bâtiments qui formaient l’ancien camp de Medjez-Amar et les 500 hectares à MM. de Luc et à M. l’abbé Landmann pour y fonder un établissement d’orphelins pour toute la province de Constantine. M. l’abbé Landmann est arrivé en 1847 à Medjez-Amar avec 15 orphelins de 12 à 18 ans, et 6 frères pris dans la colonie de Notre-Dame-des-Vallades. La population de la colonie est maintenant de 52 enfants, dont 16 sont employés à diverses industries nécessaires à l’exploitation, 11 aux travaux des champs, et 25 qui, n’ayant pas encore 12 ans, ne peuvent pas travailler. Depuis la fondation, 8 enfants sont morts. Les enfants ont défriché, depuis seize mois, 50 ares de jardin d’été, 50 ares de jardin d’hiver, et ont contribué beaucoup au défrichement de 8 hectares, fait en partie par des militaires, en partie par des Arabes. Le matériel agricole a été créé par les enfants. La colonie possède 12 paires de bœufs, 4 mulets et 1 mule, 1 cheval, 6 ânes, 40 vaches, 30 veaux, 185 brebis et moutons, 12 chèvres et 125 porcs. On a récolté 56 hectolitres d’orge, dont un cinquième a été laissé aux khommas, cultivateurs arabes, qui, en échange de leur travail, reçoivent le cinquième de la récolte. Les blés ne sont pas encore dépiqués ; on espère en avoir au moins 400 hectolitres.

La durée du travail des enfants est de huit heures. Ils apprennent à lire, à écrire et à calculer ; les quatre plus âgés apprennent un peu d’histoire et de géographie. Ils vont tous les jours à l’école, une heure et demie le matin et autant le soir. Ils apprennent le catéchisme du diocèse pendant la semaine, et, le dimanche, on leur fait une instruction sur l’Évangile.

Les colons mangent toujours cinq fois de la viande par semaine et très-souvent six fois, parce qu’ils ont une dispense pour le samedi. Depuis la Toussaint jusqu’à la fin de mai, ils ont tous les matins le café au lait, et pendant l’été, un morceau de pain avec un verre de, vin et d’eau ; à midi, la soupe, un plat de légumes, et un morceau de viande ; à quatre heures et demie, un morceau de pain, et le soir, la soupe et un plat de légumes.

L’habillement consiste en bonnets béarnais, vestes, pantalons de drap gris, cravates rouges, blouses bleues, et souliers en été, et sabots en hiver.

Literie : cadres de bois avec sangles, paillasse , drap plié en deux, traversin bourré de laine, une couverture de laine en été , deux en hiver.

La colonie a reçu du ministère de la guerre une subvention de 20,000 fr, qui a servi à approprier les bâtiments à leur nouvelle destination. Le fondateur reçoit 90 centimes pour chaque orphelin que l’administration place à la colonie. En ce moment, cette pension est faite pour 40 enfants.

Le système de récompenses adopté par le fondateur lui permet de former un pécule pour les colons. Ainsi les enfants de 6 à 9 ans ont 10 centimes par semaine ; ceux de 9 à 12, 20 centimes ; de 12 à 15, 30 centimes ; de 15 à 18, 40 centimes , et de 18 à 21, 50 cent. Cet argent ne leur est donné qu’à l’époque de leur sortie de l’établissement, à 21 ans. » [3]

Une autre description [4] de 1856 moins riante.

« L’orphelinat de garçons de la province de Constantine a été placé à Medjez-Amar, entre Guelma et les Eaux-Chaudes de Hammam-Meskhoutine, dans un bassin formé au confluent du Bouham et de l’Oued-Cherf. Lors de l’expédition de Constantine en 1846, l’armée, partie de Bône, suivit l’ancienne route arabe, et un camp fut établi en cet endroit. Un rideau de montagnes y abrite parfaitement des vents du nord ; mais on y reste exposé à ceux du midi. Les deux rivières qui, réunies, prennent le nom de Seybouse, débordent à l’époque des pluies, et leurs eaux, stagnant dans les parties basses, causent, pendant la saison d’été, des fièvres d’une malignité excessive.
Le sol est fertile, malgré les couches imperméables d’argile sur lesquelles il repose ; la terre végétale a près d’un mètre de hauteur dans une partie des terres arables. Ces terres, ainsi que celles propres au pâturage, comprennent la moitié environ du territoire ; l’autre moitié est couverte de massifs d’oliviers et de massifs plus étendus de broussailles improductives.

Les eaux potables sont peu abondantes. Deux sources, qui filtrent à travers des rochers, disparaissent en été ; il ne reste alors qu’une fontaine d’un faible débit, qui est située à 300 mètres de l’établissement.

M. l’abbé Landemann [5] s’installa, en 1849, avec 15 orphelins dans les bâtiments construits par le génie, qui lui furent abandonnés avec une concession de 500 hectares. Il reçut de plus une subvention extraordinaire de 20,000 fr. La généreuse protection du général de Saint-Arnauld, alors commandant supérieur de la province de Constantine, l’aida dans ses débuts.

Il avait pour coopérateur et pour associé M. de Luc, ancien militaire, qui avait quitté l’épaulette pour endosser une bure grossière de moine. Ce saint religieux s’était voué depuis plusieurs années à l’éducation des enfants, s’était attaché quelques disciples et avait fondé avec eux, aux environs de Saintes, dans le département de la Charente-Inférieure, un établissement agricole. Une dizaine de Frères de la Croix et 27 enfants l’avaient suivi en Afrique. Ces enfants, joints à tous ceux que la province de Constantine n’avait cessé d’envoyer, dès la fin de 1851 avaient élevé à 87 le nombre des orphelins de Medjez-Amar. »


[1L’expédition de Constantine - Revue des deux mondes - Paris – 1838 - Voir sur Google livres

[2Les échos de Saint-Maurice - 1935, tome 34, p. 25-134 - François-Marie Bussard - La coopération de l’Abbaye de St-Maurice à l’œuvre missionnaire.

[3Des Colonies Agricoles établies en France en faveur des jeunes détenus, enfants trouvés, pauvres, orphelins et abandonnés – Précis historique et statistique – Jules de Lamarque et Gustave Dugat – Paris – 1850 - voir en ligne

[4La colonisation de l’Algérie, ses éléments - Louis de Baudicour - Paris - 1856 - BNF Gallica

[5l’abbé Landemann, en 1841, avait publié un projet de colonisation sous le titre de Fermes du Petit-Atlas, et depuis avait adressé plusieurs Mémoires au roi Louis-Philippe pour la colonisation de l’Algérie. Il est aujourd’hui [1856] curé de l’une des paroisses d’Alger, qu’il édifie par son dévouement charitable.

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